La terre sous nos pas

Aux murmures de l’aube, les herbes frissonnantes

La terre grasse et noire par le soc éventrée
Griffure du sillon comme ligne de vie
Tourbillon emplumé des grives affamées
Qui se goinfrent des vers que la herse déterre

Ces croupes cuirassées fumantes sous l’effort
Au rythme de leurs pas nous guidons la charrue
Les ombres qui s’allongent et nos corps harassés
Main grise de la nuit par dessus la colline

Ces sabots que l’on taille varlopant le bois tendre
Le soir autour de l’âtre où châtaignes crépitent
Abouchée à ton sein l’innocence s’endort
Sombrant dans la douceur de ses rêves lactés

La froidure hiémale givrant à nos fenêtres
Gémissement du vent qui miaule sous la porte
Le cri de la hulotte qui te fait tressaillir
La blancheur de ta peau et ton si doux sourire

Une balayure de lune, s’accroche à ton regard

cette lecture enveloppante m'enthousiasme au plus haut point.
elle a le goût de la paix, du confort, une chaleur enfantine sans âge.

je veux dire:
c'est la rondeur qui se dégage surtout, quelque chose de "terrien", ancré.
il y a des repères, des essentiels harmonieux, rassurants un peu comme des tableaux de toujours qui se succèdent au rythme de ces vers simples.
le tout est paisible, je trouve.
rien à redire.

Je me suis goinfré de ces vers où l'on voit tout, où l'on sent presque l'odeur du fumier dans le petit matin.

Au moins pour le beau dernier vers, qui à mes yeux vaut tout ce qui précède (mais si possible sans la virgule)
Parce que les tableaux bucoliques d'antan me font grincer des dents.

précisions ici pour ne pas inonder ton fil de mes comm's, et laisser la place aux autres:

(message déplacé)

à la réflexion, le titre renvoie bien à quelque chose d'ancré.
enfin je voulais surtout rectifier: les vers ne sont pas si simples. les mots sont choisis, et leur musique très particulière, j'aime énormément. je la rapprocherais un peu de celle des vers de Loïc. en un mot, ça claque! c'est abruptement mélodieux.
en fait c'est plutôt du tout qu'il se dégage quelque chose de simple.

On prend un coup de flash-back et on revient au temps de Zola ou Hugo, à cette paysannerie bucolique... bon j'aime pas ce genre de flash-back, de tableau, même si l'écriture suit...
Je retiens le dernier vers, superbe !

Mitsouko, j'ai envie de te dire "et pourquoi ne pas l'avoir écrit en hexasyllabes ?" (mais je ne le dis pas! Rires.)
Ce poème me touche, il me ramène à ma petite enfance vécue en pleine campagne.
Aux murmures de l’aube, les herbes frissonnantes
Tourbillon emplumé des grives affamées
Main grise de la nuit par dessus la colline
Le soir autour de l’âtre où châtaignes crépitent
Gémissement du vent qui miaule sous la porte
Le cri de la hulotte qui te fait tressaillir
Je m'approprie ces vers comme autant de souvenirs personnels, et ce poème est si doux...
Bravo et merci.

Je pensais avoir oublié (ou presque) les quelques années de mon enfance passées hors des villes... et voilà que tu me les projettes à la face ! Et de quelle manière !

Merci et bravo

une peinture naturaliste aux teintes flamboyées par l'authentique ruralité des peintures du 19 ème


une sorte de cantate...

... ça me rappelle du Rollinat...

merci pour cette lecture

Albert-Robert a écrit:Je pensais avoir oublié (ou presque) les quelques années de mon enfance passées hors des villes... et voilà que tu me les projettes à la face ! Et de quelle manière !

Merci et bravo

Quel âge as-tu A-R ? C'est en siècle qu'il faut compter...

terre, déterre, griffure, tourbillon, fumantes, ombre, nuit, taille, crépite, froidure, vent, balayure

je dirais sculpture, plus que peinture!

c'est intensément palpitant, tout est palpable en quelque sorte.

J'aime beaucoup l'évocation des scènes paysannes d'un temps pas si lointain en certaines régions. C'était avant le remembrement et l'industrialisation de l'agriculture. J'ai vu ces scènes dans les années soixante.
Le "nous guidons" m'a gênée, le début du poème semble une contemplation passive d'un témoin bien inspiré, son rôle d'acteur affaiblit pour moi l'effet de "tableau".
Le dernier vers est superbe.