Le gentil cormoran

Le gentil cormoran

Il était une fois
Un gentil cormoran
Près du vieux port dieppois
Qui péchait le hareng.
Avec ses congénères,
Amateurs de poisson,
Il plongeait dans la mer
De fort belle façon,
Attrapait par surprise
La proie qu’il convoitait
Puis remontait sa prise
Et il s’en délectait.

Il était une fois
Un sordide rafiot,
Sombre coque de noix
Qui voguait sur les flots.
Sa carcasse pourrie
Depuis tant de saisons
Tout-à-coup se fendit,
Et coula par le fond.
De ses flancs entrouverts
Un flot noir s’écoula
Qui à l’eau de la mer
Lentement se mêla

Il était une fois
Au ciel un vol d’oiseaux
Qui épiaient leurs proies
Ondulant dans les eaux.
Le gentil cormoran
Et la mouette rieuse
Plongèrent, ignorants,
Dans la vague trompeuse,
Et l’on ne sait comment
Regagnèrent le port,
Poisseux et pantelants,
Pour y trouver la mort.

Il était une fois
Un très vieux loup de mer,
Capitaine, je crois,
D’un bateau de misère.
D’humeur calme et tranquille,
Franc et sans artifices,
Il partit à la ville
Pour demander justice.
Il y perdit son temps
Car, pour un armateur,
Que vaut un cormoran,
Que vaut un vieux pécheur ?...

Avec des mots simples tu dénonces l'irresponsabilité, le mépris de certains individus face à la nature et aux autres humains.
C'est juste, émouvant, réussi.
Avec ta permission, je vais faire un copié/collé et donner ce beau texte à l'un de mes petits-enfants, dix ans.
Cela ferait une bonne chanson. Connais-tu Anne Sylvestre ? Même esprit, talent, sensibilité.
J'avais employé l'adjectif pamphlétaire à ton sujet par défaut, car je n'en trouvais pas qui définisse exactement, à mon sens, ton écriture. Tu m'as expliqué et tu as raison. Alors, je dirai que je te trouve moliéresque, un peu chansonnier, et surtout, ah, oui...Humaniste. Ne change rien, c'est parfait.

Je suis toujours touché par cette simplicité parfaite (et pas évidente) qui raconte une histoire.

J'aime quand ça "allitére" comme ça :

Un flot noir s’écoula
Qui à l’eau de la mer
Lentement se mêla

Pour une fois je vais faire ma proposition :

Et il s’en délectait. : j'aurais vu Dont il se délectait.

Convaincant et salutaire.

Chansonnier, troubadour, baladin des temps modernes...?
Peu importe, si la sincérité du verbe l'emporte.

Prenant. J'ai aimé.

PS assez d'accord avec la proposition d'aseptans.

Je suis revenue te lire, pour le fun, et je savais que j'oubliais un célèbre prédécesseur dans ton art de nous peindre l'homme et ses multiples travers : Jean de La Fontaine.
Le "Il était une fois" est trompeur, on pourrait penser à un conte, mais ta première strophe fait penser au début d'une fable, incontestablement.
Ni conte ni fable, mais triste réalité. Merci pour ce bel écrit.