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JO DOMENICA : Cette page que tu ne liras pas

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JO DOMENICA : Cette page que tu ne liras pas Empty JO DOMENICA : Cette page que tu ne liras pas

Message  kazar Ven 11 Sep 2009 - 16:10

...C'était l'heure du début moins cinq.
...Elle adorait ces moments-là, ces moments silencieux qui filaient, mine de rien, en l'espace d'un tablier noué, d'une chaussure enfilée, d'un bas remonté. Dans le vestiaire on ne parlait pas beaucoup ; soit qu'on était épuisé à l'idée d'aller au turbin, soit que la journée était passée par là — soit qu'on ne parlait pas italien tout court. Les autres filles ici, évadées de pays déshérités, échappées de conditions miteuses, ne maîtrisaient pas beaucoup plus que quelques mots et se contentaient d'échanger des sourires pressés. Jo vérifia son maquillage dans le miroir de courtoisie qu’elle avait un jour trouvé dans une chambre — petit larcin pour la route — et réajusta un peu de carmin au coin de sa bouche.
...Elle sourit. Cela faisait aujourd’hui trois mois qu’elle avait commencé. Et ce petit hôtel lui plaisait toujours autant.



...Un jour elle avait pris un train, puis un autre, toujours vers le sud, peut-être pour l’oublier, le train-train ; toujours vers le sud parce qu'à pile ou face, le nord avait perdu — même si elle avait un peu triché. A la gare de Trieste, elle avait rencontré une lumière douce, l’odeur d’un port et la couleur d’une mer calme qui, à l’horizon, s'emmêlait au ciel. Elle avait su qu’elle était enfin arrivée quelque part. Ce qu'elle avait laissé derrière elle, Jo s'en foutait comme de l'an quarante. Avant de s'y arrêter, elle ne savait même pas que Trieste existait ; le nom lui plaisait et c'était déjà pas mal comme ça. A la fois triste et leste. Elle s’y reconnaissait.
...Ici, elle sentait bien que l'intéressant, c'était demain. Et après.



...Elle avait marché dans les ruelles qui empestaient le poisson et les poubelles ensoleillées, le nez en l'air, les talons cliquetant sur le pavé, les yeux soulagés et les jambes encore plus légères que d'habitude. Les petites brochettes de sardines fumées qu'on vendait à tous les coins de rue avaient été pour quelque chose au bonheur qui courait dans son ventre. Sur la jetée, à deux pas du canal, tandis que les mouettes débattaient de la tactique à adopter pour piquer les sardines du vieux pêcheur, Jo était tombée nez à nez avec un charmant petit hôtel qui lui avait semblé être, elle en était encore persuadée aujourd'hui, le plus charmant de tous les petits hôtels du coin. Elle y était entrée comme une gamine met le pied dans le manège de ses rêves : les yeux grands comme ça.
...Alors, avec un CV un peu trafiqué et de grands sourires, elle avait été embauchée le jour même par Monsieur Soffroni, responsable du personnel et accessoirement patron de l'établissement.
...— Je crois que vous avez un sacré potentiel mademoiselle Domenica, lui avait-il dit. Un sacré potentiel.
...Faut dire qu'elle y avait mis du sien, dans cet entretien.



...Jo adorait son boulot et trouvait que huit heures de ménage, c'était vraiment pas l’Adriatique à boire. Elle prenait même un sacré pied à enfiler son bleu, sa tenue noire et blanche de soubrette qui mettait un peu de rouge sur les joues des clients. Parfois, quand elle se regardait dans le grand miroir du vestiaire, lui remontaient des souvenirs de panoplies d'enfance, de ces déguisements qui font croire aux gosses qu'ils deviendront ce que bon leur semble. D’autre fois, elle se disait que si elle était un mec, elle se trouverait à son goût - elle pensait même "bandante" et ça l’émoustillait un peu.
...— Le troisième étage, comme d’habitude, mademoiselle Domenica.
...Jo lui fit son plus beau sourire en sentant la main frôler le haut de ses cuisses. D’autres filles plus prudes toléraient moins bien les façons friponnes du vieux Soffroni.
...— Mademoiselle Domenica, une jolie fille comme vous. Si vous aviez vingt ans de plus, je vous épouserais !
...Elle pensa : « et même si tu avais vingt ans de moins, Soffro... et un peu moins de brioche... pas sûre que je me laisserais tenter ». Les hommes, pour elle, c’était ainsi : entièrement instinctif. Les hommes comme le reste.
...Le petit responsable de l’hôtel se méprit alors sur le sourire qu'elle laissa échapper en redressant son tablier, pas tant par optimisme que parce qu’il n’était pas homme à renoncer à ses illusions. Il la regarda s'éloigner, légère, dans les froufrous noir et blanc qui lui allaient si bien. Une fois dans son bureau — dans la pièce minuscule qui faisait office de —, le petit patron salua son propre reflet par la fenêtre.
...— T’es plus un jeune premier, Luca... Mais t’es encore là. Ça oui, t’es encore là...



...Contrairement à ce qu’elle avait pensé la première fois qu’elle l’avait rencontré, Soffroni n’était pas que le beau parleur qu’on imaginait aisément trousseur de soubrettes. A vrai dire, on ne lui connaissait pas réellement d’aventures. Jo lui trouvait un regard paternel, parfois un peu triste. Un jour, il l’avait rejointe dans une chambre qu’elle venait de terminer. Il lui avait demandé de s’asseoir à côté de lui sur le rebord du lit, et lui avait pris la main. Le souffle de Jo était devenu court : angoisse du dérapage, limites dépassées, petite odeur dérangeante. Puis, étonnement, il s’était mit à parler, d’une voix grave et cassée que Jo ne lui connaissait pas. Si elle ne comprenait pas vraiment les mots compliqués qu’il débitait à toute allure, elle savait qu’il s'agissait de femmes ; c'était si évident qu’elle l’aurait deviné, eût-il parlé chinois.
... Ainsi donc, même Luca Soffroni avait, quelque part en lui, un peu de tendresse.



...Au troisième, il y avait les chambres les plus chères, celles avec vue sur la mer, celles que les clients louaient toujours avec un sentiment de réussite sociale, comme si le but d'une vie était de louer la plus belle chambre du Magnifico, Trieste, Italie. Jo, elle, préférait de loin sortir pour aller la voir, la belle bleue. Regarder l'infini depuis une boîte de trente mètres carrés était aussi loin de la vérité qu'un parcours touristique organisé. Le goût du sel au petit matin, c’était le prix qu’on recevait quand on savait aller au-delà de la vitre. C'était quelque chose qu'on n'apprenait pas à l'école.
...Jo s'était fait du troisième son lieu de travail de prédilection : tant qu'à bosser enfermée, autant avoir un peu d'horizon sous le coude.
...Elle grimpa l’escalier de service, pressée de s'y mettre.
...Elle se retrouva à défaire les draps sales de la 301. Elle savait dire à coup sûr s’il s’agissait d’un couple ou non, et s’ils avaient fait l’amour ou pas — et ce matin, manifestement, c'était « pas ». Toujours, elle s’emplissait des vestiges de présence et d’odeurs, rechignant parfois à en effacer les traces, et laissait toujours derrière elle, avec une pointe de remords, une chambre impeccable et aussi impersonnelle que possible. C'était le sort des chambres d'hôtel.
...Jo aurait pu en écrire, des histoires, à force de s'en raconter... Il faut dire qu’ici flottait une douce atmosphère de libertinage vénitien — et ce ne sont pas les clients qui auraient dit le contraire. Bien des fois Jo les avait-elle entendus derrière les fines cloisons et fréquemment, elle interrompait ou surprenait une compétition de galipettes.
...Au début, elle avait fait comme si de rien n'était : porte refermée, chambre suivante, pardon M'sieurs-Dames à la revoyure.
...Mais plus le temps était passé, plus la curiosité s'était emparé d'elle : était-ce bien la dame de la 306 avec le monsieur de la 315 ? Que se disaient-ils ? Pourquoi des amants choisissaient-ils des chambres si éloignées, bon sang ! Allait-elle les trouver le matin tous les deux encore au lit ? Dans quel sens ? Pourquoi gardait-elle ses chaussures ? Et lui ses chaussettes ?
...Toutes sortes de question qu'il était croustillant de se poser parce qu'elles amenaient des réponses bien plus crues que les apparences du couloir. Les femmes étaient toujours très sages avant d'entrer dans leur chambre. Et les messieurs, très polis.
...Et Jo adorait cette hypocrisie de théâtre.



...La matinée se déroula sans problème malgré un rythme soutenu - plus les retours des clients étaient positifs et plus Jo avait de primes, alors elle frottait partout plus que de raison. Il était onze heures quand elle pénétra dans la dernière chambre. Qui était encore occupée. Un homme torse nu, allongé sur le lit, était plongé dans un livre. Jo aurait dû s’excuser et refermer la porte. Mais elle ne le fit pas : le client n’avait pas l’air gêné.
...— Bonjour, lui dit-il.
...— Bonjour Monsieur. Je viens nettoyer la chambre. Je peux revenir dans cinq minutes si vous voulez.
...— Non non, allez-y, je vais faire comme si vous n'étiez pas là, répondit-il en se tournant avec désintérêt.
... « Comme si je n'étais pas là, hein ? » pensa la jeune femme, vexée. « Tu vas voir mon p'tit père ».
...Alors elle commença à vider les poubelles, à faire les poussières sur la pointe des pieds pour pouvoir atteindre le dessus de l'armoire, puis accroupie, étourdie, cambrée autant que possible pour ramasser une serviette glissée sous le lit. Elle sentait bien que sa robe remontait dangereusement le long de ses cuisses, frottant sa peau lisse d'hier soir ; elle espérait même que sa culotte pointait le bout de son nez. Ca lui apprendrait, à ce gros nul.
...Elle bougeait avec la langueur des filles frivoles mais lui ne bronchait pas.
...Rien.
...Tournait juste les foutues pages de son foutu bouquin.
...Personne ne résistait à Jo. « Personne, t'entends ? » pensa-t-elle avec des yeux noirs comme un orage.
...Ca devait être un satané bon bouquin pour qu’il n’en décolle pas les yeux. Et un sacré mauvais auteur pour arriver à faire croire qu’il valait mieux lire que faire l’amour.
...Silencieuse, elle termina ce qu'elle avait à faire.
...En sortant de la 312, cette maudite 312 qui lui portait la poisse, elle salua l'impassible en se promettant de le faire plier demain matin.



...Jo n’en était plus à son coup d’essai. Une petite semaine après ses débuts, chambre 304, elle s’était retrouvée dans une situation à peu près similaire et s’était laissée entraîner dans les bras d’un marin. Le retard qu'elle avait pris dans sa tournée n'avait pas pesé bien lourd face à la régate improvisée que le musclé lui avait offerte. Un bien beau voyage plein de houle et de chavirements — de quel pays venait-il, déjà, celui-là ? Un pays du sud, croyait-elle se souvenir. Elle avait dû passer un peu moins de temps dans les autres chambres mais Soffroni, qui s'était toujours montré très flexible avec elle, ne la surveillait plus depuis un bail : un petit sourire et roule.
...À peine quelques jours plus tard, il y avait eu le second, un homme d’affaire dans la 313. Pressé comme un courtier, essoufflé comme un fumeur, les doigts confondant corps de femme et clavier d'ordinateur — tac, tac, tactactac ! Puis encore, cette fois si délicate où elle avait failli se faire surprendre par la femme du locataire de la 308 rentrée à l’improviste d'une séance de shopping écourtée. Le balcon avait offert une échappatoire des plus romantiques.
...Une par une, Jo avait fait toutes les chambres. Avait triché parfois, attirant dans celles qui restaient vides un type dégotté sur le port ou dans un bistrot, un beau parleur, un timide, un grand, un court sur pattes, un barbu et même deux chauves. Seule la 312 lui résistait encore.
...Une malédiction.
...C'était une malédiction.



...Le vestiaire, après cette longue journée, était silencieux. Jo se déshabillait aussi vite que si elle voulait être déjà partie. Il lui fallait rentrer chez elle — une chambre de bonne attenante à l’hôtel —, se changer, manger un morceau et rejoindre Francesca, Tonio et les autres au Palazzio, la boîte de nuit à peu près in du bord de mer, là où les jeunes se retrouvaient jusqu’à quatre heures du matin pour faire du bruit et vomir sur les pavés. Elle était encore en train de pester contre cet empaffé de lecteur amorphe lorsqu'elle entendit des cris. Pas les cris habituels des femmes secouées, ni même ceux des hommes qui veulent en finir, mais des vrais cris de vraie colère, remontant par la grille d'aération. Des mots incompréhensibles mais des voix facile à reconnaître : celles de Soffroni et de sa femme.
...— Tiens, la casse-couilles est de retour, soupira Jo.
...Elle n'avait pas tout à fait tort quand à cette dénomination, aurait rétorqué le mari de ladite dame.
...Madame Carla Soffroni devait avoir manqué dans sa jeunesse parce que tout ce qui lui appartenait, temps, chaussures, sac, opinion, mari, était objet de querelle insensées. C'était une habituée des descentes surprises à l’hôtel, des visites inopinées au bar du coin où traînait parfois son mari déprimé, des expéditions punitives qui se terminaient souvent dans les cris et la vaisselle brisée. Elle se dressait, stridente, volcanique, avec une énergie qui ne pouvait que laisser admiratif — et pas envieux du pauvre Soffroni.
... « Tu me fais honte, tu nous fait honte à tous les deux », pensait Soffroni sans jamais rien dire.
...N’importe qui aurait eu envie de la quitter — ou de la tuer. Mais il n’en faisait rien. Pour lui, les choses étaient comme elles étaient et voilà tout. « On n'a que ce qu'on mérite », se répétait-il.
...La première fois que Jo avait vu Carla, c’était dans le bureau du patron. Hurlante. Insultante. Hystéro. Parano. Jalouse de toutes les femmes de chambre et surtout de Jo, la « petite dernière manipulatrice ».
...Soffroni avait à peine essayé de s'expliquer, de dire que cette même petite — à peine plus vieille que ta nièce, Carla ! — était venue lui parler primes et augmentation, que son travail était précieux, qu'elle était celle qui lui posait le moins de soucis de discipline mais sa femme lui avait coupé la chique en le saisissant par l'oreille :
...Basta ! J'en ai assez de toi et de toutes tes cochonneries ! Et cet hôtel, cet hôtel pourri, c’est notre malheur ! Pour qui je passe, tu ne te rends pas compte ? On parle de toi partout ! Quelle honte tu me fais, quelle tristesse, ô quelle tristesse !



...Aujourd'hui, étrangement, Carla semblait plus terrifiante que jamais. Contenue.
...Jo entendit un bruit sourd ; bien que menaçante, la voix était devenue plus faible et même en tendant bien l'oreille, les sons étaient trop étouffés pour qu'elle pût comprendre quoi que ce fut. Elle noua son chignon et oublia, la seconde suivante, ce qu’elle venait d’entendre. Il faut savoir ne pas se mêler de certaines affaires.
... « Bordel de cinglée », pensa-t-elle cependant avant de quitter son poste et rejoindre ses amis.



...Cette nuit-là, elle rentra chez elle plus tôt que prévu. Elle ne s'amusait plus autant qu'avant — sans compter que son corps supportait moins bien l'alcool. Et puis elle devait être en forme le lendemain.



...C’était le grand jour. C’était le grand jour et sa victoire ne faisait plus aucun doute. Elle inspira un bon coup pour gonfler ses seins. Les trouva délicieux.
...Il allait succomber ; et elle, triompherait.
...Trente-deux chambres.
...C’était un bon chiffre ça, trente-deux.



...Elle ouvrit la porte de la chambre 312 avec discrétion et son passe. Il était dix-neuf heures, le moment parfait où, à Trieste, le ciel se calme, là-bas sur la mer, où il se calme rose comme des joues coquines, où il se calme avant de revêtir lui aussi ses plus beaux dessous — les noir-et-diamants.
...Jo s’était fait tout un film de cet instant. Elle s’était imaginée surprendre Monsieur 312 au sortir de la douche, encore ruisselant, les cheveux rabattus en arrière et la respiration un peu rapide de ceux qui passent trop de temps sous l’eau chaude. Elle avait répété ce qu’elle dirait, ce qu’elle ferait, elle avait même chorégraphié leur danse à venir — pour public averti seulement.
...Mais il était parti.
...Il ne fallut pas plus de trois battements de cils à la jeune femme pour le comprendre : lit refait, chaise replacée, rideaux tirés, immobilité partout.
...— Petit con, dit-elle à son virtuel amant disparu. Petit con de merde.
...Elle s’assit sur le grand lit immaculé pour reprendre ses esprits. L’homme y avait laissé son bouquin. C’était une drôle d’édition, un petit livre aux pages toutes fines. Jo ne connaissait ni le titre ni l’auteur — faut dire qu’elle ne lisait pas des masses non plus. Elle regarda ce tas de feuilles avec autant de haine que s’il eût été responsable de la mort de Michael Jackson - et ça faisait beaucoup de haine.
...Elle fut à deux doigts de l’ouvrir mais quelque chose l’en empêcha. De l'angoisse peut-être. La peur d'y trouver les raisons de tous ses échecs sûrement. Elle mit le livre dans son tablier et décida de ne jamais le lire.



...En ressortant d’ici, elle se dit qu’il faisait bien chaud l’été à Trieste et que poursuivre plus au Sud n’était peut-être pas la bonne idée. L’Asie, elle n’avait jamais fait. N'en connaissait d'ailleurs pas grand chose, si ce n’est qu’ils devaient en avoir, eux aussi, des hôtels. Elle avait fait le tour de Trieste, de ses ruelles, de ses bars, de ses patrons amoureux et de leurs femmes possessives.
...A chaque fois, elle était partie comme ça. Sans tout à fait finir ce qu’elle avait commencé, sans tenir tout à fait les promesses qu’elle s’était faites. C’était peut-être ça la 312, au fond : une nouvelle pièce manquante de son puzzle intime qui se transformait en billet de voyage pour l'Ailleurs. Elle irait trouver un autre plateau de jeu.
...Soffroni allait mal le prendre. Allait tout essayer pour la garder à l’hôtel : augmentation, allègement des horaires, logement de fonction — une chambre du rez-de-chaussée — et même, en bout d’argumentation, statut d’associée, elle l'aurait parié. Mais Jo avait pris sa décision. Cette fois, ce serait l’Est. Elle le joua à pile ou face et cette fois-là, la pièce fut d’accord du premier coup.
...Dragons et pagodes.
... « Ouais, dragons et pagodes » pensa-t-elle en apercevant la gare par la fenêtre de sa chambre.



...Elle voulait finir la semaine avant de partir sans demander son compte. Elle travailla les derniers jours comme si de rien n’était et personne ne se douta de ses intentions. Elle passa à la chambre 312, à tout hasard. Ce fut une petite fille qui lui ouvrit la porte. Une petite fille qui ressemblait sacrément à ce qu'elle était enfant.
...— Bonzour !
...— Bonjour ma belle. Tu es toute seule ?
...— Non, maman elle dort là-bas.
...— Ah bon. Ne la réveille pas alors.
...— D'accord. Tu veux quoi madame ?
...— Rien ma belle, je me suis trompée de chambre.
...— Ze m'appelle Zuliana !
...— Ok, Juliana, à bientôt, dit-elle en lui caressant la tête.
...Et Jo disparut au bout du couloir, les yeux doublement troublés par l'innocence qu'elle avait perdue depuis si longtemps et l’enfant en elle qu’elle ne se résignait pas à quitter. Dans son dos, la petite disait « au revoir » avec la main.



...Le vendredi, alors qu’elle lustrait une table au troisième étage, un incendie se déclara. Les systèmes d’alarme, vétustes, ne se déclenchèrent pas. On cria, on s’agita, mais Jo passait un aspirateur qui couvrait tout. Quand elle s’aperçut que l’hôtel était en flammes, il était trop tard. Cernée par le feu, elle ouvrit la fenêtre et sauta. Elle sauta face au soleil, en pleine lumière, et durant les quelques secondes qui la séparaient du sol, des secondes longues comme le jour, elle ne le quitta pas du regard.
...Sa vie ne repassa pas devant ses yeux, ni les raisons pour lesquelles elle lui avait échappée, ni ses voyages, ses ratés, ses amants. Elle se dit simplement que le soleil brillait comme d’habitude et qu’il avait l’air d’être absolument indifférent à ce qui se passait ici-bas.
...Puis le corps de Jo frappa lourdement le trottoir. Un peu de sang coula même jusque dans le canal un peu plus bas.
...Et silence.



...Quatre carabiniers tenaient à grand peine une Carla Soffroni hystérique. La scène, filmée par un amateur, passa sur Canale 5. L’affaire « Magnifico » fit un temps la Une des gazettes locales. On y apprit que Carla avait tué son mari d’un mauvais coup et que dans un acte insensé, en essayant de brûler le cadavre au sous-sol, elle avait mis feu à l’hôtel tout entier.



...Le petit livre de l’homme de la 312 était tombé dans le canal et gisait, au fond d’une eau qui assourdissait le fracas de la surface, ouvert à une page qu’on ne lirait plus jamais.


(Juin 1887 - Septembre 2009, Loupbleu & kazar)
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Message  Invité Ven 11 Sep 2009 - 16:27

Je suis bien embêtée, parce que, à part ceci :
"Elle sauta face au soleil, en pleine lumière, et durant les quelques secondes qui la séparaient du sol, des secondes longues comme le jour, elle ne le quitta pas du regard.",
j'ai trouvé le texte sans grand intérêt, l'histoire banale et les personnages agaçants ; je n'ai pas été convaincue par la désinvolture de Jo derrière laquelle que il y a de la blessure secrète, sûrement, oh là là !

J'ai également trouvé l'écriture plutôt plate, comme faisant volontairement profil bas, bridée, quoi.
Et puis la dernière phrase, à mon avis, est franchement inutile, fait basculer l'ensemble du texte dans du pathos cheap.

Oui, je suis bien embêtée, parce que cela faisait longtemps, kazar, que tu n'avais pas publié, et je n'ai pas retrouvé ta tendresse pour tes personnages simples mais crédibles. Ici, j'ai trouvé Jo artificielle et les autres personnages caricaturaux.
Cette phrase, pour moi :
"Ainsi donc, même Luca Soffroni avait, quelque part en lui, un peu de tendresse." est même franchement tarte à la crème...

Voilà, désolée, et j'espère retrouver bientôt ton ton avunculaire bienveillant (ton ton de bon tonton, quoi).

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Message  Invité Sam 12 Sep 2009 - 9:14

Je ne peux pas dire que j'aie détesté, mais pas adoré non plus.
Ayant lu les réponses aux commentaires, je me dis que ça confirme ce que je pensais : une écriture est quelque chose de personnel, dont mêmes les défauts font la singularité. Si ces défauts sont systématiquement gommés par une intervention extérieure, il y a fatalement un lissage préjudiciable, qui minimise les possibilités d'accroche du lecteur.
Dommage...elle me plaisait assez, cette Jo errante... je l'aurais bien vue plus en noir et blanc dans ce pays coloré !

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Message  Sahkti Ven 25 Sep 2009 - 16:05

Il y a quelques belles idées dans ce texte mais je regrette qu'il y en ait autant et que l'une d'elles (par exemple l'âme des chambres d'hôtel) n'ait pas été davantage explorée. Ici, tout est passé en revue, comme un catalogue de ce que Jo pense, fait, dit, mais ça n'entre jamais réellement en profondeur. Pourtant, des détails, il y en a, une avalanche même, mais ça ne suffit pas à me faire pénétrer l'âme du texte.
Et ça m'ennuie beaucoup, je l'avoue, parce que je sens bien qu'il y a quelque chose, ça se respire dès le début du texte, il suffit d'effleurer du bout des doigts mais ça ne suffit pas apparemment pas à faire sortir le diable de sa boîte. Dommage.

La dernière partie me paraît rapidement esquissée, avec une tendance à jouer sur l'aspect dramatique des choses. Je trouve qu'il y a déséquilibre dans cette manière d'amener la fin (départ, feu, etc) par rapport à toutes les descriptions qui précèdent.

Pas totalement séduite, désolée.
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Message  Invité Sam 26 Sep 2009 - 10:58

Faut trouver la raison pour laquelle les gens n'ont pas envie de lire ou de finir de lire cette nouvelle. Quelque chose ne fonctionne pas bien et ce n'est pas normal.

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Message  bertrand-môgendre Lun 27 Fév 2012 - 19:50

pandaworks a écrit:Faut trouver la raison pour laquelle les gens n'ont pas envie de lire ou de finir de lire cette nouvelle. Quelque chose ne fonctionne pas bien et ce n'est pas normal.
le titre je crois...
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