Le Secret
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Le Secret
Le secret
Il y a toujours dans ce genre de bureau un homme avec l’esprit de synthèse – c’est pour ça qu’on l’a choisi, rassembler les idées, les vagues les diffuses les incontournable, les airs du temps et celles qui résistent à l’érosion. Il est là pour pondre, parce que c’est vraiment un travail de poule – et vous pouvez être sûr qu’il le couvera – son cahier des charges.
L’assistant de l’architecte est ce jour-là, ce matin-là – parce qu’il vaut mieux se lever tôt, comprendre ce que signifie l’aube, devant l’œuf : un terrain en forme de quadrilatère allongé d’environ 750 mètres de long (753 exactement), bordé par une rivière et de l’autre côté par une route départementale. Logé dans son étroitesse.
La rivière a 39 kilomètres de long et un bassin versant de 165 kilomètres carrés. Dans les 165 kilomètres carrés on trouve de la farine, des pommes, des paysans, des vaches, des religions, des costumes, de l’histoire, du travail. La route va de P à B, ou de B à P, c’est selon. Elle entre ou elle sort, ce que la rivière comme le temps, ne peut pas faire. La route suit l’animal, puis l’homme, les besoins, la conscience, l’habitude ; le sens c’est selon.
Sur le terrain il y a une friche industrielle, des murs des portails des pans solides des ouvertures éventrées, de la brique ou du béton, de la tôle de la ferraille, des toitures en toits d’usines une cheminée en briques rouges qui disent que, au pied, il y avait un fourneau, de la chaleur, de la sueur aussi. Et tout un peuple avec des mains, des voix, des ordres. Des rires. Des horloges. Du silence.
Une friche, ça veut dire des herbes mauvaises ou folles, c’est selon. Des tas de choses inutiles (sinon on les aurait ramassées). En tas, ou éparpillées. Des effractions, de la poussière, et sous la poussière, sous les tas, entre les herbes, entre les ombres et les rais de lumière, des traces.
Et toujours, l’assistant de l’architecte, il entend des voix. Des hommes, des femmes, c’est selon. Les voix disent que c’est un secret. L’assistant de l’architecte sait que quand viendra l’architecte - un jour un mois mais plus tard, tout devra n’être plus ce qui a été, entre la rivière et la D 184, dans son espace contraint, dans son cahier des charges. L’assistant sait aussi que c’est tout un métier de le dire sans le dire, que c’est tout un art d’oublier sans oublier, de ne pas le dire sans le taire, d’être vivant mais en secret.
Il y a toujours dans ce genre de bureau un homme avec l’esprit de synthèse – c’est pour ça qu’on l’a choisi, rassembler les idées, les vagues les diffuses les incontournable, les airs du temps et celles qui résistent à l’érosion. Il est là pour pondre, parce que c’est vraiment un travail de poule – et vous pouvez être sûr qu’il le couvera – son cahier des charges.
L’assistant de l’architecte est ce jour-là, ce matin-là – parce qu’il vaut mieux se lever tôt, comprendre ce que signifie l’aube, devant l’œuf : un terrain en forme de quadrilatère allongé d’environ 750 mètres de long (753 exactement), bordé par une rivière et de l’autre côté par une route départementale. Logé dans son étroitesse.
La rivière a 39 kilomètres de long et un bassin versant de 165 kilomètres carrés. Dans les 165 kilomètres carrés on trouve de la farine, des pommes, des paysans, des vaches, des religions, des costumes, de l’histoire, du travail. La route va de P à B, ou de B à P, c’est selon. Elle entre ou elle sort, ce que la rivière comme le temps, ne peut pas faire. La route suit l’animal, puis l’homme, les besoins, la conscience, l’habitude ; le sens c’est selon.
Sur le terrain il y a une friche industrielle, des murs des portails des pans solides des ouvertures éventrées, de la brique ou du béton, de la tôle de la ferraille, des toitures en toits d’usines une cheminée en briques rouges qui disent que, au pied, il y avait un fourneau, de la chaleur, de la sueur aussi. Et tout un peuple avec des mains, des voix, des ordres. Des rires. Des horloges. Du silence.
Une friche, ça veut dire des herbes mauvaises ou folles, c’est selon. Des tas de choses inutiles (sinon on les aurait ramassées). En tas, ou éparpillées. Des effractions, de la poussière, et sous la poussière, sous les tas, entre les herbes, entre les ombres et les rais de lumière, des traces.
Et toujours, l’assistant de l’architecte, il entend des voix. Des hommes, des femmes, c’est selon. Les voix disent que c’est un secret. L’assistant de l’architecte sait que quand viendra l’architecte - un jour un mois mais plus tard, tout devra n’être plus ce qui a été, entre la rivière et la D 184, dans son espace contraint, dans son cahier des charges. L’assistant sait aussi que c’est tout un métier de le dire sans le dire, que c’est tout un art d’oublier sans oublier, de ne pas le dire sans le taire, d’être vivant mais en secret.
'toM- Nombre de messages : 289
Age : 69
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le Secret
Bonjour 'Tom,
je vous lis et vous demande s'il n'y a pas un souci dans la première phrase :
[quote=]" ...rassembler les idées, les vagues les diffuses les incontournable, les airs du temps et celles qui résistent à l’érosion"[/quote]
un souci de virgules manquantes ou de pluriel manquant.
C'est un peu l'impression que j'ai de tout le texte, concernant la ponctuation. Il y en aurait trop ou trop peu.
Je passe relire demain, vous dire tout ce que j'ai beaucoup aimé en dehors de ce souci.
Éclaircie
je vous lis et vous demande s'il n'y a pas un souci dans la première phrase :
[quote=]" ...rassembler les idées, les vagues les diffuses les incontournable, les airs du temps et celles qui résistent à l’érosion"[/quote]
un souci de virgules manquantes ou de pluriel manquant.
C'est un peu l'impression que j'ai de tout le texte, concernant la ponctuation. Il y en aurait trop ou trop peu.
Je passe relire demain, vous dire tout ce que j'ai beaucoup aimé en dehors de ce souci.
Éclaircie
Re: Le Secret
Je comprends. Mais la ponctuation est adaptée à ma lecture du texte à haute voix.
Avec les accélérations, les ralentissements, les incises et tout et tout.
Je l'ai égoïstement laissée telle que ...
Avec les accélérations, les ralentissements, les incises et tout et tout.
Je l'ai égoïstement laissée telle que ...
'toM- Nombre de messages : 289
Age : 69
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le Secret
Alors, je le prends comme tel, sans peut-être le lire comme vous le récitez...
J'apprécie beaucoup l'idée générale, le décalage entre le sérieux de ce cabinet d'architecte et la nature indomptée, le côté animal et donc nature de cet assistant. De même que l'évocation de la hiérarchie, de la distance entre l'être social et l'être primitif.
Un texte que j'aime beaucoup, si je fais abstraction des éléments déjà évoqués.
J'apprécie beaucoup l'idée générale, le décalage entre le sérieux de ce cabinet d'architecte et la nature indomptée, le côté animal et donc nature de cet assistant. De même que l'évocation de la hiérarchie, de la distance entre l'être social et l'être primitif.
Un texte que j'aime beaucoup, si je fais abstraction des éléments déjà évoqués.
Re: Le Secret
Merci. Ça reste un travail d'atelier, donc rapide et sans préméditation. Je ne me souviens plus de la consigne, je crois quelque chose qui rattache à une endroit et une histoire, au passé. Mais quoique répondant à une proposition, et dans le cadre d'un atelier, avec 20 ou 30 minutes devant soi, je pense qu'on met toujours un peu de soi dans l'écriture, on ne peut pas complètement se détacher, ou se cacher derrière un savoir-faire.
Incidemment j'ai vu que vous aviez des attaches sud-ardéchoises. Si ça se trouve on a du se rencontrer au marché de Joyeuse ou des Vans, dans une autre vie. Sans parler de l'auberge de Laurac où il fallait enjamber le chien pour entrer manger. Dieu que c'est loin...
Incidemment j'ai vu que vous aviez des attaches sud-ardéchoises. Si ça se trouve on a du se rencontrer au marché de Joyeuse ou des Vans, dans une autre vie. Sans parler de l'auberge de Laurac où il fallait enjamber le chien pour entrer manger. Dieu que c'est loin...
'toM- Nombre de messages : 289
Age : 69
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le Secret
'Tom
J'allais au marché de Largentière alors oui ! qui sait ? Et on ne mangeait jamais au resto, pas de sous.(de 1956 à 1960 et quelques Mais non c'est pas loin..une soixantainee d'années ? Quand il nous en reste le double à vivre....L'avantage de ces échanges, c'est que tant de souvenirs ressurgissent. Ensuite Ardèche de 1996 à 2001, plus proche, c'était moi la maman et on campait à Largentière, quand auparavant, on logeait chez l'arrière grand-mère...
Dommage l'oubli des consignes, j'aurai bien tenté l'exercice.
Et c'était hyper bien les exos en direct, ici, avant...
Où l'atelier d'écriture ?
J'allais au marché de Largentière alors oui ! qui sait ? Et on ne mangeait jamais au resto, pas de sous.(de 1956 à 1960 et quelques Mais non c'est pas loin..une soixantainee d'années ? Quand il nous en reste le double à vivre....L'avantage de ces échanges, c'est que tant de souvenirs ressurgissent. Ensuite Ardèche de 1996 à 2001, plus proche, c'était moi la maman et on campait à Largentière, quand auparavant, on logeait chez l'arrière grand-mère...
Dommage l'oubli des consignes, j'aurai bien tenté l'exercice.
Et c'était hyper bien les exos en direct, ici, avant...
Où l'atelier d'écriture ?
Re: Le Secret
Moi j'ai beaucoup aimé cet assistant d'architecte qui, devant la carte et le territoire, prend conscience de tout ce qu'a charrié le temps, comme un palimpseste, avant l'effacement.
Re: Le Secret
Ce n'était pas le sujet, mais je pense qu'il y a bien des gens qui vivent leur travail avec cette ambivalence. Il doit d'ailleurs avoir des mots plus forts, plus durs.
Ici -le lieu existe-, il y aurait l'idée de chercher à ne pas faire table rase. Ce serait si simple. Et probablement ça le sera.
Quand je dis chercher c'est vraiment chercher, fouiller, soulever.
J'ai comme de la sympathie pour les piles d'objets inutilisables. Mais quelqu'un les a laissés là. Il ne les a pas jetés, détruits.
Éclaircie : l'atelier est à Pont-Aven, 4 week-ends par an. Animé par Laurence Vilaine. Laurence parle de consignes, mais je les vois comme des prétextes, des clôtures à sauter. Un ami préfère "les propositions d'écriture", mais ça, à mon avis c'est beaucoup plus strict !
Je crois que je n'étais jamais allé dans la rubrique Exercices, ou un peu comme on regarde la météo ou l'horoscope.
Mais ça ne doit pas être bien sorcier à essayer de...
Ici -le lieu existe-, il y aurait l'idée de chercher à ne pas faire table rase. Ce serait si simple. Et probablement ça le sera.
Quand je dis chercher c'est vraiment chercher, fouiller, soulever.
J'ai comme de la sympathie pour les piles d'objets inutilisables. Mais quelqu'un les a laissés là. Il ne les a pas jetés, détruits.
Éclaircie : l'atelier est à Pont-Aven, 4 week-ends par an. Animé par Laurence Vilaine. Laurence parle de consignes, mais je les vois comme des prétextes, des clôtures à sauter. Un ami préfère "les propositions d'écriture", mais ça, à mon avis c'est beaucoup plus strict !
Je crois que je n'étais jamais allé dans la rubrique Exercices, ou un peu comme on regarde la météo ou l'horoscope.
Mais ça ne doit pas être bien sorcier à essayer de...
'toM- Nombre de messages : 289
Age : 69
Date d'inscription : 10/07/2014
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