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Zone tranquille avant l'histoire

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Gobu
Raoulraoul
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Message  Raoulraoul Dim 2 Sep 2012 - 15:43

ZONE TRANQUILLE AVANT L'HISTOIRE

Les mots ne sont pas encore là pour trahir.

Ca pousse. Kéké est allongé regardant comme ça pousse.
Babou regarde Kéké.
Kéké se lève et va faire un étron. Ca pousse.
L’herbe pousse sans hiver, ni été, ni automne. Printemps éternel. Avec les fleurs, les forêts.
Même le blé pousse.
Kéké a terminé son étron. Il marche. Babou regarde Kéké marcher dans la lumière.
Babou caresse Kéké. Kéké caresse les mains de Babou en train de caresser Kéké. Kéké ne sait pas qu’il s’appelle Kéké. Mais ils s’appellent entre eux par des sons, des chants, des regards, un souffle qui relie Kéké à Babou. Comme le souffle relie l’arbre à l’espace. Comme le souffle fait tenir la maison dans l’espace.
Ils ne savent pas construire de maison. Leur maison avec eux est venue sur terre, pour que Kéké, Babou habitent la terre.
Peut-être que Lolo est venue les rejoindre. C’est un peuple entier.
Si Babou caresse Lolo, Kéké ne dit rien. Le verbe dire n’est pas encore inventé.
Kéké s’allonge sur la terre, parce que la terre est aussi douce que les seins de Babou.
Lolo et Babou sont dans le champ de Kéké. Mais seules les divinités connaissent les champs, leurs parcelles, la différence entre le champ de Kéké et le champ de Lolo. Ici, tout le monde est dans le même champ.
Dans la maison de Babou, ou celle de Lolo, ou celle de Kéké, il y a des objets différents et particuliers. Mais chacun peut dormir dans le lit de l’autre, ou manger dans l’écuelle de l’autre, ou s’habiller avec les vêtements de l’autre, mais il n’y pas de vêtements. Le froid ne torture pas la végétation ni le peuple.
Les rivières, les fleuves coulent, descendant des montagnes. Kéké, Babou, Lolo, ne montent jamais dans la montagne. Ils boivent la rivière. Ils mangent les poissons de la rivière. Ils écoutent la rivière bruissant de tous les bruits des lieux qu’ils ne connaissent pas.
Sur le fleuve, ils ne marchent pas. Coucou, qui est adroit de ses mains, ne construit pas de bateaux pour descendre le fleuve. Coucou ne veut pas tuer les arbres. Coucou ne veut pas percer les planches. Coucou ne veut pas savoir où conduit le fleuve. Coucou reste là, faisant « bonjour » à tout le monde, de ses mains habiles il fait « coucou ». C’est pour ça qu’on l’appelle… Mais ce sont les dieux qui donnent des noms aux choses, puisqu’ils créent les choses. Ca, Kéké, Lolo, Babou, Coucou et tous les autres le pensent forcément.
Car ils pensent. Ils pensent que s’embrasser ensemble est agréable. Ils pensent que s’enfoncer des clous dans le corps, ou se couper un bras ou une main, n’est pas agréable. Ils ignorent l’envie de se faire du mal. Le mal est le premier mot inventé pour diviser les choses. Le mal est mauvais.
Babou ne mange pas ce qui vit. Elle attend que la mort lui serve des plats de lièvres ou de bœufs, quand seulement leur mort a été naturelle. Aussi les humains ne meurent pas. Sauf dans leur sommeil, comme dans un rêve.
Kéké mange volontiers du poisson qu’il retire personnellement de la rivière. On le laisse faire. Souvent il va se vider dans la rivière qui coule, pour que le cycle de la vie ne s’arrête pas.
On ne sait plus lequel de Kéké, Lolo, Babou, Coucou, ou autres, a le premier, donner de la chaleur à ce qu’ils mangent. Ces mèches de toutes les couleurs que l’air doit entretenir, ces mèches brûlantes, dansantes. Cette mèche de feu qui éclaire le noir, durcit la terre, ramollit le fer, fait bouillonner la marmite. Cette puissance qui rend la vie plus douce, elle se transporte, elle se surveille. Avec cette magie, Coucou, Kéké, ont fabriqué des bijoux pour Lolo et Babou. Ca aurait pu être le début de quelque chose qui meurt. Le désir. Mais non. Lolo marie le cuivre, le fer, à sa peau pour la beauté. Babou l’imite. Il n’y a pas de gagnante. Seule la beauté triomphe.
On fabrique des chaudrons, des poteries avec la terre que le feu aime lécher longuement. On voit que le feu est le compagnon du soleil. On se demande qui a bien pu décrocher des morceaux de soleil pour les distribuer aux humains sur la Terre. On se demande, mais pas trop, pour que le feu ne parte pas. Le feu déteste les questions. Alors on le cajole. Babou danse devant lui. Kéké et Coucou bricolent avec le feu. Lolo cuisine des viandes mortes qui retrouvent une seconde vie par les flammes, pour réjouirent les langues et les bouches. De l’herbe, des feuilles, des fruits, un brasier de feu encense l’air, apaise les esprits, parfume tout ce qui semblerait mauvais.
« Mais qui c’est donc celui-là ? Il m’énerve à la fin ! Toujours sur ma route ! J’m’en vais l’buter ! » gronde le maître dans son palais. La force de l’âge, ses cheveux en boucles d’argent. Ses yeux ont le pouvoir de l’éclair. Il dit à Cratos, son secrétaire : « Qu’on le fasse entrer ! ». Il entre, c’est un colossal géant. La maître lui dit, avec son langage fleuri mais fidèle :
- C’est donc toi, arsouille ? Toi qui soutiens les hommes ? Tu commences à m’chatouiller le blaireau ! Qu’est-ce que tu leurs trouves à ses pingouins ?
- Un peu d’humanité, patron, rétorque le colosse.
- Justement, ils se la coulent douce ! Ils sont trop jobards, vraiment naves !
- Ils s’organisent, patron.
- Ah oui ! Et c’est toi qui les éduques ?
- J’améliore leur ordinaire, un peu.
- En en faisant des métallos, des forgerons, des incendiaires, des révoltés, des trous du cul !
- Ils sont pacifistes, patron.
- Ecoute-moi bien, chapardeur de feu ! Tu vas m’écraser cette vermine de mortels ! Tu vas les priver de nourriture, pour qu’ils crèvent de faim, tous, un par un. Allez, exécution !
- A vos ordres, patron ! Ce sera fait.
Le colosse s’éclipse. Le maitre, satisfait, se fait servir par Cratos, une rasade de Chivas coupée d’hydromel, un super nectar qui shoote le maître.
Le colosse a rejoint le peuple, Kéké, Babou, Lolo, et compagnie. Il leur ordonne de faire des sacrifices. Tuer des bêtes. Les dieux l’exigent. Tuer les bêtes pour les offrir aux dieux. Les dieux ont faim. Ceci fait, le colosse prépare la fête, dans le petit village de Mécôné, au cours de laquelle seront remises les offrandes de viandes aux dieux. C’est le patron, en personne, qui présidera la manifestation.
Ce jour-là, il arrive en limousine blanche chromée. Kéké et Coucou n’en reviennent pas. « Une maison si grande qui roule ! ». Le géant colosse détermine les opérations. Deux containers bourrés de viande sont présentés au maître. Un container de viande fine pour le maître, et un container d’abats grossiers et avariés destiné au peuple. Le maître devra choisir la container qui lui revient. Habilement le colosse influence le choix du maître. Et lorsque celui-ci ouvre son container, il ne voit que graisse onctueuse et appétissante. Mais de retour à son palais, le maître découvre la supercherie ; « Salopard ! sous la graisse il n’y a que des os ! ». L’autre container renfermait la viande fraîche et juteuse pour la population des hommes.
La colère du maître est foudroyante. Il veut illico que le feu soit confisqué au peuple, sans exception. Mais le colosse n’obéit pas. Sur la terre, la nuit continue d’être éclairée sans relâche de ses multiples foyers. Alors le maître appelle ses deux serviteurs dévoués, Cratos et Bia, et il fait capturer le colosse, auquel il réserve un châtiment terrible.
Kéké, Babou, Lolo, Coucou jouissent encore d’un « vivre ensemble » quelques temps. Jusqu’au jour où Kéké s’apprêtant à faire son étron habituel, ce matin là, il essuie les reproches sévères de Babou. Elle lui dit qu’il y a des endroits pour faire ça, et même qu’elle le traite de cochon ! Kéké, jusque là s’était senti si pleinement homme. Puis plus tard, alors qu’il caresse sa Babou, cette dernière le renvoie, le rabroue, tandis que si Coucou la caresse, à lui, elle ne dit rien. Kéké évidemment a envie de crier. Il ne sait pas encore à quoi ressemble un cri. Mais au fond de lui, il a mal.
Quelqu’un d’autre crie, sous le joug de la torture, en haut de la montagne. Exposé à la vengeance du ciel, l’être crie sa douleur. Déjà une préfiguration du Golgotha.
Et Kéké aussi cri, effrayé par son propre cri. Epuisé enfin de crier, il s’allonge pour se reposer. Mais l’air serein commence à changer. Il fouette, il cingle, il brûle, il devient capricieux. Ce qui poussait avant sans effort, maintenant ne pousse plus. Il faut marcher, se courber, enfoncer des outils dans la terre, la fendre, la retourner. Babou, Lolo, Coucou, aussi doivent s’y mettre, et la population avec eux aussi. Coucou n’a plus le temps de faire des « coucous ». Il doit travailler. Ils travaillent tellement tous, que chacun revendique son champ rempli de son labeur et de sa sueur. Il n’y a plus de champ libre. Les maisons avec la pluie, la neige, le vent, doivent être renforcées et même barricadées, pour que celui qui n’a pas de maison ne vienne occuper et abîmer la vôtre. Chacun à présent dort dans son lit. Parfois la tentation est forte d’aller dormir dans le lit de l’autre. Par exemple si Kéké veut partager le lit de Lolo, Coucou interdit le lit à Kéké. Des pensées nouvelles à présent vous empêchent de faire ce qu’on voudrait. Coucou, Lolo, Babou, aussi à leur tour entendent des cris en eux. Des cris profonds, comme celui qui souffre sur son Golgotha, le poitrail perforé par des rapaces. C’est peut-être d’abord ces cris là que chacun perçoit au fond de lui-même. Les cris d’un géant, sacrifié pour son amour des hommes.
Une autre nouveauté aussi s’est emparé de Coucou. Il décide de construire avec ses mains des planches pour marcher sur l’eau. Il fait tomber des arbres dans la forêt. Les animaux se sauvent. Ils se défendent quand on les capture. Chasser devient dangereux. Mais le pire, c’est le voyage que les planches permettent sur l’eau. Elles conduisent vers de l’inconnu. Les fleuves vous jettent dans un monde sans fin. Le village de Kéké et de ses voisins est envahi par des personnes étrangers.
Hélas, le plus attristant pour Lolo et Babou, c’est que ni l’une ni l’autre ne se trouvent aussi belle qu’avant. Aucun bijoux, martelés par les hommes, n’est suffisant pour satisfaire leur besoin de paraître. Elles crient ensemble, déchirées, divisées. L’une d’elles, un soir, a voulu se rendre dans la montagne pour assister au malheur fondateur qui accable l’homme sur son rocher. Mais des troupes militaires l’ont empêché d’atteindre le lieu du martyre. Alors la femme s’est agenouillée et elle a médité longuement sur l’homme qui souffrait définitivement. Son âme est devenu comme une présence.
De plus en plus souvent, Kéké, Lolo, Babou, Coucou voient passer une longue limousine blanche dans leur village qui devient ville. Ils reconnaissent le maître aux cheveux blancs, celui qui avait emporté le container d’os et de graisse. Il est toujours escorté de motards et d’autres voitures brillantes et sombres. Le maître descend de sa limousine et il parle interminablement en roulant des yeux et tendant le poing qu’il ouvre ou referme. Quand il repart, Babou explique à Kéké qui explique à Coucou expliquant à Lolo que rien n’est plus comme avant. Maintenant des gens réfléchissent à leur place et ce qu’ils pensent est pour le bien de tous. Lolo et les autres ont beaucoup de peine pour distinguer le bien du mal. Autour d’un verre de vin ils en discutent.
Pourtant le mal opère ses ravages. Lolo est morte, après s’être tordue de convulsions longtemps dans son lit. Ce sont des maladies. Celles qui touchent le corps et l’esprit. Les remèdes sont inefficaces pour ces maux nouveaux.
Par le fleuve, arrivent aussi sur des radeaux, des escouades de gens qui débarquent et s’installent dans votre maison. Ils ont des bouches qui crachent du feu, qui enflamment tout. Dans leurs mains ils tiennent des armes modelées par le feu, elles vous tranchent la tête ou vous percent le ventre.
A présent, par centaines, les populations gravissent la montagne pour pleurer et se plaindre auprès du créateur qui leur apporta la lumière. Il n’est plus sur son rocher. L’aigle qui lui rongeait le foie aussi est parti. On dit alors que le géant est devenu immortel, et qu’il a souffert à cause de l’inconduite des hommes. Il est maintenant invisible, on ne peut que croire en lui.
Un matin d’hiver, tandis que la bise souffle sur les champs gelés, Babou enterre Fifi, son chien, mort empoisonné par des engrais toxiques. Creusant laborieusement sa tombe, elle heurte de son outil un objet, une jarre ancienne. Babou est accompagnée de Epiméthée, le frère du géant monté au ciel. Epiméthée raconte à Babou que cette jarre était la propriété de la femme qu’il a épousée, et lorsque celle-ci entreprit de l’ouvrir, les maux les plus abominables se sont répandus sur la terre. Babou lâche un cri d’horreur :
- Mais pourquoi tu as épousé cette femme ? demande-t-elle à Epiméthée.
- Elle était si belle…, il bredouille. J’ignorais que c’était le maître à la limousine blanche qui l’avait mise sur mon chemin.
- Le maître ? Le pire ennemi de ton frère si courageux, mort pour nous !
- Oui le maître, un diable !
Babou plonge la tête dans la jarre. Elle y entend au fond une voix. Elle ne sait si c’est la sienne. Cette voix parait douce et infime, presque réconfortante, comme un espoir ténu qui chercherait à vivre. Quand elle ressort son visage du récipient d’argile, un sourire ouvre ses lèvres. Elle ne dit rien à Epiméthée contrit. Ils enterrent Fifi.
Puis Babou rejoint Kéké devenu vieux, et Coucou toujours assoiffé de savoir, et la tombe de Lolo que grignote la moisissure. Babou regarde ce petit monde, un secret en elle, celui tapi au fond de la jarre, une confiance ténue, tandis que la terre tremble, que les Océans sortent de leur lit et que des centrales nucléaires allument d’autres feux.

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Message  Invité Dim 2 Sep 2012 - 16:12

Éblouissant.
On se plait à reconnaître les débuts de l'humanité, Zeus, Prométhée, la vision très sombre de l'évolution de l'humanité. Mais narrés comme dans un conte fantastique, avec les anachronisme de bon aloi.
Aucune rupture dans le récit. Tout parait couler de source.
J'ai adoré.
C'est vraiment le Top niveau.
Bravo l'artiste.


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Message  Gobu Dim 2 Sep 2012 - 17:51

Un bien singulier remake de la Genèse et de ce qui s'en suivit. On passe insensiblement d'un Age d'Or archi-rousseauien - printemps éternel, copinage avec les bêtes et récoltes gratos abondantes pour tous - à un tableau apocalyptique du monde moderne - pollution nucléaire et montée des eaux. Sans rupture ? Voire. Le sacrifice des bêtes et celui de l'innocence sexuelle signent l'entrée dans l'univers disloqué de la disparité, sur les ruines du monde parfait de l'Unicité. Un deus ex Machina maléfique est à l'oeuvre, et même la Connaissance, offerte à l'Homme par un surhomme à tout le moins irréfléchi - et qui paie cher son imprudence - ne fait qu'accentuer l'entropie du Chaos. Une vision résolument pessimiste de l'Histoire à laquelle on pourrait beaucoup objecter, mais la matière est riche, la leçon fort érudite et non dénuée d'humour, bref le conte est bien beau.
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Message  Invité Dim 2 Sep 2012 - 18:36

C'est drôle comme depuis que je suis reviendu de vacances, il y a beaucoup des textes qui se racommodent avec la mythologie et parlent de Caca et de Dieu ; ce qui semble être un peu la même chose. Celui là est typico.
T'auras compris que je ne suis pas bon commentateur pour ce genre de littérature que moi je cherche plutôt des gens qui écrivent —en poussant— des trucs révolutionnaires plutôt qu'intelligents.

Je veux dire par là que réécrire le passé ( de façon mensongère et caricaturale) m'intéresse moins qu'écrire le présent et l'avenir.
Mais je t'accorde que chacun ses goûts (La ? à le sien)

Côté sens et profondeur, je ne ferai donc qu'une seule remarque à deux coups :

Mais ce sont les dieux qui donnent des noms aux choses, écris-tu.
Ne serait-ce pas plutôt les choses qui donnent des noms aux Dieux ?

Le mal est mauvais, dis-tu.
En tant que tautologue affirmé, je puis t'assurer que c 'est le mauvais qui est le mal.

Enfin, côté style, une autre remarque à deux coups :

On ne sait plus lequel de Kéké, Lolo, Babou, Coucou, ou autres, a le premier, donner de la chaleur à ce qu’ils mangent.
J'ai un peu de mal avec cette phrase : son sens, sa syntaxe, sa ponctuation, et son orthographe. Pourtant je ne suis pas bégueule sur ces trois derniers sujets. Mais là du coup, le sens m'échappe. Je pense que tu veux parler de l'arrivée du cuit, cher à Claude Lévi-Strauss.

Dernière phrase : si tu mets un O majuscule à Océan, pourquoi n'en mets tu pas à Centrales Nucléaires ?

Pour être franc, car après tout pourquoi ne pas l'être, ce qui me dérange dans ce texte c'est l'étalage de pseudos connaissances, quitte à les inventer. Je trouve que ça ne tient pas. Voilà c'est dit.

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Message  Invité Lun 3 Sep 2012 - 9:13

Comme un grand chaudron où tous les ingrédients mis à mijoter sont dosés et nécessaires au résultat étonnant. Voilà ce que j'admire : cette capacité à mélanger, mixer, touiller, pour produire un texte plus que lisible - fluide, intelligent et de lecture parfaitement abordable.
J'ai aimé très beaucoup.

Juste une remarque (outre les coquilles dispersées :-)) : il faudrait un saut de ligne ici avant le dialogue "« Mais qui c’est donc celui-là ? Il m’énerve à la fin ! " pour faciliter le passage, la transition.

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Message  Invité Jeu 6 Sep 2012 - 13:17

Ah ! Raoulraoul ! Vais-je oser dire que j'ai lu et apprécié ton texte, sans autre argumentation ?
Oui. J'ose. Voilà qui est fait.

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Message  Jano Jeu 6 Sep 2012 - 16:46

Je salue l'idée mais j'avoue ne pas trop accrocher. Le mélange des genres sans doute. J'ai bien aimé la douce naïveté qui émane de la première partie ( même si je me suis complètement perdu dans les prénoms ! ) mais j'ai trouvé la figure du Tout Puissant trop caricaturale, excessivement outrancière. Quitte à faire dans la mythologie j'aurais préféré un discours plus noble, grave, sans ce type de phrases : "ils se la coulent douce ! Ils sont trop jobards, vraiment naves !"
Se moquer ainsi de l'image de Dieu n'est, de plus, pas très novateur.

Dans la logique de l'histoire quelque chose ne va pas. Le maître est furieux contre le colosse, le punit et prive les humains du feu. Pourquoi alors tous les maux de la Terre s'abattent-ils sur eux ? La punition c'est la privation du feu, pas la fin du « vivre ensemble » ! Je ne comprend donc pas cette avalanche subite de catastrophes, physiques et morales, puisque le maître ne les a pas commandé.
À mon avis un parallèle avec le bannissement du Paradis d'Adam et Eve qui vient à mauvais escient. Quand je parlais de confusion des genres ...

Enfin les références vaguement écolo sur la fin ("mort empoisonné par des engrais toxiques / des centrales nucléaires allument d’autres feux") m'ont conforté dans mon opinion que vous mélangiez trop de choses.

Pas facile de refaire la Genèse !
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Message  cft Jeu 6 Sep 2012 - 20:32

C’est une histoire de point de vue mais je ne partage pas ce que raconte le texte.
Moi, j’aime bien la viande bien saignante, les belles voitures et les motos qui polluent, aussi l’électricité des centrales pour alimenter mon ordinateur. C’est mal, c'est ça ?
Sur la forme, j’ai trouvé la répétition des prénoms un peu lassante.
Si non, c’est bien écrit, c’est sûr. Je me suis bien imaginé les scènes, surtout le gars qui débarque en limousine.

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Message  Polixène Ven 7 Sep 2012 - 20:13

Ce texte vaut , pour moi plus pour sa veine humoristique que pour le propos historicophilochose .
J'ai souri de bout en bout -Ah, les noms de clowns!- , j'ai apprécié .


Vous devez adorer "Pourquoi j'ai mangé mon père" de Roy Lewis !
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Message  Invité Ven 7 Sep 2012 - 21:15

J'aime bien les tambouilles incongrues. Celle-ci ne ferait pas exception si je ne l'avais pas trouvée un poil longue.

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Message  Louis Mer 12 Sep 2012 - 23:07

Le début du texte décrit ce qui semble un paradis : un « Printemps éternel ». Là, l’herbe pousse, et « même le blé ». Tout y pousse spontanément, nul besoin de charrue, nul besoin de semences, nul besoin de labour, les hommes ne cultivent pas la terre à la sueur de leur front. Un jardin d’Eden.
Pas d’autres engrais que les « étrons » ; pas d’actes impudiques, on n’a pas encore inventé la pudeur. On passe tout naturellement du bas étron à la haute lumière. On ne s’emmerde pas là-bas, on n’emmerde personne et personne n’est emmouscaillé.

Au sein d’une nature généreuse, les hommes ne vivent pas isolés, et pourtant ils ne possèdent pas encore le langage. Les noms des personnages l’indiquent ; tous ou presque sont constitués d’une syllabe redoublée : « kéké » ; « Lolo » ; « Coucou » ; et « Babou » qui en est proche ; tous ont l’allure du langage enfantin. Mots d’enfants. Nous sommes dans l’enfance de l’humanité, et l’ « enfant », infans, ne désigne-il-pas celui qui ne parle pas, pas encore ? Ces noms, au redoublement hypocoristique, seraient plus proches d’un gazouillis seulement expressif que des mots signifiants. La réduplication fait basculer le mot du côté de l’inarticulé, du côté du bruit.
Mais la syllabe redoublée est déjà un mot, caricatural, mais un mot, un nom propre. Alors les personnages portent des noms qu’ils ne connaissent pas, « Kéké ne sait pas qu’il s’appelle Kéké. » Le pouvoir de nommer, de se nommer ne leur appartient pas. Ce pouvoir est divin. Le pouvoir de nommer se confond avec celui de créer. Nommer, c’est faire exister et l’homme n’est pas son propre créateur, « ce sont les dieux qui donnent des noms aux choses, puisqu’ils créent les choses. »
Cette dernière idée est présentée comme une croyance de la part des hommes, c’est ce qu’ils « pensent ». Mais comment pourraient-ils le penser, puisqu’ils ne connaissent pas les noms ?! Comment de plus penser sans les mots ?

La communication n’est pas absente pourtant, en ce temps d’avant le langage.
« Ils s’appellent entre eux par des sons, des chants, des regards, un souffle qui relie Kéké à Babou. Comme le souffle relie l’arbre à l’espace. Comme le souffle fait tenir la maison dans l’espace. »
Avant le langage, il y a la musique ( les sons, les chants). On retrouve ici une idée de Rousseau, qui soutenait dans l’Essai sur l’origine des langues que la musique est première, qu’elle précède le langage et le permet. La musique est première sous forme du chant. On a chanté avant de parler, dans une mélodie inspirée par les sentiments, par les passions. "Les besoins dictèrent les premiers gestes, les passions arrachèrent les premières voix" : écrit Rousseau.
Le pré-langage est expression sans médiation, fidèle aux émotions, fidèle aux passions avec lesquelles il se confond. Ainsi l’expression ne passe pas par les mots, et ainsi ne peuvent les trahir, « les mots ne sont pas encore là pour trahir »
Mais outre les chants, il y a les regards, très expressifs, et surtout « le souffle ». La communication est un courant subtil qui relie les choses et les êtres, un courant d’âme.

Ainsi le début du texte conjoint-il enfance et paradis, dans ce « coin tranquille avant l’histoire », dans ce coin d’éternité où règne la joie première de l’innocence.
Ce monde de l’enfance heureuse, c’est un monde pré-technique, sans travail et sans outils, sans arts et savoir-faire. « Ils ne savent pas construire de maison » ; « Coucou, qui est adroit de ses mains, ne construit pas de bateaux pour descendre le fleuve. »
Les objets techniques (lits, écuelles, vêtements) n’existent que virtuellement, chacun « peut s’habiller avec les vêtements de l’autre, mais il n’y a pas de vêtements.»
Ce personnage « Coucou » indique bien le rapport à la nature qui est celui des hommes-enfants de cette ère pré-technique. Coucou, en effet, ne transforme pas son environnement par un travail, « Coucou ne veut pas tuer les arbres. » Il ne détruit pas, ne tue pas son environnement, il habite la terre ; la terre est sa maison, « Leur maison avec eux est venue sur terre », la terre est sa demeure ; elle n’est surtout pas un stock de matière première à transformer. Coucou prend soin de sa maison, il la respecte. Il accueille respectueusement tout ce qui vit, tout ce qui est dans son environnement naturel, il honore et salue toute chose et tout être, d’où son nom.

Dans cet Eden règnent amour et tendresse ; nulle jalousie, nulle violence pour corrompre cette situation idyllique.
La propriété privée est absente, « Ici, tout le monde est dans le même champ. »
Le mal en général est absent, le mal est dans la souffrance, chacun le comprend et le fuit ; le bien est dans « l’agréable », dans le plaisir, chacun le recherche. « Le mal est le premier mot inventé pour diviser les choses. », le mal se glisse dans la distance qui sépare, divise, désaccorde, quand le bien se réalise dans l’union, dans ce qui joint et conjoint, dans ce qui réunit, ce qui embrasse.

La fin de ce monde pré-technique ne correspond pas à la sortie hors du paradis. L’apparition des arts et des techniques, avec le feu, améliore la condition humaine. Les hommes deviennent artisans et artistes.

Ailleurs, non sur la terre, se joue une scène qui explique l’origine du feu, symbole de la technique. Eclate la colère d’un maître en lequel on reconnaît aisément la figure de Zeus, roi des dieux, contre un « colossal géant », que l’on peut tout aussi aisément reconnaître dans cette autre figure mythique, le fils des Titans, Prométhée.
Zeus s’exprime dans un langage vulgaire et grossier d’aujourd’hui, il nous est rendu ainsi proche et contemporain, il n’est pas le personnage d’un lointain passé ; Zeus est déboulonné de sa posture d’un respectueux sacré.
Zeus, le grand « patron », tonne et fulmine contre Prométhée, « chapardeur de feu », il lui reproche de venir en aide aux humains. Mais au lieu de punir Prométhée, ce rival qui ne cesse de le contrarier, il exige un châtiment pour ses protégés, il se venge sur les hommes, et demande leur extermination. Ils devront « crever de faim ».

Pourquoi ce mépris, cette haine du grand Patron pour les hommes ?
« Ces révoltés » dit-il. Le patron leur reproche leur insoumission, et leur orgueil. Il ne veut en rien partager son pouvoir, or le feu est un pouvoir divin, il est l’apanage du pouvoir suprême, un peu de cette foudre qui est sa prérogative, à lui, le grand boss.
Zeus ne veut rien céder de son pouvoir absolu. Il craint que les hommes ne se prennent à leur tour pour des dieux quand ils auront développé le pouvoir du feu, celui des techniques et des technologies. Il craint que les hommes insoumis deviennent leur propre maître et ne se tiennent pas à la place qui leur a été réservée à la naissance, celle d’une condition inférieure, soumise et obéissante.

Prométhée n’obéit pas au grand Patron. Il ruse.
On retrouve ici une variante du mythe de Prométhée tel qu’il apparaît dans la Théogonie d’Hésiode.
Prométhée trompe Zeus dans le partage des viandes et provoque sa colère, et sa vengeance. Cette fois, c’en est fini du paradis. Le mal s’est répandu sur la terre.
Apparaissent la pudeur et la jalousie, et la douleur. La terre n’est plus un jardin, plus une nature généreuse « Ce qui poussait avant sans effort, maintenant ne pousse plus. ». Les humains sont condamnés au travail, condamnés à suer sang et eau pour survivre. La propriété privée fait son apparition, et avec elle, la méfiance, le vol, la violence. Finies, les douceurs du printemps, désormais sévissent les intempéries, dans le climat, comme dans la vie. Désormais frappent la maladie et la mort.
Le rapport à la nature change, il n’est plus « accueil », mais tend à la destruction et à l’appropriation, Coucou « fait tomber des arbres dans la forêt. »
Le rapport entre les hommes n’est plus dans la transparence ( thème très rousseauiste ) mais dans le paraître.
Le feu, d’abord don bienfaiteur de Prométhée, devient destructeur, «Ils ont des bouches qui crachent du feu, qui enflamment tout. Dans leurs mains ils tiennent des armes modelées par le feu, elles vous tranchent la tête ou vous percent le ventre. » ; « des centrales nucléaires allument d’autres feux. La technique s’est faite technologie, et celle-
ci s’avère le pire des dangers, pour l’homme comme pour la nature.
Le grand Patron, Zeus, destructeur et vengeur, ennemi des hommes, est situé du côté de la technologie ; il apparaît aux hommes associé à un objet technologique : une grande limousine blanche.

Comment le mal est-il advenu ? Comment Zeus s’est-il vengé ? La fin du texte le révèle par la reprise du mythe de Pandore.

Le texte comporte des éléments intéressants. Redonner une version des grands mythes de l’humanité est, en général, une démarche intéressante. Les mythes ont toujours inspiré les grands artistes et les grands écrivains.
Malheureusement, ce texte paraît un peu décevant dans la mesure où il n’apporte pas un éclairage nouveau sur le devenir des techniques, et l’origine du mal. Il montre, mais c’est loin d’être nouveau, que des rapprochements sont possibles entre les mythes de la tradition judéo-chrétienne ( ceux du Jardin d’Eden, d’Adam et Eve, de Jésus Christ) et ceux issus de la tradition grecque.
Peut-être fallait-il montrer de façon plus travaillée l’ambivalence de Prométhée, et celle des techniques qu’il représente. Peut-être fallait-il mieux rendre le caractère allégorique de Prométhée et celui de Zeus, pour aider à comprendre et à nuancer le mal technologique, sans le confondre avec le mal en général. La technologie n’est-elle pas aussi un moyen de remédier au mal ?


Louis

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Message  Raoulraoul Ven 14 Sep 2012 - 14:53

Merci Louis pour ton commentaire. Il est vraiment "la note d'intention" magistrale à toutes mes intentions en écrivant ce texte. La clarté de ton décryptage expose avec brio et poésie le non-dit de mon texte. Merci encore. Je suis d'accord quand tu regrettes que je n'apporte pas un regard nouveau sur ces grands mythes. il est vrai que je semble condamner les technologies en général, et que je n'élucide pas l'origine du mal. Mon explication est la suivante. La règle pour moi était de transposer (pas à pas) si possible les mythes de Prométhée et de Pandora. J'ai voulu interpréter le moins possible. Je ne prends pas position personnellement. C'est volontaire. Pour rester fidèle aux mythes, cette histoire est surtout la vengeance négative de Zeus envers Prométhée et les humains.
Cette démarche d'écriture évidemment ressemble plus à un exercice avec contrainte. Je te l'accorde. C'est sans doute la limite, et donc sûrement l'intérêt relatif de mes textes sur ces thèmes... Je m'interroge maintenant comment poursuivre dans cette direction ?... La mythologie me fournit un imaginaire et une rigueur de tranposition à exercer dans mon écriture. Mais...
J'ai une fois encore eu beaucoup de plaisir à te lire, Louis. Tu boostes toujours ma réflexion. Merci.
Raoulraoul
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