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Il y a aujourd'hui un soleil de miracle dans un ciel amoureux. Vingt ans, l'éternité a mes vingt ans

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Il y a aujourd'hui un soleil de miracle dans un ciel amoureux. Vingt ans, l'éternité a mes vingt ans Empty Il y a aujourd'hui un soleil de miracle dans un ciel amoureux. Vingt ans, l'éternité a mes vingt ans

Message  boudi Mer 21 Mar 2012 - 18:28

Je t'imagine un goût de gâteau sec, celui qu'on découvre en prononçant Sarah et qui ne se dit bien qu'un verre de lait de chèvre aux lèvres, qu'on dit quand il est seize heures dans le monde, un prénom qui fait un bruit de sable et de bouche quand dans les songes y passent une lèvre, un mot, une algue sèche. J'ai rêvé souvent du bruit de suçon de la mer et je me suis réveillé, cinq noyés à main tremblaient. Toute ma littérature prétentieuse est une consigne que j'ouvre prudemment, je délivre les défunts de dedans le langage. Ecoute ce bruit de la hantise. Ces mains d'orgueil, ces mains de ma tragédie.

Sarah, je prononce ce prénom pour avoir soif quand il fait bien chaud.

J'ai tout écrit de toi. Comme une arrogance -et que fais-je sinon que cette morgue toujours, cette mine à l'insomnie rendue. J'ai écrit : Tes yeux d'ambages, ta démarche de secousses, l'espace insécable de tes dents -il y a entre chacune de tes dents, ces précieux minuscules, un étrange passage comme des gouffres rétrécis et peut-être tout le désespoir que tu ne connais pas ne vient en toi que pour mourir par ce précipice là, le malheur se jette dans le puits de ton rire- qui les fait paraître le périlleux des vagues, les bouches de mélancolie et l'arôme des noyades. Lalala. J'ai toujours fait ce bruit, poussé moi cet air et quand je marche mes pas vont par trois pour chacun le sacré fredonner..

« J'ai tout écrit de toi » et soudain cette image d'os, cette vérité de cartilage me saisit de toute sa maigreur. Je te connais comme le miroir te connait, entre tous les pas du monde je sais le tien, je le sens derrière le corps qui te précède et te cache, je te retrouve sous des éclairages que je ne t'ai jamais vue au teint, dans le soleil bruyant des métros.
Quand je marche de ma nuit intime jusqu'au matin pénible, que je marche avec mes bottes harassées je trouve un reste de toi, un vestige de ce qu'un moment au vertige tu fis. Et ce « je te connais par coeur » me hante et comme ensemble ces mots paraissent une prière, un froid où tout se mire, où toutes les buées se massent, où tout te ressemble.
Je sais ! Ta démarche a cette couleur de bonheur que ton visage répète. Je te vois dans la gamme de l'accordéon, dans le triomphe des phares d'automobiles, je te reconnais dans le tapage de la pluie à la fenêtre. Je te reconnais par le bord de la joie qui à tous tes pas bat comme un calendrier de février, où tous les parterres te semoncent, où les foulées du monde t'annoncent. Il est des tambourins au bruit de talon, des dianes qu'on chausse avec la voix.

Une après-midi très récente je t'ai vue place de la Bourse. J'avais tenté l'amour chez une Emma de la rue notre-dame des victoires -ou quelque chose tout à côté de cette église là, mais au premier geste, au premier érotisme, toute l'extase, l'extase finissait, il y avait une guillotine à la nuit dans sa tendresse, tout son émoi avait la gravité d'une sentence, la pire de toutes : l'âge adulte. Comment les bourreaux après minuit se déguisent dans des visages de proverbe, comment, comment. Billot d'une bouche. Panier d'un geste.

Emma, je te donne quelques lignes dans cet endroit d'où tu n'es pas, dans ce pays immense de miraculés. Emma, ne t'y aventure jamais, aux peaux profanes on offre qu'ici que la canicule de pendant l'amour.
Emma belle en vêtements, belle en fantasmes, belle en pensées, belle comme toutes les quelconques qu'on n'achève pas encore d'un baiser.

Dans le silence d'un outrage, dans la messe d'aimer où tous les gestes chuchotent, où toutes les façons ont la voix cassée de s'adonner au sacré, sa grâce se rembobinait dans la natte prétentieuse d'une première dame... Aimer, aimer pour une nuit même exige le tapis de ton être : confessions, génuflexions, mortifications. Tout le carnage rituel d'une crucifixion. Aimer ça a l'odeur de la poudre et du sang, de la rouille de l'animal traqué, du désespoir et de l'étoffe déchirée. Il faut souiller sa bouche d'étoiles, mettre sa langue dans une posture de constellation, il faut devenir ce cosmos minuscule, ce verso de gémir.
Le précieux liquide de sa grâce elle l'avait déjà tout gaspillé, elle avait été merveilleuse et ne l'était plus que par le caprice du sombre. La nuit, parfois -comme cette nuit de notre rencontre- dans son vestibule de panique faisait tomber sur elle sa lumière d'étés lointains. Comme on dit cette chose terrible « on devinait qu'elle avait été belle » mais elle était encore trop jolie pour cette félicité. Elle n'allait que répétant la sentence : vieillir, vieillir de l'âme, de l'espoir, de l'enthousiasme. L'éclairage de l'ivresse, repentir heureux, lui louait son diadème de hasard et mes mains ne la découvraient que parée de ces topazes là, de ce vêtement fantasque, de sa démarche sainte d'avant vingt ans, d'avant les rides du coin de l’œil qui tuent l'amoureuse du regard. La réalité de retour de sa crémation lui rend au matin son vrai visage de misère et d'imposture. Tout entier. Le grincement de son lit, la politesse dans son rire, l'aigu de sa voix, la raideur de sa nuque... La voilà, Emma, devenu un prénom de plus à ajouter à ce roman des soupirs, à cette litanie de l'ennui, à rejoindre toutes les actrices d'une nuit dans cette loge d'oubli jamais repeinte. Emma comme toutes les filles a perdu son temps dans les pièces d'eaux ; dans sa salle de bains, dans mes yeux.

Tard. Déjà, ce gâchis aux lèvres, cet alcool plein de partir. « J'ai les lèvres fourbues d'aimer, il n'y pourra plus rien sortir qu'un tremblement amer. Je chique ces mêmes visages au goût de regrets bavards, ces figures mal tissées par ces fils arrogants. Toujours je dirai maintenant je t'aime comme on dit « bonsoir », comme toutes les civilités, j'aime à l'heure de goûter, j'aime comme on demande un peu de sel à table, la table de l'existence. »

Et quand je suis sorti de son chez elle, que le cadran scolaire -et je dis bien scolaire comme tout à l'heure j'écrivais l'extase, l'extase finissait- de la vie avait déjà depuis longtemps éparpillé partout vos forces, que je cherchais où rentrer, où apparaître, où porter ma vie tu es passée place de la Bourse au milieu de mes idées, tu as poussé une porte comme on se débarrasse d'un geste, et c'était triste de ne te voir que pour ne plus te voir. Triste une porte qui va derrière ton pas se fermer, triste, triste comme le pouls vivant qu'on ne remontera plus jamais, qui abandonne le corps aux arbres nus. J'ai souvent essayé faire de mon cœur une horloge en truquant ses battements, sa pulsion. J'aurais voulu donner tout le temps du monde au monde. Libérer la vie.

Alors j'ai pensé à toi, alors toute entière tu as reflué en moi avec tous les bruits, tous les visages, tous les décors, toutes les villes et toutes les voix, tous les coups, tous les corps et tout ton rire.

Dans mon visage de sauvage celui que laisse la nuit à mes pommettes, que mes origines ont fait écarquillant mes yeux, déjà tu es venue. De toi un jour -comment dormir la nuit, tout est inquiétude, et si très tard, un lundi tu marchais dans Paris, tu verrais cette immensité des choses d'ombre, les visages des arbres, le teint du matin, le texte de la nuit- j'ai rêvé, et rêvé tout affolé. Tu marchais dans ma direction et je voulais t'éviter -comme à ce jour ancien déjà où je t'apercevais place des Etats-Unis et toute la civilité prophétisée me menait à partir, partir, partir et partir trois fois forcément c'est fuir- cristallisé de peur, asservi à la neige d'effroi je ne pouvais t'éviter tant j'avais peur de toi mais, m'atteignant, tu me traversais comme on ferait d'une pensée. Il y avait dans ce songe tout le pouvoir du poète, celui de ne rien faire, de ne rien changer, de ne rien avouer. La perfection de n'exister pas. Comment apparaître au monde, par quel bout, par quel mensonge ? et toujours c'est se maquiller, prétendre, bavarder, je vous rends toute votre lumière de chaines, votre ciel de crépit, tous les corps que vous vous échangez aux enchères et qui parfois me viennent aux mains comme des enclumes. J'y crois devoir forger des éclairs, je vous donne la lumière infranchissable des jours de pluie. Je vous rends la peinture de vos lèvres. Je vous rends tout. Tout. Mais rien je ne vous donne, je conserve rageusement « souffrir, hurler, brûler ». Je vous rends ce qui est à vous. Votre séduction d'usure. Votre temps qui passe. Votre dictionnaire intact. Au mien j'écris tous les mots, tous les irréels, et comment, ouvrant vos encyclopédies, cherchant la mer je n'y trouve que cette ligne « Vaste étendue d'eau salée qui occupe la plus grande partie de la surface terrestre. » Quoi du froufrou des algues, quoi de l'étoffe changeante de l'écume, quoi de la chaleur du sel, de la lâcheté du sable, de la détresse des vagues, de la robe muette des crabes, de la bave des coquillages ? Je n'y vois rien, rien, rien.

Déjà je digresse, déjà tout ça est un miroir que j'arrange, et je voulais t'écrire mais c'est encore un prétexte à moi. Il n'y a pas d'acte plus égoïste, plus narcissique qu'écrire. Ecrire c'est se regarder offrir. Geste pervers.

Quand j'ai commencé à écrire « D. » c'était d'être rendu fou, fou vraiment, fou inquiet, fou comme on va faire des meurtres de ses pensées, comme on les aligne pour les percer d'une fureur. Que tu viennes là me lire avec cette frénésie, et je dis frénésie pour ne pas dire fréquence malade, je voyais tes yeux sur moi à cinq heures, à vingt heures, au ski, dans le RER, dans ton lit, après t'avoir laissée au seuil de chez toi le soir de Bansky, avant de déjeuner avec nos condisciples certains midis...TOUJOURS. QUARANTE FOIS LA JOURNEE. Et je les voyais moqueurs. Je tentais de te provoquer -quel échec- en donnant cette initiale te rassemblant, te précisant. En chaque jour levant le flou de son visage je m'étonnais de te voir si...impassible, si inchangée et ton stoïcisme a entraîné cette étude -en ce que tu faisais contrepoids à la thèse admise- avec mon ami cognitiviste sur la dissonance cognitive.

Ecrivant ce « D. » tardivement dans tes pas, au trois-quart de ma foulure, je n'aimais pas beaucoup entrer avec toi dans ce paraître tactile, ni bise de bonjour, ni geste trop profond. Avec ce ridicule que j'ai mis partout au bout d'écrire je te disais « ne me touche pas, ça me fait mal ». Ma vie je l'ai toujours embarquée dans ce grotesque de l’extrémité, dans cette soute pleine à ras-bords de désastres dans tous les orients à toutes mes décisions j'ai donné le fracas d'une catastrophe même au banal d'avoir froid l'hiver je devais mettre un plein ciel de safran, un tremblement d'obsèques. J'ai allongé tous les drames comme des dépouilles et j'ai voulu m'en faire de ce cimetière idiot un pays. Quand j'écris une lettre je veux donner l'épouvante.

« D. »/Diane Comme j'oubliais toujours avant te voir que vous étiez distincte. Je l'oubliais dans le chemin qui me menait aux salles de classe. Une vérité parfois ça s'égare comme un rire, une pièce de cuivre, un rivet qui tient le monde à la raison. C'est tant insuffisant les bornes d'un corps de nerf et de chair, des digues prosaïques. Pf. Le déluge n'y monte pas. Il faut des toits de certitudes, de la chaux ennuyeuse, des fenêtres de fatigue...
Vous vous ressembliez comme un reflet au miroir, comme un reflet au miroir à qui toujours manquera la voix, le parfum, la coiffure. Comme un reflet ça n'est qu'une monnaie rendue, un appoint de son visage. C'est fou comme aussi peu on peut être être l'exacte réplique de sa photographie. Il existe de chacun une infinité de visages, celui qu'on prépare à sa lumière de salle de bain, celui qui nous fait honte sous l'éclairage d'ascenseur, mais un seul véritable qui ne libère son étrange pouvoir que sous la lumière d'orage de l'amoureux.

Je t'ai taillée -devrais-je dire « vous » ? je ne veux pas- avec des instruments de fièvre, avec des compas d'hystérie, les équerres de la folie, j'ai fait tes yeux avec des larmes gelées, à toi j'ai répandu le parfum sauvage d'une première fois et j'ai cru trouver dans cette chimie de folie ton visage : une eau forte qu'on laisse sécher à la vapeur de minuit. Mais ce n'était pas toi, vous étiez assemblées de solides différents, de fluides impensables, d'un métal ennemi, celle la, avait tous les précieux du monde, toutes les matières d’invraisemblable pour lui faire bouche, pensées, voix. Elle avait des dents de diamant pour déchirer les choses de l'irréel, pour mordre dans l'infini et y laisser l'incroyable comme l'enragé donne la rage par sa faim. Des mensurations de sonnet, des veines de déchirures où dix mille désespérés traînent dans leurs terreurs ton cœur et ton sang. Si je ferme les yeux qui vois-je ? Mon spectre inventé, ma statue de blessures et de cire, je vois ton visage à toi crêpé de noir, ton visage des jours de tragédie, ton visage qu'aucun miroir n'a pris à son piège de cristal poli. Parfois, j'ai cru surprendre dans toi ce linge de D., cette ligne. Ce n'était que coïncidence, espoir mal façonné. Deux mots à dire ce que des yeux clos suffirent à dire.

Tu y avais, dans cette initiale que je te déchirais -et qu'est ce que ce fut d'autre que toujours te déchirer sans un gémir, sans une douleur cet écrire depuis toi que tu regardais avec tes yeux d'effroi- tous les incarnats possibles. Tu avais des souliers d'ombre, tu paraissais à moi dans la démarche époustouflante d'une odeur, dans le bruissement des forêts ensanglantées, tes deux yeux je leur avais donné la beauté d'un vol, la gravité d'une chouette, je les incrustais à l'envers du papier à musique. Je te donnais un air de désordre et de foudre que tu n'as jamais eu qu'un jour face à moi. Il était très tard et j'étais moi-même très tard. Franfort s'étirait et sans trop que je comprenne comment, tu t'es échappée d'un pas vaste -je me disais « quelle chose étrange que la Russie toute entière puisse tenir dans une foulée »- du groupe et je ne comprenais pas bien, tu es partie vite, comme on court vers la peur, comme on poursuit une idée, comme on fuit un policier -et peut-être était-ce ce que tu faisais- et je t'ai suivie dans ce pays d'étrange, ce pays qu'un banc formait. Il faisait froid mais le froid nous évitait. J'étais fâché de ce que tu parlais à « tes copines » de ce que j'écrivais, j'imaginais ta voix, les mots que tu disais, les rires que vous y mettiez. J'étais fâché, comme si de tout il fallait se défendre, que toujours dans écrire rimer ne récoltait que moqueries et parfums de rance Mendicité d'écrire. Et puis. Puis. « Bonne nuit Diane ; adieu D. » que je t'envoyais, comme on ferme la serrure d'un jardin public, comme on finit d'escalader un grillage improbable.

Cette gaine d'extraordinaire, ce sourire d'amanite.
Cette VERITE au doigt de radium, qui difficilement s'arrache de moi : « tu me manqueras »
J'ai cette croyance profonde : tout ce qui compte doit être illisible. Je vais dire, et toujours dire avec mon sanskrit et mes hiéroglyphes. 

Parfois dans un délire d'insomnie en entendant mal un mot de ta bouche j'y croyais voir comme un signe, l’aubade du langage. Mais je suis trop raisonnable pour ces espoirs à deux sous et déjà cette brume dissipée a rendu au monde de dedans ta voix son vrai sens, son vrai signe : Rrien tu n'as rien dit d'autre que ce que tu as dit. J'en souriais content. Le brouillard du matin à ma vue dure à peine le temps d'une paupière frôlée, d'un soleil au trot. Illisible. J'ai aimé t'aimer et aujourd'hui qu'en dire ? Aimer, quand on écrit, c'est un amusement public, un spectacle de rue et de boulevards contrariés.

J'asservis toutes les bouches à l'amour pour le rire, le poème. Aimer, ma denrée rare. Mon enfantillage à moi. Ma toute dernière aux grands yeux de victime s'appelle Marie-Anais et ne se doute de rien. Elle a dix-neuf ans parfaits dont je la dépeigne avec des gestes d'amiante, avec mes mains démentes. Il y a six mois j'ai décidé de lui faire les lèvres deux rives étonnantes, y allumer des feux de naufrageurs par le supplice de la rime, par l'incantation d'un double tour dans la serrure. Là voilà le samedi dans mes bras avec des frissons d'éternité. Avec le frimas d'immoralité, ah comme les filles coupables donnent bien le baiser, comme elles donnent beau le verbe aimer. Coupable Marie-Anaïs de qui pour mon cri d'invention elle trahit. Cet imbrûlé aux yeux crétins qui l'adore et ne la connait pas. Je laisse à son cou un rubis incertain. Un triomphe de ma croisade. « Jérusalem c'est moi ».

Je pense à tes vertiges de pacotille, comme tu te fais payer en verres-pas-précieux l'halètement, comme le péril t'est un balcon, au bord du vide c'est pour toi déjà assez de migraine. Tu as fait de ta porte-fenêtre ta corniche, ta falaise. Oui, la vie ce n'est pas pour tout le monde, je veux dire la vie avec tout son alphabet, son alphabet des sommets, des déroutes, des victimes, des victoires, des sutures aux gestes. Si tu laisses le prodige au seuil de tes vingt ans, à cet encan lointain je ne me rends jamais. Là-bas dans la saison de compromission ? et qu'y mettrai-je à l'enchère ? Mes souvenirs je ne les ai plus, petit, avant de traverser cette Méditerranée de Styx où j'ai du boire, sûrement étais-je une rivière, une montagne mal coiffée, un caillou rapiécé. Ma jeunesse a la voix d'un suspect que je rendrai coupable. Je recèle ma vie dans la littérature. Petit délit rigolo. Crime démodé comme aimer, personne ne le commet plus. Je ne lève le doigt que pour ramasser le vent dans mes ongles. Griffer d'infini.
Tout parait une foire déjà depuis le premier jour. J'y ai donné tous mes baisers, tout mon rire pour le pouvoir d'aimer, pour monter ici à cette grande roue solaire. Cette pénitence : j'aime.

Louis Aragon écrivait :

« Tu retrouveras sous les pierres les soleils endommagés par l'usage des stupéfiants qui m'ont livré à d'énormes scorpions dont je ne peux voir que les pattes mais dont l'ombre totale me révèle la présence au dessus de ma tête, là où mes cheveux rejoignent les préoccupations nattées à la pensée de la mort. La mort aujourd'hui, lundi, est une nageuse dont je vois bouger le cœur dans l'argent à la clarté du magnésium. »

Je connais cette eau, je m'y suis noyé.

Tout à coup l'ennui est là et me calme.

Je t'ai trouvée très belle toi parfois, toi en toi-même, dépeuplée de la mythologie que je mettais moi même à tes pas d'initiale. Je veux dire belle parfois comme on dit « prête aux larmes » belle pour dire émouvante quand on dirait que ton rire va se changer en pleurs. Pas belle comme on est dans une photographie, pas belle comme on est dans une bouche, dans une caresse, pas belle avec ces mains-là de spectre et ces adjectifs de salive. Belle comme la nuit quand elle n'est plus rien qu'un sentiment. Un visage c'est toujours un prétexte, prétexte d'écrire, de penser, d'aimer, prétexte à la voix, à la déraison et au regard étrange. Un comme le tien qui se porte en bijou dépareillé. On ne trouvait pas deux pierres de cinquante-huit facettes identiques et le vent en voulant t'embrasser cette saison de ta naissance a bougé de son majeur maladroit, ton orbite. Il t'a donné ses mèches de cheveux sauvages, ce renard insipide pour dire pardon. Tu as fait le vent chauve.

Sous mes yeux il y a des traces de morsure, des baisers jamais finis que j'ai débuté mille fois dans mes rêves, et qui jamais, jamais n'ont eu l'empreinte concrète de la certitude.

Et tous les jours pour être maître de moi, de ma vie à moi, je vis au hasard, chaque pas m'est un dé lancé, une carte tirée, une bille stoppée dans une roulette de vertiges. J'ai décidé de vous dire à « tous les vieux » adieu en jouant à pile ou face avec un jeton de fiction. Je ne vis que dans ces tâtons là. Je jette une pièce qui me dit toujours non, qui tombe, tombe, tombe à la renverse de vos dogmes. Si j'étais jugé, traîné par le regret d'une loi dans une Cour d'Assises, j’amènerais avec moi mon visage de hasard, mon prénom d'illusions et je demanderais à n'être jugé qu'en tant que complice. Que suis-je de plus que qui ne fit jamais autre chose que suivre et seconder ces forces ? J'étais le corps du vent, des rivières, des fièvres, j'étais le corps de l'immobile vorace de tout, je servais de bouche à cette faim là, de gestes à ce désir. Je suis l'exécutant de la folie, le mandaté du vertige, l'employé de l'insomnie. Messieurs, les jurés n'ayez pas de pitié, votez, déchirez moi dans votre complot légal, je n'ai pas peur. J'attends mon Walhalla de martyr où la poésie sacrifiée, vierge ensanglantée m'attend pour toujours. Une prison qu'est ce que c'est ? C'est le mot vivre rétréci au maximum par vos perspectives, vos instruments d'optique douteuse. Et quelle différence avec vos couples, vos emplois, vos salons de coiffure, vos manucures, les boutiques aux grillages compliqués comme des lierres de fer ? LIBEREZ LA VIE. Qu'est ce que ça change ? JE VIS DEJA DANS UN REDUIT ET LA NUIT QUAND VOUS NE LA SAVEZ PAS M OUVRE UNE PORTE DEROBEE A L ARRIERE DE L 'AMOUR J Y RAMASSE DES CAILLOUX DE MERVEILLEUX LES SANGLOTS NOUVEAUX DES BETES IMAGINAIRES TOUTE LA MYTHOLOGIE JE L INVENTE DANS L OMBRE DE MON COEUR. ET J Y RENCONTRE MILLE BAGNARDS EN SUEUR DES MERVEILLEUX QUI FONT BOUGER DE LEURS MUSCLES DE FORCATS LE NOIR JUSQU AU JOUR. J'ai des libertés de corail, des libertés d'insomnie, des libertés de fièvre, de flammes, de crépuscules et de sépulcre, de sortilèges, de brûlures, des libertés de papier, de suaire de jasmins, des libertés d'uranium et de raffut.

Je refuse de faire comme vous avez fait au verbe vivre avec vos rites -que vos dites des lois- de tortionnaires. Cette langue d'après vingt ans qui bouge du même bruit visqueux dans vos voix ce bruit qu'on entend plaindre comme ça : « ma jeunesse je l'ai bien bue, je la rebouche pour toujours et plus jamais que dans l'hystérie je n'y toucherai, celle qu'on franchit après nos cheveux à quarante ans dans l'adultère, le divorce, les hurlements de faux-dément. Cette jeunesse qu'on effraie à vingt ans comme une biche craintive avec les fusils factices de l'ordre, et le bruit de bottes de la milice». A cette bouteille je boirai toujours sans peur de renverser la liqueur qui vous paraît si précieuse qu'on y touche jamais plus qu'en souvenirs, qu'avec les précautions d'un vendeur de constellations. De ma jeunesse je vous tacherai, je salirai vos trottoirs qui sont aussi vos corps. Au café de vivre je dirai « Garçon encore à boire. Encore à voir. TOUJOURS A VOIR. ». et sur son plateau d'éclairs il m'apportera tous les alcools de vos caves secrètes, tous : le vin rouge de votre honte, le blanc de votre effroi, le vin bleu quand il a séché dans votre mémoire..

Le merveilleux s'est perdu dans vos trajets de coutume, l'extraordinaire d'un paysage ne vous soulève plus que les paupières, c'est le réveil-matin, le cri de l'enfant (j'embrasse en pensées la Violette de pensées qui te réveillera au milieu de tes nuits et te donnera un peu de ce joli supplice d'insomnie), les congés payés qui vous bouleversent. Quelle barbarie vous avez faite à la vie...alors je la prends contre moi comme un animal blessé et je la soigne dans mon cœur d’hôpital. Mon cœur est le lit d'un hospice aux draps jamais changés où toutes les maladies par vous bannies, cette peste qu'aimer, ce choléra que vivre, se reposent et jouent à faire mes petits Jade et Victor. C'est tout ce que je peux leur montrer du monde. Tout ce que je peux leur offrir d'existence, un prénom.

« Je t'aime ». A moi c'est ma façon depuis toujours de dire adieu, je t'aime comme on dépose des fleurs de coutume sous un visage fatigué par la mort. Je t'aime pour te dire bonne nuit, fais attention à toi, joli effroi. Comme trois fois partir c'est déjà fuir, trois fois aimer c'est l'adieu dans ses habits de cérémonie. Et mille fois je te l'ai dit trois fois.

Et tu auras reçu des mots étranges, tu pourras dire des mots d'un fou, des mots d'amour et puis alors ? Cette fois de te savoir en rire je ne serai pas fâché. Mais n'y prends pas peur. C'est trop calme, un mot. C'est trop bien dressé, servile, il y a ce grand zoo de l’étymologie où on les peut voir dans leur apparat de naturel, dans cette réserve de sauvagerie imitée, on leur fait faire des tours, on leur gratte le ventre, serpent n'a pas de crocs, tigres pas de griffes, aimer pas de cœur, cri pas de lèvres, mains pas d'ongles et vie pas d'encre. Et puis alors à quoi bon ? A la fin j'écrirai « qu'importe », « qu'importe » sur tous les murs, tous les visages, toutes les hontes. Qu'importe, qu'importe, c'est le « à quoi bon » nouveau. Qu'importe sur toutes les peintures, sur toutes les pancartes, sur toutes les directions. Sur le costume trois pièces de ma poésie. FOLIE. FOLIE. FOLIE. Maintenant, je vais avoir froid au matin, faim au midi, peur la nuit. Je vais à ma trilogie d'asile, de délire, de suicidé. Ce gémissement muet de la force d'un barbare, ces rites de furieux. J'ai en moi cette religion de l'absurde, ces temples qui ne sont faits que de vestiges des autres temples, il y a dans mon sacré tous les échecs des autres sacrés qu'on dit dans la liturgie « péché » de n'en pouvoir assumer l'échec, tous les rituels abandonnés, toutes ces flexions de soleils latins, cette exacte température du cœur qu'on laisse refroidir. Ma religion est une religion de décombres.

Il n'y a que les yeux bleus pour finir la nuit. Il est sept heures du matin. J'espère parfois, par accident te recroiser, combien te frôler avec cette pensée vaut tous ces baiser factices que je trouve à la bouche des idiotes. J'ai tout appris de toi et désormais tout se désapprend, ta voix, tes petites dents de chatte suave, ton ennui, ton rire... Un jour pour cette surprise, comme une secousse de la mémoire je t'appellerai pour te réentendre « ah cette voix » comme ça part vite une voix, comme c'est une brume enchantée.

Fais attention à toi, à ta Violette de bientôt. Donne lui le mois de mai pour premier pleur que ses amoureux de dix ans lui fassent aux joues des baisers de printemps.

Je t'embrasse

« Je »

boudi

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Message  elea Dim 25 Mar 2012 - 11:04

Pas pu tout lire en une fois, c’est dense et un peu long sur écran. Mais j’y reviendrai.
De ce que j’ai lu pour l’instant j’ai retenu de belles associations d’images et d’autres moins heureuses, un sentiment parfois de fouillis et une sorte d’émotion brute.
Mais j'attends d'avoir tout lu pour détailler plus.

elea

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Message  elea Sam 31 Mar 2012 - 16:56

Un texte étrange, pas facile d’accès, ça tourne un peu en rond, comme si le seul but était de se voir écrire (je ne dis pas que c’est l’intention, juste ce qui en ressort).
Une même idée autant étirée, ça fini par me lasser, les phrases peinent à avoir du sens, les mots se mélangent, reviennent comme le précieux, les différentes femmes citées finissent par se confondre et n’en former plus qu’une, une sorte d’idéal féminin du narrateur toujours en quête de trouver tous ses sentiments en une seule.

Dans la forme, le parti pris d’écriture (je l’ai ressenti comme ça, pas des fautes mais une volonté) rend la lecture encore plus difficile, rien ne coule ni n’est sans heurt, certaines phrases sont à relire plusieurs fois pour en comprendre la tournure et les associations de mots ou d’images.

Pourtant, si c’était un peu plus condensé ou fractionné et livré par petits bouts, permettant une respiration au lecteur ou l’autorisant à s’imprégner de certains passages, il y a aussi dans ce texte un souffle, des réflexions, un cri, de la poésie, une absence de complaisance, qui sont intéressants.



elea

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Message  boudi Sam 31 Mar 2012 - 20:48

La modération j'espère ne m'en tiendra pas rigueur vu la longueur du texte je doute avoir beaucoup d'autres réactions et ce pourra servir pour d'autres lecteurs de forme d'avertissement.

En fait ce texte est une longue lettre que j'adressais à quelqu'un ce qui explique certains passages incompréhensibles puisque ne faisant référence qu'à notre mythologie commune. Je l'ai postée ici tout à fait impudiquement, sans la changer, l'expliciter, la couper, elle est brute, dans toute sa maladresse, dans toutes les longueurs qui ne se peuvent justifier qu'aux yeux de qui elle s'adresse. Il n'est en vérité qu'une femme citée. D./Diane/Sarah c'est trois fois la même dans tous les prénoms qui lui existent à l'état civil et qui apparait pour l'étranger une chose étrange comme une succession de personnages tandis qu'ils ne sont que la même prise à différentes heures de sa journée. Tout ça a été écrit d'un trait, d'un coup, d'un jet. Directement, droit aux sens plutôt qu'au sens...

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Message  midnightrambler Sam 31 Mar 2012 - 22:29

Bonsoir,

J'ai bien aimé les premières phrases, mais dès la fin du premier paragraphe c'est devenu trop lourd, trop touffus pour moi.
Alors j'ai arrêté ma lecture, pourtant l'idée de lire une lettre adressée par un homme à une inconnue m'avait charmé. Voyeurisme ?

Amicalement,
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Message  chris Dim 1 Avr 2012 - 7:52

Finalement, peu importe le destinataire, tu écris pour toi et la folie est un loisir.
Au mot juste, tu préfères le plus sonnant. La poésie en étendard, tu te joues du sens et t'enfonces dans l'ésotérisme. Mais qu'importe, tu te connais et tu es le destinataire.
Ne le prends pas mal, mais à mon avis, sois juste toi dans tes écrits et ne te voile pas derrière trop d'effets qui, par surabondance, se nuisent à eux-mêmes.
Sinon, tu risques de tourner en rond...

au plaisir de te lire


chris

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