Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
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Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
C'était inévitable : l'odeur des amandes amères lui rappelait toujours le destin des amours contrariées.
Plus inévitable encore la couleur jaune, qui inspirait sa vessie, car ses amour contrariées lui avaient laissé un souvenir cuisant : une chaude pisse carabinée dont il avait eu un mal fou à se défaire.
Mais le coup du cyanure, ça il ne l’avait pas digéré, si l’on peut dire.
Marcel était dans sa vingt-septième année lorsqu’il rencontra Graziella.
Fortuitement, il prenait l’autobus, étant plutôt un amateur de métro, mais ce jour-là une grève intempestive l’obligea à faire ainsi.
Ainsi soit-il se répétait-il en souriant, gardant à la mémoire cette envie irrépressible de rire qui le prit, lorsque la vieille dame s’était étalée sur le trottoir, après avoir raté le marchepied.
Graziella s’était alors levée, offrant à ses yeux le parfum d’un idéal qu’il n’avait pas envisagé jusqu’alors.
Il la regarda plus attentivement avec son nez, alors qu’elle allait secourable, relever l’ancêtre qui rageait.
Elle était court vêtue ; il s’agissait bien sûr de Graziella, et non de cette dondon qui fulminait encore.
Ses fines chevilles, ses genoux parfaits, ses cuisses dorées contrastaient avec la blancheur de la peau flasque de la vieille vache étalée.
Marcel profita de l’occasion et vint pour prêter main forte à la jeune femme.
Déjà une idée se profilait derrière sa tête.
Il prêta aussi la main faible, tandis que l’accessoire humain se confondait en remerciements, faute de se confondre avec le paysage.
-Je m’appelle Marcel Duchon.
-Je m’appelle Lucette Flageolet.
-C’est pas à toi que je cause, vieille truie !
Et Marcel reprit la conversation avec la bonne interlocutrice.
-Je m’appelle Marcel Duchon.
-Je m’appelle Graziella Borgia.
Il avait jeté le pont verbal indispensable à toute communication, comme le disait encore ce cher Jackobson au journal télévisé de la veille, à un Léon Zitrone dubitatif.
L’idée avait enfin fini par se former, et Marcel la saisit de la main gauche ; de la droite il saisit l’opportunité, posant le tout sur le dos de Graziella qui venait de s’assoir à ses côtés.
D’abord, elle fut surprise par ce poids sur les épaules ; mais bien vite, après avoir réparti plus équitablement la charge, elle lui sourit d’un air entendu le matin même à la radio :
« Ah Marcel comme la vie est belle
Ah Duchon comme la vie est con
De n’avoir pas plus tôt réuni nos oreilles
Pour que nous entendions enfin le même son. »
Ils reprirent en cœur le refrain :
« Oh oui, oh oui, oh non ».
C’est bête parfois comme deux destins se scellent ; ces bêtes, parfois, comme deux destins, se sellent.
Ils sont partis au galop, main dans la main, ce qui n’était pas vraiment commode.
Déjà on présageait que leur histoire finirait à cause d’une armoire.
Ils avaient donc quitté l’autobus, laissant l’impotente au chauffeur, et à un groupe d’enfants qui voulaient lui planter des punaises dans les joues « pour voir ce que ça ferait ».
Dans un souci pédagogique, il laissa faire, ne voulant pas contrarier cette fibre scientifique, qui donnerait peut-être un prix Nobel de physique dans quelques années.
Lorsque Marcel et Graziella arrivèrent au ranch, Pablito le vieil indien finissait de balayer la terrasse avec son balai de paille de riz.
Graziella toréait avec grâce depuis sa plus tendre enfance.
Elle domptait aussi les étalons en les serrant fortement entre ses cuisses.
Marcel fit cette expérience inoubliable.
Le lendemain matin, Incarnacion leur porta un copieux petit déjeuner ainsi que le journal.
Graziella le chevaucha encore entre deux bouchées de croissant ; ils reversèrent même le Benco sur le lit.
Ah quel bonheur la chevauchée fantastique !
Cela dura un mois et trois jours (c’était un mois d’avril, mais l’année était bissextile, et comme on dit fort à propos : « Année bissextile, année imbécile »).
Le quatrième jour de mai, Marcel rentra à l’improviste ; il pensait que Graziella était à une corrida.
Il ouvrit l’armoire pour prendre de quoi se changer, et là il trouva Pablito, vêtu de ses seules plumes, dans la position dite du dindon, tandis que Graziella glougloutait sous ses assauts furieux.
Marcel sentit les cornes à son front ; cela aurait pu se guérir, si les deux malfaisants n’avaient froissé sa chemise favorite, celle en satin bleu avec le col Mao.
Car ils étaient sur la même étagère.
Marcel, furieux, prit sa chemise et ordonna à Incarnacion de la repasser.
Graziella sortit de l’armoire, et pour se faire pardonner, disait-elle perfidement, lui fit apporter un grand verre d’horchata de chufa dont il était friand.
Il lui trouva une odeur particulière, et une amertume étrange.
Pablito, ne voulant plus partager, avait glissé une lichette de cyanure dans la boisson.
Fort heureusement, Marcel avait toujours dans son sac Vuitton un antidote qu’il prit immédiatement, alors qu’une douleur atroce lui tenaillait le ventre.
Il eut la diarrhée encore et encore.
Quand il fut mieux, il obligea Pablito à tout nettoyer, avant que l’inspecteur Colombin, un ami de longue date, ne vienne arrêter les deux amants diaboliques.
Il avait oublié où était son manteau, sans doute perdu dans la pampa.
« Toute la vie, dit-il, je me souviendrai de cette aventure maléfique. »
Il avait retrouvé par hasard la vieille vache qui s’était avérée plus sympathique que prévu, les punaises ayant laissé sur ses joues comme des traces de taches de rousseur, ce qui lui donnait un charme nouveau.
Cette dame, très âgée, était de plus très riche.
Il l'épousa.
« Lucette, vous reprendrez bien une deuxième part de cette excellente pizza au chorizo, ma chérie ? »
Dans la cuisine flottait comme une odeur d’amandes amères.
Plus inévitable encore la couleur jaune, qui inspirait sa vessie, car ses amour contrariées lui avaient laissé un souvenir cuisant : une chaude pisse carabinée dont il avait eu un mal fou à se défaire.
Mais le coup du cyanure, ça il ne l’avait pas digéré, si l’on peut dire.
Marcel était dans sa vingt-septième année lorsqu’il rencontra Graziella.
Fortuitement, il prenait l’autobus, étant plutôt un amateur de métro, mais ce jour-là une grève intempestive l’obligea à faire ainsi.
Ainsi soit-il se répétait-il en souriant, gardant à la mémoire cette envie irrépressible de rire qui le prit, lorsque la vieille dame s’était étalée sur le trottoir, après avoir raté le marchepied.
Graziella s’était alors levée, offrant à ses yeux le parfum d’un idéal qu’il n’avait pas envisagé jusqu’alors.
Il la regarda plus attentivement avec son nez, alors qu’elle allait secourable, relever l’ancêtre qui rageait.
Elle était court vêtue ; il s’agissait bien sûr de Graziella, et non de cette dondon qui fulminait encore.
Ses fines chevilles, ses genoux parfaits, ses cuisses dorées contrastaient avec la blancheur de la peau flasque de la vieille vache étalée.
Marcel profita de l’occasion et vint pour prêter main forte à la jeune femme.
Déjà une idée se profilait derrière sa tête.
Il prêta aussi la main faible, tandis que l’accessoire humain se confondait en remerciements, faute de se confondre avec le paysage.
-Je m’appelle Marcel Duchon.
-Je m’appelle Lucette Flageolet.
-C’est pas à toi que je cause, vieille truie !
Et Marcel reprit la conversation avec la bonne interlocutrice.
-Je m’appelle Marcel Duchon.
-Je m’appelle Graziella Borgia.
Il avait jeté le pont verbal indispensable à toute communication, comme le disait encore ce cher Jackobson au journal télévisé de la veille, à un Léon Zitrone dubitatif.
L’idée avait enfin fini par se former, et Marcel la saisit de la main gauche ; de la droite il saisit l’opportunité, posant le tout sur le dos de Graziella qui venait de s’assoir à ses côtés.
D’abord, elle fut surprise par ce poids sur les épaules ; mais bien vite, après avoir réparti plus équitablement la charge, elle lui sourit d’un air entendu le matin même à la radio :
« Ah Marcel comme la vie est belle
Ah Duchon comme la vie est con
De n’avoir pas plus tôt réuni nos oreilles
Pour que nous entendions enfin le même son. »
Ils reprirent en cœur le refrain :
« Oh oui, oh oui, oh non ».
C’est bête parfois comme deux destins se scellent ; ces bêtes, parfois, comme deux destins, se sellent.
Ils sont partis au galop, main dans la main, ce qui n’était pas vraiment commode.
Déjà on présageait que leur histoire finirait à cause d’une armoire.
Ils avaient donc quitté l’autobus, laissant l’impotente au chauffeur, et à un groupe d’enfants qui voulaient lui planter des punaises dans les joues « pour voir ce que ça ferait ».
Dans un souci pédagogique, il laissa faire, ne voulant pas contrarier cette fibre scientifique, qui donnerait peut-être un prix Nobel de physique dans quelques années.
Lorsque Marcel et Graziella arrivèrent au ranch, Pablito le vieil indien finissait de balayer la terrasse avec son balai de paille de riz.
Graziella toréait avec grâce depuis sa plus tendre enfance.
Elle domptait aussi les étalons en les serrant fortement entre ses cuisses.
Marcel fit cette expérience inoubliable.
Le lendemain matin, Incarnacion leur porta un copieux petit déjeuner ainsi que le journal.
Graziella le chevaucha encore entre deux bouchées de croissant ; ils reversèrent même le Benco sur le lit.
Ah quel bonheur la chevauchée fantastique !
Cela dura un mois et trois jours (c’était un mois d’avril, mais l’année était bissextile, et comme on dit fort à propos : « Année bissextile, année imbécile »).
Le quatrième jour de mai, Marcel rentra à l’improviste ; il pensait que Graziella était à une corrida.
Il ouvrit l’armoire pour prendre de quoi se changer, et là il trouva Pablito, vêtu de ses seules plumes, dans la position dite du dindon, tandis que Graziella glougloutait sous ses assauts furieux.
Marcel sentit les cornes à son front ; cela aurait pu se guérir, si les deux malfaisants n’avaient froissé sa chemise favorite, celle en satin bleu avec le col Mao.
Car ils étaient sur la même étagère.
Marcel, furieux, prit sa chemise et ordonna à Incarnacion de la repasser.
Graziella sortit de l’armoire, et pour se faire pardonner, disait-elle perfidement, lui fit apporter un grand verre d’horchata de chufa dont il était friand.
Il lui trouva une odeur particulière, et une amertume étrange.
Pablito, ne voulant plus partager, avait glissé une lichette de cyanure dans la boisson.
Fort heureusement, Marcel avait toujours dans son sac Vuitton un antidote qu’il prit immédiatement, alors qu’une douleur atroce lui tenaillait le ventre.
Il eut la diarrhée encore et encore.
Quand il fut mieux, il obligea Pablito à tout nettoyer, avant que l’inspecteur Colombin, un ami de longue date, ne vienne arrêter les deux amants diaboliques.
Il avait oublié où était son manteau, sans doute perdu dans la pampa.
« Toute la vie, dit-il, je me souviendrai de cette aventure maléfique. »
Il avait retrouvé par hasard la vieille vache qui s’était avérée plus sympathique que prévu, les punaises ayant laissé sur ses joues comme des traces de taches de rousseur, ce qui lui donnait un charme nouveau.
Cette dame, très âgée, était de plus très riche.
Il l'épousa.
« Lucette, vous reprendrez bien une deuxième part de cette excellente pizza au chorizo, ma chérie ? »
Dans la cuisine flottait comme une odeur d’amandes amères.
- Spoiler:
- aseptans
Dernière édition par Modération le Dim 19 Mai 2013 - 21:05, édité 1 fois
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Pour info
Texto exo anonyme.
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
Il n'a jamais été écrit que cet exo devait être anonyme !...
La vieille que je suis suppose que celui (ça ne peut être qu'un homme) capable de dresser un aussi beau portrait
d'une vieille femme, préfère porter un masque, et il a raison.
S'il révèle son identité, il va se faire écharper.
Invité- Invité
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
Il n'a pas non plus été précisé qu'on ne pouvait pas poster sous anonymat.
L'identité de l'auteur(e) sera dûment révélée en temps voulu.
L'identité de l'auteur(e) sera dûment révélée en temps voulu.
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
Et donc, la demoiselle s'appelle Borgia ? De quoi éveiller la méfiance de Marcel, quand même !
Il faudra qu'on pense à te tirer les oreilles pour certains manques de respect envers le vieilles dames.
Bon, eh bien sinon, ton texte m'a tout de même fait rire.
Il faudra qu'on pense à te tirer les oreilles pour certains manques de respect envers le vieilles dames.
Bon, eh bien sinon, ton texte m'a tout de même fait rire.
Invité- Invité
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
Je me suis régalée !
Quelle verve, quel humour et puis que de cruauté (j'aime ça :-). Le tout est vif, bien mené, enjoué au possible, j'ai carrément ri. Le rythme ne faiblit pas, l'auteur enchaîne les rebondissements sans que cela ne coupe la respiration parce que ça serait trop saccadé ou brouillon... non, non, tout se tient. Un beau sourire en cette matinée !
Quelle verve, quel humour et puis que de cruauté (j'aime ça :-). Le tout est vif, bien mené, enjoué au possible, j'ai carrément ri. Le rythme ne faiblit pas, l'auteur enchaîne les rebondissements sans que cela ne coupe la respiration parce que ça serait trop saccadé ou brouillon... non, non, tout se tient. Un beau sourire en cette matinée !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
et la position du dindon, ma foi... hahaha ! comme c'est romantique, ainsi décrit :-)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
(par curiosité aseptans, il y avait une motivation particulière à poster anonymement dans un premier temps ?)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Toujours prendre le métro… Toujours
Un texte qui se lit sourire aux lèvres.
Jean Lê- Nombre de messages : 591
Age : 65
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 22/11/2010
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