Ne pleure pas ma tendre

Ne pleure ma tendre
Malgré le froid qui mord
Cet enfant abouché à ton sein qui s’endort
Demain nous forcerons leurs demeures cossues
Et tu t’allongeras dans la blancheur des draps

Ne pleure pas ma tendre
Devant ce feu qui meurt
Ce givre à nos fenêtres comme un linceul d’hiver
Demain nous abattrons leurs chênes prétentieux
Leurs bûches gémiront pour réchauffer ton cœur

Ne pleure pas ma tendre
Pour ces assiettes vides
Et ces bouillons si clairs comme tes yeux perdus
Demain nous trancherons leurs veaux gras et chapons
Doux gisants dans leur jus pour apaiser ta faim

Ne pleure pas ma tendre
Pour nos habits troués
Et ces sabots fendus qui meurtrissent nos pieds
Demain nous taillerons dans le cuir de leurs peaux
Ces bottes cavalières qui botteront leurs culs

Ne pleure pas ma tendre
Pour cette vie cruelle
La noirceur du charbon qui ronge nos poumons
Demain nous marcherons dans les rues de la ville
Et changerons la vie pour qu’enfin tu souris

Je verrais bien ce texte en chanson ! Âpre... réussi.

"Et changerons la vie pour qu’enfin tu souries"

Bonsoir mitsouko,

il y a un air de germinal dans votre poème qui m'a plu et me fait penser que l'on peut écrire "simplement" tout en ayant une "grande portée" ; il faudrait que vous me donniez des cours car chez moi tout est compliqué ! ;-)

tu souries...tu copieras cent fois
j'ai honte

merci de vos passages

tu souries...tu copieras cent fois
j'ai honte

Bien que je comprenne votre honte mais pour vous rassurer à ma façon sous forme de métaphore, quand je pète en société et qu'on me demande si ce flagrant délit et l'éventuelle odeur qui l'accompagne parfois viennent de moi, je réponds cette phrase qui n'est pas de moi (et pourtant j'aurais aimé l'inventer) : "bah oui, je ne vais pas renier mon cul pour un pet !"

Peter Pan a raison : Germinal, mais aussi La petite marchande d'allumettes, misérabilisme (au sens littéraire)... tout ce que je n'aime pas. Ce qui n'enlève rien à la qualité du poème.

Un très bon texte du style "lave qui bouillone sous le volcan"...
forcer, abbatre, trancher, tailler...les mots sont forts et légitimes.
Je ne peux guère vous aider...
Ah si :
Dans la premiere phrase "Ne pleure ma tendre" ;
L'absence du "pas" est-elle voulue ?

Peter Pan a raison : Germinal, mais aussi La petite marchande d'allumettes, misérabilisme (au sens littéraire)... tout ce que je n'aime pas. Ce qui n'enlève rien à la qualité du poème.

J'ai bien lu les règles de forum et je sais qu'il n'est pas de bon usage de répondre aux commentaires mais en l'occurrence ce qui suit me semble approprié voire peut-être utile à l'auteur de ce poème (mitsouko).

Si je me trompe, que la modération n'hésite pas à m'effacer (enfin mon commentaire je veux dire).

J'ai failli faire le même genre de commentaire qu'Easter mais je n'ai pas osé (maintenant si ;-)), je vous assure que c'est vrai. Alors malgré le fait que j'ai bien aimé vos mots, la vision manichéenne du riche et du pauvre m'a quelque peu gênée même si moi-même l'utilise parfois (peut-être m'avez-vous renvoyé à mes "erreurs" et cela ne me plaît-il pas...)

Dans le sillage des poètes engagés ou, "tout simplement", qui luttent pour que liberté, égalité et fraternité ne soient pas que de vains mots, un beau texte.
Cordialement.

Je ne vois aucun misérabilisme ici mais l'évocation pudique de la misère, la colère, et le naïf espoir qu'un jour les choses puissent changer.
Qui a connu la pauvreté peut comprendre et être profondément touché.
Très bel écrit, humain dans le fond, parfait dans la forme. Merci Mitsouko.

embellie a écrit:Je ne vois aucun misérabilisme ici mais l'évocation pudique de la misère, la colère, et le naïf espoir qu'un jour les choses puissent changer.
Qui a connu la pauvreté peut comprendre et être profondément touché.
Très bel écrit, humain dans le fond, parfait dans la forme. Merci Mitsouko.

embellie, ce n'est pas pour rien que j'ai précisé "misérabilisme" au sens littéraire. Voir wikipedia, par exemple.
Par ailleurs, je ne remettais pas en question la qualité du poème, ça aussi je l'ai précisé. Il se trouve juste que ce thème n'est pas ma tasse de thé. Quant à l'apanage de la pauvreté, c'est un autre débat. Merci.

texte assez beau pour le choix de certains mots ...triste aussi
merci pour le partage

Pour être efficace la poésie engagée est souvent sans nuances. en raison de son format, généralement assez court, elle ne peut développer, s'attarder dans de subtiles tonalités de gris. Ton poème, mitsouko, en est une brillante démonstration et sa révolte est noire, d'un beau noir éclatant.

Malgré le froid qui mord
Cet enfant abouché à ton sein qui s’endort

L'hésitation qu'on éprouve à trouver l'antécédent de qui est sans doute voulue mais perturbe un peu ma lecture. J'aurais préféré :
Cet enfant qui s’endort abouché à ton sein
Mais c'est une impression toute personnelle.

je ne pense pas être dans une esthétisation de la misère (en tout cas ce n'était pas mon but), ni non plus une approche sociétale considérant que le pauvre manque cruellement des outils pour s'en sortir

A l'époque (révolution industrielle) où je situe mon texte, mais toujours aujourd'hui, tout n'est que rapport de forces
l'opposition a été institutionnalisée avec le développement de la liberté syndicale, allant même parfois à une politique contractuelle dans les vraies social démocraties
A l'époque la seule possibilité d' inversion des forces passaient par la révolte violente...............aujourd'hui tout dépend de la marge de manoeuvre laissée aux négociations; aec bien sûr des situations trè dissemblables suivant le secteur industriel, la taille de l'entreprise, l'équilibre des forces en présence
disons que nous sommes passés de la survie à une vie acceptable


tout à fait juste la remarque sur " l'enfant abouché à on sein"

merci de vos remarques pertinentes

C'est élégant, classique et bien mené. Le ton mi révolté mi désabusé de cette lancinante complainte me plaît, même si il y a de ci de là une impression de monotonie dans le rythme (mais cela est dû, je pense, à la répétition du premier vers et de Demain).

Sur le fond, il me manque un petit quelque chose, un accroc qui viendrait secouer cette lente évolution vers une résolution de ces problèmes. En même temps, cette promesse de marcher sur la ville s'apparente à une future révolte, voire une révolution, donc ça pourrait n'être que le début de quelque chose. Ce qui expliquerait ce manque je ressens.

Une colère que l'on sent sourdre peu à peu, contenue et soutenue par une série de promesses pleines d'espoir...

J'ai remonté ce texte pour donner envie aux nouveaux venus de découvrir Mitsouko.
Je ne pense pas qu'ils seront déçus.

Merci, Embellie, d'avoir "remonté" ce poème que je ne connaissais pas et qui me plait beaucoup. Je n'y vois aucun misérabilisme, seulement la peinture de notre société

J'aurais été fier de l'avoir écrit