EXO L'humour et la poésie

[Philippe]

Bonjour
En quoi l'humour peut-il être assimilé à de la poésie?
Serait-ce qu'il taquine les même cordes, celles qui font vibrer les mots de saveurs inédites?
Serait-ce que la métaphore y est tout aussi présente?
Serait-ce que la rupture du contexte narratif, à un contexte émotionnel, est toute aussi capable de produire du rire que des larmes?
Où tout simplement, qu'humour et poésie ont cette commune difficulté d'engendrer une émotion?
A vous de voir et d'en parler, soit en citant des comiques qui vous semblent poétiques, soit à travers vos textes.

J'm'y colle avec un amuse gueule...



C’est d’la faute à Baudelaire

Le vent hurlait si fort qu'une mouette imprudente,
Essayant de son nid d'apprivoiser la pente,
S'écrasa mollement sur le granit rose,
En se disant que c'est d'la faute à son arthrose.

Un grand martin pécheur, au bec débordant
Arrivant prés des siens, bien après le couchant
S'aperçut qu'en son bec il n'avait que les frites,
En s'disant c'est d'la faute au vendeur de chez Quick

Un pauvre goéland pourtant bien élégant,
Ne volait que la nuit au prétexte navrant
Qu'il avait l'aile gauche, un p'tit peu cabossé
Et qu'tout ça c'est à cause de son carrossier

Et même le superbe, le grand roi albatros,
Qui d'albator avait la cicatrice atroce,
Se f'sait la réflexion vraiment pas poétique,
Q'c'est à cause de son chirurgien esthétique

Tel l'oiseau le poète, médiocre de surcroît ,
Qui se voudrait phœnix, mais cloué à la croix
De son orgueil immense, de sa bêtise fière,
Dira toujours que c'est, de la faute à Molière.

[chris]

Pas mal.
je prends le relai avec un poème écrit il y a quelques années de cela. Bon, ça peut ête considéré comme de l'humour douteux, un peu noir et de vision caricaturale sur les bords, je le conçois.


Dindon de la farce

Accompagnée d’une oisive conscience
Elle picore et picore et picore
Sans aucune autre joie sinon…
De picorer.

Peu pensive mais rêveuse, elle imagine sûre d’elle
Une plaine printemps,
Une pleine lune de miel et de roses en fleur.
Elle se fait un avenir bien charmant
Et lui annonce ce si beau message :
« Je t’aime »
Tout en se disant :
« Cadeau, trésor, espoir ! »

Dinde farcie du matin au soir d’une main rustre et certaine
C’est bien dommage, car

Peu pensif mais rageur, il machine sur elle
Une poignée d’instants
Une pleine dune d’hymen et de fleur de rose.
Il lui feint un havre bien choyé
Et lui assène ce si gros mensonge :
« Moi aussi, je t’aime »
Tout en se disant :
« Quoi d’autre au menu ce soir ? »

[Meilhac]

Un grand martin pécheur, au bec débordant

pas mal
y a sûrement moyenn de régler assez facilement le problème de pieds dans le vers ci-dessus

donc en gros le but du jeu c'est de composer un poème drôle? je tâcherai d'essayer

[Philippe]

Ben dis donc y'a comme qui dirait pas beaucoup d'monde sur ce topic
J'vous en colle un autre, mais si le sujet ne vous inspire pas, promis c'est le dernier!!

J'irai pendre mes rêves
Au bout d'un cerf-volant
Pour que vos yeux se lèvent
Et rient en même temps
Puis aux portes du ciel
Je volerai du levant
Les lueurs qui se mêlent
A vos rires d'enfant.

J'irai au bout du monde
Vous cueillir les senteurs
Qui dans vos boucles blondes
Font des accroche-cœurs
Puis d'un bouquet de roses
Je prendrai les velours
Pour mêler à ma prose
Les parfums de l'amour

J'irai au bout du monde
Pour voir si en chemin
La terre est aussi ronde
Que la soie de vos seins
Puis j'irai dans les dunes
Voler avec le vent
Effleurer sous la lune
Des valons émouvants.

Aux sommets de la terre
Je grimperai enfin
En courses solitaires
Les courbes vos reins
J'irai sur les volcans
Et leurs laves qui grondent
Pour glisser en fumant
Dans des gorges profondes.

Vous dire je vous aime
Bien sûr serait charmant
J'en sais des bouches pleines
Vous crachant faux serments
Mais pour faire mon bonheur
Vos formes ont largement
Emportées la primeur
Sur tous mes sentiments.


Ah! Romantisme, quand tu nous tiens!!!

[Artnow]

Désolé Philippe, mais comme c'est titré « humour », je dois vous avouer que vos poèmes ne m'ont pas vraiment fait sourire. Vous aimez et pratiquez la franchise, alors naturellement je vous le dis aussi.

Quant à vos questionnements:

" En quoi l'humour peut-il être assimilé à de la poésie?
Serait-ce qu'il taquine les même cordes, celles qui font vibrer les mots de saveurs inédites?
Serait-ce que la métaphore y est tout aussi présente?
Serait-ce que la rupture du contexte narratif, à un contexte émotionnel, est toute aussi capable de produire du rire que des larmes?
Où tout simplement, qu'humour et poésie ont cette commune difficulté d'engendrer une émotion? "

Peut-être que ceux qui font rire n'intellectualisent pas autant leur démarche... c'est peut-être un des secrets de leurs réussites … ??

Sinon, toutes les émotions sont liées et empruntent les mêmes circuits, qu'elles soient induites par des mots, des visions ou n'importe quel transfert, c'est assez pareil, et comme la poésie est émotion, la boucle est bouclée.


Je mets un poème que j'espère un peu humoristique, écrit à l'occasion de Pâques (2010). Il aurait pu aussi avoir une place dans l'abécédaire animalier de coline à la lettre « P » pour « Poissons ». Et on peut même s'y amuser à trouver / découvrir des poissons.

Le 1er qui a le bon nombre d'espèces sera élu « Castagnole de l'année »!



La castagne des Castagnoles !


En rase campagne, vers la Fosse des Mariannes
Au volant d’mon vieux Tacaud je mets le Turbot
En direction du Bar “ le comptoir de la mer ”
Y passer la soirée entre amis au bistrot.

Sans faire un Plie, j’accélère, comme une Torpille,
A Vive allure, entre les rochers qui me grisent !
Me faufile à l’ancienne, m’immisce en Anguille
Entre les éboulis, les sources souterraines !

A la Lompe des phares, au bosquet de posidonies
Un Labre Vert, aux aguets, camouflé dans l’herbier
Invisible, imperceptible, immobile
Je faillis l’écraser, cet imbécile ! !

Il me regarde, ses yeux de Merlan frit
Une tête à coucher dehors ou tombée du lit !
Il Baliste vraiment, j’ai du lui faire peur
Il Hareng des mots voire un cri de stupeur ? ?

Mais je reprends ma route, au carrefour des Morues,
Je tourne à droite, n’ai pas de temps à perdre
Avec ces Petites ou Grandes Vieilles plus très Coquettes
En Sardines sur le trottoir, un Maquereau les guette !

J’arrive enfin vers ce Lieu tant convoité
Le “ comptoir de la mer ” est plein à craquer !
Je serre la pince en passant au tourteau
Le saligaud ! il me tape dans le dos !

Sur le comptoir Marbré, un Bogue avachi
Un bock à la nageoire, il boit de désespoir
PaLabre à l’Esturgeon ses histoires bidons
Sa petite Girelle vient de le laisser choir.

Content d’y retrouver ma petite Liche Amie
Je l’aime bien, derrière ses airs Sériole,
Est plate comme une Limande, dépasse à peine le Sole
Mais je lui tire mon Chapon, qu’est-ce qu’on rigole ! !

Niveau musique, il n’ont pas fait les choses à moitié
C’est Anchois ! et ils ont choisi la meilleure !
La Raie Guitare et son orchestre ! vous fait danser
Sur les rythmes ensablés de la country des mers !

C’est alors que j’aperçois, dans le fond de la cale,
Une Baudroie, me semble des plus instables
Après trop de verres de mauvais pétillant
Ses joues de Lotte gonflées de ces relents !

Mais ça sent maintenant la fin !

le Sar en a marre,
Le Mérou est à genoux,
Le Pageot pas jojo,
Le Labre se délabre,
Le Mulet est bien laid,
L’Aiguillette pas très nette
Le Saint Pierre plus très fier,
La Blennie endormie,
Le Gobie dégobille,
Le Corb se dérobe,
La Daurade est en rade,
La Murène, quelle haleine !

Alors quand le Hareng Saur, je le suis !

Mais en arrivant sur le ponton, de l’épave
C’est comme à chaque soirée, que d’épaves ! !

Et comme d’habitude :

“ Les Castagnoles se castagnent ” ! ! !



Arnaud Pastoret
Mars 2010

[Invité]

J'en ai la rate qui se dilate !!!
J'ai pas compté, mais comme tu les as mis avec une majuscule, c'est pas trop dur à retrouver ( ceci dit, il y en a quand même pas mal que je ne connaissais pas...)
Un poème humoristique que j'aime beaucoup :

Le capitaine Jonathan
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dand une île d'Extrême -Orient

Le pélican de Jonaathan
Au matin pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Qui lui ressemble étonnament

Et ce deuxièeme pélican
Pond à son tour un oeuf tout blanc
Dont sort inévitablement
Un autre qui en fait autant

Cela peut dure pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant...

( vous noterez qu'il n'existe pas de pélican mâle selon ce poème...!)

[Artnow]

ah oui coline, le pélican est hermaphrodite dans ce poème ! sans doute une certaine pudeur de l'auteur de ne pas tout dévoiler?? et sur ce j'attendrais pour me faire une omelette, histoire de prolonger l'histoire..

oui c'était facile, il y a des majuscules dans la castagne des Castagnoles.. avec une erreur dans cet envoi (Fosse au début devrait être sans majuscule); et y en a qui seraient peut-être quasi invisibles, notamment là: « Avec ces Petites ou Grandes Vieilles plus très Coquettes » où il y a 3 poissons distincts. On m'a déjà parlé du « j'ai la rate qui se dilate....... » pour le final.... je crois qu'il y a 46 espèces. Exceptionnellement, cette année, le prix du « Castagnole de l'année » ne sera pas délivré, le jury est impitoyable ?!

[Arielle]

Où as-tu fourré les post-it ?
J'ai ce message qui palpite
comme un baiser entre deux portes :
" T'es pas rentré, faut que je sorte"

Mais où sont passés les post-it ?
" Ne m'attends pas, dîne sans moi,
il reste une aile de poulet froid "
Sur le miroir j'ai dessiné
deux petits cœurs accoquinés

Mais où sont passés les post-it ?
" Si demain je n'étais pas là
n'oublie pas la caisse du chat
et pense à lui donner son mou
je t'aime très fort mon Loulou.

Si tu retrouvais les post-it
colle z'en un sur le frigo
avec l'adresse d'un gynéco
j'ai fait le test, l'est positif,
je te dis pas comme je kiffe !"

[Invité]

L'humour est sans doute le genre le plus ingrat qui soit.
D'abord parce qu'il est, au mieux, considéré comme un art mineur. Voyez la réaction de l'oncle du Schpountz lorsqu'il apprend qu'il fait le comique.
Ensuite parce que tout le monde ne rit pas des mêmes choses.
Sur un autre forum, un espace était consacré aux poèmes préférés.
J'y ai posté le pastiche du Cid de Fourest.
Un membre a regretté que la chute de ce sonnet vienne abîmer la qualité des 13 premiers vers.
Comme quoi...

[hi wen]

Et même le superbe, le grand roi albatros,
Qui d'albator avait la cicatrice atroce,

albatrÔÔÔs
atrwosse
pi-tainnnnn, la dissonance, argllllllllllllll

[Mélusine]

N’oubliez pas vos bottes de caoutchouc pour explorer le champ des possibles …


Voici une lettre d’Adèle Joufflue envoyée aux Editions SIONDUBOIS le 27 novembre 2007 (J’espère qu’Adèle ne m’en voudra pas de dévoiler cette correspondance mais j’ai pensé qu’elle pourrait inspirer d’autres auteurs en quête d’un éditeur ……. ou pas ! Vous savez, moi, quand je peux rendre service …)



Cher Monsieur le Directeur,


Souffrez que je vous dise l'ampleur de ma bêtise. Jusqu'à peu de temps, je tentai obstinément de devenir une pointure et me perdais en conjectures. Ecrire et ne pas faire de faux pas, chaque jour réitérer l'exploit.

Je souffrais de ne pouvoir charmer l'auditoire à coup d'histoires morbides ou situées sous le bide, au risque de déplaire (ça je n'en n'ai que faire).

Mes amis, à bout de patience, fatigués de m'entendre déblatérer ma science, me conseillèrent de m'adresser sans retard à un homme de l'art.

C'est pour cette raison, Cher Monsieur le Directeur, qu'en vot'e qualité d'éditeur, je viens m'enquérir auprès de vous, pour savoir si je pouvais, à cette heure, vous confier mon labeur, si vous pouviez, comme qui dirait, faire de moi un auteur de choix.

Si votre réponse par bonheur, pouvait être en ma faveur, sûr que, par tous les saints du ciel, à commencer par Saint-frusquin, je vous en serais si reconnaissante que, faisant fi de ma vertu, j'vous montrerais mon c...
Connaissant bien les ravages que causerait un tel outrage, je serais accompagnée pour vous, c'est logique, d'une cellule psychologique.

Souhaitant vous avoir convaincu avec ces arguments massues, et espérant de vous voir sous peu, Cher Monsieur le Directeur, j'vous salue bien avec ardeur.


Adèle




P.S : A la réflexion, je préfèrerais que vous me disiez non, cette sage décision m'éviterait l'humiliation.

[Philippe]

Bravo à tous
Et comme dirait Tizef c'est vrai que l'humour est un genre ingrat.
C'est plus facile à mon sens de faire un pastiche d'une œuvre sérieuse pour la retourner en délire comique. Mais j'ai trouvé une autre voie Le pastiche poètique d'un texte comique.

Donc sur une idée de Pierre Desprosges...

Madame

Vous hantiez, intrigante, un espace familier
Où pour le déjeuner j'avais mes habitudes.
Votre joli minois, par un livre voilé
Finit par ébranler toutes mes certitudes.

Sans bien savoir pourquoi, irrésistiblement
Attiré par vos charmes et votre aura troublants
Je vous conviais madame, non sans atermoiements
A partager ma table, et tous mes faux semblants.

Vous me l'avez joué, genre belle marquise
Langage châtié, tenues irréprochables
Mais sous les apparences et les mises exquises
dans vos yeux verts perçait un joli petit diable

Votre cambrure altière, vos jolis seins pointant
Sous un Lanvin troublant de frais boutons de roses,
Exhalaient un Chanel qui de vos quarante ans
Entrouvrait un bouquet ou tout les yeux se posent.

Lorsque je commandais un grand Smith Haut Lafitte
Que l'ami hôtelier ne gardait que pour moi
Je vis à vos grands yeux, votre mine confite
Ce qu'un beau cru peu faire, des âmes et des émois

Vos blanches canines me grignotaient le cœur
Nous parlions madame de Kant où de Lénine
Nos verres se frôlaient, sur du Schopenhauer
Au dessert vous citiez les adieux de Pouchkine

Et j'étais à deux doigts de dire des bêtises
Les idées embuées par le rayonnement
De vos formes excitant toutes les convoitises
Mais tuant toutes formes de discernement.

Pour vous madame, je m'imaginais sans peine
Quittant ma famille, chiens, chats, épouse, enfants
Je me voyais déjà, sacrifice suprême
Abandonnant ma cave, et ses crus triomphants

Derrière son comptoir, mon tavernier ami
D'un sourire complice, et avec l'œil humide
Sortit un grand cognac, un nectar hors de prix
Un monument que seules, effleurent les pyramides.

Ni plus ni moins qu'un aperçu de paradis
D'une ampleur comparable à celle du Bosphore
Finissant en bouche comme du Vivaldi
Et qui venait à bout de toutes métaphores

Le cafetier debout, la relique à la main
Vacilla incrédule à l'affront que vous fîtes
Je quittais la table sans vous dire à demain
Et ramenais au zinc mon âme déconfite

C'est lamentablement que prit fin notre histoire
Sordide passage de la romance au lucre
Vous veniez de glisser, geste blasphématoire
A ce parfait breuvage, un gros morceau de sucre.

[i]

[Invité]

Savoureux.
L'élision systématique des e muets peut gênre la lecture des habitués de l'alexandrin.
Aussi, pensai-je que texte gagnerait à être dit, ou mieux chanté (on y sent comme un petit air de Brassens)

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