Exo musique : Mémoires d'un amnésique

Il suivait par les rues quelque flasque prélude
offert aux chiens vaguant au pavé comme lui
il marquait la mesure avec son parapluie

Il avait épousé en de secrètes noces
une fille aux yeux verts
-sa petite misère-
La gamine sournoise
maigre petite rosse
lui soufflait dans le cou
des danses de travers
en raillant ses faux cols

Il nourrissait d'humour et de mélancolie
de vieilles amitiés qui croyaient le connaître
et louaient l'ironie de ses gymnopédies

Mais quand il leur joua son air à faire fuir
il les laissa pantois aux rives d'un délire
où il naviguait seul
sans sequins ni cuirasse
planqués sous sa paillasse

Dans un faubourg d'Arcueil il berçait tendrement
entre deux grands pianos
monstres désaccordés
l'embryon desséché d'un amour fulgurant
dont il portait le deuil
furtif et ignoré

j'adore, point barre.

Culture, humour, dérision et poésie ! Bravo Arielle !

Très sympa,
Le texte et bien sûr le personnage qui par certains aspects rappelle Monsieur Hulot
Intéressant comme chacun perçoit son œuvre atypique.
Tu y as vu de l'humour et de la poésie.
A mon avis tu as tout bon.

Bel hommage au grand Satie !

Tout a été fort bien dit. J'ajoute alors simplement, bravo Arielle.

Quel portrait magnifique !
Ce grand ironique si triste qui ne laissait personne entrer chez lui t'a ouvert sa porte, Arielle ? La musique de tes mots et celle de ses notes ont la même "mauve élégance".

"Quel portrait magnifique", rien à rajouter de plus, c'est vrai, portait du compositeur ; sinon que j'aurais aimé ressentir vibrer cette "Gnossienne" en moi à vous lire... qui est ce 'il" ? ... je crois ne pas avoir compris l'exercice...
Belle écriture et beau texte, dans le mil.

Satie, Pussicat tu ne l'as pas reconnu, sur l'avatar ? ;-))!

coline Dé a écrit:Satie, Pussicat tu ne l'as pas reconnu, sur l'avatar ? ;-))!

il m'avait écharpé...

Une belle musique que tes mots sur le Maître Arielle : des notes de charme sur une harmonie de tendresse, avec ce doigté si subtil de la décomposition des alexandrins qui de croches accélère le rythme.
Je ne sais pas pourquoi mais je vois Satie et son poulbot sur la place Montmartre tournant en rêvant la manivelle d’un piano mécanique.

Superbement écrit avec ce vers éclatant : l'embryon desséché d'un amour fulgurant

pour apprécier ton texte à sa juste mesure il faut en connaitre un bout sur la vie et l'oeuvre de Satie...du coup, merci internet,et merci toi, je suis allée à la découverte de tout ça dont je ne savais rien et suis revenue te lire
du coup tout s'est admirablement éclairé...trés finement et subtilement écrit

Je m'en vais découvrir la vie de Satie, donc, car je ne voyais pas le chemin, ne connaissant pas du tout.
L'humour est délicieux cependant.

Je vais me répéter, beau texte, belle écriture, humour, tout y est et c'est bien cela qui me gêne...
vous cliquez sur Wikidépia ou sur le site d'Erik Satie et vous avez tout cela...
alors, mise en forme ?
où est la Gnossienne n°1 ?
Je ne l'entends pas... je lis un portrait fort bien écrit mais point de musique...

Ici, la musique, la couleur du morceau, son interprétation, n’ont pas été inspiratrices de sentiments à déverser en poétique. Non. La musique du compositeur est ici le prétexte pour parler du compositeur dans un langage poétique.
J’entends bien ce texte dit sur la gnossienne jouée en arrière-plan. Hommage à ce grand monsieur si particulier et solitaire... Solitaire, d’autant plus que la renommée et le charisme d’un Claude Debussy de ses contemporains ne contribuaient pas à faire sortir le bernard-l’ermite de son coquillage. On a retrouvé chez lui quantité de notes sur des bouts de papier dans tous les coins, preuves d’une vie intérieure riche.

La fin est forte :

…….il berçait tendrement
…………….
l'embryon desséché d'un amour fulgurant
dont il portait le deuil
furtif et ignoré

Beau texte et hommage poétiquement réussi donc.

Depuis Hervé Le Tellier, on le sait, les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable.

Que d'amertume dans ces vers:
"de vieilles amitiés qui croyaient le connaître
et louaient l'ironie de ses gymnopédies"

Merci Arielle de nous rendre aussi présent, aussi sensible, ce musicien incomparable.