Mais… et la vie sans musique ?

[M.]

Do.

La dernière note qu'elle avait osé jouer. Les larmes aux yeux, tout en se tenant la tête elle s'assit. Cette unique note résonnait dans sa tête comme un écho, ça lui faisait mal, très mal... Horriblement mal. Aussi bien à la tête qu'au coeur.

Do..

A l'intérieur d'elle plusieurs sentiments s'enfilaient, telle des notes sur une partition. La colère, la tristesse, l'envie, la peur... le désespoir. Elle était une femme faite pour la musique, depuis toute petite elle aimait jouer et même parfois composer ses propres airs. Doucement elle caressa le piano et enfonça une note au hasard.

Do ... Sol.

A croire qu'elle aimait ça, se faire du mal, pour un rien.

Do....Sol..

Elle referma le couvercle du piano. La tentation était trop grande, elle voulait en jouer... Mais elle savait ce qui en retournerait. Cet affreux mal de tête et se bruits assourdissant qui lui rongeait les tympans. Elle était une femme faite pour la musique... Elle en était persuadée... Si seulement...

Sol...

Le mal se dissipait peu à peu... Elle s'imaginait souvent pouvoir rejouer, comme avant, sans avoir envie de se tirer une balle tant la douleur était intense... Tout ça pour une malformation... Foutue malformation !

Sol ....

Depuis elle vivait dans un demi-silence, un silence dérangeant, un silence inquiétant... Parfois elle avait envie de s'achever. Aller dans la cuisine et jeter violemment une casseroles, ou un plat à terre, juste pour en finir... Pour vivre dans un silence complet, pour ne plus avoir à endurer ses résonances absurde. Pour jouer du piano...

.....

Elle se mit à sa fenêtre et observa ce qui se passait dehors... Rue piétonne, enfants riant, marchand de glace hurlant, à qui achètera, vanille, fraise, chocolat, pistache.. tout à la fois... Elle aurait voulu ouvrir la fenêtre pour tout écouter... Mais même les rires saccadés, les hurlements crescendo lui était interdit. Seule les chuchotements ennuyeux, les sifflements abstraits étaient permis.

Enfermée dans sa maison à attendre, une visite, un mot, glissé sous la porte, pour ne pas avoir à frapper, pour ne pas avoir à lui faire mal...
Elle aurait voulu hurler, crier...

Bordel !!

Se risqua-t-elle.

Bordel !.

Même ses propres mots la brisaient.

Bordel ..

On dit de la musique qu'elle accompagne la vie,
Qu'elle ravive nos souvenirs
Que c'est un Art Universel qui hier comme aujourd'hui,
Rassemble les foules pour les unir...

Bordel...

Mais... et la vie sans musique ?

Bordel....

Elle vit des gouttelettes tomber sur la feuille sur laquelle elle venait d'écrire ...

Tu sais parfois le silence est d'or, il y a une certaine mélodie dans les poèmes tu ne trouves pas ? Les mots écrits on parfois plus de puissance que la musique, tout dépends comment tu les utilises... Cela ne me dérange pas de ne rien entendre, cela me rend unique en soit, je ne suis pas influencée par les mélodies des autres et c'est à moi de composer les miennes... Les émotions je les transmets en écrivant... Et puis en soit le silence est une musique...

.............

[hi wen]

On est d'dans. Le texte est suffisement aéré, spacieux, poreux, pour vous inviter dans son coin de bulle. La captation fonctionne.
Intrigant est le motif de départ. j'aurais aimé en savoir plus sur cette curieuse forclusion du crescendo, qui semble condamner la pianiste à la marche crabique, au mutisme je veux dire (cri blanc?). le texte aurait pu déployer ses ailes et illustrer le thème central en psychologisant sur d'autres tableaux, hors métaphore pianistique.
une contradiction cependant, entre la pente vers le silence, et le final en voix off, qui montre sa sensibilité pour les harmonies baroques. contradiction aussi entre le mutisme prétendu, et l'exposition à multiples support, sonore, textuel, pictural, graphique etc. je devine un talent pour la Lettre, une double lecture, à la fois grossissante à partir d'un détail, et abstraite, et donc l'analogie du pianiste absorbé par un son sur une touche me parait bien venue.

"Elle était une femme faite pour la musique" : etre fait pour, je trouve ce genre d'équation très tartignolesque. quelle curieuse contorsion du désir que de se conforter à une vague idée de. Serait-ce un conte du chasseur et de la bécasse?

" pour vivre dans un silence complet". beau costume!

"Tout ça pour une malformation... Foutue malformation !" . l'argument ne tient pas la route. prenez ravel, django, monk, etc.

"Aller dans la cuisine et jeter violemment une casseroles" . ah voilà! les cuivres maint'nan! bel interlude de la batterie!!

[midnightrambler]

Bonjour,

J'ai senti hier soir alors que l'Hallelujah de Haendel passait sur ma chaîne Hi Fi modèle 1988, qu'il fallait dire quelquechose sur ce texte, j'ai pourtant laissé passer mon tour et je crois que j'ai bien fait !

Amicalement,
midnightrambler

[Nicolah]

Joli texte, dommage que Nietzsche ne soit pas la pour le lire.

[Invité]

encore une fois, le titre est percutant.

c’est intéressant de pouvoir mettre en parallèle ta prose avec ce que tu fais en poésie :
deux pans différents qui s’expriment, et pas le même registre.
il y a une constante de relief, ou en tout cas un sens de la mise en relief par les mots, dans ce que tu écris.
ce qui fait que c’est très vivant, mouvant, musical d’une manière ou d’une autre,
toutes ces raisons pour lesquelles on est dedans, oui.

donc ici, il y a une douloureuse différence de perception, une prison entre l’avant et l’après malformation qui s’exprime.
or pour moi, une malformation n’est pas une déformation : elle est là depuis toujours…donc dans ce cas, pas de bascule entre un avant et un après.
là, éventuellement une petite contradiction donc, à voir…


à voir, parce que comme ça reste un peu mystérieux et que par ailleurs tu sais où tu vas, il est difficile d’oser évaluer, ou réorienter sans savoir vraiment de quoi il en retourne, de peur de toucher au brut essentiel de la direction que tu prends.
je veux dire, on a envie de te laisser faire librement pour voir où tu veux en venir.
mais tout de même…
parce que par exemple ce texte est fort, mais en même temps pas facile à saisir !

« cela ne me dérange pas de ne rien entendre, cela me rend unique en soi, je ne suis pas influencée par les mélodies des autres et c'est à moi de composer les miennes... »

bon : ça c’est du futur anticipé, projeté, une résolution, une clef?
ou bien la voix d’un autre personnage qui parle ?

et d’ailleurs :
s’agit-il de surdité, ou au contraire d’une trop grande sensibilité des oreilles ?
OU
si elle s’achève en faisant tomber une casserole ou un plat, c’est que :
trop sensible des oreilles, elle risque d’en devenir sourde ?
et donc ne plus vivre dans un demi-silence, mais un silence complet.
OU
acouphènes ? parce que si c’est ça, c’est dur !

quoi qu’il en soit, la vie sans musique ce n’est pas une vie, je te l’accorde.
pas faux que le silence soit aussi une musique.
ce texte pas du tout simple est plutôt réussi,
et j’aime ce jeu d’échos qui le traduisent joliment, pudiquement même.

bref, pour y accéder j’ai dû le relire !!

ce qui ne me dérange pas forcément plus que ça, mais bon.
et puis à mon avis ça va être un peu comme ça tout le temps…alors, pourquoi pas.

[Invité]

Un problème de musique et de surdité. Comment ne pas penser à Beethoven ?

Un passage m'intrigue :
Elle s'imaginait souvent pouvoir rejouer, comme avant, sans avoir envie de se tirer une balle tant la douleur était intense... Tout ça pour une malformation...
Il me paraît improbable qu'une malformation apparaisse tout à coup. Il me semble qu'une malformation aurait pu, au départ, l'empêcher de jouer de la musique...Mais apparemment ce n'est pas le cas. Bizarre.

"A l'intérieur d'elle plusieurs sentiments s'enfilaient," assez maladroit.
J'aurais plutôt vu "plusieurs sentiments défilaient en elle".

J'ai aimé le fond du texte, malgré quelques maladresses et la présentation trop sophistiquée à mon goût.

Enfin, encore des fautes d'orthographe regrettables.

[laconis]

J'aime assez ton texte. Principalement pour le sujet que je trouve assez bien traité.
Le sujet est très fort: sa vie est inconcevable sans la musique mais chaque son est une torture ! Si fort que je pense qu'il y a encore beaucoup à approfondir sur les sentiments et les images mettant en avant son problème.
J'espère que tu vas le retravailler encore car, à mon avis, il peut devenir excellent.

[M.]

Voilà j'ai repris mon texte, j'ai rajouté quelques éléments, au niveau de la malformation et à la fin avant le paragraphe en italique. J'ai (essayer) de corrigé certaines fautes d’orthographe (celles que j'ai trouvé en espérant ne pas avoir commis des fautes en plus ). J'ai enlevé certains passages

Do.

La dernière note qu'elle avait osé jouer. Les larmes aux yeux, tout en se tenant la tête elle s'assit. Cette unique note résonnait dans sa tête comme un écho, ça lui faisait mal, très mal... Horriblement mal. Aussi bien à la tête qu'au coeur. 

Do..

A l'intérieur d'elle plusieurs sentiments défilaient en elle, telle des notes sur une partition. La colère, la tristesse, l'envie, la peur... le désespoir. Depuis toute petite elle aimait jouer et même parfois composer ses propres airs. Doucement elle caressa le piano et enfonça une note au hasard. 

Do ... Sol.

A croire qu'elle aimait ça, se faire du mal, pour un rien. 

Do....Sol..

Elle referma le couvercle du piano. La tentation était trop grande, elle voulait en jouer... Mais elle savait ce qui en retournerait. Cet affreux mal de tête et se bruits assourdissant qui lui rongeait les tympans. Si seulement... 

Sol...

Le mal se dissipait peu à peu... Elle s'imaginait souvent pouvoir rejouer, comme avant, sans avoir envie de se tirer une balle tant la douleur était intense... Le médecin avait pourtant prévenu, que si elle continuait à vivre encrée dans la musique elle finirait par se priver elle-même... Mais elle avait fait la sourde oreille. Et ce qui était à la base une anodine malformation lui menait maintenant la vie dure...

Sol ....

Depuis elle vivait dans un demi-silence, un silence dérangeant, un silence inquiétant... Parfois elle avait envie de s'achever. Aller dans la cuisine et jeter violemment une casseroles, ou un plat à terre, juste pour en finir... Pour vivre dans un silence complet, pour ne plus avoir à endurer ses résonances absurdes. Pour jouer du piano... 

.....

Elle se mit à sa fenêtre et observa ce qui se passait dehors... Rue piétonne, enfants riant, marchand de glace hurlant, à qui achètera, vanille, fraise, chocolat, pistache.. tout à la fois... Elle aurait voulu ouvrir la fenêtre pour tout écouter... Mais même les rires saccadés, les hurlements crescendos lui était interdit. Seuls les chuchotements ennuyeux, les sifflements abstraits étaient permis. 

Enfermée dans sa maison à attendre, une visite, un mot, glissé sous la porte, pour ne pas avoir à frapper, pour ne pas avoir à lui faire mal...
Elle aurait voulu hurler, crier...

Bordel !!

Se risqua-t-elle.

Bordel !.

Même ses propres mots la brisaient. 

Bordel ..

On dit de la musique qu'elle accompagne la vie,
Qu'elle ravive nos souvenirs
Que c'est un Art Universel qui hier comme aujourd'hui,
Rassemble les foules pour les unir...

Bordel...

Mais... et la vie sans musique ? 

Bordel....

Elle vit des gouttelettes tomber sur la feuille sur laquelle elle venait d'écrire ... Elle resta comme ça pendant quelques minutes essayant de faire abstraction de la petite voix à l'intérieur d'elle qui lui murmurai :

<< Tu sais parfois le silence est d'or, il y a une certaine mélodie dans les poèmes tu ne trouves pas ? Les mots écrits on parfois plus de puissance que la musique, tout dépends comment tu les utilises... Cela ne me dérange pas de ne rien entendre, cela me rend unique en soit, je ne suis pas influencée par les mélodies des autres et c'est à moi de composer les miennes... Les émotions je les transmets en écrivant... Et puis en soit le silence est une musique...>>

.............

[Invité]

merci pour les clefs, M.
cette nouvelle version est en effet plus "lisible",
tout est plus clair avec ce que tu as ajouté.

[Sahkti]

Cette "mise en bruits" fonctionne bien, elle donne du relief à l'histoire, lui impulse un rythme propre que j'estime réussi. J'ai aimé l'arrivée de ce "bordel", pile poil au bon moment, de la bonne manière. De quoi rendre cette surdité plus palpable, sans pour autant la juger en quelconque façon, non, juste en prendre conscience, et ça, ce n'est pas rien, ça demande un effort, une mise en position pas toujours possible.

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