Une copie double

[Nathanaël Zenou]

En haut à gauche au coin de cette copie-double,
il siège étrangement le nom de mon enfant.
Chaque lettre me parle. Un bonheur comme un trouble.
Des sorties qu'on permet. Des jeux que l'on défend.

Et le fil de ma vie qui prit tant de détours
est dans cette écriture et cette encre irisée.
Dans le J et le N j'en ai longé le cours,
dans le G et le S je me suis reposé.

Je ris de la rature et de la patte d'oie.
La plume est hésitante et l'on voit par endroits
une tache effacée ou l'empreinte d'un doigt;
mais les i sont pointés et les t sont bien droits.

Les mots qu'il a choisis pour sa rédaction
je les lui ai appris et voilà qu'il s'en sert
et qu'il met à profit ces petites leçons
que j'ai pu lui donné corriges donc ce ver

Souligne au stylo vert. J'attends... Est-ce trouvé ?
-"Week-end à la campagne !"- . Un sujet engagé.
Une autobiographie où salade et navet,
courgettes et choux-fleurs (le haut du potager)

dans un style enfantin habilement écrit
nous tiennent en haleine en quatre-vingt-dix mots.
Retenons ces moments où le texte décrit
comment maman s'y prend pour cueillir les poireaux,

comment papa conduit et fait un dérapage
traçant dans le gravier une longue trainée;
comment sa sœur Emi pleure avec grand tapage
("Moi je la consolais, puisque je suis l'aîné !")

- Et moi je suis ému et je ne m'en défend,
Cette rédaction me cause un léger trouble.
Il siège étrangement le nom de mon enfant,
en haut à gauche, au coin de cette copie-double !

[Polixène]

L'émotion et la tendresse au rendez-vous. Les soi-disant "petits riens" de la vie, qui sont de vrais jalons.
L'idée est délicieuse, les alexandrins roulent leur bosse allègrement : un texte frais et sympathique, qui m'a plu.
remarques:
Dans le J et le N j'en ai longé le cours, on longe le cours de quelque chose et non dans quelque chose
que j'ai pu lui donné corriges donc ce ver :lui donner .Corrige-donc ce vers
je ne m'en défends,

[Marvejols]

Une tendre nostalgie, un peu troublante. On ne sait plus si l'on est dans un présent ou dans un passé d'un présent plus ancien. Je vois littéralement les années 60 ou 50, qui peut-être racontent les années 20 ou 30.
Les erreurs soulignées par Polixène nuisent au texte (et tout particulièrement le "Dans.. j'en ai"), mais me gênent plus encore l'attaque par un double hiatus ("En/o/a gauche") et le trèssautillant "Je ris de la rature et de la patte d'oie." (JRDLRTR/DLPTD) qui allie dans un TTT à peine adouci par l'allitération en R une ribambelle de dentales et de voyelles courtes (e/i/a).

[Invité]

J'apprécie au plus haut point la fluidité de ce poème. L'attention se concentre sur l'histoire. On en oublie que ce sont des alexandrins, et c'est je crois le meilleur compliment qu'on puisse leur faire. Le parti de ne pas les commencer systématiquement par une majuscule contribue à cette agréable impression.

[JI]

Quelques fautes d'orthographe ( "je ne m'en défendS), mais l'émotion est présente, juste comme il faut, ni plus ni moins... Merci pour cet poème.

[Marine]

Très intéressant
La transmission du savoir, le partage
Dans ce quelque chose que les parents laissent et en un sens abandonnent aussi, peut-être

[Albert-Robert]

Cela ne manque pas d'intérêt, mais j'ai eu l'impression que tu es plus fier de c e que tu as fait de l'enfant que de lui-même

Et je dois dire aussi que ta façon de manier la syntaxe me laisse un peu... dubitatif.

Malgré cela, j'ai aimé.

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