Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
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Rebecca
elea
Ba
7 participants
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Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
…
Il est parti un matin, mais je ne peux pas te dire quel jour de quel mois de quand l’année.
Il faisait un jour à ne pas mettre un gant dehors tellement le froid piquait les oreilles nues. Un froid extraordinaire sur requiem. Tu sais, au moment où les voix intensifient les voiles prêtes à lever l’ancre ; on ne comprend rien à ce qu’elles disent, elles s’enfoncent simplement dans le trou de tes bobos, comme ça, et puis comme ça encore.
Lui, dans ces instants là, que d’aucuns disent captivants, fichait le camp avec son huitre sous le bras. Façon de parler. Tout le monde sait bien que les huitres n’entendent rien au requiem.
Il s’appelait Hulu Berlu. Aucune idée sur le sens. Comme sa mère était bègue et son père boiteux ils ont dû lui donner ce prénom au pif. Enfin au hasard si tu préfères. Peut-être qu’il s’appelait Lucien, Lulu, Hululu par les couchants sans appel. En rapport avec les chouettes ? Va savoir…
Lorsque je patine avec Brahms A German Requiem, Op.45, je le revois dans les rues du village, petite ombre inassouvie, inachevée, esquisse d’être. Un quelque chose de personnage, un embryon d’âme semé dans notre communauté cannibale. Que veux-tu que nous en fassions ? Denn alles Fleisch ist wie Gras…
Comme sa mère avait un cœur de granit et son père des tripes de sanglier ils l’ont fichu dehors dès qu’ils ont pu. Vaut mieux dans un certain sens. D’accord avec toi que l’amour porte à bout de clapets, mais lui, sans filet s’est cassé la gueule sur la piste.
Nous l’avons tous regardé chuter librement, avec le sentiment confus que nous aurions pu tendre un petit quelque chose pour amortir le choc. Enfin moi j’aurais pu. Tu sais ce que c’est la paresse du geste, l’économie. Et puis, pourquoi faire ? Selg sind die Toten…
J’ai posé un petit bateau en carton sur le ruisseau, façon hommage discret.
Un gamin l’a coulé en riant il portait la nuit dans ses yeux. Déjà.
Ce qui me console, vois-tu, c’est que je peux fermer le livre quand je veux. Il n’est pas écrit et ne le sera sans doute jamais. Ainsi nous pourrons nous retrouver quand nous voudrons et où nous voudrons dans n’importe quel espace que nous ignorons encore.
…
Il est parti un matin, mais je ne peux pas te dire quel jour de quel mois de quand l’année.
Il faisait un jour à ne pas mettre un gant dehors tellement le froid piquait les oreilles nues. Un froid extraordinaire sur requiem. Tu sais, au moment où les voix intensifient les voiles prêtes à lever l’ancre ; on ne comprend rien à ce qu’elles disent, elles s’enfoncent simplement dans le trou de tes bobos, comme ça, et puis comme ça encore.
Lui, dans ces instants là, que d’aucuns disent captivants, fichait le camp avec son huitre sous le bras. Façon de parler. Tout le monde sait bien que les huitres n’entendent rien au requiem.
Il s’appelait Hulu Berlu. Aucune idée sur le sens. Comme sa mère était bègue et son père boiteux ils ont dû lui donner ce prénom au pif. Enfin au hasard si tu préfères. Peut-être qu’il s’appelait Lucien, Lulu, Hululu par les couchants sans appel. En rapport avec les chouettes ? Va savoir…
Lorsque je patine avec Brahms A German Requiem, Op.45, je le revois dans les rues du village, petite ombre inassouvie, inachevée, esquisse d’être. Un quelque chose de personnage, un embryon d’âme semé dans notre communauté cannibale. Que veux-tu que nous en fassions ? Denn alles Fleisch ist wie Gras…
Comme sa mère avait un cœur de granit et son père des tripes de sanglier ils l’ont fichu dehors dès qu’ils ont pu. Vaut mieux dans un certain sens. D’accord avec toi que l’amour porte à bout de clapets, mais lui, sans filet s’est cassé la gueule sur la piste.
Nous l’avons tous regardé chuter librement, avec le sentiment confus que nous aurions pu tendre un petit quelque chose pour amortir le choc. Enfin moi j’aurais pu. Tu sais ce que c’est la paresse du geste, l’économie. Et puis, pourquoi faire ? Selg sind die Toten…
J’ai posé un petit bateau en carton sur le ruisseau, façon hommage discret.
Un gamin l’a coulé en riant il portait la nuit dans ses yeux. Déjà.
Ce qui me console, vois-tu, c’est que je peux fermer le livre quand je veux. Il n’est pas écrit et ne le sera sans doute jamais. Ainsi nous pourrons nous retrouver quand nous voudrons et où nous voudrons dans n’importe quel espace que nous ignorons encore.
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Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
simple et joli, j'ai beaucoup aimé. t'aime Brahms toi ? moi aussi.
Invité- Invité
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
J'en ai connu un comme ça aussi, parti aussi. Bravo de savoir mettre les mots.
(juste la petite virgule manquante au gamin couleur de bateau...)
(juste la petite virgule manquante au gamin couleur de bateau...)
Invité- Invité
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
Un texte émouvant et sobre, très joli.
Beau choix de phrases du requiem (manque un i je crois, "selig") qui est un magnifique écrin sonore pour ces mots et cette histoire.
Beau choix de phrases du requiem (manque un i je crois, "selig") qui est un magnifique écrin sonore pour ces mots et cette histoire.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
J'y connais rien en musique mais il y a une belle musique dans tes mots...
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
nous aurions pu tendre un petit quelque chose pour amortir le choc
Beaucoup de tendresse dans cet hommage pudique. "Ihr habt nun Traurigkeit"
Beaucoup de tendresse dans cet hommage pudique. "Ihr habt nun Traurigkeit"
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
La mise en page avec les pointillés en début et à la fin, puis chaque ligne, un vrai régal, encore meilleur que ça même.
Invité- Invité
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
bah j'aime, c'est frais et c'est joli. ^^
endjel eriennon- Nombre de messages : 39
Age : 28
Localisation : Fort fort loin.
Date d'inscription : 20/10/2010
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
Beaucoup aimé l'écriture, des petites phrases qu font mouche comme "tu sais ce que c'est la paresse du geste..."
Pour info, "avoir la berlu" en patois nordiste, c'est avoir un problème de vue...
Pour info, "avoir la berlu" en patois nordiste, c'est avoir un problème de vue...
Clarisse- Nombre de messages : 227
Age : 72
Date d'inscription : 10/03/2011
Re: Hulu Berlu ou la romance sans tiroir
Le sujet est très bien traité. On passe par différentes émotions (tristesse, colère, légèreté entre autres...). Peut-être un peu trop vite ? Je ne pense pas, j'ai beaucop aimé.
Lifewithwords- Nombre de messages : 785
Age : 32
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 27/08/2007
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