HERBE : un brin de mai
+7
Krystelle
Sahkti
Kilis
Zou
mentor
evaetjean
Charles
11 participants
Page 1 sur 1
HERBE : un brin de mai
Tiens, ce doit être celui-ci ! Et hop, récupéré, le brin de chiendent ! Quel vilain nom tout de même … Voyons donc, je me couche juste là, sur l’herbe encore aplanie par le poids de son corps. Ce midi, elle est bien resté allongée presque une heure, un peu plus qu’à l’habitude. Son brin de chiendent au coin des lèvres, elle a presque terminé son roman. Depuis mon banc, je ne vois jamais ce qu’elle lit. Alors, je l’imagine parcourant les mêmes lignes que moi. Aujourd’hui, je lui ai fait découvrir Faulkner. Un léger vent parcourait le vaste parc et le texte résonnait d’une réalité printanière : « Ils frappaient encore un peu, là-bas, dans la prairie. Je me suis dirigé vers le drapeau, le long de la barrière. Il claquait sur l'herbe brillante et sur les arbres. ». Elle a aimé, je crois, puisqu’elle a laissé passer l’heure du retour au travail.
Les actifs repartis vers leurs cages de verres, les oisifs et les oiseaux ont repris possession des lieux. Le temps à nouveau a repris son cours, lent, distendu. Le soleil de mai m’envoie des clins d’œils à travers le feuillage de vieux frêne. Les yeux mi-clos, la torpeur me gagne.
Et je la vois enfant, au bord d’un chemin, sur un vélo ou non, plutôt à pied, avec ses parents … une promenade du dimanche, le même soleil, le père, le même brin d’herbe à la bouche, la mère, sermonnant, par jeu, la petite qui imite papa : « c’est sale ! … les chiens … les renards … » Quelques années plus tard, un soir d’été, sous notre frêne, un homme avec elle, il lui plait … Elle l’aime … Je ne l’aime pas … Ils s’enlacent, s’entremêlent … s’endorment, le brin d’herbe habituel s’échappant quand elle entrouvre sa bouche, lascive. Puis un autre soir, septembre sans soleil, pluie battante sur la prairie, elle court … Elle pleure … Se réfugie trempée sous les grandes branches du patriarche, tombe à genoux, s’étend … Mord la fraîcheur de l’herbe, souffre … Enfin, aujourd’hui, un homme à sa place, il me ressemble, il l’attend … Il somnole … Sans bruit, elle s’approche, le regarde… Elle se baisse … Elle s’allonge, sur lui, se penche vers son visage et délicatement, d’un subtil mouvement des lèvres, récupère le brin de chiendent.
- Excusez moi !
Quesako ! Qui va là ! Un oisif qui parle ? J’ouvre les yeux, mon cœur s’emballe, mon brin d’herbe tente de m‘étouffer.
- J’étais là tout à l’heure et je crois avoir perdu mes clés par ici ! Pourriez vous juste m’aider à les chercher ? me lance t’elle, naturellement …
Ces yeux noirs pétillent et semblent à eux seuls me sourire, rire même peut être du joli tour qu’ils me jouent. Ces longs cheveux, tout aussi sombres, s’agitent dans le vent et chatouillent mon visage. De son sac, dépasse la couverture d’un livre de poche, une fillette à l’air triste en dessous d’un titre en lettre noir : « Le bruit et la fureur ».
Les actifs repartis vers leurs cages de verres, les oisifs et les oiseaux ont repris possession des lieux. Le temps à nouveau a repris son cours, lent, distendu. Le soleil de mai m’envoie des clins d’œils à travers le feuillage de vieux frêne. Les yeux mi-clos, la torpeur me gagne.
Et je la vois enfant, au bord d’un chemin, sur un vélo ou non, plutôt à pied, avec ses parents … une promenade du dimanche, le même soleil, le père, le même brin d’herbe à la bouche, la mère, sermonnant, par jeu, la petite qui imite papa : « c’est sale ! … les chiens … les renards … » Quelques années plus tard, un soir d’été, sous notre frêne, un homme avec elle, il lui plait … Elle l’aime … Je ne l’aime pas … Ils s’enlacent, s’entremêlent … s’endorment, le brin d’herbe habituel s’échappant quand elle entrouvre sa bouche, lascive. Puis un autre soir, septembre sans soleil, pluie battante sur la prairie, elle court … Elle pleure … Se réfugie trempée sous les grandes branches du patriarche, tombe à genoux, s’étend … Mord la fraîcheur de l’herbe, souffre … Enfin, aujourd’hui, un homme à sa place, il me ressemble, il l’attend … Il somnole … Sans bruit, elle s’approche, le regarde… Elle se baisse … Elle s’allonge, sur lui, se penche vers son visage et délicatement, d’un subtil mouvement des lèvres, récupère le brin de chiendent.
- Excusez moi !
Quesako ! Qui va là ! Un oisif qui parle ? J’ouvre les yeux, mon cœur s’emballe, mon brin d’herbe tente de m‘étouffer.
- J’étais là tout à l’heure et je crois avoir perdu mes clés par ici ! Pourriez vous juste m’aider à les chercher ? me lance t’elle, naturellement …
Ces yeux noirs pétillent et semblent à eux seuls me sourire, rire même peut être du joli tour qu’ils me jouent. Ces longs cheveux, tout aussi sombres, s’agitent dans le vent et chatouillent mon visage. De son sac, dépasse la couverture d’un livre de poche, une fillette à l’air triste en dessous d’un titre en lettre noir : « Le bruit et la fureur ».
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 48
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
oooooh que c'est joli, doux. j'ai eu un peu de mal avec le début du paragraphe où il l'imagine enfant... mais la fin est belle mmmmmmmm un régal. En fait règne sur ce texte une impression de douceur, de tendresse,... Bravo et merci de cette agréable sensation à la lecture de ce texte !!
evaetjean- Nombre de messages : 408
Age : 44
Localisation : Entre ici et nulle part...
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
A l'évidence ton texte t'est inspiré du titre cité à la fin, de Faulkner. Je ne l'ai pas lu :-( mais je suis allé voir sur google ce qu'on en disait.
Apparemment il est difficile à résumer et je n'ai pas vraiment pu en capter l'essence.
Donc je dirai juste que j'aime beaucoup ce contraste entre tout le début de ta narration et la violence de ce titre de roman.
L'imagination du narrateur est fertile à reconstituer ainsi toute une vie fictive et riche. Et finir par le face à face, les yeux dans les yeux est très beau.
J'ai bien aimé.
(j'aurais pas dû déjà commenter? Ben! l'aurait pas dû poster si tôt, na) ;-)
Apparemment il est difficile à résumer et je n'ai pas vraiment pu en capter l'essence.
Donc je dirai juste que j'aime beaucoup ce contraste entre tout le début de ta narration et la violence de ce titre de roman.
L'imagination du narrateur est fertile à reconstituer ainsi toute une vie fictive et riche. Et finir par le face à face, les yeux dans les yeux est très beau.
J'ai bien aimé.
(j'aurais pas dû déjà commenter? Ben! l'aurait pas dû poster si tôt, na) ;-)
Re: HERBE : un brin de mai
J'ai du relire Charles car je n'étais pas certaine d'avoir tout bien saisi.
Alors tout s'éclaire. Le brin d'herbe romantique à souhait. Quelques clins d'oeil dans le texte qui m'ont fait sourire. Léger comme une brise printanière.
Alors tout s'éclaire. Le brin d'herbe romantique à souhait. Quelques clins d'oeil dans le texte qui m'ont fait sourire. Léger comme une brise printanière.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
Beau texte Charles!
Je l'aurais arrêté à ... " (...) récupère le chiendent"
Il me semble que le dialogue final enlève un peu au charme.
Je l'aurais arrêté à ... " (...) récupère le chiendent"
Il me semble que le dialogue final enlève un peu au charme.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
Joli texte Charles! Cependant, une remarque tout de même (ben oui!): je trouve que le dialogue casse un peu l'ambiance, c'est dommage. Il aurait fallu trouver autre chose pour faire le lien entre la première partie et puis cette fin, belle et utile, à cause du livre qui dépasse de son sac. J'aurais tout laissé sur le mode narratif.
Sinon, j'aime bien cette ambiance, ce relent de nostalgie, ce sentiment amoureux naissant et puis le parc, l'herbe... réaliste et romantique à la fois.
Sinon, j'aime bien cette ambiance, ce relent de nostalgie, ce sentiment amoureux naissant et puis le parc, l'herbe... réaliste et romantique à la fois.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
Un bon texte Charles. Le thème de départ n'est pas très original mais tu as su l'exploiter avec finesse et poèsie. La parallèle que tu instaures avec Faulkner me plait bien.
Re: HERBE : un brin de mai
Sahkti l'a dit: "NOSTALGIE"...j'adore cette ambiance qui sert un peu le coeur et en même temps apporte un peu de joie et de mélancolie. Une super ambiance et de belles images...
Re: HERBE : un brin de mai
Je me rallie aux avis de Sahkti et Kilis Charles, la partie dialoguée semble inutile, casse l’ambiance instaurée. Dommage parce que ladite ambiance est très bien posée, lascive à souhait. Beau texte tout de même !
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
merci pour vos réactions et commentaires.
après relecture suuplémentaire, effectivement, ça semble meilleur sans le dialogue.
après relecture suuplémentaire, effectivement, ça semble meilleur sans le dialogue.
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 48
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
Oui joli texte qui sent déjà le printemps et la flanerie dans les parcs. Je ne reviendrai pas sur la partie dialoguée. Tout a été dit.. J'ai, par contre, bien aimé la fin du texte, avec ce livre de Faulkner entraperçu. Ambiance bien posée, notamment cette description entre les actifs qui repartent au boulot et les oisfs qui restent rêver dans ce parc.
Nothingman- Nombre de messages : 747
Age : 44
Localisation : diabolo menthe
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: HERBE : un brin de mai
C'est une belle ambiance qui est posée, mais je dois l'avouer je me suis un peu perdue à la première lecture, et en relisant, j'ai mieux compris, sauf que je n'ai pas saisi les références...
J'aime beaucoup cette phrase :
Les actifs repartis vers leurs cages de verres, les oisifs et les oiseaux ont repris possession des lieux.
Et le brin, c'est une jolie image qui traverse le texte, je trouve.
J'aime beaucoup cette phrase :
Les actifs repartis vers leurs cages de verres, les oisifs et les oiseaux ont repris possession des lieux.
Et le brin, c'est une jolie image qui traverse le texte, je trouve.
Re: HERBE : un brin de mai
Lancinant, fragile. La rhétorique autour du brin d'herbe entre les dents est vraiment chouette, ou comment construire un texte avec un seul élément.
C'est du Bon Charles, avec son fado caché , comme là :
C'est du Bon Charles, avec son fado caché , comme là :
.Mord la fraîcheur de l’herbe,
Invité- Invité
Re: HERBE : un brin de mai
"Joli". (Pardon, sur mon clavier les lettres sont presque effacées.)
Invité- Invité
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|