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Derrière le manoir

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Message  Jonjon Mer 17 Jan 2007 - 19:38

Le temps était gris et nous avions décidé, Patrick et moi, même sous la menace des sombres nuages d’avril, d’aller explorer le vaste terrain de golf qui s’étendait derrière le manoir des Sables, là où nous logions pour le week-end. Plusieurs mois se sont écoulés déjà depuis ce soir maudit, mais je me souviens que nous étions sortis à la brunante, un peu ennuyés par l’étroitesse de notre chambre, avec l’idée de profiter des quelques heures qu’il nous restait avant la nuit. L’air était frais. Frissonnant. Sans vent, vraiment, à peine un courant d’air, de quoi nous chatouiller un peu la nuque, assez pour nous donner à tous les deux la chair de poule.
Le sol était mal entretenu. Des mares d’eau et de boue croupissaient ça et là sur les allées, et il y en avait tant, souvent en des lieux si mal éclairés que, malgré toutes les précautions que je prenais, j’y trempais parfois une chaussure ou deux. Je finis vite par attraper froid, mais trop orgueilleux pour l’avouer, je continuai mon chemin aux côtés de mon ami. Voilà longtemps que je n’étais pas sorti de mon chez-moi, de ma petite ville où j’avais passé les dernières vingt-deux années de ma vie, de mon quartier que je connaissais trop bien et qui m’ennuyait mortellement.
Nous dûmes marcher au moins vingt minutes, les mains dans les poches, à un rythme assez lent, au rythme des conversations légères que nous entretenions, avant d’arriver au lac. C’était un petit lac - là où nous étions, il n’était pas plus large qu’une rivière - entouré de carcasses d’arbrisseaux, dont l’eau était si sale qu’on aurait dit un marais. Et pourtant, il me sembla qu’il dégageait quelque chose. À vrai dire, je le trouvais magnifique. Je ne saurais décrire adroitement l’impression que j’en garde, car dès que mes pensées s’y s’attardent, dès que je m’efforce de le voir clairement dans ma tête, la chose revient. Et la peur efface tout.
Les derniers golfeurs avaient quitté le terrain quand nous arrivâmes à destination. Nous étions seuls dans l’obscurité et notre unique éclairage provenait de quelques chalets habités sur l’autre rive. C’était à peine assez pour discerner la silhouette du paysage. Mais bien suffisamment pour voir le lac. Il paraissait presque théâtral, comme s’il se trouvait sous des projecteurs invisibles.
Ce fut, du moins, bien assez pour voir la chose.
Je pourrais la nommer « monstre » si j’avais la certitude que c’en était un, mais on m’a proposé depuis un nombre incalculable d’explications plus ou moins logiques - enfin, un peu plus rationnelles que celle d’un monstre vivant dans les « profondeurs » d’un lac - que mon esprit ne parvient plus à distinguer probable et improbable, possible et impossible. Ce que je sais par contre, c’est que ce que j’ai vu se trouve à la frontière très contestable du naturel. Mais je ne peux pas déterminer dans quelle catégorie il faut la placer. Il est bien possible qu’elle fut les deux à la fois : naturelle et surnaturelle. C’est pour cette raison que je la nomme chose, voilà bien le seul fait la concernant dont je sois certain : elle existait et existe probablement toujours.
- Tu sais cette fille dont je te parlais...
- Christina?
Son entrée en matière et mon interrogation n’étaient que purs abus de rhétorique : nous savions tous deux de qui il était question. Christina avait été l’objet de beaucoup de discussions au cours des dernières semaines.
- Oui.
Il marqua une pause comme s’il réfléchissait à comment annoncer la chose. Il se pencha pour prendre un galet puis se redressa. Je suppose qu’il conclut qu’il n’y avait qu’une seule manière de le dire vraiment.
Il me la dit :
- Je l’aime...
Et il lança son caillou à l’eau, lui fit faire trois bonds, comme des points de suspension au bout de sa phrase. Je ne dis rien. Je savais qu’il n’attendait pas une quelconque approbation de ma part : il connaissait mon opinion sur cette fille, je lui avais déjà avoué la détester profondément et il avait passé les deux heures suivantes à essayer de me vendre ses atouts. Ni lui ni moi ne souhaitions relancer le débat ; de toute façon, sa « décision » était prise, il l’aimait, et toutes mes protestations, aussi sincères et bienveillantes fussent-elles, n’auraient mené à rien.
Quelques minutes passèrent au cours desquelles nous lancions mécaniquement galet après galet, pour remplir le silence je suppose, pour faire croire que nous étions trop occupés à faire quelque chose de trop important pour parler. Je regrette ces instants, pour plusieurs raisons, mais surtout parce que ces galets de malheurs réveillèrent une horreur qui, encore à ce jour, m’empêche de dormir.
Ça naquit au centre d’un cercle, là où venait de plonger un galet après un impressionnant septième bond. Ce fut tout d’abord imperceptible. Puis, quelques galets plus tard, alors que toutes les rides causées par les autres cailloux avaient disparu, celles-là, au tiers de la distance qui nous séparait de l’autre rive, s’éloignaient sans fin, se multipliaient sans cesse, transformant bien vite ce petit cercle inoffensif en une inquiétante onde de choc d’au moins trois mètres de diamètre, onde qui, à notre plus grand effroi, continuait de s’étendre.
Il aurait fallu courir, voilà ce que j’en conclus aujourd’hui. Fuir m’aurait épargné beaucoup de nuits blanches. Mais même si nous avions voulu courir, nos pieds seraient restés vissés au sol et nous aurions continué de regarder impuissants le lac se déchaîner. Je ne comprends pas encore comment les gens de l’autre rive parvinrent à ne jamais voir ou entendre ce semblant de cataclysme, mais aucun d’eux ne s’est manifesté à ce jour pour corroborer mes souvenirs. Ou peut-être qu’ils doutent, comme moi, de l’existence de ce phénomène.
Patrick s’est accroché à mon bras. Quelque chose sortait du lac. Une sphère, une tête en conclus-je, de la grosseur d’un ballon de soccer, apparut à la surface de l’eau. Elle resta à moitié dévoilée comme ça, pendant au moins dix secondes, et même si je ne voyais pas ses yeux, je savais qu’elle nous épiait. Ma première pensée fut de me demander si cette créature avait des pattes et si, par conséquent, elle pourrait monter sur le sol et nous dévorer. Mais au bout des dix secondes, la sphère replongea sous l’eau avec un bruit de succion et une minute plus tard, il ne restait plus aucune trace de son apparition.
- Rentrons, dit-il.
Sa voix était loin, très loin en lui, et ce n’était que l’écho d’une voix qui me parvenait. J’acquiesçai et nous rebroussèrent chemin.
Nous rentrâmes, je me souviens, en silence, d’un silence aussi religieux que le pape et nous montâmes à notre chambre nous coucher. Je sais que, dans les ténèbres terrifiantes de la nuit, nous ne voulions pas fermer l’oeil. Mais la fatigue me gagna et je finis par m’endormir. Ce fut ma première nuit de cauchemars et je me réveillai tôt, en sueur, avec l’impression de ne pas avoir dormir du tout. Je tournai la tête vers Patrick : son lit était inoccupé. Les couvertures étaient encore défaites.
- Patrick ? l’appelai-je.
Je fis le tour de la chambre. Ses bagages n’étaient plus là. Je m’habillai, descendis jusqu’au stationnement à la recherche de sa voiture, et m’aperçus qu’elle n’était plus là. Il était parti.
Je ne revis plus jamais Patrick. À mon retour en ville le dimanche, on me raconta qu’il n’était jamais rentré. Et il ne rentra, d’ailleurs, jamais.
Il était peut-être retourné au lac.
Peut-être avait-il voulu s’éloigner du lac le plus possible?
Peut-être avait-il trépassé en faisant l’un ou l’autre...
Jusqu’à ce que le destin me révèle la réponse, je sais que mes nuits resteront blanches et mes pensées, noires comme la mort.
Jonjon
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Message  mentor Mer 17 Jan 2007 - 20:50

galet après galet, pour remplir le silence je suppose, pour faire croire que nous étions trop occupés à faire quelque chose de trop important pour parler. Je regrette ces instants, pour plusieurs raisons, mais surtout parce que ces galets de malheurs réveillèrent une horreur qui, encore à ce jour, m’empêche de dormir.
Ça naquit au centre d’un cercle, là où venait de plonger un galet après un impressionnant septième bond. Ce fut tout d’abord imperceptible. Puis, quelques galets plus tard


Un peu trop de GALETS en quelques lignes je trouve... :-))))

J'aime l'atmosphère que tu installes, Jonjon, c'est bien fait.
C'est glauque, pesant, sombre.
C'est bien écrit, avec soin, hormis la maladresse ci-dessus facile à corriger...
Et c'est parfait que le lecteur ne sache pas en finalité ce qu'était cette CHOSE, ni ce qu'est devenu Patrick, ça c'est bien.

J'en veux d'autres des textes comme ça, Jonjon ! ;-)

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Message  Jonjon Mer 17 Jan 2007 - 20:54

hahahaha!

Quelques minutes passèrent au cours desquelles nous lancions mécaniquement galet après galet, pour remplir le silence je suppose, pour faire croire que nous étions trop occupés à faire quelque chose de trop important pour parler. Je regrette ces instants, pour plusieurs raisons, mais surtout parce que nous réveillâmes une horreur qui, encore à ce jour, m’empêche de dormir.
Ça naquit au centre d’un cercle, là où venait de plonger un galet après un impressionnant septième bond. Ce fut tout d’abord imperceptible. Puis, quelques instants plus tard, alors que toutes les rides causées par les autres cailloux avaient disparu, celles-là, au tiers de la distance qui nous séparait de l’autre rive, s’éloignaient sans fin, se multipliaient sans cesse, transformant vite ce petit cercle inoffensif en une inquiétante onde de choc d’au moins trois mètres de diamètre, onde qui, à notre plus grand effroi, continuait de s’étendre.

Mieux?
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Message  Sahkti Jeu 8 Fév 2007 - 15:24

Suis partagée Jonjon. Je trouve qu'il y a trop de détails, c'est parfois trop long, trop lourd. Je comprends ton souhait de rendre l'atmosphère lourde, de créer une ambiance particulière mais j'ai un sentiment de "too much" qui nuit à la qualité de ton texte.
Autre petit bémol de ma part: c'est trop narratif et pas assez spontané, pas vivant. Trop "laborieux" pour quelqu'un qui raconte une histoire qui l'a effrayé.
Sinon, comme Mentor, j'aime bien le mystère que tu conserves à propos de la chose et du départ de Patrick.
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Message  Bob Sam 24 Fév 2007 - 0:36

Peut-être le ton (narratif), le temps de la narration (l’histoire racontée après coup par un des protagonistes) ne sont-ils pas spécialement adaptés au genre « horreur » ou « frisson »…

En tout cas, pour ce qui est du ton (pris en tant que tel) et de la structure globale du texte, c’est rudement bien mené ! ;-)

J’ai vraiment trouvé le style très agréable à lire, très fluide (même si beaucoup de détails). Et, comme les autres, j’aime beaucoup le mystère que tu laisses persister après coup.

Donc, globalement, même avis que mentor : encore !

Bob

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Message  Bob Sam 24 Fév 2007 - 2:08

Bob a écrit:Donc, globalement, même avis que mentor : encore !

Je veux dire : encore des textes comme celui-ci !

Bien que je n'ai rien contre le fait d'être aussi : encore du même avis que mentor ! ;-))))))

Serait peut-être temps d'éteindre l'ordi, non ?

Bob

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Message  benedicte Dim 25 Fév 2007 - 12:29

j' ai vraiment aimé ce texte les galets ne m'ont pas dérangée juste quelquefois les temps des verbes j'ai du relire parce que je me perdais mais je ne suis pas spécialiste du tout. le sentiment qui se dégage me plait bien pas le coté fantastique ou horreur ou frisson non juste l'amitié, la cassure et le doute qui subsiste le mal être qui est décrit est appuyé par la longueur et les détails mon avis super bien écrit et ça se lit sans ennui
benedicte
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