Un texte vulgaire

[Calvin]

La haine. La vulgaire, la céleste. Celle aux pieds de soie qui marche sur les dos voutés des hommes. Celle qui vient s’abreuver aux sources taries de plaintes et de murmures. Celle qui caresse des plaies oubliées, et les enflamme. La haine qui donne des ciels à croquer, des corps à tordre, des cous à bâillonner sous un drap d’ivoire.
J’ai faim, j’aimerais me dire que j’ai faim, mais ce n’est pas vrai. Voilà, je suis vide, je ne l’étais pas, et maintenant je le suis. Je n’écris plus vraiment. Pas. Comme si je n’avais rien dire. Je suis trop heureux peut-être. Je ne sais pas.
C’est fini, c’est fini.
Il me faut aller chercher les haines.
Pourtant je n’ai pas à me plaindre. C’est horrible.
Cherchons.
Un effort.
Il n’est pas si difficile sans doute. De.
Sarah, je briserais ton corps. Tes lèvres refusées, ces regards que tu n’accorde plus, je marche sur eux malgré tes étranglements plaintifs. Je passe outre ta voix. Ton corps. Je déposerai ma marque partout. Car ceci au moins est à moi. Je viendrais lâcher des chiens de foutre qui courreront sur tes plaines, qui mordront ta terre, qui lui feront vomir ses racines à coups griffes. Le jour, la nuit, je pétrirai ton corps de lumière et d’ombre. Sarah. Rien de ce que tu dis ne m’est nécessaire. Allons, je suis fait pour de plus fières putains, mais si c’est toi que je choisi. J’ai faim. J’ai faim. Je vais puiser ici les énergies qui me manquent, je vais, je vais briser les verres de cristal sous mon talon, crac. Tu peux supplier, mais que veux tu que ça me fasse ? Que veux-tu qu’un visage me fasse ? Et s’il est de femme, en plus. J’ai trop à chercher, tu as trop offrir, tiens mes outrages pour une fatalité. Le reste importe peu. Je viens tordre chacun de tes mots, jeter tes dictionnaires au feu, je t’apprendrai une langue brutale qui ne figure pas au lexique. Je viendrais, te mettre dans la bouche mes mots comme d’autres y mirent leur verge, nous savons tous deux que tu y prendras goût.
Mais non.
Ah.
Merde. Merde. Merde. Merde.
Pourquoi. Pourquoi. Pourquoi. Pourquoi.
Je ne suis pas heureux.
Et pourtant je suis mou comme ces gens là.
Mon bonheur est une tromperie.
Une illusion aux doigts mous.
J’ai des passions comme des la mousse.
On m’embrasse, mais a travers une vitre.
Le problème c’est que c’est mon corps, qui connaît le repos.
J’invente une écriture seulement constituée d’intelligence.
Elle ne part pas des tripes pour remonter à la langue, elle tourne sur elle-même sur ma langue, voilà.
Merde. Merde.
C’est ta faute.
Ca je le sais.
Pourtant je ne peux pas te haïr.
On ne peut haïr un bonheur, même un bonheur mou.
Je suis bien émasculé.
Ce n’est pas ta faute, j’en demandais encore.
J’ai des mots, des mots, des mots comme des mensonges qui sont des bombes qui ne résonnent qu’aux oreilles meurtries. J’ai des mots, comme des mensonges, je ne peux pas m’arrêter, je ne peux pas m’arrêter, je voudrais dire ce qu’il y a en moi mais je rampe dans des sables sans musique.
J’ai besoin, besoin de proposer de vraies larmes, j’ai besoin de me rentrer les doigts dans les yeux pour en sortir des liqueurs de mucus et de sang. J’ai besoin que mon humeur vitré vienne napper ma bouche parce que, demain, sera encore pire qu’hier. Je le sais bien, comment les orages se prononcent. Au début tout était Verbe. Et je viendrais me suicide comme ça, là, pour un mot. Margot, Margot, c’est la vérité qui me tuera, tu ne peux pas savoir, pourtant, il n’y a rien qui ne m’empêche de m’enivrer encore.
Menteur. Menteur. Menteur. Menteur.
Le gâchis ça fait bander.
Le mensonge ça fait jouir.
Qu’on me sauve.
Qu’on m’enfonce à travers la gorge des maximes de morales. Deux. L’une pour maintenir la glotte, l’autre entre les amygdales. Que tout ce que j’ingère passe sous ce pont ennobli, comme des mains de vertu qui se déploient sous ma langue. Putain.
Je vais mourir pour rien.
Ou alors il faut que je cultive mes silences.
Je veux, je veux, je veux, je veux, je veux, je veux, je veux qu’on flatte un peu le prophète mou qui dors en moi ou qu’on lui donne une bonne raison de se taire. Tais-toi. Enfin, tais-toi. Mais ne me harcèle pas comme ça, petite pute, pour qui tu te prends. Il y a des choses qu’il vaudrait mieux ne pas entendre. Je vais, je vais marcher parmi les marelles à l’ombre dangereuse. La coque des cargos empoigne le vent. Je vais sous les pontons de feu et d’ombre, aider les flammes à se muer en soleil. Je vais sous les buildings dont l’ombre se cultive pour qu’y croissent des lianes de sang pourri, au parfum meurtri de tous les corps de la rue et de l’aube. Enfin, tu m’entends. Tes yeux sont violets, je les garderai dans ma poche, ou à mon cou comme un talisman, une vanité dérisoire. Tes dents effilées, tes cheveux noués, je me gorgerais de la cruauté de leur or où se reflète trop bien la lumière. J’y ferais des croix, encore. Je m’enivrerai de stratosphères liquides, quand mes pieds ne sentiront plus un sol. Car j’ai besoin de sang. De ton sang. Dans le mien.
Qui se fera rayon.
Et je clignerai de l’œil.
Et je prendrais ta bouche.
Et nous ne serons, plus.
Qu’un signe,
entre les constellations.

[Procuste]

Eh bien, je ne crois pas dire cela souvent avec vos textes, mais je me suis fait chier. La litanie "grosse pute, salope, comment oses-tu faire ça au poète qui invente une écriture seulement constituée d'intelligence", pitié, on connaît ! Je trouve le fond d'une banalité affligeante, et la forme qui s'y croit ; à tort.

Mes remarques :
« Sarah, je briserais (il me semble qu’un futur « briserai » serait préférable à ce conditionnel) ton corps. Tes lèvres refusées, ces regards que tu n’accordes plus »
« Je déposerai ma marque partout. Car ceci au moins est à moi. Je viendrais (là aussi, je pense qu’un futur « viendrai » s’impose au lieu du conditionnel, surtout pour des raisons de concordance des temps) lâcher des chiens de foutre qui courront (et non « courreront ») sur tes plaines »
« vomir ses racines à coups (de ?) griffes »
« mais si c’est toi que je choisis »
« mais que veux-tu (trait d’union) que ça me fasse »
« Je viendrais (décidément, le futur « viendrai » est préférable au conditionnel), (pourquoi une virgule ici ?) te mettre dans la bouche mes mots comme d’autres »
« je suis mou comme ces gens-là (trait d’union) »
« J’ai des passions comme de (et non « des ») la mousse »
« mais à travers une vitre »
« Le problème c’est que c’est mon corps, (pourquoi une virgule ici ?) qui connaît le repos »
« J’invente une écriture seulement constituée d’intelligence » : ben mon cochon ! Rien que ça !
« Ça je le sais »
« comme des mensonges qui sont des bombes qui ne résonnent qu’aux oreilles meurtries » : lourde, pour moi, la phrase avec ses deux relatives imbriquées
« J’ai besoin que mon humeur vitrée vienne napper ma bouche parce que, demain, (pourquoi ces virgules) sera encore pire qu’hier »
« Et je viendrais (le futur « viendrai » me paraît préférable ici au conditionnel) me suicidet comme ça »
« le prophète mou qui dort en moi »
« je me gorgerais (le futur « gorgerai » serait à mon avis préférable au conditionnel) de la cruauté de leur or »
« J’y ferais (le futur « ferai » me paraît préférable au conditionnel) des croix, encore »
« Et je clignerai de l’œil.
Et je prendrais (le futur « prendrai » s’impose au lieu du conditionnel) ta bouche »

[Calvin]

La litanie "grosse pute, salope, comment oses-tu faire ça au poète qui invente une écriture seulement constituée d'intelligence"


Oh mon dieu : O
j'suis tombé bien bas alors (bon, le titre l'annonçait)

[Invité]

Oh mon dieu : O
j'suis tombé bien bas alors (bon, le titre l'annonçait)

Cela dit, de la vulgarité de ce tonneau j'en redemande.

Beaucoup plaintif, très je. Sarah, Margot, ces prétextes... Mais pour moi le charme fonctionne quand même, le rythme surtout.

[Kash Prex]

En dehors des (trop) nombreuses fautes d'orthographe et de frappe qui dérangent un peu la lecture, j'ai bien aimé.

Je soupçonne une bonne dose de sincérité dans ce texte et une proximité à ne pas sous-estimer entre auteur et narrateur... Et je me reconnais un peu, dans certains moments. Disons que je vois dans quel état d'esprit on écrit ce genre de choses, il me semble.
De l'incohérence nécessaire, pas forcément toujours volontaire d'ailleurs je crois ; un rythme de rodéo : irrégulier, rapide dans l'ensemble mais jamais de la même manière. Toute la haine qu'on croit avoir d'un seul et unique objet.... et qui vient en fait d'un ailleurs qu'on se refuse à lui associer.
Ce n'est pas du grand texte littéraire, pas vraiment de la poésie... Mais je trouve que ça parle beaucoup.

[Procuste]

(...) « Et je viendrais (le futur « viendrai » me paraît préférable ici au conditionnel) me suicidet comme ça »
(...)

Große erreur ! « Et je viendrais (le futur « viendrai » me paraît préférable ici au conditionnel) me suicider comme ça », pardon.

[Invité]

J'ai moins apprécié que d'autres textes de toi, Louis! !
Cela tient au fait que c'est un peu pleurnicheur, ça n'arrive pas à décoller vraiment, à sortir de la plainte quelque peu nombriliste...
Mais il y a de très beaux moments, par exemple : je rampe dans des sables sans musique.

[Ratz19]

Je suis d'accord avec Coline Dé. Le personnage est trop centré sur lui-même, au point de me demander l'intérêt du lecteur de le lire.

[Sahkti]

Trop rapidement, la haine se retrouve embourbée puis noyée dans le narcissime qui dégouline de ce texte, du début à la fin. A part se plaindre, le narrateur ne fait pas grand-chose et la haine, hé bien... c'est celle que finirait presque par ressentir le lecteur à son égard si il continue à geindre de la sorte...
Du coup, la vulgarité paraît bien conventionnelle au milieu de tout ceci, presque d'apparat, là pour faire un effet mais pas vraiment de l'effet. Dommage.

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