C'était jadis.....

C’était jadis….

J’aimais, des grands bœufs blancs, la démarche hautaine
Et la lente charrue ouvrant le droit sillon,
La terre qui s’offrait à la rouge saison
Et le grain voleté pour la moisson prochaine.

J’aimais tout ce partage et le tonneau fontaine,
La gerbe de blé mur qui passait sans façon
Dans les pales de bois, laissant dans un frisson,
Tomber de son épi, la chaude et lourde graine.

A la grande table où, lorsque venait le soir,
Le dos fourbu, mais fier, chacun venait s’asseoir
Pour partager le pain et le vin de la peine,

Les cœurs étaient contents du travail accompli
Et l’on pouvait ouïr, dans les plis de la nuit,
Le chant silencieux de la terre sereine.

Je ne suis, mais alors pas du tout connaisseur en prosodie.

M'empêche pas d'en lire, avec plaisir.
J’entends bien cette musique.

Et je goute d’autant plus les passages où tu allèges un peu en épithètes.

On dirait du Francis Jammes
Une bolée d'air pur, de belles images et de beaux alexandrins,
comme un pied de nez à une modernité pas forcément tip-top.
Merci

Harmonie et sérénité. Et dans la forme, et dans le sujet. Bravo !

Il y a un mélange de force et de sérénité qui ressort de ce texte, des émotions qui se croisent pour peindre un tableau riche en promesses et en souvenirs à créer. Comme une esquisse intemporelle d'un moment à saisir, parce que qui sait...

Tizef a écrit:On dirait du Francis Jammes

Ho oui ! C'est exactement ça, en effet ! Des images d'un autre temps et pourtant si modernes, si proches de nous.

Une grande abondance d'adjectifs alourdit un peu ce beau tableau champêtre qui se déroule au fil des saisons avec la grâce recueillie d'une toile de Millet. C'est dommage, la maitrise du vers et la sérénité des images ne nécessitaient pas autant de béquilles, j'en parle d'autant plus volontiers que j'ai un peu le même travers !

moi j'entends Ferrat... je comprends ce que dit Arielle et je suis pas loin de partager son avis, mais cela passe, pourquoi, mystère ?

d'accord pour le pied de nez à la modernité mais :

Et l’on pouvait ouïr, dans les plis de la nuit, sonne bizarre : ce ouïr sonne bizarre, non ?

En me promenant je suis tombé sur ce sonnet ébouriffé, tellement évocateur dans la délicatesse. J'ai eu envie de laisser un petit mot juste pour dire que j'ai aimé.

Troupi2, ce commentaire perdu au milieu du forum a été fusionné par déduction à ce texte.
S'il y a erreur, merci de faire savoir à quel poème il fait référence.
La Modération

Plutôt que Ferrat j'entends plutôt du Hérédia, limite exercice d'école Parnasse : le premier vers et sa "démarche hautaine", emphatique, littérairement voulue, me rappelle Le vol de gerfauts hors du charnier natal : trop composé pour être crédible bien que cela ait de la gueule. Du Héredia qui se transforme en du Giono de Regain. J'aime et je n'aime pas trop en même temps. Un quelque chose qui me gêne: la complaisance à l'égard du passé-qu'était-cent-fois-mieux? Je ne sais. Un tableau trop léché peut-être. Dans le labeur du laboureur (mince, pléonasme) il manque ici la souffrance, le don de soi, l'acceptation de la souffrance en échange du passage à la descendance paysanne. Du Millet? oui si l'on vise par là non la photo avant les Lumière mais le fixisme idyllique du monde pastoral. Dans ce Millet les blés sont toujours d'or et la paysanne sourit... Mais je ne voudrais pas être méchant: si je commente et si j'ai lu jusqu'au point et après la javeleuse, c'est que je ne hais point trop ce texte. L'odeur du foin sous la lune de juin m'est toujours une douceur...

bien sûr ce petit commentaire que je n'ai pas dû mettre au bon endroit faisait référence au "sonnet ébouriffé" paru il y a déjà un certain temps, Arielle en est l'auteur et je suis désolé de mon erreur.

Hérédia, Giono, Ferrat, Millet, Je pense que vous avez tous un peu raison et il reste en tous cas un sonnet superbement écrit et ça ce n'est pas si facile. Le dernier vers qui résume le tout est parfaitement trouvé, à mon avis.