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Le chant des sirènes

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Le chant des sirènes Empty Le chant des sirènes

Message  ptipimous Sam 16 Juin 2012 - 15:00

A la suite d'élections qualifiées d'importantes, Paris eut un nouveau Maire.

Ah ! Comme j'aurais voulu le voir, ce nouveau gugus s'installer derrière le grand bureau, la tête et le coeur farcis de bonne volonté et d'assurance : "Voyons ? Quels sont les dossiers en cours ?"Le voir se décomposer devant les gâteries laissés par le précédent clown puis se rabattre, mais juste pour commencer, hein ?, sur le dossier qui lui semble le plus facile à résoudre... Tiens, la propreté par exemple. Qu'y a-t-il de compliqué à nettoyer les trottoirs et les rues ? Il suffit d'une pelle et d'un balai. Pas de quoi en attraper un zona.

Et le voici, tel Napoléon, César, Alexandre ou Hitler, tout dépend de son parti, investi d'une mission sacrée qu'il va exécuter en deux temps trois mouvements et qui lui vaudra la considération du citoyen moyen, lequel ne s'arrête qu'aux apparences, c'est bien connu.

Malheureusement, il en est souvent ainsi des grands projets, il y a toujours des gens pour ne pas être d'accord avec vous, qui feront tout pour vous mettre des bâtons dans les roues. Ils sont assez efficacement secondés par les jean-foutre qui eux, vont tout faire pour ne rien faire. Lors, du plan de départ qui prévoyait ramassage, triage, balayage, compostage, recyclage et autre voyage de nos déchets au loin, certains et non des moindres mettaient rapidement la poussière sous le tapis et on n'en parlait plus.

Mais cette poussière, quelle que soit la matière qui la compose, sera toujours de la nourriture pour quelqu'un ou quelque chose. Et quand une espèce se nourrit, pour ne pas prendre trop d'estomac, elle fait du sport en chambre. La ville fut donc prise d'assaut par des rongeurs de tout poil à commencer par les rois, les chefs, les impérators du genre : les rats.

"C'est à ne rien y comprendre, disait le Monsieur le Maire, plus la ville est propre et plus ils sont nombreux." Il aurait bien du se demander de quoi les rats ont le plus besoin, ce qui lui aurait mis la puce (celle du rat, la pesteuse) à l'oreille. Mais non. Notre chevalier à la blanche armure changea son fusil d'épaule, ce qui lui était facile vu qu'il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez qu'il avait fort petit.
Il lança donc une grande campagne de dératisation fort efficace et en un rien de temps, la ville fut nettoyée de cette espèce nuisible. Mais le paquet était toujours sous le tapis, il s'accumulait même. Dans tous les sous-sol, caves, égouts, trous oubliés disponibles de notre vaste gruyère urbain.

Tout cela commença par un bourdonnement. C'est cela, un son sourd et grave qui ressemblait à tellement de choses : une lointaine foreuse ou même un engin de bricolage qu'il n'était guère possible de percevoir réellement. Chacun pensait que des travaux avaient lieu dans le quartier et n'y prêta plus attention. Personne ne se rendit compte que passer d'un endroit à un autre ne changeait rien pourtant, que le bruit était toujours là, constant et lancinant, vite masqué par la cacophonie de la circulation. La ville est finalement une zone sismique de boucan qui sans cesse s'interrompt pour mieux reprendre l'instant d'après et les citadins sont tellement préoccupés par leur propre bruit intérieur qu'ils se détachent assez facilement des autres nuisances.

Justement, parlons en des citadins. Paris est devenue une ville de riche, c'est un secret pour personne. Le prix des loyers, la volonté d'en faire une capitale de premier ordre à commencer par l'économie de marché, son aura, qui attire comme sucre les mouches de la mode, des produits de luxe, des marques recherchées, bref, le coût de la vie y est si élevé qu'elle n'accueille plus aujourd'hui que quasiment deux types de personnes : celle qui peut se l'offrir et qui habite dans les murs et celle qui ne peut absolument rien s'offrir, résidant plutôt en périphérie. Tous les autres partirent ricaner ailleurs en prétendant que Paris était invivable et qu'il était plus malin de retourner aux racines et à la campagne.
Parfois les dépossédés, d'un coup de colère fondaient sur la ville pour la piller, avant de retourner bien vite à leurs cages à poules banlieusardes. Même sans ces minis révoltes, car nous sommes toujours bien loin d'une révolution, les jeunes s'obstinaient à venir faire leur marché dans notre belle cité régulièrement, ce qui poussa les intra-muros à protéger leurs biens. Apparut alors tout un système de protection toujours plus recherché, allant du digicode aux alarmes de plus en plus sophistiquées et donc de plus en plus vulnérables, toutes complémentaires. Détecteurs périphériques qui surveillent les parois et les points d’ouverture des bâtiments, systèmes utilisant des lumières infrarouges, détecteurs de passage à hyperfréquence qui envoient une onde électromagnétique entre un émetteur et un récepteur, sur une distance qui peut dépasser 100 mètres (ces détecteurs peuvent être directement reliés à une sonnerie extérieure), détecteurs volumétriques qui enregistrent les mouvements, pouvant être des des ultrasons à hyperfréquence (effet Doppler pour une portée jusqu’à 60 m) et bio-volumétriques, associant un de ces effets à des capteurs microphoniques pour détecter les bruits d’effractions. Chacun protégea son bien, de sa maison à son chien, de son ordinateur à sa voiture, de son frigidaire à son portable, tout était sous clé et sous alarme.

Mais revenons à notre Maire et à son problème dont il n'a pour l'instant aucune conscience, il s'est lancé dans le vaste projet d'éliminer la voiture de la ville tout en voulant tout de même continuer à ramasser l'argent qu'elle lui rapporte. Vaste dilemme ! Et d'ailleurs qui que ce soit qui aurait la solution est prié de lui écrire, directement à la mairie en précisant "confidentiel".

Les ordures ont beaucoup de particularités : elles dégagent de la chaleur et elles produisent des sons. De leur décomposition naissent des vibrations qui grâce aux variations de température produisent une sorte de bourdonnement. Celles qui nous intéressent n'y coupèrent donc pas, au début avec quelques ratés mais la couche d'ordures devenue de plus en plus importante, le son devint constant. Les rats n'étant plus là pour réguler le problème, le bruit s'amplifia.
Le Maire avait certes réglé l'épine des rongeurs - qui nécessitait tout de même une vigilance constante, mais pas celle des insectes. Et comme la nature a horreur du vide, elle y installa cohorte de puces, tiques, cafards, blattes et autres scolopendres qui envahirent à leur tour les couches d'ordures. Leur propre bruit, chuintements issus de leurs déplacements et des frottement de leurs carapaces s'ajoutèrent au ronron des épluchures.

Le 6 juin, jour de l'anniversaire du débarquement des alliés sur nos côtes tomba un mercredi, le premier du mois. Sur le coup de midi, retentirent alors les sirènes d'alerte de Paris, que l'on décrasse une fois par mois au cas où, lesquelles entrèrent en fréquence avec les ordures des sous-sols. Ce feu croisé de son généra à son tour une fréquence particulière, relayée par les téléphones portables des habitants, sorte de grand LA de chef d'orchestre, et toutes les sirènes, alarmes de la Capitale se déclenchèrent quasiment simultanément.

Le bruit fut tellement insupportable qu'il fit un premier ménage : les vieux, les gens fragiles tombèrent les premiers de chocs cardiaques jusqu'à l'arrêt des pacemakers. Les oreilles des enfants se mirent à saigner, les vibrations étaient si fortes que des personnes en tombaient à la renverse et que certains os fragiles se brisèrent net. D'autres par un réflexe qu'ils ne purent contrôler périrent d'étouffement : leur larynx se mit en protection instantanée dû à leur frayeur et ferma la trachée avec l'épiglotte et les cordes vocales. Ils ne purent rétablir la respiration tant la terreur leur serrait le ventre.
Tout comme s'il y avait eu un tremblement de terre, il y eut un laps de temps où chacun ne songea qu'à une seule chose : se protéger et sauver sa peau. A cette hurlerie se joignirent les cris de douleur des humains, les aboiements des chiens qui devenaient fous. Les abords des zoos vécurent une variante, certes intéressante mais proprement hallucinante. La foule courrait en tout sens pour mieux se regrouper comme une entité aux multiples bras tentaculaires qui s'étiraient et se rassemblaient sans n'avoir de raison que pour elle. L'espèce en devint une nouvelle, les bras levés, les mains vissées de chaque côté de la tête, les yeux exorbités, la bouche ouverte dans un cri inaudible.
Chacun se protégea du mieux qu'il put, chercha à se libérer les mains et donc à se boucher les oreilles de n'importe quelle manière. L'on vit alors des excroissances de toute sorte : morceaux de tissus, boules de cotons, vêtements entourant la tête, casques en tout genre, bandes Velpau masquant de gros tampons de gaz, comme si la moitié de la population s'était retrouvée impliquée dans un accident hors du commun.

Du côté des autorités, passé le même moment de stupeur, puis de folie, puis de défense, l'on commença à réfléchir avec le peu de neurones dont on dispose dans le cas d'une pareille agression tant le corps humain fait tout ce qu'il peut pour sauver ce qu'il reste de viable.

Il était inutile de couper le courant, on le fit tout de même, car la plupart des alarmes ont une alimentation autonome de trente-six heures. L'on tenta tout ce qu'il était possible de faire, y compris d'arrêter les centrales nucléaires, du moins le flux d'électricité qui arrivait à Paris, la plongeant dans le noir et l'inertie : plus de circulation car trop de risques potentiels, conducteurs perdant le contrôle, piétons hagards et errants, plus de commerce, plus de transport (les trains hurlaient aussi, les métros pareil), plus d'ordinateurs, plus rien...
Les particuliers qui avaient des armes à feu se mirent à tirer dans les boitiers, les systèmes visibles, un peu au petit bonheur la chance. Ce moyen certes aléatoire (il y eu des morts dus à des balles perdues et des ajustages maladroits gênés par la concentration rendue impossible) eut quand même quelques résultats. D'autres téméraires arrachèrent les fils au plus près des amplificateurs, sacrifiant ainsi leur ouïe définitivement. D'autres encore attaquèrent les murs à la pioche pour y avoir accès à ces fameux fils. On mit le feu aux voitures gueulardes, en déclenchant des incendies que les pompiers ne parvenaient plus à éteindre. Certaines alarmes restèrent inaccessibles comme celles de tous les établissements bancaires par exemple.
Les centrales d'alarme ne parvinrent pas à couper le son qui était sans cesse auto généré en une immense boucle de masse. Après la coupure générale d'électricité, plus rien ne fut possible.

L'on pleura, l'on s'enterra et l'on attendit. La population qui ne put fuir retourna dans les trous, stations de métro, caves et catacombes comme aux beaux jours de l'occupation. Deux jours. Avec le peu de provisions que chacun avait réussi à apporter avec lui.
Au bout de ces deux jours, le bruit s'arrêta. Chacun sortit de son terrier comme un lapin apeuré, la tête dans les épaules, le corps tendu, prêt à recevoir une nouvelle décharge. Mais c'était terminé.
La ville était dans un état indescriptible : un champ de ruines. Un bombardement n'aurait pas fait plus de dégâts. Et aussitôt que l'on put sortir, des hordes de vilains apparurent et firent main basse sur tout ce qu'ils pouvaient ramasser. Il fallut dix jours pour un retour au calme définitif.

Le Maire fut inefficace au possible, il avait fui dès les premiers coups de feu, laissant la population gérer le problème. La police toujours très attachée aux dirigeants fit de même. On le rechercha, il court encore. Un nouveau pitre prit le poste, c'était courageux. Et bien sûr il ne comprit rien à cette histoire rapportée par une famille qui vint signaler que durant les deux jours où il se trouvèrent enfermés dans un égout, leurs deux enfants avaient joué dans un tas d'immondice où grouillait une faune insolite qui bruissait de façon fort étrange.
Le bilan fut très lourd : près de huit mille morts, les trois quarts de la population restante est devenue sourde, le dernier quart a de toute façon des troubles auditifs sérieux. Cent milliards de dégâts, bâtiments détruits par les incendies, magasins pillés, déprédations touchant les transports en commun, le mobilier urbain, la perte d'oeuvres d'art...

Tout cela pour t'expliquer mon chéri, pourquoi ta mère et moi, nous sommes sourds aujourd'hui, et pourquoi tu n'auras pas de portable pour ton anniversaire !
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Message  Invité Sam 16 Juin 2012 - 17:09

Il y a de l’idée c’est certain, c’est même diablement pensé.
Mais je pense que la démonstration aurait gagné en efficacité en étant moins contorsionnée, plus directe, plus brève aussi.
En tous cas, je souscris au ton employé, c'est le bon.

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Message  Invité Sam 16 Juin 2012 - 18:25

Le pamphlet est un art difficile.

Ici la fin sauve le reste, et c'est bien.

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Message  Invité Sam 16 Juin 2012 - 20:42

Ca démarre un peu poussif, mais ça s'arrange en cours de route. La satire est un poil trop démonstrative, me semble-t-il, mais la fin est absolument réussie.

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Message  ptipimous Dim 17 Juin 2012 - 12:19

merci à vous.
Ce texte n'est pas mon préféré et je ne parvenais pas à mettre le doigt sur ce qui clochait. Vous m'avez donné plusieurs pistes. Merci encore
ptipimous
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