Autoroute
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Autoroute
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« Chérie, tu veux qu’on mette quoi comme musique pour m’emmener à l’asile ? Moi je verrais bien du Bach, du Mozart, un truc grandiose, à la hauteur de l’évènement. ».
La chérie en question ne trouve rien à redire. Si ça l’amuse de plaisanter en pareilles circonstances…Elle s’enfonce mollement dans le beau siège en cuir tout neuf de la grande auto clinquante, vestige d’une richesse éphémère. C’est critique de devoir l’accompagner chez les fous, mais elle veut se donner bonne conscience. Il ne pourra rien lui reprocher, elle l’aura accompagné jusqu’au bout, au bout de sa santé mentale, au bout de leur histoire. C’est comme le dernier fil retors qui traîne sur une tenue de cérémonie, on le coupe net, et on sourit béat devant le reflet du miroir : cette fois c’est parfait.
- « Je n’aurais jamais pensé m’emmener à l’asile tout seul comme un grand, poursuit le conducteur. Si seulement tu avais passé ton permis…Ou si j’étais assez barjot pour qu’on vienne me chercher en blouse blanche en me mettant sous sédatif… ». Elsa ne dit rien, pas de provocation. Elle se laisse bercer par les kilomètres en essayant de se convaincre que chaque trait blanc passé sur le rebord de la route la rapproche un peu plus d’un état de sérénité. Elle se chantonne ça dans sa tête, comme une petite fille qu’on abrutit avec des histoires à dormir debout. Ses souvenirs défilent aussi vite que l’autoroute.
- « Ils vont me garder longtemps tu penses ? Suffisamment pour que je m’inspire pour un roman ? ».
Elsa ne dit rien mais l’observe du coin de l’œil. Cette fois, il a vraiment l’air vieux et fatigué pour un jeune quarantenaire. Elle se met à nouveau à penser que seule la mort de son mari pourra la délivrer de ces vingt années d’extravagance, de décrépitude et d’euphorie. Cette idée la rend chaque jour un peu plus patiente.
Le conducteur tourne le volume de son poste radio et commence à faire de grands gestes majestueux tout autour de son volant.
- « ça m’apaise tu vois finalement. Au fond, c’est une nouvelle expérience extrême l’enfermement. Il faut pas le prendre mal. Ça va peut être me donner envie de sortir de mon mal. Ça va me pousser bien loin de ma léthargie. Je ne serais plus avachi sous l’emprise de l’alcool, il faudra ruser, voire même courir vite pour attraper mon whisky. ».
Elsa ne peut s’empêcher de sourire. Au fond, l’humour les a toujours sauvés de justesse. Au début, elle riait quand il l’emmenait dans sa belle demeure familiale à travers la campagne, en cliché de décapotable. C’était un rire champêtre et naïf. Par la suite, elle riait de bon cœur quand il imitait les gens après un verre de trop. A la fin, elle riait jaune quand elle le surprenait avec une prostituée et qu’il lui demandait de bien vouloir sortir, parce qu’il n’avait pas fini…
- « On va s’arrêter manger, j’ai prévu un grand cru pour fêter mon départ, et puis des sandwichs. ».
C’était bien lui ça, le millésime et la junk food, le sublime et le détestable, un subtil contraste charmeur qui continuait de la séduire.
Elle posa une main sur la sienne pour qu’il cesse son monologue, ces paroles qu’il dégainait à tout-va comme un enfant qui a peur du silence. Faire les choses proprement, s’accorder un temps de répit, une pause dans sa colère.
- « Tu as raison murmura Elsa, on va s’arrêter, on n’est pas si pressé… »
La chérie en question ne trouve rien à redire. Si ça l’amuse de plaisanter en pareilles circonstances…Elle s’enfonce mollement dans le beau siège en cuir tout neuf de la grande auto clinquante, vestige d’une richesse éphémère. C’est critique de devoir l’accompagner chez les fous, mais elle veut se donner bonne conscience. Il ne pourra rien lui reprocher, elle l’aura accompagné jusqu’au bout, au bout de sa santé mentale, au bout de leur histoire. C’est comme le dernier fil retors qui traîne sur une tenue de cérémonie, on le coupe net, et on sourit béat devant le reflet du miroir : cette fois c’est parfait.
- « Je n’aurais jamais pensé m’emmener à l’asile tout seul comme un grand, poursuit le conducteur. Si seulement tu avais passé ton permis…Ou si j’étais assez barjot pour qu’on vienne me chercher en blouse blanche en me mettant sous sédatif… ». Elsa ne dit rien, pas de provocation. Elle se laisse bercer par les kilomètres en essayant de se convaincre que chaque trait blanc passé sur le rebord de la route la rapproche un peu plus d’un état de sérénité. Elle se chantonne ça dans sa tête, comme une petite fille qu’on abrutit avec des histoires à dormir debout. Ses souvenirs défilent aussi vite que l’autoroute.
- « Ils vont me garder longtemps tu penses ? Suffisamment pour que je m’inspire pour un roman ? ».
Elsa ne dit rien mais l’observe du coin de l’œil. Cette fois, il a vraiment l’air vieux et fatigué pour un jeune quarantenaire. Elle se met à nouveau à penser que seule la mort de son mari pourra la délivrer de ces vingt années d’extravagance, de décrépitude et d’euphorie. Cette idée la rend chaque jour un peu plus patiente.
Le conducteur tourne le volume de son poste radio et commence à faire de grands gestes majestueux tout autour de son volant.
- « ça m’apaise tu vois finalement. Au fond, c’est une nouvelle expérience extrême l’enfermement. Il faut pas le prendre mal. Ça va peut être me donner envie de sortir de mon mal. Ça va me pousser bien loin de ma léthargie. Je ne serais plus avachi sous l’emprise de l’alcool, il faudra ruser, voire même courir vite pour attraper mon whisky. ».
Elsa ne peut s’empêcher de sourire. Au fond, l’humour les a toujours sauvés de justesse. Au début, elle riait quand il l’emmenait dans sa belle demeure familiale à travers la campagne, en cliché de décapotable. C’était un rire champêtre et naïf. Par la suite, elle riait de bon cœur quand il imitait les gens après un verre de trop. A la fin, elle riait jaune quand elle le surprenait avec une prostituée et qu’il lui demandait de bien vouloir sortir, parce qu’il n’avait pas fini…
- « On va s’arrêter manger, j’ai prévu un grand cru pour fêter mon départ, et puis des sandwichs. ».
C’était bien lui ça, le millésime et la junk food, le sublime et le détestable, un subtil contraste charmeur qui continuait de la séduire.
Elle posa une main sur la sienne pour qu’il cesse son monologue, ces paroles qu’il dégainait à tout-va comme un enfant qui a peur du silence. Faire les choses proprement, s’accorder un temps de répit, une pause dans sa colère.
- « Tu as raison murmura Elsa, on va s’arrêter, on n’est pas si pressé… »
Machka- Nombre de messages : 7
Age : 36
Date d'inscription : 11/02/2009
Re: Autoroute
Il y a des choses qui me plaisent, même si j'attends de voir où elles vont.
"Ses souvenirs défilent aussi vite que l’autoroute."
"Au fond, l’humour les a toujours sauvés de justesse."
"une pause dans sa colère"
C'est joli.
J'aime beaucoup les images, cette idée de trajet, les petits souvenirs qu'on émiette au bord de l'autoroute....
Il y a juste l'idée de la prostituée qui me gêne un peu, je la sens un peu comme un cheveux sur la soupe, je ne saurais pas trop définir pourquoi, une histoire de feeling j'imagine (je dis peut-être n'importe quoi, mais j'ai l'impression que son métier n'avait pas nécessairement besoin d'être spécifié par rapport à l'ensemble - c'est juste une impression.) Et la structure (je veux dire, sur le plan visuel) me gêne un peu, il y a certains espaces que j'ai du mal à comprendre, et je crois que les tirets sont placés de façon un peu étrange (mais je suis nulle avec ça).
"Ses souvenirs défilent aussi vite que l’autoroute."
"Au fond, l’humour les a toujours sauvés de justesse."
"une pause dans sa colère"
C'est joli.
J'aime beaucoup les images, cette idée de trajet, les petits souvenirs qu'on émiette au bord de l'autoroute....
Il y a juste l'idée de la prostituée qui me gêne un peu, je la sens un peu comme un cheveux sur la soupe, je ne saurais pas trop définir pourquoi, une histoire de feeling j'imagine (je dis peut-être n'importe quoi, mais j'ai l'impression que son métier n'avait pas nécessairement besoin d'être spécifié par rapport à l'ensemble - c'est juste une impression.) Et la structure (je veux dire, sur le plan visuel) me gêne un peu, il y a certains espaces que j'ai du mal à comprendre, et je crois que les tirets sont placés de façon un peu étrange (mais je suis nulle avec ça).
Re: Autoroute
Oui, j'aime bien aussi, jusque là.
C'est assez intrigant, loufoque juste le petit peu qu'il faut pour susciter la curiosité.
L'écriture est neutre mais pas plate, non vraiment, ça passe bien.
C'est assez intrigant, loufoque juste le petit peu qu'il faut pour susciter la curiosité.
L'écriture est neutre mais pas plate, non vraiment, ça passe bien.
Invité- Invité
Re: Autoroute
Hé bien, ma foi, je trouve que ça commence bien. L’humour en filigrane est de bon aloi (comme ici : C’est comme le dernier fil retors qui traîne sur une tenue de cérémonie, on le coupe net, et on sourit béat devant le reflet du miroir : cette fois c’est parfait.)
Invité- Invité
Re: Autoroute
J'aime bien aussi. Un romancier un peu fou et une femme incertaine... de bons ingrédients qui laissent un large champ de possibles...
Invité- Invité
Re: Autoroute
Ces deux personnages me plaisent beaucoup ainsi que ta façon de raconter leur histoire. Ca a un côté très romanesque. Tu nous emmènes avec toi dans leur vie, dans leur monde.
Juste une remarque de forme : dans les dialogues, tu ne peux pas mettre des tirets et des guillemets en même temps.
Juste une remarque de forme : dans les dialogues, tu ne peux pas mettre des tirets et des guillemets en même temps.
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