Exo "Les cailloux" : Bretagne

― Tiens, c’est pour toi...

Ce sont les paroles que tu as dites en déposant ce galet blanc sur ma serviette.

La plage n’était pas de celles qui suscitent ton émerveillement, d’ailleurs tu ne rêves que de montagnes. J’avais réussi à te convaincre de m’accompagner en te parlant du sable clair, de la mer qui apaise tout, des pins dont l’ombre se reflète dans les eaux turquoise.

Le golfe du Morbihan n’avait pas tenu ses promesses. On y avait trouvé, la pluie, l’ennui et surtout cet immense gouffre qui s’installait de plus en plus durablement entre nous. Alors, quand le soleil est enfin apparu nous nous sommes précipités sur nos maillots. Je me suis couchée sur le sable pour lire et toi tu es parti affronter les vagues, des jours que tu attendais l’occasion de te mesurer à l’océan. Tu es revenu un peu plus tard, cette pierre blanche, lisse et parfaite à la main. Je n’ai pas compris.

Tu t’es allongé, je pouvais sentir la fraicheur de ton corps malgré la distance. J’ai eu envie de t’embrasser, de goûter le sel sur ta peau, de passer la main dans tes cheveux mouillés. Mais il était déjà tard, le repas allait être servi. J’ai glissé le galet dans mon sac avant de rentrer à l’hôtel.

Cette nuit-là, nous avons fait l’amour. Comme si rien ne s’était jamais passé, comme si tout était encore possible. Ce n’était plus toi, ce n’était pas moi. Simplement une femme accueillant un homme en son ventre. J’étais heureuse de ce rapprochement inespéré.
Je me suis réveillée seule, pensant que tu étais sorti pour aller courir. Mais la chambre était vide de toi, tu avais repris toutes tes affaires, ton sac n’était plus dans la penderie. Ne restaient que le silence et ce galet blanc posé sur la table de chevet.

Je ne t’ai jamais recherché, ni attendu, tu avais tes raisons, je les acceptais. Mais, dans chaque lieu où j’ai transité, dans chaque maison où j’ai habité, j’ai placé ce caillou blanc bien en vue à la fenêtre.

Superbe texte, Abstract ! Et c'est un vrai plaisir de te retrouver.
Comme toujours, ta prose élégante et mélancolique me touche et me fait voyager.

ah oui, j'adore aussi

et le golfe du morbihan !

C'était un peu court comme commentaire

je ne suis pas grammairienne ni rien, mais l'emploi du passé composé accentue l'écriture 'lourde", la lenteur, une espèce de constat résigné, ainsi que l'impression que cette plage, cet homme, cette femme, c'était hier. Et donc, un souvenir qui hante, une vie traversée avec l'absence, qui ne pèse ni plus ni moins qu'un galet au fond d'un sac.

l'écriture très simple rend les choses proches, familières et touchantes.

Ouh la, je ne suis pas claire mais je me comprends

Pareil que Janis ! :-)

Très joli texte, avec beaucoup de douceur dans la narration.

Un galet pour une histoire d'amour pétrifiée.
Ou comment en peu de mots finement choisis raconter la fin d'une histoire. Bien vu Abstract !

Histoire d'une rupture, avec tout de même une attente, puisque curieusement, le galet est placé sur la fenêtre, biuen en vue, comme une invitation, un indice pour signaler sa présence, et dire en même temps que l'histoire n'est pas finie.

Ah oui ! Plaisir de te retrouver, égale à toi-même, avec ta sensibilité intacte.

Très habile, ça se lit tout seul!!!
le "Je n'ai pas compris" lève un peu le voile sur la chute, mais qu'importe, sur un format bref comme ici.
Ton écriture manquait à VE.

Y a un peu de Kilis dans ce format court à chute grande ouverte sur la fenêtre de la vie qui continue toujours.. j'ai beau ne pas comprendre pourquoi ce galet, autant l'accepter puisqu'il est là? C'est un peu ce que fait la narratrice, du coup? Une pierre blanche.. belle nostalgie. Merci!

très émouvant...
décidément ces galets blancs, ils en portent des histoires!

beaucoup d'instants, d'évènements à marquer d'une pierre blanche

Beaucoup d'élégance dans ce texte... J'aime la liberté et le bon sens de cet homme, il a marqué ce jour d'une pierre blanche.