Exo « 2222 » : Le 22/2/2222 à 22 h 22

- 5, 4, 3, 2 , 1, Top !

A vingt deux heures vingt deux, les clameurs couvrirent le bruit du bouchon.  Armel avait rassemblé ses amis pour sabrer le champagne en l'honneur du 22 février 2222,  date numériquement exceptionnelle, qui, en outre, avait eu le bon goût de tomber un vendredi.

Au même instant retentit la première détonation du feu d'artifice au dessus du petit port de Lampaul-Plouarzel. Les convives se précipitèrent à la fenêtre pour profiter du spectacle. Au large, des bouquets de lumière surgissaient dans la nuit au dessus de Molène et Ouessant.

- Regardez, ils fêtent aussi ça aux îles. Fatima, tu ne regrettes pas d'être venue ?
- Je ne pouvais pas rater l'occasion de fêter l’événement avec mes vieux copains de promo.

Fatima était ingénieure à la centrale marémotrice d'Ouessant. Elle gérait les machines immergées dans le courant du Fromveur. Comme Armel elle faisait partie de cette nouvelle génération, née dans les années 2190 et bien décidée à reconstruire le monde avec le même enthousiasme que les esprits de la Renaissance.

Venus de Brest par la diligence de l'après-midi, leurs amis travaillaient pour la plupart aux chantiers de l'Iroise qui construisait des clippers très performants pour la rénovation de la marine marchande dont tous les bâtiments étaient devenus inutilisables. Le Bugel-Eussa, voilier taxi qui assurait le service Lanildut-Ouessant, et qu'avait emprunté Fatima, sortait de ce chantier à la pointe des nouvelles technologies.

Les transports de jadis, qu'ils soient aériens, terrestres ou maritimes avaient été dévastés par le tarissement définitif des sources d'énergie fossile et le coût dissuasif de ce qu'il restait encore d'uranium. On avait donc remis au goût du jour la traction animale et la navigation à voile.

La diligence Brest-Lampaul n'avait rien à voir avec ses ancêtres cahotantes. Elle était légère, confortable, très roulante et empruntait le bitume abandonné par les défuntes automobiles. Elle était tractée par de vigoureux postiers bretons dont la race avait été encore améliorée grâce aux progrès de la biologie. Elle croisait au passage des calèches ultra-modernes et des bicyclettes en tout genre.

Cette ultime crise de l'énergie n'avait pas profité qu'à Fatima et ses amis. En une décennie, le naufrage de la pêche industrielle avait favorisé le repeuplement des fonds sous-marin.  Aussi performants fussent-ils, les clippers ne pouvaient rivaliser avec feu les portes containers. Les entreprises durent donc relocaliser. L'indice des prix grimpa en flèche mais le nombre de chômeurs diminua de façon spectaculaire.  

- On est déjà le 23/2/2222 ! Comme le temps passe. Il y a un fest-noz-braz à la salle omnisports. On y va ?

Bras dessus bras dessous la petite bande prit la route en chantant à tue tête, et en breton, une chanson paillarde qui, deux cent cinquante plus tôt, contribua à la renommée d'Alan Styvel.

Ha Tizef, quel régal !
Tout d'abord, j'apprécie tout particulièrement le fait que, bien que respectant la contrainte futuriste de l'exo, tu ne nous aies pas créé un monde presque irréel ou trop connoté SF mais qu'au contraire, tu demeures dans ce que nous connaissons avec, certes, le progrès dû aux années qui ont passé.
Nostalgique, moi ? Sans doute un peu, oui et, dès lors, je savoure vraiment ton propos.
Et puis il y a cette ambiance bretonne, ces copains, la mer - surtout la mer - et tout le reste, des ingrégients que tu mêles avec intelligence pour donner un texte agréable et réussi; merci pour ça.

Kenavo Tizef, dis-donc tu es allé vite pour nous pondre ce texte.
J'aime beaucoup la façon dont tu as détourné le concept "futuriste" du sujet pour finalement nous présenter une ambiance très bucolique et désuette, un espèce de tableau provincial à la 1900 en version new age.
Je suis aussi assez impressionné par la qualité de la plume et du style. Donc chapeau.

Et puis pas mécontent qu'Alan Stivell soit encore connu dans 200 ans ! C'est plutôt encourageant !

Fatima est à la pointe dans son secteur, la force marémotrice étant une énergie à exploiter, c'est sûr !
Une vision rassurante, propre à calmer les angoisses des alarmistes spécialistes du catastrophisme.
Une ambiance conviviale et optimiste.
Et je me mêle donc à votre joyeuse troupe. (En plus, j'adore les chansons paillardes).

Je reconnais bien là ta nature résolument optimiste. Du Tizef pur jus.

Merci les amis

Ce petit texte est en effet écolo-utopique et résolument optimiste
A l'opposé du genre qui fait plutôt dans la dystopie

Mais il se fonde sur des réalités

La DCNS, qui construit nos sous-marins s'est diversifiée dans les hydroliennes avec l'ambition d'en devenir le leader mondial. Hollande a visité le chantier lundi à Cherbourg et a pris des engagements.
L'info a été boudée par les médias qui en matière d'écologie préfère causer des manœuvres politiciennes de Madame Duflot.

Des expériences sont en cours sur la relance de la voile (et du cerf volant) pour la marine marchande. La pénurie prévisible des carburants actualisera ces techniques à moyen terme.

Pour les transports en général, il faudra bien encaisser l'assèchement des puits de pétrole. La production d'électricité sera sans doute insuffisante pour assurer la relève. Le projet de carburant vert, sur une planète bientôt surpeuplée et souffrant de manque d'eau relève du crime contre l'humanité.
Perso, je vois plutôt des véhicules mixtes, comme les vélos électriques.

Je cause, je cause, mais lorsque ces nouvelles technologies seront opérationnelles, je serai sous la terre et fantôme sans os, par les ombres myrteux je prendrai mon repos.
Et ça me fait bien ch... car j'aurais bien aimé prendre la diligence Brest-Lampaul
;o))

Optimist (sans e, vérifié sur Wiki), c'est aussi un bateau.
Bien aimé.

Tizef: Chapeau pour arriver à écrire un exercice dont je gage que tu n'avais pas le premier mot ni l'idée lorsque tu as retenu le titre! Si? Un délicieux petit goût de suranné pour un exercice futuriste. Et j'aime l'idée du " naufrage" de la pêche industrielle. Tout cela bien sûr "à tue-tête et en breton"!

obi a écrit: je gage que tu n'avais pas le premier mot ni l'idée lorsque tu as retenu le titre !

Gagné !