Le Néron

Un jour, sur ses arpions, marchait on ne sait vers où, le Néron au long pif sur un cou de girafe.
(au bord d’un ruisseau, il était.)
L’eau était très limpide, comme au mois de mai, tu vois: une carpe bavarde y frétillait gaiement, avec son pote le broché. Le Néron n’en eût fait qu’une becquée, à l’aise, vu qu’ils était tous deux dangereusement près du bord. Y’avait qu’à se servir…mais non : il n’avait pas encore assez faim. On avait ses petites habitudes culinaires. Un peu après, ça y est : il gargouille du ventre. Il retourne donc au bord, et là il voit des tranches sortant de sous un gros rocher. " Bark, je vais quand même pas me coltiner des tranches, non mais puis quoi encore on m’a bien regardé ? Merci très peu pour moi, je vaux mille fois mieux ! ". Les tranches mises de côté, il tombe sur un goujat… " Du goujat ? Nan, sérieux : il manquait plus que ça! C’est pas pour mon gosier : encore pire que les tranches, même pas j’ouvre le bec !!! ". Ô bonne mère…en fait il l’ouvrit pour bien pire, parce qu’au bout du compte plus un chat ne passa. À force d’avoir la dalle, il suça un glaçon. Allez, faut arrêter de faire la fine bouche : c’est plus malin de pas trop faire les difficiles. Quand on sait ce qu’on perd et puis pas ce qu’on gagne, en attendant vaut mieux faire avec ce qu’on a ! Alors surtout pensez à trop rien mépriser, d’autant plus si l’avant ce n’était pas si pire…mais c’est pas au Néron que je m’adresse, là: c’est dans le genre humain que j’ai pêché conseil.