Œil pour œuf, beauf pur bœuf !

[à tchaoum]

Et si t'es pas content, j'te crève l'autre !

- C'est vrai, j'en ai marre que j'm'échine à lui faire la bouffe et lui le cul devant son assiette à attendre que je fasse glisser de la poêle dans son estomac, non, j'exagère, pas si vite, il tient trop à l'étape de passage par sa gueule de glouton !
Et que j'te mastique en exprimant sa satisfaction bestiale de bruits organiques amplifiés pour bien faire comprendre, et i' croit qu'c'est un compliment !
On dit qu'y a manger pour vivre et vivre pour manger, ben lui c'est manger pour vivre pour manger !
Et avec ça l'alibi du travailleur qui mérite que ce soit ni trop chaud ni pas assez, ni trop cuit ni pas assez non plus et tendre, hein ? pas de la s'melle ; que c'est tout d'même pas d'ma faute si le boucher m'a vendu d'la carne ?!
On a beau êt' des ploucs, on a tout d'même vu à la télé « le charme discret de la bourgeoisie », ousque les gens vont s'cacher pour bouffer dans les chiottes et chient tous en papotant autour de la table, alors lui quand je le vois qui bouffe, je le sais qui chie !!!
Aujourd'hui c'était des œufs sur le plat, Meussieu en prend deux, jusque là rien à dire, chacun sa brioche et son cholestérol, avec de la ratatouille PLUS un bol de riz pour Meussieu qui ne peut pas, juste une fois, faire bonne figure ou contre mauvaise fortune bon cœur (l'alibi du travailleur) ; des légumes que c'est des trucs de bonnes femmes et de pédés, un vrai mâle i' plante pas ses dents là d'dans, des machins qui font juste de la rétention d'eau, non je veux du solide, du qui tient au corps !
Patates, nouilles, riz ou fayots !
Pas moins !
Tomates courgettes aubergine ?
Non mais tu m'prends pour qui ?!
Et bon, c'est pas m'fa faute, ces œufs de poule-en-batterie, c'est pas solide, j'ai beau y aller mollo avec la spatule, y en a un qui crève entre la poêle et l'assiette, et c'est tout d'suite les hurlements, les reproches, les jérémiades, les engueulades "mais ma pauvre tu sauras donc jamais faire ?!"
Le dépit qui coule sur la table !
C'est qu'il y tient trop, à le crever lui-même, avec sa tranche de pain que déjà "ah ! non, putain ! Pas celui d'hier, avec des oeufs, tu déconnes ? Y en a pas du d'aujourd'hui ? C'était pas ouvert ?! Quel jour on est ?!"
C'est la goute d'eau qui m'a fait péter le plomb.
C'est pas la frustration d'un sale gamin capricieux, ça, peut-être ?
Ça mérite pas une baffe ?
Et ça fait quatre-vingt douze kilos de bonne conscience brute, aveugle et et malveillante ?
Non une baffe n'y suffirait pas.
- ...- - ---Rlan !

- Mais madame, vous vous rendez compte, le nez cassé, la pommette enfoncée, huit points de suture...
- Et le deuxième œuf sur sa veste, oui. Ah ça ! Pour faire de la bonne cuisine, faut du bon matériel. Il m'a offert ces super-poêles pour mon anniversaire, pour que ça n'attache pas, comme quoi j'aurais tendance. Elles coûtent la peau des fesses et elles sont super lourdes, j'en ai mal au poignet. Je sais pas en quoi c'est, mais sûr, une fois qu'c'est parti, forcément ça fait mal...
- Madame, votre mari porte plainte contre vous, et c'est assez normal...
- Et quand je vous dis qu'en plus il est con, on a que son salaire !

[Zou]

E bé moi je l'aurais tué, rien de plus rien de moins .
Ceci dit, quand même, l'oeuf qui s 'éventre entre la poele et l'assiette c'est moche quand même ! ;-)
Petite scène de la vie quotidienne super bien croquée. Juste le langage "parlé" qui m'a un peu gênée dans la lecture.

[Melenea]

On s'y croirait... et je peux même dire que le dialogue interne, est succulent... Qui n'a pas eu parfois des mots durs en soi, en tentant de garder le sourire... Comme quoi, une bonne poële est bien multi fonction
Scène sur le vif, bien décrite

Mél

[Invité]

Si je ne suis pas trop fan du langage parlé (même si je comprends bien que c'est pour la bonne cause) on ne peut que reconnaître que ça fonctionne parfaitement. Et puis, je dois avouer avoir ri à la dernière réplique, cinglante et bien vue. De même la première phrase prend tout son sens en fin de lecture. Divertissant, pour le moins.

[le pilou]

Toi tu m'éclates mon petit nénéphant. Bien fait pour sa gueule à ce blaireau (j'aurais souhaité un peu plus de détails). Rien que d'offrir des ustensiles de cuisine à sa femme ça mérite la mort par lapidation. Non c'est vrai vaut mieux lui offrir une cravache et des menottes.
Par contre les oeufs qui crèvent ça me le fait tous les matins... t'as un truc pour éviter ce genre de malheurs?

[mentor]

Pittoresque ce monologue, même si un peu poussé, quoique... ;-)
c'est vrai, offrir de l'électro-ménager à madame pour son anniv, il méritait pas mieux le rustre !
Allez, je préfère 100 fois ce genbre de prose à tout ce qui débarque ici ces derniers temps, j'en veux encore du comique de situation, du lourd, du Bienv'nu chez les Ch'tis, oui, j'aime ça, biloute, encore ! :-)))

[outretemps]

Chalut a tchaoum, Bonne ambiance de cuisine, où ça chauffe terrible. Tu m'étonnes parfois, je sais pas dans quel sens, (pas le mauvais du tout), mais justement, dans quel "bon" sens? Je crois que c'est là que git la vraie question. Et je suis sûr que Panda, il pense comme moi, pareil! Allez bonne nuit

[Sahkti]

Un langage un brin trop parlé à mon goût mais bon, ça fait partie de la vision "Groseille", va donc!
A la fin, comme Zou, je l'aurais tué ou l'aurais torturé ou que sais-je, mais un vrai truc qui fait mal, à la hauteur de toute cette frustration qu'elle renferme en elle.
Sinon, tranche de vie agréable, à défaut d'être appétissante :-)

[claire]

"avec des oeufs, tu déconnes"
Tranche de lard ton bonhomme!

[bertrand-môgendre]

Je trouve que la réplique de cette femme, bonne, rebelle, tombe pile-poil avec son hargneux de mari.

[maniak']

à tchaoum, je t'ai déja dit que j'aimais beaucoup ce que tu fais ? Non ? Ben j'aime beaucoup. Et c'est pas facile à faire en plus.

Si t'en as d'autres des comme ça, je suis preneur.

[Invité]

RRlan ! J'ai lu. Je suis plutôt amusé de tout cela. Bien amusé.

[Invité]

On dit qu'y a manger pour vivre et vivre pour manger, ben lui c'est manger pour vivre pour manger !

Sur ce sujet je dis toujours: je suis là pour te faire à manger, pas pour te nourrir..

[Invité]

Et c'est pas facile à faire en plus.

Exactement ce que je me disais. Tout comme au cinéma, il est plus difficile de faire rire que d'émouvoir.

[Reginelle]

Voilà qui me rappelle certain couvercle de "cocotte-minute" qui, un jour, m'a fortement chatouillé les doigts...

Très fortement !

C'est certainement pour cela que j'ai beaucoup aimé ce texte ! Sûr de sûr ! Quel plaisir de voir cette poêle oser là où ce fichu couvercle s'est dégonflé ! hé hé hé...

J'ai bien ri ! Merci pour ça !

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