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Histoire de chair

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Message  Calvin Dim 18 Juil 2010 - 15:52

Pierre inspecte le cou, le ventre, les seins. Et maintenant? Faut-il profiter du premier élan? Oh oui! Et puis cette main qui s'amène et s'étire rend tout aisé. Marie a les yeux qui se perdent dans les cheveux roux. Elle a du mérite ; franche du collier. Pierre se lève, tire les rideaux, rejoint le lit. Il se déshabille, s'y glisse comme dans un étui ; il vient près d'elle, la serre dans ses bras, l'embrasse.
Pierre n'aimait que les femmes rousses. C'est ainsi. Il s'en faisait une passion, une collection ; on le moquait : ses amis lui disaient, "alors? et ton fétichisme?" eh bien ça avance. Pierre n'aimait que les femmes rousses, mais uniquement pour un instant. Qui s'allonge, ça dire un mois. Deux peut-être, pour le plus longuement. Il fait l'amour à Marie, il pense à Thelonius ; que faisait son vieil ami? Il aurait préféré, Pierre, faire la bringue avec lui, connaitre le dos sec et usé des tables de bar, le vert des billards, la bière, tout l'alcool enfin ; il voulait se saouler, puisqu'il ne l'aimait plus, Marie. Il le savait maintenant, il en suffoquait : il voulait Louise.
Étendu sur le lit, Pierre songeait. Louise, au loin, derrière la Seine, qu'étaient ses nuits et ses jours? Assez. Il ne faut plus y penser. Assez. Pierre sent Marie, son odeur, l'ambre et la vanille... Des corbeaux se lèvent, ils prennent mes larmes : tous les quarts d'heures ils se fanent. C'est là qu'ils meurent, la triste insomnie. Assez, assez, Louise, il ne faut plus y songer.

Il était ce qu'on pouvait appeler : un homme couvert de femmes. Couvert par les femmes. Et si rousses, plus encore. Et si grandes, et rousses, les yeux verts, la peau de lait, alors il s'échappait de lui. Des ondes par divinations inconnues lui étaient amenées. Cette grande construction de chair, ce corps en ogive, renversé aux étoiles. Cette sueur qui perle comme un citron que l'on presse ; des herbages, des forêts, cette charpente d'arbre et de haies. Ces femmes-là sont de belles constructions : leur architecture nous échappe. Jambes longues, hanches longues ; une barre fixe de métal. Derrière les nuages, en triangle, la profusion de cheveux. Un feu : une flamme droite des reins aux épaules.

Louise… enfin, ah, vous savez. Toute une histoire. On murmure que sont enfance fut naguère compliquée. Et que c’est ce qui lui donnait cet air blessé. Animal ; ces chevreuils qui se désaltère a l’étang. Ligne fixe ; un regard perpétuellement tourné vers le vide. Pierre au matin, sort du lit et se recoiffe. Il s’habille. Il passe son pantalon, couvre les plis, gargarise et s’égosille. Marie, allez, allez, dehors ! Un peu d’air.

« Un peu d’air, un peu d’air, ah, j’étouffe. L’ennui, cette odeur qui colle au plafond. On se lasse de tout, ma chère, c’est une loi de la nature… peut-être qu’elle avait raison. Je vis dans un livre : et après ? Elle compliquait tout, Marie. Et Louise qui habite rue des Saules. Elle compliquait tout, Marie, avec ses yeux perçants. Elle émane l’impatience, cette odeur qui rôde, qui rôde… ce poids dans les pièces… hier soir fut une grande tempête dans la nuit. Elle qui était si douce, et fidèle, une bien gentille amie. Faire l’amour comme la dernière fois arrange bien des choses... c’était la tempête, le chagrin qui sommeille dans les lettres. Elle avait de ces larmes épistolaires. Et puis ? N’y songeons plus. Louise, voilà un fameux parfum : ça vous requinque un homme. On ne l'oublie pas de si tôt. Je me sens prêt, allons y. Oui, Louise, voilà ce qu'il me faut.

« Je me souviens de Marie, quand elle faisait l’amour. Grand corps aux étoiles balance toi cavalière. Tes pommettes rougies, champs torrides, colline en flammes. Dans le plaisir elle s’oubliait éternelle. Roulis des hanches ! fruits agrippés aux cuisses. Une moisson de prête, les cressons sont fanés. Les reins, ce fleuve où l’on bat le drap de lavande. Les creux… les hanches, ces haies. Une belle paire de bosquets. Marie qui fait l’amour, c’est le ventre chaud de l’orage. Souffle. Sur un lit de cendres roussies : brûle, brûle. Elle avait de ces éclairs, sur l’abdomen du ciel cramoisi. Enfer, que vos damnés se branlent. Une forêt de queues, le saint-sulpice de la chair, le coït fait tantale : toujours plus. Elle avait ça, au moins ça. Ni visage charmant, ni un bel esprit. Rien de noble, dans ce corps. Mais dessous… des canaux espacés pour faire souffler la chair. Des pieds en ogives, un feu encaillaissé. Des ramifications souples, étranges, les connexions exotiques des nerfs du plaisir, des pieds aux seins, des seins à la tête, de la tête aux reins… une façon d’écarquiller les pupilles. Une façon de chevaucher les hommes, comme régénératrice. Dieu, l’église, orgues : soufflez. Chorale, chantez. On en était jamais très loin. Voilà, ça a son charme. Mais a force l’oreille se tend, la voix s’apprête : on entend quelques fausses notes. La partition, la mesure, les pages que l’on tourne mal, il y a toujours quelques fausses notes.

« Ah, attendez… qu’est ce que je raconte… j’ai comme un goût dans la bouche. J’hume. Quelque chose se déploie… son nom ? la connerie. La connerie a perte de vue. »

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Message  Calvin Dim 18 Juil 2010 - 15:53

je précise qu'une suite est peut-être a venir

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Message  Invité Lun 19 Juil 2010 - 5:57

Un beau traitement, mais le sujet m'indiffère. J'ai bien aimé la métaphore de la fin, avec la chorale et les fausses notes.

Remarques :
En début de texte, plusieurs "?" et "!" sans leur espace devant
« On murmure que son (et on « sont ») enfance »
« ces chevreuils qui se désaltèrent à l’étang »
« Je me sens prêt, allons-y (trait d’union) »
« Grand corps aux étoiles balance-toi (trait d’union) cavalière »
« Mais à force l’oreille se tend »
« qu’est-ce (trait d’union) que je raconte »
« La connerie à perte de vue »

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Message  Invité Lun 19 Juil 2010 - 6:55

et non « sont », pardon.

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Message  Invité Mar 20 Juil 2010 - 10:42

De l'inconstance du mâle... J'ai mis du temps à me familiariser avec ce texte et je dois dire qu'au bout du compte je suis bien aise d'avoir surmonté mon manque d'enthousiasme initial. Parce que si le sujet est bateau, le traitement l'est beaucoup moins. J'aime l'écriture joueuse, enjôleuse, l'observation distante et teintée de moquerie. Il y a dans ces lignes une finesse, une subtilité qui me charment. Pas sûre de vouloir découvrir une suite, peut-être par crainte d'être déçue, si elle n'est pas à la hauteur de ce premier texte.

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Message  Mure Ven 23 Juil 2010 - 8:54

Je me suis un peu perdue mais, j'aime bien ça.
Je ne sais pas à qui le narrateur s'adresse ni même qui il est mais, ça m'est égal.
Il y a dans ces mots, une palette de sentiments qui surprennent par leur vigueur, des images fortes, des odeurs, des sensations.
Très riche et généreux.
Je prends !

Merci Louis! de donner sans restrictions.

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Message  Calvin Sam 21 Aoû 2010 - 16:55

Je ne vois plus clair, mais double, trouble. Je détache une a une les cartes. Mon jeu s'abat... dans la chair d’un grand valet de trèfle, de pique ; où sont ils ? je sens ces êtres chers, par-delà la Seine. Où sont-ils ? Que sont leurs nuits et leurs jours ? se soucient-ils seulement de moi ? leur visage m’est difficile, il n’est pas net, et déjà il s’efface, affadi. Leurs paroles sont une brise légère : je suis ce bédouin qui ne connais que le sable. Leurs regards inertes, mon sentiment qui s'évapore parmi les dattes, et leurs paupières cruelles comme un chott pour ceux qui rêvent d'oasis... Le suicide est pour eux une lâcheté et une renonciation ; n’y voient-ils pas l’acte suprême, celui de l’affirmation de la vie ? je l’aime, je l’aime tant que j’y verse mon bonheur. Je dis : cette vie là est lente, fade, morne ; elle n’est plus pour moi. Si je meurs, alors je connaitrais le dernier orgasme, la dernière jouissance. J’affirme mon être dans le geste final qui dépend seul de moi. Mais que peuvent-ils en savoir ? parfois je me sens loin, si loin… si triste… si éloigné de tout. Tout est lent, niais. Tout est fade.
Je connais des hommes à qui l’univers parait honnête ; il est calme. C’est qu’ils ne voient pas dans un pli de pantalon, un nuage, un ciel, se découper le galbe d’une femme. Ils ne savent pas ce qu’est le désordre ; ils ne connaissent pas le regret. Ils ne peuvent le savoir, ce n’est pas cette mouche qui bourdonne a leur oreille, cette guêpe folle qui les tique, ce n’est qu’un rinceau d’air, faible, inconstant, qui s’appose a leur vie. Dans les vagues, morceaux de chair, ils s'oublient. Et moi ? si je ne cragnais pas le ridicule, je dirais que je me rêverais seringue au bras, allant par les chemins, rêvant a tout ce que mon désir embrase dans ma tôle, sous l’horizon et l’infini, sous la voute étoilé et toutes ces femmes douces que j’imagine aussi…

« Ma fenêtre étoile ; c’est la seule lumière, bandante. J’entends le bruit de son rire dans la nuit. Ah, hommes, je vous aime, n’étiez vous pas au moins si hypocrites. Tout bien doit être rendu ; l’ingratitude est votre plus grande crainte ; crachez sur elle, crachez, comme la peste ! mais des images me retiennent : ces doigts, caressant la vulve, enfonçant mes deux pouces, mes deux pouces caresseurs, chatouillant le long de la lèvre, entrant, ressortant, tout le long de cet incarnat rose, mes deux pousses caresseurs, couleur de ma propre chair, mes deux pouces... ah ! assez ! suffit. Tout est morne/ tout est fade. Le suicide, plus d’une fois j’y ai songé. Et Louise ? et Marie ? ce sont des chimères, inconstantes, lâches, idiotes, fuyardes. Elles ne valent pas grand-chose ! seulement la valeur que j’y appose. Je donne trop, beaucoup trop, voilà mon problème. Puissiez vous crevez… que sommes nous sinon des chiens en quête de jouissance ? ah, tous, puissiez vous crevez, que cela soit fini.

« Qu’on ne me parle plus du cannabis, de l’opium, de l’ether, ces drogues de concierges. Lent, mou ; voilà ce qu’on peut en retirer. Quelle prison ! ici je marche le dos courbé, le pas martelé, les yeux empli de chair, calcinés. Je suis tout en dedans. Alors que par l’alcool ! l’alcool ! la délicate fleur que voilà. Je suis en file, dans mon uniforme rose et blanc. Bagnard par le vice et la forme, condamné aux aires autoroutes, je regarde ces quais où l’on amarre les bateaux de l’enfance. J'y suis fier, les yeux droits, le torse bombé, constamment : je me regarde/ je me regarde, et je dis : puissiez vous partir, messieurs, puissiez vous partir... j’ai choisi mon cancer. »

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Message  Invité Sam 21 Aoû 2010 - 20:56

Je ne sais pas où va ce ... récit (?) mais je continue à lire avec grand plaisir....
Une écriture poétique, réfléchie et fascinante par ce qu'elle laisse suggérer autant que par ce qu'elle révèle.

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Message  Calvin Dim 22 Aoû 2010 - 14:21


(je reprends le dernier paragraphe, que j'ai en partie réécri)

« Qu’on ne me parle plus du cannabis, de l’opium, de l’ether, ces drogues de concierges. Lent, mou ; voilà tout ce qu’on peut en tirer. Quelle prison ici ! je marche le dos courbé, le pas martelé, les yeux empli de chair, calcinés. Je suis en dedans. Alors que par l’alcool ! l’alcool ! la délicate fleur que voilà. Je suis en file, dans mon uniforme rose et blanc. Bagnard par le vice et la forme, le liquide agissant déploie ma corolle, et je me pare de mots verts, roses, le pollen de mon ivresse, a féconder la terre pour une vie. Dans ce jardin de lourdeurs, je regarde les pétales audacieux, les racines vigoureuses. J'y suis fier, les yeux droits, le torse bombé, vaillament : je me regarde/ je me regarde, et je dis : puissiez vous partir, messieurs, puissiez vous partir... j’ai choisi mon cancer.

« Entre les ornements et tombeaux, les sépultures et les acanthes, j’ai renoncé a la vie. J’y ai vu les imperfections, la bêtise, les points noirs, tous les détails de la corruption ; parmi les draps ors et violets je trébuche, je m'aggripe a quelques etoffes, renversant les calices, puis je tombe, les genoux pour le sol, je tombe en synchronie.

« Dès ma naissance on m’a mal battu, mal mélangé ; j’avais un jeu trouble, des combinaisons de mystère. A peine sorti de la vulve, j’ai vu que les dés étaient tronqués ; j’ai pris pour parti de m’ettouffer. Respire, respire ! je garde de ces longues minutes premières, sans oxygène, refusant l’air, une présence constante au poumon droit. C'est une séquelle qui dans l'effort se rappelle a moi. C’est l’instrument que l’on m’a enfonçé dans la trachée, la mort métallique pour m’enchainer a mon sort. La vie est cette grande farce, avec ses acteurs aux costumes bariolés, des rangées entieres de masques, un public infini. Les hommes sont ces chiens rampant, la bite tout juste bonne a se frotter au sol, mais je les regarde aller et venir, souriant. Dieu me fait signe a travers les barreaux ; sur la scène où je m'avance, le temps est poussière. Cette poudre, j’en ai les mains chargées ; je l’aspire. Un grand vase clair, symbole de l’oubli, avec en son sein des foules de souvenirs. Tournez, tournez au rythme, tenez vous par la main. Des yeux écarquillés, sourcils dans l’horizon, tracés, des tétons de pierre comme le soleil au matin. Je m’éclaire, je m’éclaire, ça y est… le revolver est de métal, il est dur, on le sent dans sa main. La crosse contre la poitrine ; le doigt sur la gachette. Le revolver, c’est dur, c’est un bel objet. Faut-il tirer ? On peut fermer les yeux et y songer. Oui, on pourrait. »

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Message  Invité Lun 23 Aoû 2010 - 8:31

Une fois encore, j'adhère à la forme plus qu'au fond un peu trop nébuleux maintenant...
Donc... c'est fini ou pas ? Parce que à mon avis, soit on coupe ici, soit on décolle.
Attention aux fautes, il y en a pas mal.

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