Exo anonyme « Ce que je fais » : Je guette l'instant

Je te regarde.
Tu ne t’en doutes pas. Je te regarde vivre sans moi. Je ne veux pas rater mon coup.
Je te regarde à perte de vue, je ne fais que ça.
Il y a l’intensité de ce vide dans ma poitrine, qui me ronge ; alors j’observe chacun de tes gestes. Je sais où tu vas et qui tu vois. Je sais ce que tu achètes. Dans un coin de ma tête j’ai inscrit le nom de ce nouveau chien que tu as depuis trente trois jours, le petit sourire que tu ne peux réprimer lorsque la fille de la boulangerie (qui en pince pour toi) te dit :
« Et pour monsieur Ouatrin, ce sera ? »
Evidemment, on prononce Vatrin, pas Ouatrin ! Mais elle est peut-être née à Waterloo !
Je m’en fiche : elle est moche.
Je note tout. Je sais que tu préfères te montrer discret, que tu n’apprécies pas le rire gloussant de cette fille qui est souvent avec toi, que personne n’a encore raccommodé le trou de ta manche de pull noir.
Je me cache pour te suivre. Tu marches toujours à grands pas et souvent tu fredonnes. Je cherche à retrouver l’air, mais c’est difficile parce que tu chantes faux. Ca m’attendrit. Mais il ne faut pas que je me laisse attendrir. Je dois garder intacte la violence de ce que je ressens. Si je laisse ça s’affadir, c’est fichu, jamais je ne réussirai.
C’est du boulot, tu sais, d’observer quelqu’un aussi minutieusement. Mais j’ai absolument besoin de tout prévoir. Je ne veux plus être victime de cette impuissance qui a failli me détruire. J’accepte encore d’être transparente parce que cela me permet de t’approcher sans que tu y prennes garde.
Ce sera bientôt fini, j’ai glané assez de renseignements, depuis tout ce temps, pour ourdir mon piège. Je serai comme cette petite araignée qui me fascine par sa patience, tapie dans sa toile au coin de ma fenêtre. Ce n’est pas une grande toile déployée, plutôt une sorte de trou soyeux en forme d’entonnoir avec juste quelques fils judicieusement placés. On pourrait croire le piège insuffisant et pourtant, je ne compte plus le nombre d’enveloppes chitineuses toutes légères que je ramasse sur le rebord de la fenêtre.
Hier matin, j’ai noté que tu ne t’étais pas rasé. Aujourd’hui non plus. Je crois que tu te laisses pousser la barbe. Et ça te va fichtrement bien, tu es encore plus beau avec ce sombre qui souligne le bleu éclatant de tes yeux… De toute façon, même si tu te peignais en rose crevette, même si tu décidais de porter une crête ou de te tatouer un crapaud sur le visage, je t’aimerais quand même. Je ne peux pas faire autrement. Mais je préfère que tu sois beau, ça me désespère, mais je préfère !
Tu ne le sais pas encore, mais j’ai lu tous tes livres. Tu ne le sais pas encore, mais je vais devenir jolie. Tu ne le sais pas encore mais tu vas m’aimer. Parce que cela fait si longtemps que je t’aime que je sais exactement ce qui te plaît.
Ce que je fais de ma vie ? Je me transforme.
Je guette l'instant.

Bon, tu n'es pas la femme de mes rêves, c'est sûr, et si c'est moi que tu convoites, tu t'y prends mal !
Ça me fiche la trouille “ce que tu fais“.
Et puis je tiens à te dire que je déteste cette phrase :
“Je m’en fiche : elle est moche.“
Je la trouve, comment dire? : grave !

oui mais le convoité ne sait pas tout ce qu'elle - il ? - fait !
je trouve les quatre premières phrases prometteuses, et d'une façon générale, l'écriture agréable. Mais il me manque un peu plus de folie dans l'obsession.
Quant à la phrase sus-citée, elle est surtout naïve, on le sait bien que ya pas que les mannequins qui ont du succès, et n'est pas si moche qu'on croyait moche !

bon, pour dire que c'est inabouti pour moi, un peu trop sage en fait.

L'idée est intéressante mais je reste sur ma faim ... quel est donc ce piège ?
J'attendais, j'attendais (on ne sait jamais, ça peut toujours servir :-))) mais rien, à moins que ce ne soit la transformation de la narratrice ?

Et ?

pas très emballée à vrai dire...on ne sait si c'est du lard ou du cochon
disons que si c'est du vécu c'est -ouhlàlà-,
et si c'est du fictif, oui je suis d'accord ça ne va pas assez loin dans l'obsessionnel.

L’écriture est de bonne tenue, l’obsession bien rendue. J’aurais aimé être surprise ou chamboulée quelque part, mais non, le texte se termine dans la même ambiance. Et donc il manque quelque chose pour m’emporter vraiment.

A un moment donné, après quelques paragraphes, j'ai trouvé que ça commençait à tourner en rond puis s'esquisse l'idée du piège qui est annoncé terrible, c'est prometteur et puis... et puis je guette aussi l'instant où quelque chose va se passer car là, je reste sur ma faim, y a l'apéro mais où se cache la suite ? Il me manque un truc, surtout que tu nous laisses entrevoir un rebondissement, un changement de rythme.

C'est inquiétant, ce regard qui attend !

Une filature qui nous tient en haleine. On aimerait en savoir plus sur la métamorphose (une grenouille en princesse?)

j'ai lu, j'ai attendu et j'ai rien vu...
je suis déçue.
il est où ce piège ?
j'avoue ne pas avoir tout compris...

la transformation, c'est le sujet même ? le voyeur-suiveur invisible deviendra acteur-visible dans l'imaginaire de l'écrivain épié, suivi... pour remplir => ce vide dans ma poitrine, qui me ronge ?

une expression qui m'insupporte, lue et relue, c'est : ourdir mon piège.

Lu. Comme d'autres, il me manque quelque chose pour être touchée, intriguée par ce texte qui, il me semble, reste en surface des choses et traite un thème somme toute assez banal, sans parvenir à se l'approprier, à creuser jusqu'aux nerfs.

nous avons été bien sévères avec ce texte, qui a la relecture me semble finalement assez obsessionnel, avec tous ces détails soulignés! en fait je crois que quelque chose manque dans le fond, un ou des pivot(s) plus explicatif(s), pour avoir en mains les clefs et tout bien saisir. il y a des phrases qui méritent un développement, "j'ai lu tous tes livres", par exemple. et la transformation reste mystérieuse, pas assez étayée. il y a un potentiel dans cette prose, via justement cette violence qui se dégage, et à mon avis peu de choses à ajouter pour huiler l'ensemble.
on sent le texte entre vengeance et revanche dans l'esprit du personnage, et je n'ai pas su vraiment m'y repérer...

du potentiel, sûrement, c'est pourquoi sans doute nous étions plusieurs à attendre un dénouement plus incisif, ça tient je crois à pas grand-chose.

et c'est marrant, personne n'a parlé du parallèle avec l'araignée qui tisse sa toile (parce que c'était évident peut être)

Il y aurait un retravail prévu, une petite suite... ?
Pas envie ?

et bien j'ai aimé ce texte par la lourdeur le côté ... je ne sais pas comment trop l'écrire : collant? gluant? dans lequel on sent le personnage principal englué. cet espoir de (re?)conquête qui a pour ami ou allié le temps. ça viendra en son temps donc, au temps de qui? pour faire quoi? comment? autant de questions dont en effet on attend les réponses, mais cela m'a nullement dérangé.
Personnellement, je ne trouve pas que ce texte ait besoin d'être retravaillé mais j'avoue ne pas être contre une suite. Pas pour obtenir des explications sur ce que je n'ai pas lu mais pour prolonger cette atmosphère particulière. Et qui me plait.

J'avais oublié que j'avais déjà posté un commentaire et tant mieux, j'ai relu et ai compris ce qui m'avait échappé à la première lecture. J'avais cru qu'il s'agissait d'une femme délaissée (à cause sans doute du vide dans le coeur dont on parle au début) et je m'aperçois qu'il s'agit d'une femme qui a jeté son dévolu sur cet homme qui ne le sait pas encore. Donc ça fonctionne mieux :-)
J'aime bien ces histoires de folies et celle-ci est bien racontée.