Alors ? Poète !

Alors voilà.
Installe-toi et dors tranquille, pas de bile, bois ce qu’il me reste de sueur sale dans les mots. Le lit de la rivière asséchée expose une prose de cadavres gonflés.
Figure-toi, j’ai peur, toi aussi d’ailleurs, nous sommes transis, n’osons le dire, et c’est pire.

C’est pire…

Nous sommes économes, petits hommes circonspects, nous ajournons nos dettes avec une trace de grimace dans la tête.
T’inquiète, c’est parfait ! Le camion poubelle ramasse le lundi les restes indigestes d’un festin que nous fîmes mâtins ; et les épluchures et les lambeaux de peau, les rots, je te le jure, partiront dans la benne à ordures.

C’est bien ma veine ! J’avais jeté des miettes d’encre qui sentaient trop la rose. J’explose : c’était mon plus beau poème, ma perle, que j’ai détruite au plus profond de mon dilemme.

Je suis un cancre perfectible, assoiffé d’une parole qui déferle du fond de mes entrailles, mes cris me criblent de leurs flèches. Je n’en suis pas une.
Je me dessèche.
J’attends la montée de la lune pour, vaille que vaille, partir en calèche vers un ailleurs muet, là où la bêche a déterré le prix du silence, de l’absence de cœur, la fleur sans parole, la douleur des instants intérieurs, les dedans déserts d’idée et le calme enfin.

Le calme enfin.

Plus un geste.

Le répit.



La pluie n’a cessé, elle ne fut pas en reste.
Elle a lavé mon paysage.
Elle a saccagé le sillage d’une pensée extirpée de mon front marécage.
…Et la lumière sur les heures écloses, débridées, transpirant de rosée ; dégoulinant ses coulures de boue que le temps charrie comme un roman pas mûr…Tu sais, celui qu’on n’ose jamais commencer, qu’à peine on ébauche et puis on fait une pause, on prend déjà la pose.
Celui qu’à peine on ébauche et qui déjà nous fauche, tant il mine la mine d’un crayon mâchouillé.
.
Tant le brouillon s’éternise.

Tant on s’épuise.

Nous sommes économes. Jaloux jusqu’à l’ivresse de nous-mêmes. Nous n’en sortirons pas indemnes.

Je cherche en vain une tendresse épouse, câline, gardienne de ces fruits que retenons jusqu’à nausée.

Et soudain…

J’ai le blues.



Débine-toi fissa ! Réveille-toi de ta léthargie, va voir ailleurs si j’y suis. Il y a quelque part un leurre dans ma nuit qui ressemble à la figure de mes sens figurés. Je suis en mode veille.
Ni sur.
Ni pur.
Une ordure ?

Je marche l’amble avec le vent d’exode. La lune est haute et tremble une ode monocorde.


***



Ni relique.

Ni cendre.

Un son unique
Pour tendre vers,
Prétendre à une vie minimale, moins qu’animale, pas même minérale.


***



Lorsqu’elle m’a dit : « déconne pas » j’avais déjà rejoint moins l’infini.

Alors là... c'est typiquement le genre de situation où j'aurai aimé lire d'autres commentaires pour m'aider à jauger le texte. Parce qu'en l'occurrence, j'avoue être resté assez passif devant ces mots, désolé. Sans doute pourra-t-on venir me contredire mais j'ai trouvé les effets de style assez vains, et le message ne passe pas vraiment.


Je ne suis pas vraiment rôdé à ce genre de critique, mais je suis resté hermétique à l'hypothétique désespoir de votre texte. J'espère qu'on viendra me contredire mais, en attendant, j'avoue mon décalage désabusé. UNe prochaine fois peut-être ?

Lonely, je souris en lisant ton commentaire parce que j'ai eu la même réaction. Comme je n'arrivais pas à entrer dans le texte, j'attendais que d'autres commentaires viennent m'éclairer sur ce que j'avais sans doute loupé...
Tout ça pour dire que je n'ai pas accroché à la démonstration par métaphores, même si je concède que certaines lignes sont fort jolies.

Bonjour Nine,

Ça ressemble à la prose d'un cyborg cerné par les trous noirs encore fumant des Beretta du futur d'une meute de Blade Runner impitoyable, comme leur nom l'indique déjà.

Je le lis comme de la poésie, c'est au lecteur de faire le gros du boulot, d'inventer le décor et la trâme où cette diatribe trouverait naturellement sa place : j'imagine un chauffeur qui pile dans son bus et se retourne vers ses passagers interdits, un lépreux à i-pod se jetant à la vitre avant électrique et fermé d'un 4/4 dans un embouteillage, un dauphin géant surgissant à quinze heure des flots sur la plage d'Ipanéma et s'adressant aux baigneurs stupéfaits, d'autant qu'ils sont majoritairement hispanophones. Enfin un kidnappeur d'auditoire, un véhément de l'absurde, un prophète de la fin du monde, une hôtesse de l'air d'une compagnie charter dont la moitié des vols s'achève au fond de l'océan atlantique.

Moi aussi j'ai lu ce texte comme de la poésie en prose. C'est sûr, ce n'est pas un récit. Je me suis demandé dans quelle catégorie, sur ce forum, il devait être, poésie ou prose ? Pour moi, la poésie en prose est plus de la poésie.

Je l'ai donc lu comme de la poésie, sans chercher à tout comprendre et j'ai trouvé que tes mots étaient très beaux. J'aurais peut-être aimé quand même en comprendre un peu plus.

Quand on écrit ce genre de texte vaut mieux penser qu'on est un auteur incompris.

J'ai moi aussi tendance à considérer le texte comme de la poésie, à laquelle je ne comprends pas grand-chose et qui me paraît assez prétentieuse... Un côté "regardez comme que je écris bien" qui m'agace. Sûr, c'est bien écrit.

lemon a a écrit:Quand on écrit ce genre de texte vaut mieux penser qu'on est un auteur incompris.

Est-ce que ça aide ? :-)

Poésie prosée, également pour moi.
Succession de tableaux et de métaphores, de lignes incomprises, de déstructuration narcissique pas tout le temps réussie mais potentiellement riche.
Il y a beaucoup d'idées dans ton texte, nine, pas vraiment trop de choses mais mal exploitées et je pense que cela est en grande partie dû à la volonté de jouer sur des effets. Dans quel but, je n'en sais rien, mais résultat, une bonne partie du texte risque de passer aux oubliettes, c'est dommage.
Simplifier, renouer avec l'essentiel, ça me semble ici indispensable.

Sahkti a écrit:

lemon a a écrit:Quand on écrit ce genre de texte vaut mieux penser qu'on est un auteur incompris.

Est-ce que ça aide ? :-)

L'écriture est aussi un sport de combat et le mépris peut être formateur

Quand on écrit ce genre de texte, il y a des gens qui aiment, même si le sens ne se donne pas, même si ça a un côté excessivement " écrit", le reste suffirait à bien des plumes...
J'aime les cancres perfectibles !

L'auteur prévient en début de texte "installe toi". Il aurait pu écrire "cale toi bien :-)
Pour moi chaque petit paragraphe est une "pensée du jour", avec parfois des images interessantes, parfois avec un peu de pédanterie (le mot est excessif) dans la forme.
Il n'y a pas vraiment de cohérence.
Des petits cailloux sur la route d'un futur très beau texte.
Mais quoi ? Je me surprends dans un jugement un peu péremptoire. Voilà ce que c'est d'aller sur le forum matinalement !

Pour moi, ce texte n'en est pas un. J'y vois, disséminés, des bouts de phrases beaux, imagés, comme les pièces d'un puzzle que le lecteur doit construire. Si vous réussissez votre construction, vous avez l'explication du titre. "Alors, vous en êtes venu à bout ? Vous avez découvert un poète !"
Ou bien nous avons sous les yeux un tableau abstrait dans lequel quelques traits harmonieux, quelques taches colorées attirent notre regard, mais sans plus, l'ensemble restant incompréhensible.
L'auteur aura en tout cas réussi à recueillir moult commentaires embarrassés, et peut-être était-ce le but recherché ?
embellie