Un, deux, trois

[pat]

Un, deux, trois

'Ils se sentaient piégés. La camionnette refusait obstinément de démarrer malgré les tentatives répétées du conducteur dont les mains tremblantes peinaient à tourner la clef de contact. Le bruit assourdissant de la tronçonneuse leur perçait presque les tympans. Celle-ci se rapprochait, comme attirée par la peur des trois passagers. La lame, soudain, transperça le métal du toit qu’elle ouvrit en deux, écartant les deux nouveaux bords ainsi formés. Alain, assis à l’arrière, sentit l’instant d’une douleur sa tête se détacher. Celle-ci roula sur le plancher au milieu des débris de métal et des cris paniqués des deux autres passagers. Le sang gicla sur la vitre arrière, la colorant de sa substance poisseuse. Aurélie cria à nouveau, son cri déchira la nuit noire de la forêt comme un éclair dans le marais gluant de leur effroi. Dans un geste ultime de désespoir, elle agrippa la poignée de la portière et parvint, le corps tremblant, à sortir du véhicule tandis que la tronçonneuse continuait son travail de découpage. Elle courut droit devant elle, sa course effrénée le long de la route s'accompagnait d'une terreur qu'accentuait le souvenir récent d'une tête qui saute comme une capsule de bière. Elle cherchait du regard une bâtisse improbable, un quidam courageux qui lui redonnerait espoir. Mais elle aperçut à la place une ombre géante qui se rapprochait d’elle, l’arme faucheuse à bout de bras. Les mouvements circulaires de la tronçonneuse abattaient les obstacles, des branches se détachaient des arbres comme des allumettes qu’on craque. Elle trébucha et glissa dans le bas-côté de la route. Elle rampa jusqu’à un buisson qui camouflait sa silhouette. Peut-être ne l’avait-il pas vue ? Le tueur s’arrêta à sa hauteur et tourna la tête dans tous les sens, cherchant sa proie. Il portait un masque à l’aspect aussi clair que sa folie était totale. Des vêtements épais et souillés habillaient un corps robuste. Elle retint son souffle et fit des efforts démesurés pour ne pas hurler. Le bruit s’éloigna finalement et, après quelques secondes d’attente, prudente et silencieuse, elle se fraya un chemin dans les bois'

L’homme plongea négligemment sa main dans le paquet de chips et en porta quelques-uns à sa bouche. Il but une gorgée de bière, rota et augmenta le son de son téléviseur.

'Elle courut, et courut encore. Chacun de ses pas était un pas gagné qui l’éloignait d’une mort certaine. Elle revoyait la scène, la lame qui s’introduisait dans l’habitacle, la tête qui roulait sur le plancher. Les images étaient gravées dans sa cervelle désorientée. Son estomac était noué comme une corde de pendu étranglant un cou. Les branches la blessaient, lacéraient son corps légèrement vêtu en, cette chaleur estivale. Sa course folle dans ce bois prenait l’allure d’un marathon où on aurait érigé des barrières tout le long. Les buissons qu’elle rencontrait laissaient des marques sanglantes sur ses jambes nues. Elle perdit une sandale qu’elle rechaussa à cloche-pied, puis parvint à sortir du bois pour se retrouver face à une prairie. Plus loin, à quelques enjambées, juste quelques enjambées se trouvait une fermette. Juste une barrière à franchir et elle pourra courir se réfugier dans la petite ferme d’où filtrait une lumière. Lorsque le bruit épouvantable de la machine tueuse se fit entendre à nouveau. L’assassin l’avait retrouvée. Elle franchit d’un bond la clôture avant que celle-ci ne vole en éclats sous la fureur de l’homme masqué et de son engin de mort. Sa respiration était rapide, elle suait de toute son eau pour ne pas devoir se vider de son sang. Quelques mètres encore et elle atteignit la porte d’entrée qu’elle martela de toutes ses forces en appelant au secours. Au moment même où celle-ci s’ouvrit, la fille fut décapitée devant une vieille femme épouvantée qui se mit aussi à hurler dans l’horreur de cette nuit d’été. Pendant ce temps, le conducteur avait réussi à démarrer le moteur de sa camionnette. Les roues crissèrent lorsque celle-ci avança en un seul bond droit devant elle. Le véhicule roula en évitant les branches coupées qui gisaient devant lui'

La sonnette retentit. L’homme grogna comme un animal qu’on dérange puis avala le reste de sa canette. Il rota à nouveau et s’affala un peu plus dans son canapé. La sonnerie retentit à nouveau. Il grommela quelques injures et chaussa ses pantoufles. La bouche baveuse, il ouvrit. « Ouais ! C’est pourquoi ? », demanda-t-il à son voisin planté devant lui. « Ca fait deux heures que ma femme et moi essayons de dormir. Votre télé fait un boucan d’enfer ! ». « M’en fous ! J’suis chez moi et j’fais c’que j’veux ! », répondit l’homme. Le voisin s’énerva et l’empoigna, puis le frappa au visage et au ventre. L’homme tenta de se débattre, ce qui ne fit qu’accentuer la fureur de son voisin dont la main agrippa une statuette en métal posée sur un petit meuble. Et il le frappa en pleine tête. L’homme tomba sur le tapis qui recouvrait le sol à cet endroit. Le sang de son crâne se répandit à terre tandis qu’une partie du bas mur s’était recouverte de l’épais liquide. L’homme ne bougeait plus. Gros plan sur le visage sans vie.

« Pas mal ce court-métrage ! ». Henry se tourna vers sa femme allongée à ses côtés. « Oui, pas mal cette idée du beauf qui regarde un film sanglant avant de se faire tuer lui-même ». « Tiens ! On frappe à la porte ! Je me demande qui ça peut être à cette heure-ci ? »

[Invité]

Un argument marrant, et j'aime l'horreur à la base ; scènes classiques mais bien décrites, je trouve.

Bienvenue sur Vos Écrits, à vous lire bientôt !

Quelques remarques formelles sur le texte :
« Les images étaient gravées dans sa cervelle désorientée. Son estomac était noué comme une corde de pendu » (je trouve que l’occurrence répétée du verbe « être » se voit »
« son corps légèrement vêtu en, (pourquoi une virgule ici ?) cette chaleur estivale »
« Juste une barrière à franchir et elle pourrait (je pense que, pour la concordance des temps, le conditionnel s’impose ici au lieu du futur) courir se réfugier »
« Ça fait deux heures »

[boc21fr]

Pas con !
Oui l'idée est simple, mais en ce qui me concerne, c'était ok.
bienvenu sur vos écrits...
J'aime bien les écrits circulaires, vous auriez peut-être pu boucler la boucle :
Henri et sa femme regardent un film sur une TV portable dans leur camionnette lorsqu'un bourdonnement se mua lentement en un bruit qu'il n'était plus possible de nier : celui d'une tronçonneuse.
Ceci dit je plaisantais, j'ai bien aimé votre texte, quelques phrases devraient à mon avis être retravaillées (par exemple : "Il portait un masque à l’aspect aussi clair que sa folie était totale").
Je m'associe bien entendu à socque pour vous souhaiter la bienvenue sur VE.

[bertrand-môgendre]

Déjà tu me donneras l'adresse du bûcheron capable d'aiguiser sa chaîne de tronçonneuse au point de pouvoir couper une carosserie de voiture, décapiter un individu adulte, puis de débiter les branches des arbres, le tout en courant.
Je lui donne tout de suite du travail.
Elle courut droit devant elle, sa course effrénée le long de la route s'accompagnait d'une terreur qu'accentuait le souvenir récent d'une tête qui saute comme une capsule de bière. Pourquoi pas de point après Elle courut droit devant elle. ?
Plus loin, à quelques enjambées, juste quelques enjambées se trouvait une fermette. Juste une barrière...les enjambées sont bien proches.
Je trouve beaucoup d'invraissemblances dans le déroulement du récit.

J'aime bien le fond du texte.
Et surtout la fin où se passe tout ce que tu ne dis pas.
Bien vu ! C'est mon préféré des deux lus.

[pat]

Déjà tu me donneras l'adresse du bûcheron capable d'aiguiser sa chaîne de tronçonneuse au point de pouvoir couper une carosserie de voiture, décapiter un individu adulte, puis de débiter les branches des arbres, le tout en courant.
Je lui donne tout de suite du travail.

C'est super-bucheron, un nouvel héros :-)
Merci pour vos com; je vois qu'on me lit, ça fait plaisir.
Mais il va falloir que je sois bon vu la critique négative de mon autre texte (qui n'est pas un chef-d'œuvre, j'en conviens) et je préfère ça à trop de complaisance comme sur d'autres sites

[Invité]

Tu en fais un peu beaucoup, ce qui n'a rien de surprenant vu le thème ; ça n'est pas ma tasse de thé mais ça se lit sans vraie réticence, avec même le début d'un sourire.

[Sahkti]

Hé hé j'ai bien aimé ça. C'est un classique déjà vu mais peu importe, c'est toujours efficace et la boucle finale ramasse bien le tout.
Il y aurait peut-être moyen de différencier davantage la scène sanglante du type à la bière qui rote, histoire de rendre cete chute avec Henri encore plus présente.

Au plaisir de te lire dans d'autres textes !

[Sahkti]

Déjà tu me donneras l'adresse du bûcheron capable d'aiguiser sa chaîne de tronçonneuse au point de pouvoir couper une carosserie de voiture, décapiter un individu adulte, puis de débiter les branches des arbres, le tout en courant.
Je lui donne tout de suite du travail.

Bertrand, pratique :-)))

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