Métastase ivrognerie and tralala
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Métastase ivrognerie and tralala
Combien ai-je mésestimé ce chant quasi-patriotique de l'ivrogne qui soudain - près du distributeur de billets - titube comme claudique un éclopé, râle l'insolence des petits moqueurs, insulte les gamins - un court instant inquiets, et, gorge tuméfiée par le dégoût et les vomissures, se remet à jaser dans un baragouin fantasmagorique sa gainsbourgeoiserie ? J'étais petit, effrayé, et n'avais alors pas saisi ce que je saisis maintenant. J'ai vu se tordre en lui - comme à présent en moi - le rictus des insomnies, je l'ai écouté grincer longuement des dents, m'achopper de terribles sursauts, me mordre avec ses questions brutales, incohérentes comme l'existence. Cet ivrogne incarnait l'existence : ivre, incohérente, malade et désespérée.
En moi-même, je chante les même vulgarités pour ma Patrie l'Existence. Et comme il est terrible de chanter ! Quelle angoisse de se mettre les chaînes des phrases, des prétéritions, des démences ; comme il est infiniment délicat de marcher en soi, ainsi bridé par sa langue, de poser pied sur si peu - et comme si peu m'accable déjà trop ! Rimbaud foulait l'herbe menue, moi je piétine des flaches gelées, glissantes ; je dérape sur le sol de cette patrie comme on glisse en soi-même sauvagement : avec toute l'inélégance et le ridicule du geste.
On brise les vieux réflexes, et comme l'ivrogne on claudique. Puis on essore la chevelure des images pour en inspirer - adoptant l'attitude d'un fou-dangereux - un nouveau parfum. Ah, sache, toi qui plein d'ivresse, t'épanche à ta propre bouche, inquiet comme l'agneau face au loup ou comme le narcisse assoiffé prenant son reflet dans l'onde pour un esclave nu - qu'il ne suffit pas de jaser, de bramer, d'implorer. Car je mouline autour d'un silence, moi ; et je voudrais lui tordre le cou à ce silence, lui beugler "parle ! avoue ! crache !", je voudrais lui jeter de toutes mes forces une pierre tranchante au crâne, l'entendre hurler, d'une vraie, soudaine et terrible affliction, et non mugir lentement d'un mal qui se métastase en poésie, réflexion, complainte.
En moi-même, je chante les même vulgarités pour ma Patrie l'Existence. Et comme il est terrible de chanter ! Quelle angoisse de se mettre les chaînes des phrases, des prétéritions, des démences ; comme il est infiniment délicat de marcher en soi, ainsi bridé par sa langue, de poser pied sur si peu - et comme si peu m'accable déjà trop ! Rimbaud foulait l'herbe menue, moi je piétine des flaches gelées, glissantes ; je dérape sur le sol de cette patrie comme on glisse en soi-même sauvagement : avec toute l'inélégance et le ridicule du geste.
On brise les vieux réflexes, et comme l'ivrogne on claudique. Puis on essore la chevelure des images pour en inspirer - adoptant l'attitude d'un fou-dangereux - un nouveau parfum. Ah, sache, toi qui plein d'ivresse, t'épanche à ta propre bouche, inquiet comme l'agneau face au loup ou comme le narcisse assoiffé prenant son reflet dans l'onde pour un esclave nu - qu'il ne suffit pas de jaser, de bramer, d'implorer. Car je mouline autour d'un silence, moi ; et je voudrais lui tordre le cou à ce silence, lui beugler "parle ! avoue ! crache !", je voudrais lui jeter de toutes mes forces une pierre tranchante au crâne, l'entendre hurler, d'une vraie, soudaine et terrible affliction, et non mugir lentement d'un mal qui se métastase en poésie, réflexion, complainte.
Art. Ri- Nombre de messages : 314
Age : 26
Date d'inscription : 28/10/2010
Re: Métastase ivrognerie and tralala
Me trompé-je ? Le poète victime de son art malgré lui ?
J'y discerne quand même un peu plus qu'une once de satisfaction (dissimulée) à ce mal incurable.
J'y discerne quand même un peu plus qu'une once de satisfaction (dissimulée) à ce mal incurable.
Invité- Invité
Re: Métastase ivrognerie and tralala
Toujours très élégant, un brin sophistiqué, ce qui empêche qu'on compatisse vraiment à ce terrible mal être.
Je me suis interrogée ( vainement !) à propos de
Je me suis interrogée ( vainement !) à propos de
Pourrais-tu m'éclairer là-dessus ?m'achopper de terribles sursauts
Invité- Invité
Re: Métastase ivrognerie and tralala
art ri
bienvenu en aldulterie !
et savoir qu'il n'y a pas de solution est déjà une solution, dirait un philosophe, qu'il soit chinois, bachibouzouk ou martien
je vous laisse construire votre fil de funambule
au niveau de l'écriture
si je n'ai pas lu tous vos textes
mais je peux vous dire que celui-là je le préfère à d'autres
(car je trouve qu'il cherche moins l'effet, qu'il est plus proche de votre vrai)
amitié virtuelle
et bravo !
bienvenu en aldulterie !
et savoir qu'il n'y a pas de solution est déjà une solution, dirait un philosophe, qu'il soit chinois, bachibouzouk ou martien
je vous laisse construire votre fil de funambule
au niveau de l'écriture
si je n'ai pas lu tous vos textes
mais je peux vous dire que celui-là je le préfère à d'autres
(car je trouve qu'il cherche moins l'effet, qu'il est plus proche de votre vrai)
amitié virtuelle
et bravo !
Re: Métastase ivrognerie and tralala
Plus on boîte , plus on devient boîteux... Plus on crie son mal existentiel, plus on est seul ;
plus on est seul, plus on boit ? Plus on boit, plus on sombre dans un autre mal être; bref, on pourrait continuer longtemps la spirale vertigineuse du désespoir...
Je relis encore ce texte impressionnant et la fin m 'interpelle par son paradoxe :
La poésie devient ou se veut métastase, salutaire ? du cri dans le pesant silence.
La complaisance sur soi-même est là. Le mal se nourrit de sa formulation
soussan- Nombre de messages : 119
Age : 76
Date d'inscription : 31/10/2012
Re: Métastase ivrognerie and tralala
Une belle élégance dans le propos et une manière de se considérer qui est une approche intéressante de ce mal être qui ronge et qui en même temps permet de vivre au jour le jour. L'ampleur de l'écriture se marie plutôt bien avec celle du désespoir qui sous-tend tout ceci. Et en même temps, cette manière de se regarder le nombril (je parle du narrateur) qui témoigne d'une incapacité à s'en sortir parce que quoi qu'on dise, parfois, ça aide de faire la victime. Ne serait-ce que pour tenir le coup.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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