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Un premier poème

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Message  Loïc Relly Ven 3 Mai 2013 - 2:09

Mon premier poème je l'ai seulement pensé.

"-Ca me met hors de moi!" elle hurle, "-Hors de moi!"

Maman est en train de me traîner sur le carrelage.

Mon sang était le poste-frontière de sa culpabilité au-delà duquel je voyais Maman faire comme les étoiles dans un schéma de mon livre d'astronomie - j'avais déjà imaginé que quelque chose devait appuyer sur elle depuis le dehors, en permanence. Et qu'une autre flèche venue du centre de Maman, de "son intérieur" ou de sa petite flamme comme elle me disait ; poussait les muscles et tout ses gestes et la faisait vivre.

J'écris de Maman, mais bien sûr j'avais cru ça en moi. Je me souviens d'une large période d'excitation fébrile, à cette idée.

C'était une correspondance d'images dont la nouveauté m'est évidemment inexprimable aujourd'hui - la dualité toute récemment envisagée de mon être venait de marquer dans ma chambre, et dans mes amis ; dans la saveur même des châtaignes rissolées que nous allions d'abord ramasser ensemble, une espèce de semblance encore jamais goûtée.

J'en avais conçu une drôle de passion pour la magnétite d'ailleurs, que je voulais collectionner. En me privant de l'unité a priori de moi-même, et d'à peu près tout quand j'y réfléchissais, j'estimais pourtant que cette modélisation duale des choses me rapprochait du Monde.

Et, si vraie qu'elle me permettait de mieux comprendre à la fois Maman et le Soleil, elle avait donné aux objets de la maison cette sorte d'injonction commune qui m'obsédait encore en quittant l'école primaire.

C'était un livre d'enfants que mon Atlas de l'Astronomie, et nous n'avions rien d'autres sur le sujet à la maison ; c'est donc d'un ami de Maman que j'avais pu en apprendre plus.

C'est une condensation du vide autour des choses, à mesure de leur masse.

Ainsi les étoiles étaient prisonnières d'elles-mêmes parce qu'elles ont aggloméré des régions autrefois plus immenses encore de l'Univers. Dont les morceaux s'étaient trouvés trop proches les uns des autres pour garder l'espoir de se re-différencier ; ce qui les tenait immobiles était la conséquence d'une densité inimaginable. Nous avions parlé tout l'après-midi.

(Cette notion de la densité entre autres était une véritable épiphanie ; au milieu de toutes les choses que j'ai alors appris en quelques heures avec cet homme, Jean ; sur notre terrasse où je buvais du sirop, lui du café ; en jouant aux cartes)

Je l'écris parce que ma taille, la taille de ma mère, et la taille des poèmes sont devenus ce jour-là, à mes yeux, une échelle de la légèreté.

Et c'était quelque chose que je m'entendait presque pouvoir lui dire ; que nous bougeons, Maman nous rions en nous échappant de la Mélancolie parce que nous sommes tout petits.

Mais mon sang (et d'autres éléments) empêchaient parfois Maman d'aller plus avant dans cette liberté - le volume que nous occupions et notre petite flamme qui s'arrachaient en chaque geste à la pression qui clouait les étoiles - qui avait pris désormais pour moi l'apparence de cette façon qu'avait la terre de glisser, coûte que coûte, du tamis de plage en plastique où je la mettais pour m'amuser - un classieux bras d'honneur de l'insignifiance au vide.

Il y avait un dénivellement entre le dallage d'ardoises de la cuisine - d'origine - et les parquets voisins de nos chambres, que d'anciens habitants de la maison avaient fait rajouter. Pour le masquer étaient des morceaux de cuivre martelé - les poutres aussi portaient ces ferroneries un peu terne des alpages suisses - vissés sur la longueur au sol des arches qui séparaient les pièces.

"-C'est n'importe quoi, n'importe quoi!" elle hurle et sa main sous mon aisselle tire assez maladroitement le reste de nos poids pour qu'on bouge sur le carrelage, que j'aie mal.

Il ne s'était plus trouvé de résistance - en une seconde.

Je crois que ses doigts ont glissé sur mon pull et Maman a lâché comme au jeu de corde.

J'ai bougé très vite vers l'une des plinthes de métal que ma lèvre a tapé bien fort, j'ai regardé Maman et j'ai vu que Maman soudain avait voulu rester dans la condition stellaire ; je hoquetais toujours comme un malade mais le visage de Maman s'était tu - je l'ai senti sur mon menton et dans ma bouche. J'avais relevé la tête de suite pour voir ce qui était arrivé ; qu'elle soit par terre aussi j'ai trouvé ça beau mais c'était ses yeux, quand elle a vu mon sang - on pouvait parfaitement mélanger ses larmes et mes larmes - elle ne ferait peut-être plus rien.

Derrière il y avait sa chambre dont elle avait franchi le seuil en s'étalant, des rayons de poussière en perçaient les volets fermés.

Mes pleurs ensuite mouraient plutôt en tressaillant dans ma glotte, à cause de ses yeux ; elle n'était pas en train d'abandonner. Elle essayait de faire quelque chose d'important - les tremblements de Maman que je voyais naître dans le flou de mes oeillères d'eau, sans pouvoir détourner le regard (pour rester sûr) et qui maintenant la faisaient claquer dans tous les sens sous ses pupilles ; c'était important ; il y avait les striures de lumière parallèles derrière et le nez, les joues les cheveux de Maman encadraient tout ce Monde de ses yeux, et je voyais que toute la force de Maman voulait comme étendre son corps pour prendre la place du vide.

Et je crois que mon premier poème aura été de penser sans lui dire à Maman que moi aussi, j'étais alors hors de moi, et qu'ainsi ce n'était pas grave, puisque nous avions tous les deux seulement emprunté ces costumes, nous pourrons nous regarder demain.
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Message  Invité Ven 3 Mai 2013 - 9:16

Wow ! Renversant, à couper le souffle.
J'ai lu deux fois pour être sûre, bien comprendre, et ma deuxième lecture, très claire alors, a été une grande claque, un coup en plein plexus.
Outre le fondamental parallèle cosmique ou plutôt cosmogonique qui m'a interrogée avant de me séduire, la violence et la poésie sous-jacentes à ce texte m'ont fait l'effet d'une vraie tempête émotionnelle dans laquelle le fil directeur tient bon, il est solide, on ne le lâche pas.
Mon assentiment n'était pas gagné d'avance, mais il est au bout du compte certain, je suis contente qu'il en soit ainsi..

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Message  Septembre Ven 3 Mai 2013 - 14:10

Pour ma part je suis un peu partagée. J’ai aimé ce texte car, tout comme Easter, il me touche et aborde des thèmes, ou plutôt des images qui me sont chères : cosmologie et famille font bon ménage. La réflexion a posteriori sur l’enfance est intéressante, riche en psychologie, et la violence de la relation entre l’enfant et sa mère très bien décrite.

Cependant quelques détails m’empêchent d’être totalement bouleversée par ce texte car ils accrochent mon regard et nuisent à la fluidité de la lecture. Ce sont principalement des éléments de forme, comme l’usage du point-virgule (moi aussi je l'adore...mais point trop n'en faut), des italiques, des majuscules ou encore des guillemets que je trouve inapproprié.

Par exemple :

Et qu'une autre flèche venue du centre de Maman, de "son intérieur" ou de sa petite flamme comme elle me disait ; poussait les muscles et tout ses gestes et la faisait vivre.
Je ne comprends pas l'usage des guillemets qui ne font référence à rien. S'agit-il d'une expression employée par la mère ? En tout cas je n'en ai pas relevé la trace. De même, le point-virgule me dérange, je trouve qu'une virgule aurait suffit.

Autre virgule dérangeante : Je me souviens d'une large période d'excitation fébrile, à cette idée.

la dualité toute récemment envisagée de mon être venait de marquer dans ma chambre, et dans mes amis ; dans la saveur même des châtaignes rissolées que nous allions d'abord ramasser ensemble, une espèce de semblance encore jamais goûtée : encore un point-virgule que je trouve étrange mais j'ai aussi peur d'avoir développé une psychose généralisée quant à leur usage dans ce texte (ce qui est dommage).

Ici aussi : (Cette notion de la densité entre autres était une véritable épiphanie ; au milieu de toutes les choses que j'ai alors appris en quelques heures avec cet homme, Jean ; sur notre terrasse où je buvais du sirop, lui du café ; en jouant aux cartes). Ce n’est pas fluide pour moi.

D'autre part, les majuscules à des mots comme “monde” ou “soleil” ou encore “mélancolie” ont tendance à m’agacer mais ça c’est purement personnel. Il existe d’autres moyens pour souligner la puissance d’un mot ou d’une idée, surtout pour ceux-ci qui, à mon sens, se suffisent à eux-même. C'est la même chose pour les italiques (sauf ceux des titres et ceux de la fin qui renvoient au dialogue d'ouverture).

En fait je trouve que là où tu es le meilleur, c’est dans l’action. J’aime surtout les quatre derniers paragraphes. Ils sont plus visuels, donc l’émotion et paradoxalement la réflexion est plus claire. Elle est là, découverte au grand jour au milieu des stries de lumière qui filtrent par les volets. Oui la fin est vraiment bien.

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Message  Invité Sam 4 Mai 2013 - 9:11

Je lis ton commentaire, Septembre et réalise que ma lecture enthousiasmée m'a (pour une fois) valu d'ignorer les remarques de forme que tu pointes si justement.
Cela dit, c'est du tout bon pour Loïc, pour le fond du texte.
:-)

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Message  Invité Mar 14 Mai 2013 - 20:06

Suis en ce moment "hors mots", mais je veux juste dire que j'ai lu et été happée par ce texte. J'essaierai d'y revenir quand j'aurais retrouvé le minimum...

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Message  Nicolah Jeu 16 Mai 2013 - 9:08

Je suis d'accord avec Easter le texte est vraiment très renversant !

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Message  Invité Jeu 16 Mai 2013 - 12:13

Quand le texte emprunte le lexique philosophique, il perd pour moi beaucoup en intérêt et se perd dans des abstractions. Il ne décolle véritablement que dans les derniers paragraphes.
Mes remarques de forme :
− « "-Ca me met hors de moi!" elle hurle, "-Hors de moi!" » : le tiret (qui devrait être cadratin, « — ») et les guillemets (qui devraient être à chevrons) font double emploi. De plus, ne pas oublier la cédille sous le C majuscule. On aurait donc en définitive : « — Ça me met hors de moi, elle hurle, hors de moi ! » ;
− « - j'avais déjà imaginé que quelque chose » : pour marquer l'incise, il convient d'employer un tiret demi-cadratin (« − ») ;
− « de "son intérieur" » : guillemets français (“«” et “»”) ;
− « elle me disait ; poussait les muscles » : j'abonde dans le sens de Septembre et me demande si l'utilisation de ce point-virgule est pertinente ;
− « et tout ses gestes » : « tous ses gestes » ;
− « - la dualité » : tiret demi-cadratin d'incise. Ne pas oublier de refermer l'incise avec un autre tiret ;
− « la dualité toute récemment envisagée » : « tout récemment » ;
− « pour la magnétite d'ailleurs » : « la magnétite d'ailleurs » (qui provient d'ailleurs !) ou « la magnétite, d'ailleurs » (par ailleurs) ? ;
− « En me privant de l'unité a priori de moi-même » : « a priori » en italiques ;
− « me rapprochait du Monde » : pourquoi cette majuscule ? ;
− « à la fois Maman et le Soleil » : pareil ;
− « nous n'avions rien d'autres sur le sujet » : « rien d'autre » ;
− « c'est donc d'un ami de Maman » : « maman » sans majuscule ;
− « au milieu de toutes les choses que j'ai alors appris » : « les choses que j'ai apprises » ;
− « en jouant aux cartes : où est le point ? ;
− « quelque chose que je m'entendait presque » : « m'entendrais » ;
− « Maman nous rions en nous échappant de la Mélancolie » : pas de majuscules ;
− « - le volume que nous occupions […] qui clouait les étoiles - » : tirets demi-cadratins d'incise ;
− « - un classieux bras d'honneur » : idem ;
− « de la cuisine - d'origine - » : idem ;
− « - les poutres aussi […] des alpages suisses - » : idem ;
− « ces ferroneries un peu terne » : « ternes » ;
− « "-C'est n'importe quoi, n'importe quoi!" » : « — C'est n'importe quoi, n'importe quoi ! » ;
− « - en une seconde » : tiret demi-cadratin d'incise ;
− « et Maman a lâché » : pas de majuscule ;
− « - je l'ai senti sur mon menton » : tiret demi-cadratin d'incise ;
− « J'avais relevé la tête de suite » : « tout de suite » (aussitôt) et non « de suite » (d'affilée) ;
− « - on pouvait parfaitement mélanger ses larmes et mes larmes - » : tirets demi-cadratins d'incise ;
− « - les tremblements de Maman » : idem et pas de majuscule ;
− « mes oeillères d'eau » : ligature du E dans l'O (« œ ») ;
− « les joues les cheveux de Maman encadraient tout ce Monde de ses yeux » : pas de majuscules.

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Message  Loïc Relly Jeu 16 Mai 2013 - 13:34

Merci Alex (et les autres)! Oui, c'est affreux à relire (j'ai lu de tes commentaires sur plusieurs textes et ai pensé dans un sourire à tes étouffements probables si tu venais voir celui-ci).
J'ai transformé des phrases en laissant des accords qui en sont devenus pour le moins fantaisistes. Je plaide la folie de quelques demis de St. Bernardus.
Pour les tirets (absence de cédilles aux majuscules, aussi, ligatures…) c'est la flemme des traitements de texte/claviers américains, comme je n'avais quasiment rien partagé depuis plusieurs années… je corrigerais à l'avenir.
Ne peut-on refermer une incise par un point (ou même point-virgule)? Je l'ignorais.
Pourquoi "m'entendrais"?
Maïtre Capello n'est pas ma principale source d'inspiration ("de suite"…), ce genre d'écarts a beaucoup de charme à mes yeux.
Oui, virons ces majuscules.

Bien sûr je suis attristé que tu n'aies pas aimé ce texte. Si sujet il y a, il tient pour le dire vite du lien entre la tentation d'utiliser systématiquement l'abstrait des modèles (du Vrai platonique associé à toute entreprise de science, ou de philosophie) et la mélancolie (dois-je développer?), ce qui me tient plus à coeur que l'effet de manche de la fin.
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