Marine

Les longues algues qui bleuissent dans la nuit
Ce sont tes cheveux Marine
Tes longs cheveux tombant sur tes épaules
Tes longs cheveux pluvinant sur notre monde
Comme la fragile lueur
Là-haut
D'un certain Dieu
Ou d'un beau croissant de lune

La nuit qui blondit et rajeunit
Vers l'aube
Le ciel en amande
D'où mes yeux ne peuvent plus retomber
Ce sont tes yeux Marine
Tes yeux accueillant le rire
Des nuées soulevées par le vent
Tes yeux si lointains qu'ils existent
A peine pour un sourire
Si lointains qu'une larme y pèserait autant qu'un océan
Tes yeux sont déchirants Marine
déchirants
Je n'ai pas d'autre cri que mes mots pour le dire...

Regarde-nous mourir
J'ai si froid
Mon corps perd toute sa profondeur
Si froid Marine
Volatile comme un frisson dans le néant
Frisson forcé à l'exil
Frisson sans foyer
Regarde-nous
Plus d'habits plus de pagne de haillons
Plus de peau pour nous couvrir les os
Ni même d'os pour soutenir notre corps
Fantômes nous n'avons que le cœur
Pour écouter le silence de toujours

Nous avons bu des poisons fulgurants
L'âme entière plaquée au sol contre notre ombre
Nous n'avons plus de force
Hélas le soleil non plus
Sa lumière est celle d'Ophélie
Exsangue comme la noyée
Flocon discret
Qu'on voit fondre froidement sur cent fleuves
Quatre cent deltas déchaînés
Ou mille ruisseaux
Tamisés par sa froide mélodie

Je n'ai d'autre bouquet que celui de ces fleuves
Ces algues qui bleuissent dans la nuit
Et l'ivresse de ces mots tristes qui ne peuvent
Rien te dire

Marine je crois qu'il n'est plus d'ascension possible
La mort est attachée au fond des eaux par des ancres solides
Pas de révolte possible
Pas de révolution
Rien qu'une perpétuelle hantise
Sans violence
Rien qu'un frisson fugace traversant tous les âges
Marine pas de rédemption
Oh l'espoir qui résonne
Derrière ton pas
Quand tu marches au bord du deuil
Serait si simple
Mais à nous il ne reste que l'oubli
Dans l'enveloppe du monde
L'oubli qui n'espère plus rien
Sinon une petite note
Un Nota Bene
Dans le replis le plus intime du désir

*

Dans ses accents les plus hauts
Ô Marine
Notre chant de noyé ressemble à la dernière
Bulle d'air qu'on lâche en inspirant sous l'eau
Cette bulle aspirant à rejoindre le plein air
Ô désespérément à prendre
La hauteur d'un appel au secours
Mais notre souffle à nous
Toujours comme un amour à demi rompu
Notre souffle
Ancre dans un fleuve sans fond
Tombe toujours plus bas

Cela commence comme un élégant poème d'amour dédié à cette fascinante Marine muse de la nuit.
Tes yeux sont déchirants Marine
déchirants
Je n'ai pas d'autre cri que mes mots pour le dire...
A partir de là je trouve qu'on s'enfonce dans un pathos de plus en plus désespérant et auto-centré où Marine n'est plus que le témoin d'une noyade qu'elle accompagne peut-être mais sans en être actrice.
Elle marche au bord du deuil comme le nota bene de son grand poète torturé ...

Désolée, Art. Ri, je n'ai pas été touchée par la grandiloquence et le manque de pudeur de ce poème qui mériterait d'être condensé, débarrassé de ses répétitions (fleuves, ancres, frissons) de ses contradictions (L'oubli qui n'espère plus rien ou un appel au secours ?)

Toujours un peu emphatique, pour un jeune du 21 ième siècle.

Mais il y a du progrès et des choses intéressantes (je le pense).

C'est Marine qui va être contente (enfin si c'est "une autre Marine" que la forumesque).

Moi je trouve beaucoup de beauté et de réflexion dans l'ensemble du poème, des images très personnelles qui font un émouvant portrait mi-réel mi-fantasmé.
La douleur qui l'envahit peu à peu gagnerait sans doute de la force si quelques figures du romantisme étaient atténuées ou abandonnées, mais l'image de la noyade, de l'attachement au fond et de l'impossibilité d'un appel sous l'épaisseur de cette eau mortelle me parait très juste.
Je crois vraiment qu'il ne faut que quelques coups de lime ou de ciseau pour qu'il soit puissant et vrai.
J'aime l'idée de ces bulles qui ne peuvent véhiculer aucun son.

L'emphase manifeste du poème fait signe vers la violence et l'amplitude de l'émotion (le pathos) dont j'étais réellement saisi pendant la composition du poème. Ce texte est issu d'un profond vertige, c'est un nœud de tensions, et si la grandiloquence le dessert (et cela me navre vraiment, dans la mesure où pour autant qu'elle soit une impureté, elle est la moelle du sentiment), je suis surpris qu'on puisse me reprocher son manque de pudeur, et ses apparentes contradictions - que je ressens plutôt comme éléments d'une tension : le mouvement qui joint l'espoir momentané et le désespoir. Au fond, qu'il ne reste qu'un oubli vide d'espoir cela résulte de l'incapacité du chant, de la parole, de la bulle, à rejoindre la surface de ce cours d'eau indéfini que l'on respire, que l'on inspire dans les moments de grande tension ; que cet oubli dénué de substance et d'espoir soit si fermement clamé, cela atteste du mouvement fatalement descendant, de l'inévitable noyade, de la coulée pesante vers la désuétude. Quant aux répétitions, il s'agit évidemment d'un choix. Le chant procède du retour, de la violence de l'idée fixe, de l'obsession. Ces images figurent une rémanence, et d'un autre côté, elles ne formulent jamais tout à fait la même chose. Je parle du poème comme d'un bouquet de fleuves, j'aurais pu parler aussi bien d'un bouquet de frissons, ou d'un bouquet d'ancres. Il faut les considérer davantage comme des glissements que comme des redondances.

Je suis d'accord en ce qui concerne l'intensité du pathos, qu'on ne doit surtout pas affaiblir lorsque c'est cela qui a porté le poème, et bien au contraire chercher toute son intensité. Mais je crois qu'il est très important, alors, pour ne pas donner au lecteur le sentiment d'une emphase romantique un peu vieillotte d'éliminer sans pitié tout ce qui peut donner une impression de déjà lu.
Et là, pour moi, il y a :

Marine pas de rédemption
Oh l'espoir qui résonne
Derrière ton pas


Mais à nous il ne reste que l'oubli
Dans l'enveloppe du monde
L'oubli qui n'espère plus rien...

Et deux ou trois autres choses assez banales qui diluent, affaiblissent.

Et puis la jeune fille, la mort, l'eau....oui, absolument, mais la figure d'Ophélie, du coup c'est un peu bateau.

je suis venu à ce poème que j'avais zappé (d'un Z qui veut dire pas lu)
à cause d'un commentaire lapidaire que vous avez formulé sur le texte d'un autre membre
commentaire, soit dit en passant que j'espère mal comprendre
car je l'ai lu comme disant ... Tu es nul et plat....plus que ton texte est moyen moyen et ne me touche pas....
...enfin brèfle.....

donc,
n'ayant pas lu de texte de vous depuis longtemps,
je suis venu, j'ai vu, j'ai lu.

et j'aime vos images poétiques
qui ont une de ces même libertés
que je viens de lire il n'y a pas longtemps
dans un poème qui décrivait la liberté du rêve

j'aime donc la métaphore qui sert de fondement au sens
et le choix du prénom Marine
il m'a suivi tout le temps de ma lecture
en l'associant au membre masculin de nos contrées du Véheuzbourg.
ce qui, rend ce poème plus fort encore
expliquant l'abîme et la sensation de sombrer dans les profondeurs

après,
le ton déclamatoire
s'il paraît nécessaire pour CREER un tel poème
apportant la furie du courant à l'auteur
peut
être alléger en enfilant la blouse du ciseleur doreur
en deuxième lecture

ce qui permettrait peut-être
d'éviter le petit sourire narquois
d'un lecteur non prévenu
lisant ce poème tranquillement
assis dans le train, ou le métro.


Amitié
et bravo pour votre travail.

ps: j'espère avoir mal compris la moquerie de votre commentaire sur le poème de cet autre vélien que je cite
car en fait, vous, moi, lui
on fait juste du mieux qu'on peut
n'est-ce pas ?

Mince, j'aurais bien voulu faire un commentaire pertinent, mais après ceux bien plus longs et fournis des précédents lecteurs... tant pis.
J'ai bien aimé ce poème aigues-marines, ne serait-ce que pour le choix du prénom et de l'élément aquatique qui va avec. Un peu moins cette impression de noyade versant un peu trop dans le pathos à mon goût, mais il s'en dégage quand même une certaine beauté, une sorte d'aura poétique certes un peu romantico-old school, mais beaucoup de belles trouvailles.

z'êtes particulièrement talentueux à mon avis. Ya une sorte d'évidence quand on vous lit, chaque mot est à sa place. Mon seul problème : il y a trop d'images, c'est trop riche..
Et comme le dit Arielle j'ai l'impression qu'il y a deux poèmes en un.