Vos avis sur un texte, svp

Bonsoir à tous !
Je suis curieux de vos avis sur un texte, qui n'est pas de moi. Je le poste ici.


Ce fut d’abord la cérémonie blanche, légitime, dénuée de l’éclat des arbres à l’écorce sue. Ce
fut le deuil légitime, le deuil tordu par le chant épais du repentir.
S’y trouvaient, par delà la fumée bruissante à l’horizon, les adversaires éternels, tapis au
fond des lointains. Le coq se taisait au centre de la vaste plaine d’où le fleuve murmurait à
grand’peine ses romances d’autrefois. Nous pressions le pas, la nuit tombait sur la route, donnant à nos figures de monstrueux reliefs -fronts proéminents, yeux ternis.- La vigueur se dressait sur le monde assaini.
Lorsque je l’ai veillée nous étions seuls, la fébrile lampe de chevet éclairait son agonie
tardive. La voix tamisée emplissait d’un murmure les coins de la pièce déjà fanée. L’intense
spectacle qu’ouvraient nos coeurs accablait notre attention, et nous détournions les yeux vers la table quotidienne. Le temps d’ouvrir la boite, et soupirs, chants et marches cessèrent. La vibration s’amplifia; assourdis par l’écho imminent, nous en vînmes à hausser la voix, rompant le pacte afin de nous rendre audibles.
Le fer rougi nous affamait. Par delà les tombes de la cérémonie livide, la clarté lunaire
illuminait nos pas. Dans les bois, les sentiers prirent des dimensions gigantesques. Nous marchions
au milieu, empressés à nos rythmes inharmonieux. Le bois vital coupé à la faveur des avenues de fortune laissait espérer là des palissades, là des fagots laissés à terre. Pourtant, nos yeux mi-clos ne voyaient rien que la cérémonie unique et solennelle à laquelle nous appelaient nos coeurs. Fourbus de fièvres dissimulées, nous ne parlions pas.
La folle à son lit ne cessait de parler. Et les mots, médaillons disgracieux, tombaient en
cascades sonores dans la bassine au chevet. Des vérités, nous n’en avions pas. Les draps de son lit se desséchaient. Nous étions seuls, nous la veillâmes.
Parfois, des hautes marches au loin s’élevait le contour d’une voix que le vent fugitif nous
glissait à l’oreille.
Habits blancs comme d’un deuil intime, en la chambre fanée dont les murs exhalent les
soupirs passés de ceux qui n’ont plus lieu.
D’une pierre écarlate tenue en la main plate, la chaleur dégagée montait ondoyante dans le
ciel vorace. Nous attendions, transis dans l’obscurité tardive, qu’une voix légère brise la palissade.
Nul sanglot pourtant n’emportait au loin ces rugueuses images de la vie d’autrefois, de la vie qui n’est plus - en aucun lieu.
De ce couloir gigantesque ceint d’arbres nous dévalions le cours, et les pierres roulant au
fossé nous inspiraient terreur et envie. Les sentiers sans nombre égaraient nos sens. Comme par un soupirail, le chemin immense découvrait à nos yeux la fumée aux paroles ondulées, au loin derrière l’édifice que nous contemplions parfois. Fièrement dressés l’un contre l’autre par l’orgue de nos voix, nos poches remplies de nos poings, notre marche pénible ne cessa que lorsque la nuit décrut.
Fuyant l’ombre se dressant toujours au coin de nos regards, les sentiers nous égaraient.
Derrière le flot doré de ses paroles, ses yeux, ruisseaux trop clairs où se baigne le coq,
emplissait la chambre d’une vapeur opaque dont le bruit assourdissant provoquait cérémonie et
deuil, chemins et marches aux palissades confuses, que nous contemplions effrayés.

Bonsoir
je trouve ça somptueux
je pourrais en lire comme ça pendant des heures
je ne fais pas de commentaire détaillé, mais j'ai aimé particulièrement des alliages de mots, le chant épais, la table quotidienne, les mots tombaient dans la bassine, vapeur opaque… ainsi que la présence suffoquante et vibrante du lieu, mi-chambre mi-forêt. Bref, un très beau texte pour moi.
C'est de qui ?

De belles phrases, un univers et une ambiance.
Pourtant je suis restée en dehors. Comme si on me montrait un beau bijou mais en m’interdisant de le porter. Comme si le texte était destiné à être beau mais pas à être partagé.

En fait j’ai lu en me disant « ah oui, fallait l’écrire ça, chapeau » ou encore « waouh quelle phrase osée, quelle évocation ». Et je m’attachais au style, à l’écriture et à rien d’autre. Ce n’est pas ainsi que j’aime lire, mais ce sont mes goûts personnels et cela n’enlève rien à la poésie ou à la profondeur ou à la beauté de l’écriture.

J'ai trouvé ce texte étrange et attachant, un peu comme Elea l'a ressenti, mais plus en empathie, de façon plus réceptive... Il m'a semblé que parfois, c'était un peu forcé, un peu sur-écrit, peut-être pour mieux couvrir une émotion et la mettre à distance ?
Beaucoup d'images m'ont séduite, j'aimerais énormément lire la suite, c'est une écriture qui m'intéresse.
Je ne suis pas assez fine commentatrice pour apporter grand chose, sinon un ressenti, mais je le ferai volontiers, le cas échéant.