C'est la fête des voisins !
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mentor
lemon a
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C'est la fête des voisins !
Au secours !
A l'heure où j'écris ces lignes la nouvelle du dessus, celle du dernier étage, organise une fête des voisins chez elle. Elle vient de frapper à ma porte, accompagnée par son petit ami, dans l'intention de m'inviter. Les boules ! Apparemment elle compte investir dans la relation de proximité. C'était la première fois, en tous les cas, que je voyais sa gueule et, disons, son allure générale. Mais peut-être, en fait, que nous nous étions déjà croisés dans une rue ou chez un commerçant du quartier, peut être que ma conscience, soucieuse de la beauté du monde, m'en épargnait le souvenir. Car malheureusement cette fille ressemble à une grosse dinde : rougeaude, grasse et mal proportionnée, gloussante, habillée d'un assemblage de tissus informes, nappes et serviettes de cuisine, rideaux de douche, tapis de salle de bains ; le genre à organiser des fêtes de voisins où personne, sauf les piques assiettes et les mongols, n'aurait envie d'être convié.
«C'est la fête des voisins» a-t-elle annoncé quand j'ai ouvert la porte. Elle a formulé ça comme ça, directement, sans prendre la peine de se présenter avant. "C'est la nouvelle voisine du dessus" a-t-elle simplement précisé. Fais chier la fête des voisins ! J'ai inventé que je sortais en ville, mais elle a insisté, avec son homme en arrière plan, son supporter, sa potiche, pour que je passe au moins prendre l'apéro. Limite j'angoisse. Je me sens complètement asocial là, en ce moment. Je ne veux pas connaître mes voisins. Et d'ailleurs je suis contre par principe. J'aspire à demeurer paisible dans mon antre, à m'oxygéner ou m'asphyxier comme bon me semble. Alors, à moins d'être roulée-bonnasses de tous les diables, mes voisins n'existent pas.
Une fête des voisins augure la poudre et l'embuscade, figure la pointe émergée de l'enfer, l'amorce du suicide. Ah ça, je n'y mettrai pas les pieds. Et cette grosse dinde de prêcher l'imparable, le grand classique de genre : «vu que nous vivons tous au même endroit, (en l'occurrence un immeuble étroit de quatre étages, avec juste un petit appartement par palier et une unique boite aux lettres commune), vu que nous vivons tous au même endroit donc, autant faire connaissance quoi ! Normal quoi ! Bon esprit quoi !. Alors, pour m'en débarrasser j'ai répondu «ok, à toute à l'heure» Pffff. J'aurai dû, plutôt, balancer une refoule bien définitive : «excusez moi mais, je viens de me faire un gros trait d'héro là, et je ne me sens pas très en forme je crois que je vais rester un peu allongé» ou alors quelque chose comme «ah non non, pour moi les voisins c'est bonjour bonsoir et chacun chez soi alors voilà quoi : bonsoir !». Eh bien non, au contraire, j'ai lâchement accepté l'invitation que, la prochaine fois, je m'excuserai de ne point avoir honoré.
Parce que je vais la recroiser la voisine et elle saura que j'ai souillé son intention et je saurai qu'elle le saura et donc, à force de courant d'air plombé et de mauvaise réciprocité karmique on risque de s'enfoncer dans un marais rempli de bêtes gluantes. Elle aura fait le premier pas pour briser la glace, elle aura acheté deux bouteilles d'alcool et un paquet de cacahouètes, elle aura été une bonne personne, ouverte sur les autres, civile, louable et charitable. Et moi je lui aurai mis un vent facile. J'aurai été le mec petit, antipathique, vil et mesquin. Le mec qu'on mériterait de montrer du doigt et de regarder de travers. Quelle pitié ! Non mais j'vous jure ! Mais merde, mais qu'est-ce qu'elle a eu besoin d'organiser une fête des voisins cette salope ?
A l'heure où j'écris ces lignes la nouvelle du dessus, celle du dernier étage, organise une fête des voisins chez elle. Elle vient de frapper à ma porte, accompagnée par son petit ami, dans l'intention de m'inviter. Les boules ! Apparemment elle compte investir dans la relation de proximité. C'était la première fois, en tous les cas, que je voyais sa gueule et, disons, son allure générale. Mais peut-être, en fait, que nous nous étions déjà croisés dans une rue ou chez un commerçant du quartier, peut être que ma conscience, soucieuse de la beauté du monde, m'en épargnait le souvenir. Car malheureusement cette fille ressemble à une grosse dinde : rougeaude, grasse et mal proportionnée, gloussante, habillée d'un assemblage de tissus informes, nappes et serviettes de cuisine, rideaux de douche, tapis de salle de bains ; le genre à organiser des fêtes de voisins où personne, sauf les piques assiettes et les mongols, n'aurait envie d'être convié.
«C'est la fête des voisins» a-t-elle annoncé quand j'ai ouvert la porte. Elle a formulé ça comme ça, directement, sans prendre la peine de se présenter avant. "C'est la nouvelle voisine du dessus" a-t-elle simplement précisé. Fais chier la fête des voisins ! J'ai inventé que je sortais en ville, mais elle a insisté, avec son homme en arrière plan, son supporter, sa potiche, pour que je passe au moins prendre l'apéro. Limite j'angoisse. Je me sens complètement asocial là, en ce moment. Je ne veux pas connaître mes voisins. Et d'ailleurs je suis contre par principe. J'aspire à demeurer paisible dans mon antre, à m'oxygéner ou m'asphyxier comme bon me semble. Alors, à moins d'être roulée-bonnasses de tous les diables, mes voisins n'existent pas.
Une fête des voisins augure la poudre et l'embuscade, figure la pointe émergée de l'enfer, l'amorce du suicide. Ah ça, je n'y mettrai pas les pieds. Et cette grosse dinde de prêcher l'imparable, le grand classique de genre : «vu que nous vivons tous au même endroit, (en l'occurrence un immeuble étroit de quatre étages, avec juste un petit appartement par palier et une unique boite aux lettres commune), vu que nous vivons tous au même endroit donc, autant faire connaissance quoi ! Normal quoi ! Bon esprit quoi !. Alors, pour m'en débarrasser j'ai répondu «ok, à toute à l'heure» Pffff. J'aurai dû, plutôt, balancer une refoule bien définitive : «excusez moi mais, je viens de me faire un gros trait d'héro là, et je ne me sens pas très en forme je crois que je vais rester un peu allongé» ou alors quelque chose comme «ah non non, pour moi les voisins c'est bonjour bonsoir et chacun chez soi alors voilà quoi : bonsoir !». Eh bien non, au contraire, j'ai lâchement accepté l'invitation que, la prochaine fois, je m'excuserai de ne point avoir honoré.
Parce que je vais la recroiser la voisine et elle saura que j'ai souillé son intention et je saurai qu'elle le saura et donc, à force de courant d'air plombé et de mauvaise réciprocité karmique on risque de s'enfoncer dans un marais rempli de bêtes gluantes. Elle aura fait le premier pas pour briser la glace, elle aura acheté deux bouteilles d'alcool et un paquet de cacahouètes, elle aura été une bonne personne, ouverte sur les autres, civile, louable et charitable. Et moi je lui aurai mis un vent facile. J'aurai été le mec petit, antipathique, vil et mesquin. Le mec qu'on mériterait de montrer du doigt et de regarder de travers. Quelle pitié ! Non mais j'vous jure ! Mais merde, mais qu'est-ce qu'elle a eu besoin d'organiser une fête des voisins cette salope ?
Re: C'est la fête des voisins !
Alors là, comment que je suis d'accord ! Vous avez ma bénédiction pour lui envoyer un paquet de merde lâche et anonyme sur la tête, à cette salope bien-pensante, quand elle quittera l'immeuble. ;-)
Ceci en particulier, j'adore : "peut être que ma conscience, soucieuse de la beauté du monde, m'en épargnait le souvenir."
Ceci en particulier, j'adore : "peut être que ma conscience, soucieuse de la beauté du monde, m'en épargnait le souvenir."
Invité- Invité
Re: C'est la fête des voisins !
Suis tout à fait d'accord sur le fond, et j'aime que tu exprimes tes "réserves" haut et fort, que tu dénonces cet esprit de pseudo copinage, d'entraide à la noix et j'en passe, tout ça parce qu'on s'entasse sous le même toit ou dans la même rue. Là où je suis moins d'accord, c'est sur le "salope" finale qui sonne un peu gratuit à mes oreilles.
et des pique-assiette ainsi, invariable.
il me semble qu'on dirait "accompagnée de"Elle vient de frapper à ma porte, accompagnée par son petit ami,
et des pique-assiette ainsi, invariable.
Invité- Invité
Re: C'est la fête des voisins !
c'est marrant comme ce texte est pris au pied de la lettre et qu'on attribue à son auteur les pensées du narrateur.
Pourquoi ? Parce que c'est un sujet d'actualité, qui peut toucher tout le monde, qui titille chacun et que de voir un tel pamphlet soulage de ne pas avoir à l'écrire soi-même ?
sujet intéressant en tout cas, n'est-ce pas Evanescent ? ;-)
Pourquoi ? Parce que c'est un sujet d'actualité, qui peut toucher tout le monde, qui titille chacun et que de voir un tel pamphlet soulage de ne pas avoir à l'écrire soi-même ?
sujet intéressant en tout cas, n'est-ce pas Evanescent ? ;-)
Re: C'est la fête des voisins !
Moi je trouve ça amusant. J'aime beaucoup les textes qui traitent des petites anecdotes de la vie. Le style me fait penser à Houellebecq. J'ai pris du plaisir à te lire, merci, et bon courage pour la suite.
Sergei- Nombre de messages : 315
Age : 109
Date d'inscription : 22/09/2008
Re: C'est la fête des voisins !
Pas faux ! :-))mentor a écrit:c'est marrant comme ce texte est pris au pied de la lettre et qu'on attribue à son auteur les pensées du narrateur.
Pourquoi ? Parce que c'est un sujet d'actualité, qui peut toucher tout le monde, qui titille chacun et que de voir un tel pamphlet soulage de ne pas avoir à l'écrire soi-même ?
C'est autobio, Lemon ?
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: C'est la fête des voisins !
Un texte qui sonne tellement vrai ! Je m'imaginai déjà cette grosse hypocrite avec son ton mielleux et ses gloussements stupides... Un grand bravo, c'est bien aussi de dire les choses clairement dans un monde de mesquinerie et de coup-bas par derrière !
Re: C'est la fête des voisins !
Très marrant ! Fluide, cru et direct, ça se lit comme on boit du lait, fut-il petit.
Je n'ai jamais été invité à ce genre de manifestation mais je crois déceler à chaque ligne les relents sulfuriques de sa réalité. Force m'est d'en être désormais convaincu : tout cela est le récit fidèle et poignant d'une expérience réelle, douloureusement vécue par l'auteur qui n'a de vil et mesquin que l'art d'écrire tout haut ce dont nous nous plaindrions tout bas.
Bravo, encore un texte amusant qui dépeint ce genre de situation presque absurde où il devient impossible d'agir en fonction de soi sans risquer de se mettre à dos les autres (ceux qui auront cédé...)
Encore !
Je n'ai jamais été invité à ce genre de manifestation mais je crois déceler à chaque ligne les relents sulfuriques de sa réalité. Force m'est d'en être désormais convaincu : tout cela est le récit fidèle et poignant d'une expérience réelle, douloureusement vécue par l'auteur qui n'a de vil et mesquin que l'art d'écrire tout haut ce dont nous nous plaindrions tout bas.
Bravo, encore un texte amusant qui dépeint ce genre de situation presque absurde où il devient impossible d'agir en fonction de soi sans risquer de se mettre à dos les autres (ceux qui auront cédé...)
Encore !
Lonely- Nombre de messages : 140
Age : 48
Localisation : Perpilliéraine et montpignanaise.
Date d'inscription : 14/01/2009
Re: C'est la fête des voisins !
Aha mais oui c'est bien réel. Et même écrit une heure après qu'elle ait frappé à la porte. Pendant qu'elle attendait ces invités.
Merci pour les commentaires
Merci pour les commentaires
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