Face à face

Ils ne sont pas loins, quelques centaines de mètres tout au plus, sûrement moins. D'où il est, Johny peut les entendre. Ce fait contribue à lui tenailler le ventre, l'idée que ceux d'en face rient aux éclats, chantent et parfois même s'engueulent lui déchirent les entrailles. Ils n'ont pas peur. Pour sa part, c'est tout le contraire, le voilà dans le fin fond d'une forêt d'un pays étranger où le froid mordant s'infiltre dans chaque interstice que laisse apparaitre vos vêtements. Ses doigts sont engourdis par la neige malgré la paire de gants en laine que sa famille lui a fait parvenir et pour couronner le tout, il est là à faire le guet aux avant postes dans une casemate ouverte aux quatre vents. Johny grelotte tellement que progressivement il se tasse dans son trou de peur d'être entendu et pris pour cible par l'ennemi. Peu à peu,gagné par le sommeil, notre sentinelle s'endort. Il rêve tout d'abord de sa fiancée au pays, puis d'une jolie voiture et enfin un rêve troublant, il se voit dans ce même trou, au sein de la casemate, le sol tremble, la forêt qui lui fait face à 200 ou 300 mètres gronde et s'éveille. John passe la tête par dessus le parapet, les arbres bruissent comme animés d'une volonté propre, tout les animaux de la forêt s'y mettent, des miaulements aigus, des trilles d'oiseaux aux accents metalliques se font entendre. Voilà que les arbres s'avancent maintenant...

Johny se reveille en sursaut, aveuglé par un flash de lumière. Bon an mal an, le jeune soldat, les pieds dans une fange de neige fondue et de boue parvient à passer sa tête au niveau du poste d'observation, bouche bée, il a à peine le temps de voir les arbres s'avancer et s'abattre au sol qu'un festival de son et de couleur s'amorce. Ca commence à sa gauche avec le staccato d'une mitrailleuse, qui crépite et projette des flammes telle une bûche dans la cheminée par un soir d'hiver. Le choeur des fusils se joint aussitôt, Johny boy croit entendre la sarabande de Haendel. Des éclairs zébrent le ciel, ce sont les cuivres de l'arrière qui arrosent le no man's land de leurs obus. Partout des explosions de toute beauté, John en prends plein les yeux, comme un jour de 4 juillet, où le son et la lumière le transportent de joie.

Puis soudain, tout le spectacle perd de sa beauté, quelqu'un vient de le heurter, dans son dos, il jure et insulte l'inconnu qui s'avère être ce con de rital de Brooklyn, Pete Mazziato. Ce dernier vient de se glisser dans la casemate et lui enjoint sur un ton plus que peremptoire de se servir de son arme. Ah son fusil, il l'avait oublié jusque là, il se penche, le saisit et relève la tête pour surveiller le front. C'est alors qu'il observe un tout autre spectacle, des lignes ennemies surgit une marée d'hommes et de machines, la forêt vomit des chars, qui écrasent tout sur leur passage, suivis de nombreuses petites grappes de soldats. La ligne ennemie réplique, leur feu balaie les positions tout autour de la casemate, bientôt des cris se font entendre. John se dit qu'il est statistiquement impossible d'échapper à un feu aussi nourri,de manière absurde, la sentinelle tente de calculer ses chances de mourir, il négocie avec lui même. Un chargeur, 8 balles, si il tire ses 8 balles avant d'être toucher, il en ressortira vivant. johny épaule son fusil, il le cale bien, vise une silhouette à peut être cinquante mètres, presse la détente, le coup part.

Merde, il a raté sa cible, il pourrait jurer avoir vu une gerbe de neige derrière le soldat qu'il visait. Le jeune homme réajuste son tir, d'une demie seconde, il anticipe la trajectoire du soldat ennemi, le coup de feu part.Un instant, il croit avoir manqué son tir, puis l'homme vacille et tombe dans la poudreuse.

"Plus que six balles et je m'en sors" se dit alors Johny.

Je n'adore pas les textes sur la guerre, qui ont tendance à se ressembler tous ( la guerre, c'est monotone, finalement !), celui-ci ne fait pas exception, sauf ce petit détail : la superstition du soldat Johny, qui du coup réintroduit une dimension humaine vraie ...
Et bizarre ce " bon an, mal an", quand on est dans une situation tellement précaire...

Moi, j'ai bien aimé le côté concert du milieu du texte, le problème c'est que du coup je suis allé regardé sur Internet (Haendel, staccato, très loin de moi tout ça...) et j'ai pas trop entendu la mitrailleuse, les "cuivres" en forçant un peu à la rigueur. Mais bon je suppose que c'est plus une référence classique de la musique pour la guerre. Je trouve clairement que tout n'est pas à jeter dans ce texte même s'il n'est certes pas très novateur et contient pas mal de lieu communs, je le trouve assez bien construit dans son ensemble, et les parties sont liées harmonieusement et sans lourdeur pour l'opposition entre le 2eme et le 3eme paragraphe (mon horreur).

Désolé coline, c'est toi qui m'a dit de commenter quand même alors il fallait bien que ce soit pour m'opposer à ton point de vue... En plus si quelqu'un trouve mon post inutile et bête c'est pas ma faute c'est la tienne (oh c'est pas beau le déchargement de responsabilités !)

Alshock, je te réponds ici parce que sur le fil de RomainG, on ne commente que son texte, en principe.
Je suis très contente que tu t'opposes à moi, ça prouve ton indépendance d'esprit !!
Heureusement qu'on a des opinions divergentes, sinon on lirait tous les mêmes choses, on penserait unique, on finirait clones ( clowns ?)...
Et d'ailleurs tu as raison, je n'ai pas souligné ce que toi tu as vu : la construction. Tu vois que ton comm était utile !

Et zut, je ne fais même pas ce que je dis ! je me croyais sur billevesées ...
Pardon, RomainG pour la pollution de ton fil !

Il y a eu Johnny-s'en-va-t-en- guerre, il y a eu dans le même esprit le Memento Mori de P. Smith ; voici donc un autre Johnny, le Johny boy de ce texte. Hélas, il vieillit mal je trouve le petit soldat, l'histoire bégaie sûrement parce que je ne vois pas trop ce que le texte apporte de nouveau ou d'original, je ne vois pas où il veut en venir. Le récit me paraît flou, imprécis ; détail non négligeable dans les circonstances, j'ai des problèmes de temporalité et de lieu. Peut-être y a t-il un message dont je n'ai pas su saisir la subtilité. Bref, je reste interrogative et plus encore, dubitative.

Idem pour "bon an mal an", j'ai été surprise, l'usage que tu en fais est impropre ; l'expression signifie : "en moyenne", ou "quelles que soient les circonstances, que l'année soit bonne ou non" (Reverso)

Tout d'abord, merci pour vos commentaires;
Alshock:Pour la Sarabande, il faut se remettre dans le contexte, le protagoniste se réveille tout juste, tout parait plus lent, comme au ralenti.Enfin c'est un point de vue personnel, après bien sûr c'est un clin d'oeil au film Barry Lyndon.

Coline Dé: Pour le terme "bon an mal an", oui clairement, je me suis fourvoyé sur son sens réel, j'aurais du employer le terme "bon gré malgré" finalement.

Easter Island: Pour le Johny de mon histoire, il n'y a aucune référence littéraire ou cinématographique. Le texte est issu de ma passion pour l'histoire tout d'abord, la base historique étant ici la bataille d'Ardennes et aussi d'une idée d'écriture que j'avais eu au lycée.Après il n'y a aucune volonté novatrice, juste une inspiration et une envie d'écrire sur un sujet qui m'interesse.

C’est pas trop mon truc les récits de guerre mais celui-ci a quelque chose qui m’a bien plu, surtout le passage du rêve avec le réveil en concert et à la fin la superstition des balles.
En revanche j’ai trouvé que c’était un peu court, que les choses étaient évoquées, effleurées et ne laissant pas trop le temps de s’installer dans le récit et encore moins celui de s’attacher à Johny, du moins pour mon goût.
Bienvenue.