Poésie d’aujourd’hui : Partageons nos découvertes

Constat rapide : la poésie contemporaine est difficile d’accès, je veux dire au sens littéral du terme. Par exemple à la FNAC de ma ville, la poésie a juste droit à une malheureuse colonne dans un coin sombre, placée entre le théâtre et le roman à l’eau de rose (fallait oser, ils l’ont fait !), à la librairie en face de l’Université section Philosophie et Lettres, ce n’est pas mieux, la poésie est juste à côté de l’économie et des sciences politiques (quoique ça ouvre quand même des perspectives du type « les poètes au pouvoir ») et ce n’est pas tellement plus fourni. En fait quand on retire les poètes au programme scolaire (en gros jusqu’au XIXe siècle compris) il n’y a plus grand-chose dans les librairies. Reste les achats sur le NET, mais là, difficile de feuilleter et de faire des découvertes.
Je propose donc qu’on partage nos rencontres, goûts, trouvailles ... sur cette littérature toujours vivante, mais peu diffusée.


Si ce fil n’est pas à la bonne place, je suppose qu’un gentil modérateur y remédiera.

excellente idée !

Bon, je me lance : il y a quelques mois, j’ai découvert William Cliff tout simplement en lisant la presse quotidienne. Il venait de recevoir le prix quinquennal de la littérature en Belgique.

C’est un poète belge dont l’écriture est rythmée par l’utilisation systématique du même nombre de pieds; le plus souvent il écrit en alexandrins.
Il a été découvert par Raymond Queneau.

Je pense que le mieux, si vous désirez en savoir plus, c’est de lire l’article du Matricule des Anges :

http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=15370

Sinon, je remercie Hellian qui nous a fait rencontrer et donc découvrir Jude Stefan. Pas spécialement facile d’accès, ça me demande un effort pour pénétrer cet univers qui n’est pas le mien (pas mal de références au latin et au grec ancien), mais vraiment intéressant si l’on s’en donne la peine, mais là c’est encore trop neuf pour moi pour pouvoir vraiment en parler.

Philippe Boisnard pour la poésie visuelle :

http://www.databaz.org/videos/dunkerkmix.mov

très très bonne idée !

Antoine Emaz, un poète angevin reconnu nationalement :
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/emaz/emaz.html

et au passage j'en profite pour faire (re)découvrir ce site superbe

tout sur le typon.

http://www.cetteadressecomportecinquantesignes.com/Typons.htm

Oui d'accord, c'est bien de mettre ainsi des liens, mais ce ne serait pas mal non plus de publier des extraits des oeuvre ainsi référencées.

Difficile d'en choisir l'un ou l'autre à vrai dire, parmi mes récents coups de coeur. Vais faire une petite sélection...

« Il est temps d’entendre
Ce qu’on ne veut pas entendre
Entendre ce qui ne fait pas de bruit
Le sang ne fait pas de bruit
L’oiseau mort
Ne fait pas de bruit
Marcher sur un nuage
Ne fait pas de bruit
Laisser faire
Ne fait pas de bruit
Se taire
Ne fait pas de bruit
Mais tout ce silence
De tous ceux qui se taisent
Fait un bruit à ne plus vivre
Mentir ne fait pas de bruit
Mais mentir mentir sur mentir
Finit par faire un bruit à ne plus s’entendre
Un bruit de fin du monde
La mort
Ne fait pas de bruit. »
Meschonnic

Je me dis souvent que tel ou tel texte ne pourrait pas être publié aujourd'hui, non pour une question de qualité, plutôt de forme et/ou de contenu, mais je n'ai jamais cherché à savoir plus objectivement quels sont les critères qui me faisaient dire ça. J'imagine que ça serait intéressant de les chercher ensemble, de définir ici ce que vous pouvez ressentir de l'écriture contemporaine. Sans oublier que l'écriture est fondamentalement liée au monde.
Par exemple (c'est aussi en lien avec mes travaux), pour moi il y a une recherche d'identité dans cette écriture, une identité dans un monde éparpillé qui nous coule entre les doigts sans que l'on parvienne à se situer au coeur du tourbillon. Cela se traduit par des formes éclatées. Par exemple.

Je m'excuse, j'ai pris le "difficile d'accès" dans son sens plus abstrait
peut être faudrait-il créer un autre fil : celui ci diffuse, l'autre réfléchirait.

Moi je vous invite à découvrir Lucien Suel, un monsieur qui sait tout faire et le fait bien : http://luciensuel.blogspot.com/

Waouw, ça en fait des choses à aller voir...je vais aller picorer tout ça.

Rêvelin, j’ai été voir ce que tu as mis sur Antoine Emaz, ce que j’ai lu me plaît beaucoup, va falloir que je creuse un peu plus.
Sinon je suis tombée par hasard sur « Entre nuit et soleil » de Lionel Ray et waouh, magnifique. Je vais essayer de vous mettre un extrait un de ces soirs, mais ce n’est pas évident, la mise en page et la typographie ont beaucoup d’importance.

On est d'accord, la poésie contemporaine ne se résume pas à aç
mais c'est une bonne partie : )
bien faite cette vidéo !

Je conseille aussi Charles Juliet, ces poèmes, et tous ses autres textes (c'est très très lié)

ps : je dois même dire que je trouve intéressants les performances, mais que ce n'est pas du tout ce que je préfère pour autant !
Bernard Noel
Meschonnic
Artaud ...
je reviendrai : )

Je vous livre un petit poème de Serge Delaive que j'aime beaucoup et qui est particulièrement de circonstance. En espérant vous donner envie d'en découvrir plus de lui.






J'ai fait tomber la pluie
pour tirer un rideau
sur la fenêtre de cette chambre
où je vacille
Je me suis couché dans le lit
trop grand ce radeau
qui m'emporte sans détours
vers de piètres naufrages
J'ai fait tomber la pluie
facile dans ce pays où
docile elle obéit toujours.

belle idée ! que de connaissances et découvertes dans ce sujet !

(je n'aime pas l'idée que la pluie puisse être "docile" - mais ça me regarde)

J'ai vu la vidéo...Il serait navrant de laisser croire que la poésie contemporaine se réduit à ces tentatives éructatoires. A l'exception d'Edith Azam qui s'inscrit dans une recherche élaborée, le reste me parait relever du numéro de cirque plus ou moins réussi. Il en va de la poésie comme de la peinture où l'art s'enlise dans le marécage des tentatives. Mais il est heureux néanmoins qu'il en soit ainsi, car c'est en brisant les conventions que fleurit la promesse du beau.

Lucien Becker

"IL me faut aller vite dans tous les sens
parce que partout autour de moi
des femmes qui vont mourir se donnent
à des hommes dont la mort est pour demain.

Je dépense sans compter l'or de l'amour,
je goûte à ton corps comme à un verre
dont je n'ai pas le temps d'achever le contenu
parce que j'ai la main de la mort sur la gorge.

Il importe peu que je dise mon nom
à celles que je rencontre sur la route :
ma mort n'aura pour témoin que le visage
dont j'aurai vécu de tout mon regard."

http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/becker.html

http://www.netvibes.com/florencetrocme#une

voici le netvibes du plus gros site de poésie contemporaine, j'ai nommé Poezibao. C'est très complet, très intéressant.
Je vous conseille, bien sûr, d'aller voir le site lui même (http://poezibao.typepad.com/poezibao/) et de vous abonner à la newsletter.

Par ailleurs, je continue à animer un groupe facebook (https://www.facebook.com/group.php?gid=120737664606595&ref=mf) sur la Littérature où je poste beaucoup de choses en rapport avec la poésie contemporaine (j'aimerais bien que les gens participent aussi, mais c'est pas gagné ...). Je ne peux malheureusement pas faire un va et vient constant et poster ici ce que je poste là bas, sauf de temps en temps.

Voici deux moyens de suivre un peu plus, personnellement, la poésie contemporaine.

J'ajoute que je conseille à tous les Extraits du corps de Bernard Noel, c'est génial !

Poezibao est très bien, mais j'ai une préférence pour le site d'Angèle Paoli : http://terresdefemmes.blogs.com/
(et pas seulement parce qu'elle m'y a publiée ! *rire*)

Les Vivants

en Capitales lombardes, Lettrines en
onciale, écriture caroline Ils ont
souillé ta chambre Ils maculèrent
nos murs
par 1017 hectopascals en baisse
Morte qui me souris
Ils ont renié ta robe souci un dimanche
comme Cimbres et Teutons
s’étranglant de leur chevelure
Tu me manques dans ta mort Ils ont
profané ta silhouette rouvert tes
portes Ils ont délaissé ton chien
à la pluie Ils ont envahi ta demeure
en voix reniant fine la tienne
rires et obscénités
qui m’ensanglantent :
que ma toge alors en recouvre ma tête !



300 000 poètes

pendant que beaucoup continuent à
merder leur poème
Chère, le mimosa s’est-il ouvert ?
Rapacité, Vanité, Peur
sont humaines vertus
amour qui détruit
haine qui vrille
à hauteur du visage défunt qui
circulait à bicyclette à travers la
ô femmes règles et mioches avec
point d’interrogation sur la robe
du moment que je passe par les bois
donnez-nous ôtez-nous une vie à l’endroit
du temps regagné à la force des doigts
parfois un crocus




j m j


Je ne sais quelle écharpe flottante
A la bougie
J’ai aboli tous mes souvenirs
j m j
sauvez-nous
jésus sur le dos dans sa crèche
marie aux chaudes entrailles et
joseph qui fut bon pour son âne
vite revenez d’Egypte
où furent Mages et Pyramides
ou encore :
pas un tambour pas une note funèbre
comme nous emportions son cadavre
vers le rempart
- et je signe le poème
Aujourd’hui bel étron





J.S.

Jude Stefan
c'est mâââl de faire ça ^^

J'aime son vocabulaire hétéroclite, le mouvement créé, le rythme et la réflexion qui se dégage, mine de rien, de ce qui semble être au premier abord, peut-être un amas de mots sans destination. Je trouve cela fort et cela me rappelle, très bêtement, parfois, quelques passages des pièces de Shakespeare quand il part dans ses délires ; il y a du comique, du sang, du mouvement, des filles, des mots ... bref c'est délectable et assumé

S'il s'agit de discuter des poèmes de Jude Stefan, l'exercice n'a pas sa place ici. Le fil sera prochainement déplacé ici : https://vosecrits.1fr1.net/t7803-poesie-daujourdhui-partageons-nos-decouvertes

C'est bien le cas, naturellement, mais je ne voulais pas trop mettre en avant l'auteur, pour susciter des réactions diverses.

Je n'aime pas trop la démarche, quand même ; j'aurais aimé que soit fait mention de Jude Stefan quelque part...

alex a écrit:Je n'aime pas trop la démarche, quand même ; j'aurais aimé que soit fait mention de Jude Stefan quelque part...

1) C'est marqué J.S. en bas. Non ? Et le titre, en lui-même, était plus qu'un indice.
2) J'avais déjà envoyé l'un des poèmes sur le fil consacré au concours de poésie, puisque Jude Stéfan dont, je le re-redis, j'aime les nouvelles, sera le président.
3) Tu me soupçonnes de quoi, au juste ? (Je le dis clairement: je n'aime pas du tout, du tout, ces poèmes de J.S. et rougirais qu'on mes les attribue.)
4) Je regrette que des lectrices sagaces aient si vite cité l'auteur. Je pense que, sans cela, pensant qu'il s'agissait de moi, d'aucuns auraient pu avoir la dent dure...

Ah oui, mes excuses, je n'avais pas vu le "J.S."
Je ne soupçonne de rien, je trouvais la démarche douteuse et n'ai pas manqué de le dire : je n'aurais pas aimé être "piégé" de la sorte. Puisqu'on me demande mon avis, je le donne clairement, sinon : ces poèmes, qu'ils soient de toi ou de Jude Stefan... ne m'inspirent malheureusement pas grand chose. Je ne vois pas l'intérêt des extraits présentés, ce qui somme toute reste un avis personnel.

"des lectrices" ? oo
On dirait ma boulangère ...

alex a écrit:Ah oui, mes excuses, je n'avais pas vu le "J.S."
(...)Puisqu'on me demande mon avis, je le donne clairement, sinon : ces poèmes, (...) de Jude Stefan... ne m'inspirent malheureusement pas grand chose. Je ne vois pas l'intérêt des extraits présentés, ce qui somme toute reste un avis personnel.

Je ne trouve aucun intérêt non plus à ces trois textes, pris au hasard dans le recueil "Caprices" (Nrf,quand même...).
Je voulais seulement qu'on prenne conscience d'une orientation d'un concours de poésie quand il est présidé par quelqu'un qui poétise ainsi (ou se fout de nous ?).
Ah! Que n'a-t-il été choisi pour présider le concours de nouvelles, voilà un domaine où il brille.
L'idiot de village, quel plaisir de lecture ! Quelle jubilation !

Le président d'un jury n'a de tâche que de faire en sorte que le débat se passe bien. Il me semble que les jurés savent de quoi ils parlent, ont leurs convictions, et ne sont pas aussi influençables que tu sembles le penser.
Par ailleurs, ton avis est totalement subjectif, même s'il est partagé, et, comme tu le dis si bien, sa poésie est publiée chez Gallimard prouvant par là qu'au moins quelques personnes l'apprécie.
J'ajoute qu'écriture et lecture, s'ils sont étroitement liés (écrire présuppose souvent qu'on sait lire, par exemple), ne sont pas si conjoints qu'on ne puisse aimer Verlaine en écrivant comme Charles Pennequin.

La publication de ses poèmes à la Nrf me semble relever, comme ses poèmes eux-mêmes, du canular. (Sa prose, non, justement.)

Quant à la subjectivité, il va sans dire, non ?

De même pour le dernier point, l'implication non réciproque...

Venons-en donc à nos moutons.

Il s'agit d'un écrivain professionnel, jouissant d'une certaine notoriété, je doute fort que cela soit sans influence sur un jury littéraire.

Je comprends bien l'intérêt pour votre concours d'avoir un président reconnu.
Je regrette simplement, en tant qu'amoureux de la chose poétique, que ce soit Jude Stéfan dont l'œuvre poétique me semble pathétique.
Je remarque, enfin, qu'en dehors de remarques à caractère général, dans lesquelles les auteurs ne se mouillent guère, je n'ai reçu aucune réponse d'un défenseur de la poésie de Stéfan.
Oh uoi! J'aimerais qu'on m'explique, textes à l'appui l'intér$et de sa poésie.

Sérieux tu me gonfles un peu Zenobi ^^
J'ai non seulement dit que ce que tu présentais était de Jude Stefan (or je ne suis pas une fille) mais j'ai aussi apporté un commentaire que tu pourrais quand même prendre en compte ne serait-ce qu'un seul instant !
Pour l'instant c'est toi qui me semble relever du canular.
Il me semble que mon commentaire, si mince qu'il est, en dit plus sur mes raisons d'aimer la poésie de cet auteur que les tiens (c'est pathétique, c'est un canular) n'expliquent tes raisons de le détester. Aussi commence par écouter ce que l'on te dit et ne regarde pas la poutre dans l'œil de ton voisin.

Pour ce qui est du jury, je ne pense pas pouvoir te convaincre et c'est de toute façon sans intérêt. Je ne peux que garantir que mes convictions propres ne seront pas influencées par qui que ce soit. J'ai déjà été trois fois juré et j'ai toujours défendu mes choix avec succès. Je m'arrête là.

Oui zenobi, ça serait bien que tu expliques ce qui te dérange tant dans la poésie de Jude Stefan, sinon on va finir par croire que ta croisade relève plus d'un antagonisme personnel que d'une aversion poétique.

"Canular" ! Ce n'est pas parce que la poésie de Jude Stefan ne correspond pas à ta vision de la poésie que c'est de l'arnaque. Je le répète, ces textes ne m'ont pas particulièrement parlé : pourtant je ne remets pas en cause le talent de l'auteur. C'est un peu fort de café, je trouve, d'être aussi péremptoire !

Je vais recommencer une dernière fois.
En remerciant tout d’abord ceux qui m’ont répondu et en les priant de bien vouloir m’excuser si mes formulations les ont heurtés.
Pour ce qui est du « canular », je souligne que l’auteur aime pimenter ses textes de néologismes et qu’il présente volontiers ceux-ci (cf. une interview très drôle sur France culture l’an passé) comme relevant d’une tromperie humoristique. Je rappelle aussi que ses nouvelles sont, parfois, extrêmement drôles, facétieuses et au bord de l’absurde. Mais passons.

Ce que je demandais, c’est ceci : puisque je ne vois nul intérêt à la poésie de J. Stéfan (pour ce que j’en connais, à savoir : « caprices »), qui saurait, texte à l’appui, me montrer en quoi ses textes ressortissent bien du genre poétique et présentent un intérêt réel.
Il me semble que, sur un forum littéraire, ce genre de demande ne relève pas du scandaleux et qu’on devrait pouvoir dépasser les j’aime/j’aime pas.
Je ne doute pas qu’on puisse « passer à côté » de textes, d’auteurs, ça nous est tous arrivé, bien sûr. Mais, en revanche, une fois la rencontre effectuée, le bonheur ne s’efface pas, ne relève pas du plaisir fugace. (Mais, en général, le jugement esthétique permet de distinguer ce qui relève de nos goûts propres et les qualités avérées de l’œuvre, que celle-ci nous « plaise » ou pas. Un exemple, je suis hermétique aux symbolistes sans pour autant être incapable de percevoir la beauté formelle de leur travail.)
Il se peut donc, en effet, que je passe à côté de la poésie de Stéfan et qu’on puisse y trouver de réelles qualités. J’aurais aimé qu’on me montre ses qualités.
Merci quand même.
Le gaveur.