LOISEAU live : Loiseau contre Lady Namite

Toutes mes excuses pour le titre. ;-)


Petit rappel donc:

INTRIGUE
Fred Loiseau est sollicité par son copain, le patron-bistrotier du "Trompe l'Oeil", qui a reçu des lettres anonymes menaçant de faire sauter son troquet.

CONTRAINTES
1. Wanda est clouée au lit mais aide Loiseau en hotline.

2. Il sera fortement question de soldes, ceux du commerce ;-)

3. Placer le dicton "A bon chat bon rat".

PERSONNAGE SECONDAIRE :
Un Jamaïcain camé jusqu'aux yeux, ancien recordman du monde du 100m

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- Tu peux m’appeler à n’importe quelle heure, oui, mais pour de bonnes raisons, j’ai dit. Clair que j’aurais dû te coller la liste des « bonnes raisons » à la boutonnière, histoire que tu révises en allant pisser !
- Wanda, je t’aime douce, je t’aime parfumée, je t’aime croissant du dimanche, mais quand tu joues au dictateur, tu perds ton sex-appeal.
- Me semblait pas que c’était pour lui que tu téléphonais, de toute façon.
- Fort juste, Miss Double U. Alors, tu me fileras un coup de main ? C’est une question d’humanité.
- …
- Oui ?
- Tu fais dans l’humain, toi, maintenant ?
- Y a du monde au « Trompe l’Oeil », tu sais que j’aime les rencontres et l’échange social. Imagine un peu qu’il ferme ou disparaisse ? Quel drame pour le bien-être moral du quartier ! Et puis, ça me rendrait insupportable…
- J’ai peur, mon agneau.
Loiseau savait que Wanda aimait frôler les limites de l’exaspération et après quelques coups de ciseau séducteur, il finit par l’avoir dans la poche. Besoin d’elle, il avait. Comme souvent. Depuis que Roger lui avait sorti ses lettres de Corbeau de dessous le comptoir, Loiseau s’était bien rendu compte qu’il lui faudrait un indic parmi les clientes du « Beau Regard », salon de coiffure et d’esthétique. Parce que Roger, patron du « Trompe l’œil » et ami s’il en est, avait le trouble obsessionnel d’y chercher ses maîtresses par pur souci de poésie, rien qu’à cause du nom « Beau Regard ». Alors pour ce qui est de la jalousie criminelle, un mari, ex-amante ou cliente encore non sélectionnée pour les ébats dominicaux, ça pouvait faire un suspect de choix.
Wanda lui promit, en jurant, râlant et bafouillant, qu’elle ferait de son mieux pour les recherches à distance, toute coincée dans son lit qu’elle était, apparemment par un vilain mal de dos (mais Loiseau la soupçonnait de mentir sur son vrai problème, puisqu’elle refusait de lui ouvrir la porte et l’avait remballé pour au moins cinq jours).
- Réfléchis bien à comment me remercier ensuite, Fred de mon cœur. Parce qu’elles seront probablement toutes soit désespérées d’avoir dépensé tout leur argent aux soldes, soit surexcitées d’y aller avec leur copine-qu’elles-n’ont-plus-vue-depuis-l’été-dernier, soit au régime parce qu’elles n’ont pas trouvé leur taille. Alors, s’il-te-plaît, mesure l’effort. Et n’oublie pas que je t’enverrai ma facture de téléphone !
Sur quoi elle raccrocha.

**

Le jour où Roger lui avait pour la première fois parlé des lettres anonymes qu’il recevait depuis quelques temps, Loiseau n’était pas vraiment dans un état réceptif. Il avait pris deux semaines de vacances pour la première fois depuis longtemps et sa machine à café avait rendu l’âme dans un soubresaut dramatique et dégoulinant. Un café, fort, était sa seule préoccupation. Ca et les sourcils mal soulignés au crayon de sa voisine de zinc. Une rousse un peu mais joliment flétrie qui, certainement, parlait ukrainien et mangeait des amandes grillées quand elle s’ennuyait. Il l’aurait sûrement aimée si son regard lui avait donné autant d’énergie que le café de Roger. Mais là, il fallait choisir.
- Fais-le fort, fais-le intense, Roger. J’ai besoin d’un réveil épicé.
Roger renversa un peu de café en le posant devant lui et c’est là que Loiseau avait commencé à soupçonner une inquiétude supérieure à des soucis digestifs chez son vieux compagnon de route. Pas un cancer, quand même ?
- Roger, dis-moi, tu vas bien ?
Ca ne lui arrivait pas souvent de prendre de ses nouvelles et Roger sembla surpris.
- Pas trop, Fred. D’ailleurs, j’aurais sans doute besoin de toi.
Et là, ce fut l’autre moment. Celui où il avait regretté d’avoir posé la question. Imaginant déjà que Roger allait lui demander de retrouver un fils non reconnu pour le mettre sur son testament, il grimaça intérieurement.
- Lis ça, tu veux ?
« Cher Monsieur R., tu te sens fiert? Dans la cabine de douche qui te sert de bistrot, tu cligne de l’œil aux moches et aux bimbos, mais sois sûr que tu ne trompes personne ! Reste atentif et… Gare aux feux d’arttifices, mon beau papy ! »
- Y en a eu d’autres ?
- Oui, quatre mais je ne les ai pas gardées.
- Dommage. Et on te demandait quelque chose, de l’argent, ou bien ?
- Euh non… Tu crois qu’on veut faire sauter mon troquet, Fred ?
- Pas sûr, hein. Je m’en ferais pas trop si j’étais toi. Ca sent juste le règlement de compte amoureux, ça, mon p’tit Roger ! T’as eu des copines pas très douées en orthographe ou leur mari?
Roger avait pris un air gêné mais n’avait pas nié longtemps. Sauf qu’évidemment, de piste il n’en avait pas. Ou plutôt, il en avait trop. Quelques dettes aussi, quelques secrets peut-être, mais il ne se sentait pas encore assez menacé, sans doute, pour les faire passer de l’inavouable à l’avouable. Et Loiseau dut se contenter de ce qu’il avait, donc : rien.
Et là, ce fut le troisième moment. Celui où il se rappela qu’il était en vacances et n’avait vraiment, mais vraiment pas envie de bosser. Celui où il se dit, en voyant la tête de Roger, qu’il ne pouvait pourtant pas le planter comme ça. Celui où, du coup, il pensa à Wanda.

**

- Je sais pas, Fred. Liliane pense que Roger est devenu impuissant et est persuadée qu’il l’a quittée pour l’épargner. Marie-Blanche nie en bloc même si tout le monde sait que c’est pour elle qu’il avait laissé tomber la grande brune aux affreux tailleurs pied-de-poule (Douchka, tu vois qui ?) mais je pense que tu peux l’éliminer des suspects : elle est bien contente, je crois, de s’être débarrassée de lui. Le mari de Rosa a pris ses jambes à son cou depuis qu’elle s’est mise à la pratique de la réflexologie capillaire (me demande pas ce que c’est sauf qu’elle repeint tout avec mauvais goût, pareil pour ses cheveux) et a voulu le forcer à placer des implants pour combler sa calvitie. Je crois qu’il embrasserait bien Roger plutôt que le menacer. Je sais pas très bien avec qui il passe ses moments coquins, là. La dernière, s’il y en a une, a plus le sens de la discrétion que les autres, apparemment. Roger ne t’a rien dit, à toi ?
- Non, il a déjà été plus causant. Trouille ou embarras, je sais pas.
- Ben retourne lui demander !
- Wanda, je ralentis le tempo, suis en vacances, j’ai les pieds qui ont besoin d’être aérés et les orteils de regarder la télé au moins quatre fois par jour, je mange équilibré (enfin, tu vois), et en plus je partage avec Perfide qui est même pas foutu d’apprécier parce qu’il en met plein à côté de sa gamelle. J’irai plus tard, demain, ou après, on verra.
- Si j’étais toi, mon Loup, j’irais plus tôt. Avant que je ne m’aperçoive, dans ma lumineuse subtilité, que tu me fais bosser à ta place.
Et du coup, il y était retourné. Après tout, c’était mardi et Roger proposait des chicons au gratin en plat du jour.
Le chicon : un légume plein d’humilité.

**

Au « Trompe l’œil », ce n’était pas le plat du jour qui faisait fureur, mais surtout les discussions qu’il alimentait. Et pour ça, c’était un plat consistant. Comme si c’était un prétexte pour les gens (toujours les mêmes) d’exprimer les trop, les pas assez, de s’exclamer, de geindre, de rire ou de prendre simplement leur pied avec la sauce béchamel que préparait Silé, le cuisinier jamaïcain que traînait Roger depuis deux ans. Désastre ou furieux délice, l’état de cette sauce béchamel dépendait avant tout de l’état de conscience du cuisinier, accro aux substances psychotropes depuis sa déchéance sportive. Ancien recordman du monde du 100 mètres (enfin, c’est ce qu’il disait et il ne se rappelait jamais trop de l’année ni de la durée pendant laquelle il avait détenu ce record, en fait, on ne savait même pas du 100 mètres de quoi), un peu hypomane (on dit ça pour les maniaco-dépressifs qui sont faiblement maniaco-dépressifs), allergique aux œufs (allergie qui lui aurait fait perdre son record, l’œuf étant pour lui l’adversaire suprême, avec lequel il entrait régulièrement en bataille espérant un jour le vaincre : une fois par mois, il s’empiffrait d’une omelette aux champignons après avoir clamé bien haut « A bon chat, bon rat ! », mais finissait toujours perdant) et amoureux des cuillers en argent, Silé plaisait bien à Loiseau. Et parfois, sa béchamel aussi.
Ce jour-là, c’était un bon jour. Loiseau fit un signe à Silé qui faisait la causette à l’ukrainienne rousse de l’autre jour. Elle avait rectifié son maquillage et ses yeux brillaient, cette fois. Loiseau sentit un petit soubresaut, une envie indéniable parce que là, il n’avait plus besoin de choisir entre elle et le café. En forme, il l’était. Et prêt à faire sa connaissance avant d’aller poser ses questions à Roger. Même si elle était habillée bizarrement, pas sexy. Y avait un truc.
Il se leva, la regarda rire et ne s’étonna pas non plus que Silé soit parvenu à cet effet, il avait le don de faire rire les filles. Sauf qu’il les faisait rarement rire sans objectif et que ça corsait la mission faisons-connaissance, genre « Est-ce que vous avez aimé la béchamel ? ».
Mais le jamaïcain psychotropé s’approcha de lui justement :
- Hé, Fred, t’as aimé ma sauce ?
- Ouais, c’était de la bonne, blanche et douce comme un sein de fille.
- Alléluia !
- Ta nouvelle copine ?
- Oh ? Lucja ? Non ! Mais je crois bien, entre nous, que c’est celle du patron !
Et le cuisinier fila en lançant un sourire blanc béchamel.
Frustré et furieux, Loiseau choisit le plan B : les questions et puis la fille. Roger, la mine rose et plutôt joyeuse, essuyait des verres en sifflotant, pas tellement curieux de savoir où Loiseau en était de ses recherches.
- La forme, Roger ?
- Oh, ben ça va, et toi, Fred ? L’air crevé…
Moment de mentir.
- Oui, je planche toutes les nuits sur ton affaire de lettre anonyme.
- Ah oui, c’est vrai. Merci, hein.
- Tu en as reçu d’autres ?
- Ben non. Plus rien depuis plusieurs jours…
- Ah bon. Et tout va bien dans la vie ? Du neuf ?
- Euh… tu vois la petite rouquine, là ? Elle s’appelle Lucja, elle est polonaise et divorcée. Enfin, à ce qu’elle m’a dit. Ben… j’ai fait un écart, Fred, c’en est fini du « Beau Regard », crois-moi !
Roger avait l’air niais et ça agaça Loiseau.
- J’avais pas compris tout de suite que je lui plaisais mais… un jour elle est restée pour la fermeture, elle m’a bien fait passer le message ! Oh mon gars, de la dynamite ! A nous deux, on aurait bien fait exploser le Trompe l’œil !
Y avait comme un air de déjà vu dans le regard de Roger. Un air qu’il ne voulait pas gâcher, malgré les clichés qu’il énonçait pour parler de la fille. Même si Loiseau était frustré. Un peu. Beaucoup, oui.
Et puis, d’un coup, la lumière se fit, et il se dit qu’elle avait dû être si forte qu’elle lui avait mangé les yeux. Sourire :
- Content pour toi, mon Roger. Demande-lui quand même d’écrire « feu d’artifices » un de ces quatre !
Il fallait qu’il raconte ça à Wanda et, cette fois, pas au téléphone.

Ah ! Blue a posté son Loiseau.

Me le réserve pour demain. Aujourd'hui, j'ai trop lu. Oui, vous avez bien lu !

ah ben au moins, c'est emballé - plié sans soucis! et ce pauvre Loiseau qui mène l'enquête pour rien au final... ahlala, finira-t-il par devenir LE grand détective qu'il souhaite devenir? car pour l'instant, il est plus poireau qu'Hercule. peut-être une reconversion dans la poésie ou le roman à l'eau de rose, histoire de remuer sa plume?

joli. Une tranche de loiseau à la bechamel blue.
Truffé de pépites, onctueux...
Et même si une ou deux tournures pourraient être allégées, la ponctuation revue pour donner du lien...
Les personnages sont forts, crédibles; les dialogues bien foutus.
C'est un régal qui tient au ventre.
Je reprendrais bien un peu de rab.

Blue
Ah les chicons ! (les Belges savent pourquoi !)
Beaucoup d’inventivité, de finesse dans ta langue.
La dimension des phrases m’a parfois surprise. Tu passes du bref et succinct au très, très long, la description du Jamaïcain, par exemple. Mais pourquoi pas ? Cette façon ne manque pas d’originalité.
Une lecture très agréable, Belle Bleue.

Je me familiarise doucement avec Loiseau et celui-ci me plaît énormément. J'aime beaucoup cette espèce de légèreté, de dérision, une lecture qui fait du bien !

J'ai des réserves quant au style Yoda, qui par moment émaille le récit. mais je viens de passer là, un bon moment.
Un bon moment, j'ai passé là :-)))

Merci pour vos mots! :-)
Clair que ça aurait mérité relecture et retravail mais je n'y ai pas consacré le temps nécessaire, non plus. :-) Mais je prends note.

pas mal du tout Blue, je me demandais bien ce que mes contraintes à la c** pourraient inspirer à l'heureux bénéficiaire d'icelles
ben ma foi, c'est du bon boulot
avec rien tu as ficelé un truc qui tient la route, qui fait sourire, qui respecte notre Loiseau et son environnement
oui, tout y est, le style Blue en sus
merci ;-)

sympa cet épisode ! j'aurais juré que le patron du tromp'l'oeil s'appellait Hassan mais bon ...

j'aime bien le cuisinier jamaïcain, il mériterait de figurer dans un autre épisode ...