La perle des lacs

On était au mois d'août. Je n'avais pas très chaud au cœur. Notre randonnée prévue cette année dans une enfilade de lacs s’annonçait perturbée.
Line, la compagne de Phil qui s'est toujours désistée pour 36 misères, déclare venir, vêtue de long, protégée d'une ombrelle.
Cette nuit-là, je fais un cauchemar...

La gorge baignée de soleil engloutit les premiers et nous nous retrouvons larguées, Line et moi, à hésiter devant la première bifurcation. On a beau crier, nos voix filent en écharpes dans le sens contraire. Vent de panique... N'ont-ils pas dit direction les dents de l'Ogre ?
Un rocher aux dents crochues se dresse sur la droite. Près d'un buisson je ramasse un chouchou, celui d'Annie... Puis le chemin disparaît en pente dans un sombre fouillis. La peur nous gagne, mais il faut rattraper le groupe. On devine l'eau qui dévale. Les branchages s'entremêlent, on avance comme des polichinelles. Line pleurniche, son ombrelle s'est toute disloquée. Pour donner le change, je lui tends une fougère rare au parfum subtil.
Au premier lac ombragé, une pancarte signale qu'une famille poursuivie par l'occupant a péri dans les eaux tumultueuses. Elle presse le pas... L'eau miroite turquoise dans le lac suivant. Puis on se hisse jambes en coton jusqu'à « la perle des lacs », celle qui figure sur le guide avec sa somptueuse cascade. Je surprends Line gravant au canif sur une feuille d'agave « Vaincre ses ... ».
- Pourvu qu'ils nous attendent à la grotte percée, bredouille-t-elle.
On descend dans le lit de la rivière que le soleil n'atteindra jamais, puis, aveuglées par un rideau de cascade, on se tord les chevilles dans les énormes galets glissants. Le courant nous entraîne jusqu’à la grotte percée, peuplée de chauve-souris volantes. Les cheveux relevés, le cœur au bord des lèvres on nage. On brasse l'inconnu. Curieusement, de l'autre côté, ils sont nombreux et poussent des cris qui se répercutent. Un oiseau de proie tombe en vrille. Je me réveille avec des picotements...

A l'heure prévue, ils sont tous là, Line pâlichonne sous son ombrelle, Axel arborant une chauve-souris sur son T-shirt, Phil et ses dents longues, Annie et ses cheveux relevés. Line me tend une photo.
- Moi j'aimerais trouver ces fougères !
Sans réfléchir... je lâche :
- C'est fou ! J'erre !...

Je me demande ce qui empêche les deux phrases de l'introduction d'être au présent, elles aussi.
Ou alors, le reste du premier paragraphe (et donc le dernier paragraphe aussi) d'être à l'imparfait.

Bref, cette légère et bénigne incohérence de forme mise à part, l'histoire bien menée d'une prémonition, sans drame ou détails inutiles, avec petite pointe d'humour. Un texte bien ramassé, comme j'aime.

La description de la rando est vivifiante, effet de surprise devant l'accoutrement inapproprié de Line, chute bien amenée.
J'ai aimé ce texte.

Texte agréable. Toutefois je m'interroge sur le rapport entre rêve et réalité. N'est-ce pas un peu convenu, dichotomique ?... Pourquoi ne pas avoir exploré davantage la confusion, le trouble entre l'onirique et le réel ? Sinon la description est réussie.

Par moments, j'ai un peu de mal à faire la part des choses entre rêve et réalité. Non pas que celle-ci doive absolument être faite mais alors, autant jouer à fond la carte de l'imbrication entre les idées. Les descriptions parfois très précises de certaines éléments gênent également ma lecture, quelques détails me paraissent superflus et nuisent au rythme.
Ceci mis à part, c'est une aventure agréable et tu crées une atmosphère intéressante.