Exo en direct mardi 1er janvier 2013 à 20h30

désolée d'avance pour des commentaires parfois expéditifs. C'est dur de commenter et de se renouveler !

elea
C'est beau et mystérieux, mélancolique et doux, avec cette écriture limpide que j'aime toujours.

yali
Ha ha ! Drôle et excellent ! Le looser absolu, jusqu'à la chute finale.

Coline
Comme d'hab, enlevé, drolatique, roué et formidablement décliné.

Alice
Vraiment joli, triste, cette écriture épurée, ces phrases courtes ajoutent du mystère et te vont
très bien.

Chrystie
J'aime toujours ton inventivité, et ça ne me gêne pas de ne pas précisément comprendre quand le flot des mots m'emporte.

Gobu
je n'aurais qu'un mot : superbe, et inattendu (trois mots en fait)

Rebecca
Ha ! drôlerie teintée de mélancolie, comme tu sais si bien faire.

Pussicat
Ha j'aime bien ! Roué ! La seule chose qui me gêne c'est la ponctuation qui vient freiner la lecture. En même temps je sais pas comment tu pourrais arranger ça ! Avec des retours à la ligne ? Je sais pas, mais tous ces ? et !, ça me dérange !

Mentor
Tiens, j'ai l'impression étrange de l'avoir déjà lu celui-là !
Bon, j'adore ton univers, les noms poétiques des lieux, la géographie que tes textes dessinent, la précision du vocabulaire. Et sinon, belle construction, et ce cher Amédée !

Le peigneur de rêves

Augustin Loiseau aimait dire à son propre sujet qu’il était à ses pinceaux ce qu’un rossignol est à son chant : tout entier. Tous les jours il ne pensait que couleur, que lumière, qu’impression. Il vivait dans un petit appartement pas loin du port de Saint-Jean-de-Luz, et consacrait sa vie à l’aquarelle depuis qu’était apparu son premier cheveu blanc. Originaire d’une contrée sans doute plus au nord et plus à l’est de la France, il avait trouvé dans la province du Labourd le cadre idéal pour ses rêves d’artiste. « La mer, la montagne et au milieu coule une rivière, » avait-il dit un jour dans une entrevue accordée à un journal local, preuve que, pour un non-Basque, il était plutôt bien accepté par la population. Il ne comptait plus les heures passées autour de la rade de Saint-Jean-de-Luz, sur les hauteurs de Guéthary, au bord de la Nivelle et de la Bidassoa, et puis quelques escapades au Petit-Bayonne, au Rocher de la Vierge, à la Rhune, et Saint-Jean-Pied-de-Port, Espelette, Sare, Ainhoa…
Ainhoa, c’était aussi le prénom de la petite-fille de la tante Janis, qui n’était pas vraiment une tante ni une cousine d’Augustin Loiseau mais plutôt une bonne amie, et même la bonne amie qui l’avait fait tomber amoureux du pays basque, passant la plus grande partie de sa retraite à boire le thé, soigner ses azalées, faire des confitures, voyager à droite à gauche et admirer tous les endroits que Loiseau peignait dans ses aquarelles. Elle savait y dénicher toujours plus que de l’image, comme des fragrances, un fumet gouleyant, un parfum tout feu tout flamme où la beauté vole et virevolte en tourbillons. Après tout, la tante Janis avait été une beauté volée par les années, mamie gâteau qui retrouvait par moments des instants de jeunesse en faisant rebondir Ainhoa sur ses genoux, où quand Augustin Loiseau lui demandait de poser sous un saule de l’Uhabia, près d’un quartier de Bidart où ils s’étaient sans doute, un jour, aimés.

Cette histoire se déroule justement près de la source de l’Uhabia, cette fois-ci avec Ainhoa, que la tante Janis a confiée à son ami peintre pour une après-midi, le temps d’une partie de belote (ou de pelote, la dame étant encore sportive). La petite l’aime bien, le vieux Loiseau, parce qu’il lui parle d’un cousin éloigné qui est détective, parce qu’il l’a surnommée « Libellule » un jour où elle portait deux couettes et une robe toute bleue, et parce qu’il lui avait répondu « vendeur de rêve » le jour où elle lui a demandé son métier. Alors elle lui dit, la petite : « Vends-moi du rêve, Monsieur Loiseau. » « Et comment je fais ça ? » il lui demande. « Comme tu sais le faire, peins-moi comme si j’étais dans un rêve. »
Là-dessus, Libellule saute dans l’eau, toute habillée, sans même enlever ses sandalettes. « Je fais un rêve où je me noie, mais juste avant que je meure, un beau prince saute dans l’eau et m’enlève sur son grand cheval blanc, et on vit pour l’éternité. » Le vieux Loiseau, en professionnel, ajuste son siège pliable et installe correctement sa feuille sur le chevalet avant de l’humidifier de son pinceau, et commence sa peinture. Il peint une jolie naïade avec deux couettes et une robe bleue, autour d’elle l’onde du ruisseau, une belle lumière de matin d’été qui descend sur elle entre les feuilles d’arbres. « Je me débats, Monsieur Loiseau, » dit Ainhoa. Alors le peintre ajoute des gouttes d’eau qui volètent autour de la naïade, veut donner du mouvement à ses bras, le lavis n’est pas encore sec, le vieux grogne, la naïade crie. « Au secours, Monsieur Loiseau ! » Alors Augustin passe un coup d’éponge sur le visage de sa naïade à la peau rosée pour la faire plus pâle, perturbe les ondes du ruisseau au son des éclaboussures. Vraiment son personnage se noie, Loiseau est satisfait. Reste à présent à dessiner un prince, mais où le trouver ? Lui-même est beaucoup trop vieux. Peut-être Ainhoa avait-elle quelqu’un en tête ? « Monsieur Loiseau… » lance-t-elle d’une voix faible, comme si elle lisait les pensées du peintre. « Serait-ce moi le prince dont elle parle ? » se demande le vieil homme. « Pourtant je ne monte pas à cheval… à moins qu’elle ne me parle de mon chevalet, et que ce blanc, ce grand blanc du cheval, ce soit la feuille encore vierge avant que le rêve ne commence ? Jarnicoton, c’est ça ! »
Augustin Loiseau est pris d’une sueur froide : jamais il n’a fait d’auto-portrait. Pourtant, c’est une énergie nouvelle qui coule dans ses veines, grâce à sa Libellule il se sent pousser des ailes : lui, le peintre qui aime immortaliser des instants volés à la nature, personne ne l’a jamais immortalisé. Quelle frénésie ! Mais il ne peut pas voler au secours d’une belle naïade dans l’état où il est, il faut le rajeunir. Amusé, le vieil artiste se remémore les cheveux blonds de ses vingt ans, peignés avec une raie au milieu, et une fine moustache taillée avec soin. Il était un peu plus grand, et même assez bel homme, pas très athlétique mais tout de même sculpté par les travaux agricoles, et puis il avait toujours eu ses yeux bleu-gris qui aimaient aller voir au-delà des choses… Oui, après tout, un jeune Augustin Loiseau serait un bon modèle pour un prince. Le vieil homme se surprit à sourire et même siffloter, ce qui ne lui arrivait que très rarement quand il peignait. Mais il y avait dans cette peinture quelque chose d’espiègle, d’enfantin, un mensonge de petit garçon entre un prince trop jeune et une naïade trop vieille. Mais enfin, le tableau avançait et, bien avant de l’avoir terminé, Loiseau savait que ce serait l’une de ses plus belles toiles, parce qu’il y avait dedans quelque chose de tellement vivant, une histoire finement tissée entre lui et son personnage, et il voulait faire partager à tout le monde cette saynète haute en couleurs, peut-être même offrirait-il l’original à la tante Janis après en avoir fait quelques copies.

La fin de l’histoire, le journal basque qui lui avait consacré un article quelques années plus tôt la raconte, mais cette fois-ci en première page. A la tante Janis, aux parents, au juge, au monde entier et surtout à lui-même, le vieil Augustin Loiseau a dit : « C’est peut-être un mensonge, mais sur ma toile, Ainhoa est immortelle. » Et une grosse larme avait coulé sur sa joue, car tout de même, il l’aimait bien sa petite Libellule.

Corrigé EXO 010113

ELEA :

L’idée du banc vendeur de rêves me plaît beaucoup. Tu as raison : les mots sont des loups en dedans. Ils mordent le cœur de leurs lettres acérées. Les écrivains sont des vampires : ils nourrissent leur récit du sang de la rue, des passants, de la vie. Je n’ai pas vraiment compris l’image des volubilis pressés, mais elle glisse sans anicroche dans ce flot de loups, heu de mots dont la cruauté n’apparaît qu’à la révélation finale. Une bien belle parabole. Et standing ovation pour ta première en MC, c’était du nanan.

YALI :

Moi j’aime bien les histoires qui en sont. Et là c’en est une vraie de vraie, avec ce qu’il faut de faux quiproquos, de vraie gouaille, de petits verres et de grandes baffes dans la tronche. Plus un travelo qui sait ajuster ses prix. C’est la crise, mon beau. Quant au type sans concession pour les autres, je trouve qu’il pourrait avoir la tête de ton avatar, mais je peux me gourer, hein, nul n’est infaillible…

COLINE DE :

Là je retrouve la Coline que je raffole, qui me rafale de ses formules qui font mouche. Et puis tu as l’air d’en connaître sur le mensonge long comme la limousine de Madame la Marquise. Géniale introduction des contraintes ; si tu ne les avais pas mises en italiques, on n’y verrait que du feu. La photo est un mensonge aussi. Les masaïs le savent, celles que l’on prend d’eux restent grises, ou alors on a oublié de mettre la pellicule. En passant, le petit digestif pour rendre les mensonges encore plus gouleyants, ça serait-y pas du calva ?

A propos, à qui penses-tu comme dédicataire de mon texte ? Je serais curieux de voir si tu as percé le mystère.

ALICEALASMARTISE :

Alice je t’ai déjà dit que tu étais rentrée dans la cour des grands et tu continues à y jouer. Avec brio. Yali l’a bien dit, y a les mots et l’idée. Mais pas seulement. Y a aussi ce qui passe entre les mots. La tendresse, l’attention aux êtres et aux choses, la justesse du regard et l’angoisse de l’empathie. Et quelle richesse dans l’expression. Tes hamamélis et tes viornes boules-de-neige fleuriront longtemps dans l’esprit du lecteur. De même que la poignante étrangeté de cette héroïne, de cette histoire où rôdent des loups d’autant plus féroces qu’on n’ose pas les nommer. Même avec des baskets taille 40, on a peu de chance de courir aussi vite qu’eux. Total respect.

Juste un reproche : et le titre, il est où, hein le titre ?

CHRYSTIE 12 :

Juste le titre qui me chiffonne. Un peu tiré par les cheveux. Le reste est top. Tu nous contes les déboires de Madame la Marquise sans te ramasser la pelle. Concis, drôle et percutant. Tout va très bien Madame 12.


REBECCA :

Toi non plus tu n’as pas mis de titre. Dommage parce que le reste se laisse lire sans le moindre ennui et souvent avec le sourire. Pas mal de cruauté dans cette satire des rencontres virtuelles et tes personnages valent leur pesant de rosserie. Tu sais que Pénélope rime avec salope et que les besicles ont des loupes en dedans. Des calembours comme s’il en pleuvait et une fin presque morale. Que demande le populo ? Il achète.

PUSSICAT :

Ah là y a un bon titre. Chez Manu, on s’y voit déjà. Moi je croyais que ça se passait dans un peep-show. A ne pas mettre entre toutes les mains, mais nous sommes entre initiés. Plus long ça aurait pu lasser mais tel quel ça se laisse avaler sans façons. Si je puis dire.

MENTOR :

Là aussi un titre qui pulse. Et le reste à l’avenant. En pulse…euh en plus tu nous a gâtés : c’est une vraie petite nouvelle que tu nous a pondu là. Avec tes îles chéries et leurs appellations colorées, ses gros créoles suants et volubiles, ses pontons flottants et ses piscines frangées de cocotiers nains, sans oublier le punch planteur, naturellement. En prime tu nous as placé ça sous l’aile du cher Loiseau, ce qui est synonyme d’aventure et de suspense. On se doute assez vite que la statuette est farcie à la coco (pas à la noix celle-là) mais qu’importe ? Et puis la morale est sauve : la came plonge dans les vagues et les méchants au trou. Allez, un autre planteur, STP…

JANIS :

Radicale, la méthode Janis. Et j’ajouterais : justifiée. Moi aussi ce H m’énerve. Je parle du chanteur, naturliche on se sera compris. Quant à son papa Higelin je le vénère. Les contraintes sont saupoudrées avec humour et la chute est jouissive. Un truc qui m’a gêné quand même : « Carré blanc sur fond blanc » c’est Malevitch y me semble.

CHAKO :

T’as pris le temps, mais le résultat est là. Un conte fantastique vraiment bien ficelé, avec tout plein de précisions topographiques et de détails biographiques qui sonnent plus vrai que vrai, une atmosphère à la fois poétique et cruelle avec beaucoup d’humour, et une progression implacable, même si la vieille qui joue à la pelote m’a un peu titillé. La pelote, c’est quasiment un sport de combat : la balle file à 200 Km/h et si tu te la prends dans la poire, t’es un homme mort. Les américains, qui l’ont adopté d’emblée, y jouent avec des combis qui ressemblent à des armures de chevaliers ! En tous cas ce peintre déjanté au point de laisser se noyer une gamine pour parachever son chef-d’œuvre restera dans les annales. Du cousu main, Chak, et très visuel, comme toujours avec toi.



J’ai beaucoup aimé cet Exo et je trouve que tout le monde s’en est tiré avec les honneurs. J’attends encore la contribution de B-M pour me prononcer définitivement, mais enfin avec lui, on est rarement déçu alors j’ai confiance. Et encore bravo à Eléa pour son coup d’essai qui fut un coup de maîtresse.

GOBU

PS : Je voudrais pas m'exprimer à la place de Chrystie, mais personne à part votre serviteur ne semble avoir compris que son texte était un décalque de la chanson de Ray Ventura. Si on s'y réfère tout s'éclaire et tout va très bien Madame la Marquise.