Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
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Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
voilà voilà, pour l'exo de Grieg ! désolée c'est tout ce que j'ai sous la main. La honte ne tue pas il parait. Je vais expérimenter cela !
- Je voudrais tellement être différente. Etre remarquée pour autre chose que ça. Ne peux tu pas comprendre qu’être utile ne me suffit pas ? ou alors ne me convient pas d’ailleurs. Je ne demande pas plus, mais juste quelque chose d’autre !
La bille noire se renfrogna sous son capuchon : ne coulant jamais, toujours opérationnelle, glissant sur le papier comme les larmes sur les joues d’un nouveau né, voilà ce qu’elle était : la fiabilité professionnelle au service des autres.
Le critérium espérait voir passer l’orage. Mais celui-ci ne s’en allait jamais vraiment, laissant souvent place à un ciel gris de tristesse, agrémenté de quelques éclaircies, parfois, mais trop de chagrins sous-jacents menaçaient perpétuellement.
- Mais que leur envies tu donc ? N’es tu pas heureuse de ta place, si importante ? N’es tu pas satisfaite du nombre de contrat parafés ? De factures acquittées ? Des courses effectuées juste avec ta grâce et ton efficacité ?
Le Bic noire siffla d’une manière aussi dédaigneuse que vulgaire, parce que oui, un crayon aussi sait être vulgaire.
- Ohh oui tu as tellement raison. On se souvient tellement plus des chèques signés que des déclarations d’amour rédigées ! Ne sois pas stupide ! Toi, tu as une vrai utilité, tu croques l’instantané, griffonnes l’immédiat, dessines, reproduis, côtes les plans. Tu vis chaque jour une merveilleuse aventure humaine. On te cherche, on te bichonne, on te customise. Arrête, non, ne m’interromps pas : rappelle toi le magnifique jeu de mines qu’ils t’ont ramené des Etats-Unis ! Et puis, tu es beau …. Élancé, de cet argent qui fait tourner les têtes. Admire ta gomme, elle resplendit. Et ces petites touches d’ivoire. Rien à jeter. On se retourne sur toi, pas à cause de ta médiocre utilité mais pour tout ce que tu es. Quant à moi…. Trop grosse pour tenir dans une poche, crainte pour les tâches que je pourrais occasionner, je suis reléguée au fond d’une trousse, d’un tiroir, sur un meuble. Tu crois quoi ? Que je me fais des idées, que je ne vois pas comment le monde tourne? Tu sais, depuis mon arrivée sur les chaines de l’usine, déjà je savais que je n’avais pas tiré le gros lot : quand je les voyais, toutes ces belles mines, roses, vertes, jaunes, écriture pailletée, certaines même se payant le luxe de laisser un doux parfum sur les feuilles empruntées…. Comment veux-tu rivaliser ? Tu crois que la petite fille va se précipiter sur un pauvre Bic noir, de toutes les manières bien trop gros pour ces petites mains ? Déjà, les premiers qui étaient discrètement embarqués par les ouvriers, c’était toutes les jolies nouveautés ! Fallait les entendre crier de joie à chaque fois qu’un homme les enfouissait dans ses poches. Tu crois qu’ils allaient mettre des étoiles dans les yeux de leurs gosses avec un vulgaire stylobille….tout au plus, j’étais empruntée pour griffonner une note sur un carton…. C’est ça que tu appelles une vie exaltante ? J’en ai assez de faire partie des meubles, d’être invisible. Tu comprends, je voudrais qu’on me regarde et provoquer des « wouaaah t’as vu comme elle est belle ? T’as vu la classe ? Comme elle porte bien le silicone ! Et ses paillettes ? ».
Le critérium avait perdu sa voix, qu’il avait pourtant de terriblement douce. Qu’il était difficile de faire comprendre à ce petit bout de réservoir d’encre qu’il était définitivement différent du regard que sa conscience lui renvoyait. Il aimerait juste être un miroir, le temps d’un instant, fugace, et que le fond de son plastique s’emplisse du même bonheur qu’il ressentait quand il la regardait.
-Ma petite bouille noire, je n’arriverai jamais à sécher tes larmes d’ébène. Nous sommes ce que nous sommes, comment peux-tu espérer être plus heureuse en étant différente, alors même que tu es parfaite dans ce que tu es déjà.
Le petit Bic renifla, la pointe rougie de tristesse.
-Tu sais le pire ? J’ai essayé de leur ressembler : j’ai tenté de perdre un peu de ce plastique disgracieux, je me suis roulé dans les paillettes de Noël. J’avais l’air tellement ridicule…
Le critérium sorti une petite mine et l’appliqua de manière rassurante sur le capuchon du stylo-bille. Comme les chats, il se frottait à elle, tentant de ramener à la surface le petit peu de confiance qui s’était évadé. C’est le moment que choisit Maman pour rentrer de l’école avec la petite dernière. Celle-ci bondissait d’excitation.
-Donne moi une feuille vite, allez maman, dépêche toi allez ! tu vas pas en croire tes yeux tellement c’est pas croyable pour de vrai.
La mère se débarrassa de son manteau, tout en jonglant entre son sac, le cartable de sa fille et la veste que cette dernière venait de lui lancer d’un mouvement plein d’excitation. Tout en déposant son fardeau sur la première chaise venue, elle extirpa un bloc-notes d’un endroit connu seules des mamans et le tendit à sa progéniture, le geste doux et le regard tendre des premières fois.
-Allez donne moi un crayon s’il te plait vite vite je vais perdre dans ma tête ce que je veux faire ! Non pas celui là c’est moche quand les grands ils écrivent en rose, je veux le vrai de papa quand il fait les cœurs qu’il colle sur la vitre de la voiture, allez maman dépêche toi.
La jeune mère de famille, nullement agacée se saisit du stylo noir que son mari avait encore laissé trainer sur la commode. Le cœur serrée elle le tendit à son petit lutin dont les yeux auraient pu éclairer des nuits entières.
Un petit bout de langue sorti, la tête penchée, accrochée à des lunettes enfantines, Julianne traçait des lettres imprécises, des formes improbables ; les doigts blanchis sur le corps du crayon, elle appuyait avec autant de force que si sa vie en dépendait. Elle poussa un long soupir en tendant son œuvre à sa mère. Cette dernière ne put, comme à chaque prouesse de son enfant, empêcher une larme de s’échapper.
-Tu es triste de joie hein ? c’est bien t’as vu la maitresse nous a appris à écrire notre prénom pour la fête des mamans, mais c’est trop génial hein pour attendre. Tu lui diras pas que je l’ai montré mais tu pourras dire que je sais bien écrire quand même hein?
Sitôt un baiser de triomphe donné au stylo, ce dernier fut renvoyé sur son meuble d’adoption, la mère et la fille, enlacées, repartant à leur univers humain.
Le critérium sourit mais ne parla pas, laissant s’écouler ce moment comme autant de plaies se refermant, comme autant de joies trop longtemps oubliées.
-Je sais pourquoi je suis là, je l’ai toujours su, alors pourquoi était ce si difficile de s’y accrocher ? Je me suis perdue, je ne mérite pas ça.
-Nous méritons chacun de ces moments, tu ne t’es jamais perdue, tu as juste oublié à quel point ce que tu pouvais donner était important. Mais surtout à quel point il était bon aussi de recevoir. Quelque soit ton acte, il a de l’importance aux yeux de quelqu’un. Et cette importance t’accompagne également.
Le petit bic regarda tendrement le critérium.
-Je voudrais explorer ta bonté, contrée énorme où tout se tait.
La gomme rougissante, le crayon sourit. Apollinaire ne nous caressait il pas de ces mots doux comme ton encre ? Euh… oui mais pas avec un bic !
- Je voudrais tellement être différente. Etre remarquée pour autre chose que ça. Ne peux tu pas comprendre qu’être utile ne me suffit pas ? ou alors ne me convient pas d’ailleurs. Je ne demande pas plus, mais juste quelque chose d’autre !
La bille noire se renfrogna sous son capuchon : ne coulant jamais, toujours opérationnelle, glissant sur le papier comme les larmes sur les joues d’un nouveau né, voilà ce qu’elle était : la fiabilité professionnelle au service des autres.
Le critérium espérait voir passer l’orage. Mais celui-ci ne s’en allait jamais vraiment, laissant souvent place à un ciel gris de tristesse, agrémenté de quelques éclaircies, parfois, mais trop de chagrins sous-jacents menaçaient perpétuellement.
- Mais que leur envies tu donc ? N’es tu pas heureuse de ta place, si importante ? N’es tu pas satisfaite du nombre de contrat parafés ? De factures acquittées ? Des courses effectuées juste avec ta grâce et ton efficacité ?
Le Bic noire siffla d’une manière aussi dédaigneuse que vulgaire, parce que oui, un crayon aussi sait être vulgaire.
- Ohh oui tu as tellement raison. On se souvient tellement plus des chèques signés que des déclarations d’amour rédigées ! Ne sois pas stupide ! Toi, tu as une vrai utilité, tu croques l’instantané, griffonnes l’immédiat, dessines, reproduis, côtes les plans. Tu vis chaque jour une merveilleuse aventure humaine. On te cherche, on te bichonne, on te customise. Arrête, non, ne m’interromps pas : rappelle toi le magnifique jeu de mines qu’ils t’ont ramené des Etats-Unis ! Et puis, tu es beau …. Élancé, de cet argent qui fait tourner les têtes. Admire ta gomme, elle resplendit. Et ces petites touches d’ivoire. Rien à jeter. On se retourne sur toi, pas à cause de ta médiocre utilité mais pour tout ce que tu es. Quant à moi…. Trop grosse pour tenir dans une poche, crainte pour les tâches que je pourrais occasionner, je suis reléguée au fond d’une trousse, d’un tiroir, sur un meuble. Tu crois quoi ? Que je me fais des idées, que je ne vois pas comment le monde tourne? Tu sais, depuis mon arrivée sur les chaines de l’usine, déjà je savais que je n’avais pas tiré le gros lot : quand je les voyais, toutes ces belles mines, roses, vertes, jaunes, écriture pailletée, certaines même se payant le luxe de laisser un doux parfum sur les feuilles empruntées…. Comment veux-tu rivaliser ? Tu crois que la petite fille va se précipiter sur un pauvre Bic noir, de toutes les manières bien trop gros pour ces petites mains ? Déjà, les premiers qui étaient discrètement embarqués par les ouvriers, c’était toutes les jolies nouveautés ! Fallait les entendre crier de joie à chaque fois qu’un homme les enfouissait dans ses poches. Tu crois qu’ils allaient mettre des étoiles dans les yeux de leurs gosses avec un vulgaire stylobille….tout au plus, j’étais empruntée pour griffonner une note sur un carton…. C’est ça que tu appelles une vie exaltante ? J’en ai assez de faire partie des meubles, d’être invisible. Tu comprends, je voudrais qu’on me regarde et provoquer des « wouaaah t’as vu comme elle est belle ? T’as vu la classe ? Comme elle porte bien le silicone ! Et ses paillettes ? ».
Le critérium avait perdu sa voix, qu’il avait pourtant de terriblement douce. Qu’il était difficile de faire comprendre à ce petit bout de réservoir d’encre qu’il était définitivement différent du regard que sa conscience lui renvoyait. Il aimerait juste être un miroir, le temps d’un instant, fugace, et que le fond de son plastique s’emplisse du même bonheur qu’il ressentait quand il la regardait.
-Ma petite bouille noire, je n’arriverai jamais à sécher tes larmes d’ébène. Nous sommes ce que nous sommes, comment peux-tu espérer être plus heureuse en étant différente, alors même que tu es parfaite dans ce que tu es déjà.
Le petit Bic renifla, la pointe rougie de tristesse.
-Tu sais le pire ? J’ai essayé de leur ressembler : j’ai tenté de perdre un peu de ce plastique disgracieux, je me suis roulé dans les paillettes de Noël. J’avais l’air tellement ridicule…
Le critérium sorti une petite mine et l’appliqua de manière rassurante sur le capuchon du stylo-bille. Comme les chats, il se frottait à elle, tentant de ramener à la surface le petit peu de confiance qui s’était évadé. C’est le moment que choisit Maman pour rentrer de l’école avec la petite dernière. Celle-ci bondissait d’excitation.
-Donne moi une feuille vite, allez maman, dépêche toi allez ! tu vas pas en croire tes yeux tellement c’est pas croyable pour de vrai.
La mère se débarrassa de son manteau, tout en jonglant entre son sac, le cartable de sa fille et la veste que cette dernière venait de lui lancer d’un mouvement plein d’excitation. Tout en déposant son fardeau sur la première chaise venue, elle extirpa un bloc-notes d’un endroit connu seules des mamans et le tendit à sa progéniture, le geste doux et le regard tendre des premières fois.
-Allez donne moi un crayon s’il te plait vite vite je vais perdre dans ma tête ce que je veux faire ! Non pas celui là c’est moche quand les grands ils écrivent en rose, je veux le vrai de papa quand il fait les cœurs qu’il colle sur la vitre de la voiture, allez maman dépêche toi.
La jeune mère de famille, nullement agacée se saisit du stylo noir que son mari avait encore laissé trainer sur la commode. Le cœur serrée elle le tendit à son petit lutin dont les yeux auraient pu éclairer des nuits entières.
Un petit bout de langue sorti, la tête penchée, accrochée à des lunettes enfantines, Julianne traçait des lettres imprécises, des formes improbables ; les doigts blanchis sur le corps du crayon, elle appuyait avec autant de force que si sa vie en dépendait. Elle poussa un long soupir en tendant son œuvre à sa mère. Cette dernière ne put, comme à chaque prouesse de son enfant, empêcher une larme de s’échapper.
-Tu es triste de joie hein ? c’est bien t’as vu la maitresse nous a appris à écrire notre prénom pour la fête des mamans, mais c’est trop génial hein pour attendre. Tu lui diras pas que je l’ai montré mais tu pourras dire que je sais bien écrire quand même hein?
Sitôt un baiser de triomphe donné au stylo, ce dernier fut renvoyé sur son meuble d’adoption, la mère et la fille, enlacées, repartant à leur univers humain.
Le critérium sourit mais ne parla pas, laissant s’écouler ce moment comme autant de plaies se refermant, comme autant de joies trop longtemps oubliées.
-Je sais pourquoi je suis là, je l’ai toujours su, alors pourquoi était ce si difficile de s’y accrocher ? Je me suis perdue, je ne mérite pas ça.
-Nous méritons chacun de ces moments, tu ne t’es jamais perdue, tu as juste oublié à quel point ce que tu pouvais donner était important. Mais surtout à quel point il était bon aussi de recevoir. Quelque soit ton acte, il a de l’importance aux yeux de quelqu’un. Et cette importance t’accompagne également.
Le petit bic regarda tendrement le critérium.
-Je voudrais explorer ta bonté, contrée énorme où tout se tait.
La gomme rougissante, le crayon sourit. Apollinaire ne nous caressait il pas de ces mots doux comme ton encre ? Euh… oui mais pas avec un bic !
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
Quel exo svp ?polgara a écrit:voilà voilà, pour l'exo de Grieg ! désolée c'est tout ce que j'ai sous la main. La honte ne tue pas il parait. Je vais expérimenter cela !
Faut mettre un titre sous la forme pré-discutée
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
Suis désolée, polarga, je n'ai vraiment pas compris. Sans doute parce que je ne saisi le sens que tu donnes au mot "critérium".
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
Le critérium est un porte-mine. Et le texte ainsi prend tout son sens.
:o)))
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
Ah ! Merci Gobu.
Preuve que suis d'une autre époque, celle qui utilisait des noms communs.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
arff oui, désolée, ce terme est bien impropre. Mais il est au niveau du texte on va dire ^^
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
Pas de quoi être désolée, Polgara, vraiment.
Brett Easton Ellis emploie plein de noms de marque, lui aussi et j'adore le lire ;-)
Brett Easton Ellis emploie plein de noms de marque, lui aussi et j'adore le lire ;-)
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Proposition pour l'exercice Réécriture : Petite encre, grande détresse
J'adore ! On peut tout faire avec ce texte : changer d'univers, garder ce dernier, passer du côté Mont Blanc, retourner au fusain, voire au... (non, celui-là je me le garde pour la réécriture si tu es choisi !).
J'ai adoré !
J'ai adoré !
MisterPlan- Nombre de messages : 46
Age : 30
Date d'inscription : 06/03/2012
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