Parades pour des morceaux de rien
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JeanJean
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wald
Ichimaru Gin
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Parades pour des morceaux de rien
Bien sûr qu'il a raison. Bien sûr que je ne suis qu'un petit con qui s'en mordra les doigts, qui s'en fout parce qu'acquis l'expérience qu'ils finissent par repousser et plus aiguisés encore, on aime à les tailler ainsi, jardiniers de son jeune corps d'abord, et surtout s'il s'agit de le rendre plus habile à blesser lors d'un contact. Bien sûr un petit con toujours pleurant de ne pas avoir d'amours, toujours trouvant une bouche boiteuse aux amourettes de ses collègues, raillant leur artifice comme un singe ferait à un clown, prétend-on. C'est à dire sans rien avoir à dire. Un petit con mais quand elle se rapproche, celle qui annonce aimer, qu'y peut-on si on observe en premier lieu dans ses yeux que ce mot a toutes les étrangetés de ses lettres, qu'il devait être écrit autrement, avec une orthographe plus neutre, quand on l'a lu ou écrit la première fois sans y faire gaffe et que des échelles de menthe ou d'aloysia inconnues en faisait l'assaut. Que son prénom, une fois révélée son nom de famille et les deux associés, n'ouvre aucune combinaison, et comme on les aimait ces combinaisons, et Mme Laure Kwizera je me plaisais à réciter, et je gravais les initiales, et le monde des imbéciles est écrit sur les arbres répètent les sages personnes, et elles obéissent aux panneaux de circulation et ne lisent plus de livres et vous disent au revoir. Le métal, c'est encore un autre niveau. On y arrive. Bien sûr, un petit con.
On est déprimé, dit-on. On aurait du mal à exprimer cette déprime autrement qu'en maugréant, et si on le faisait malgré tout devant les autres ce serait en leur tendant une boule de viande bien délicieuse seulement dans sa bouche à soi, mais tant mâchée et remastiquée qu'ils n'y verraient, eux, qu'une moche dégueulasserie. Une erreur de digestion. Et ils auraient bien raison et on en conviendrait, honteux bien sûr mais en se remettant entre les dents cette bouillie de nourriture dès qu'ils tourneront la tête. On a faim plus que de soi. A renfort d'une belle musique, on arrive à s'oublier quelques secondes, puis au détour du refrain ou d'un coeur mal placé, c'est notre être en entier qui refait surface et cette fois pour de bon, concentré dans une corde. On n'arrive plus qu'à voir sa face partout, dans les dalles que les mains de tous les fatigués ont plus caressées que nos épaules ne l'ont jamais été, dans les roues toutes noires et inintéressantes des vélos mal guidés, dans les fichus empêtrés des vieux couples séparés qu'on croise et qui ne lèvent jamais la tête, dans les reflets trop nombreux qui nous sont offerts et qu'on se surprend à encore épier, comme à la recherche d'une dernière trace de naïveté qu'on se serait oublié sur la joue, une sorte d'erreur de rasage.
On a bien encore des idées à revendre, mais on les retrouve empaquetées dans les publicités qu'on leur faisait alors, et il faut mettre au sol et maîtriser cette ronflante mélancolie des camarades qui nous en vantait leurs mérites, avant même de pouvoir déchirer leurs paquets et tester si elles valent encore le coup, ces idées. On ne leur voit plus alors que le noir des fruits qui ont passé ou bien le rouge mal imité d'un garrot, alors que dans nos souvenirs elles éclataient en prouesses de couleurs, comme une photo de groupe mais prise dans sa tête. Du partage on s'était fait une image comme de l'amour, à l'aventure et sans prendre le temps de théoriser beaucoup. Elle nous répugne maintenant ; une espèce de limace pour l'escargot qu'on s'était figuré être. A nu sans que ce soit bien joli ni justifié.
Qu'est-ce que je lui offrirai à cette Mélisse, demande-t-on avec l'impertinence qu'on croit avoir gardé. Dans nos missives ces mots qui reviennent toutes les trois phrases, et plus aucune différence entre nos phrases écrites ou dites ? Nos arrangements bossus avec la vie, comme un gant devenu difforme à force d'hivers ? "A force d'hivers", parce qu'on en a vécu plus que les autres, peut-être ? seulement pour nous, le mauvais temps ? Il faudrait se suicider pour se punir de penser à son suicide et ensuite se suicider de se l'être, et etcera jusqu'à revenir en vie encore plus saouls d'inaction que jamais on ne l'a été. Ne ressembler plus qu'à une fleur, et se faire grandir des poils, pour éviter toute rosée, ces débuts de miroir. Et surtout, enfoncer loin dans ses racines l'illusion de l'écorce, enfin.
On est déprimé, dit-on. On aurait du mal à exprimer cette déprime autrement qu'en maugréant, et si on le faisait malgré tout devant les autres ce serait en leur tendant une boule de viande bien délicieuse seulement dans sa bouche à soi, mais tant mâchée et remastiquée qu'ils n'y verraient, eux, qu'une moche dégueulasserie. Une erreur de digestion. Et ils auraient bien raison et on en conviendrait, honteux bien sûr mais en se remettant entre les dents cette bouillie de nourriture dès qu'ils tourneront la tête. On a faim plus que de soi. A renfort d'une belle musique, on arrive à s'oublier quelques secondes, puis au détour du refrain ou d'un coeur mal placé, c'est notre être en entier qui refait surface et cette fois pour de bon, concentré dans une corde. On n'arrive plus qu'à voir sa face partout, dans les dalles que les mains de tous les fatigués ont plus caressées que nos épaules ne l'ont jamais été, dans les roues toutes noires et inintéressantes des vélos mal guidés, dans les fichus empêtrés des vieux couples séparés qu'on croise et qui ne lèvent jamais la tête, dans les reflets trop nombreux qui nous sont offerts et qu'on se surprend à encore épier, comme à la recherche d'une dernière trace de naïveté qu'on se serait oublié sur la joue, une sorte d'erreur de rasage.
On a bien encore des idées à revendre, mais on les retrouve empaquetées dans les publicités qu'on leur faisait alors, et il faut mettre au sol et maîtriser cette ronflante mélancolie des camarades qui nous en vantait leurs mérites, avant même de pouvoir déchirer leurs paquets et tester si elles valent encore le coup, ces idées. On ne leur voit plus alors que le noir des fruits qui ont passé ou bien le rouge mal imité d'un garrot, alors que dans nos souvenirs elles éclataient en prouesses de couleurs, comme une photo de groupe mais prise dans sa tête. Du partage on s'était fait une image comme de l'amour, à l'aventure et sans prendre le temps de théoriser beaucoup. Elle nous répugne maintenant ; une espèce de limace pour l'escargot qu'on s'était figuré être. A nu sans que ce soit bien joli ni justifié.
Qu'est-ce que je lui offrirai à cette Mélisse, demande-t-on avec l'impertinence qu'on croit avoir gardé. Dans nos missives ces mots qui reviennent toutes les trois phrases, et plus aucune différence entre nos phrases écrites ou dites ? Nos arrangements bossus avec la vie, comme un gant devenu difforme à force d'hivers ? "A force d'hivers", parce qu'on en a vécu plus que les autres, peut-être ? seulement pour nous, le mauvais temps ? Il faudrait se suicider pour se punir de penser à son suicide et ensuite se suicider de se l'être, et etcera jusqu'à revenir en vie encore plus saouls d'inaction que jamais on ne l'a été. Ne ressembler plus qu'à une fleur, et se faire grandir des poils, pour éviter toute rosée, ces débuts de miroir. Et surtout, enfoncer loin dans ses racines l'illusion de l'écorce, enfin.
Ichimaru Gin- Nombre de messages : 23
Age : 39
Localisation : Lyon
Date d'inscription : 17/04/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
J'ai trouvé ce texte excellent, est-ce que je me trompe si je dis que tu es influencé par Albert Cohen?
C'est le style qui veut ça mais on se perd un peu dans certaines phrases qui gagneraient à être plus limpides "Bien sûr que je ne suis qu'un petit con qui s'en mordra les doigts, qui s'en fout parce qu'acquis l'expérience qu'ils finissent par repousser et plus aiguisés encore, on aime à les tailler ainsi, jardiniers de son jeune corps d'abord, et surtout s'il s'agit de le rendre plus habile à blesser lors d'un contact", "Il faudrait se suicider pour se punir de penser à son suicide et ensuite se suicider de se l'être"
C'est le style qui veut ça mais on se perd un peu dans certaines phrases qui gagneraient à être plus limpides "Bien sûr que je ne suis qu'un petit con qui s'en mordra les doigts, qui s'en fout parce qu'acquis l'expérience qu'ils finissent par repousser et plus aiguisés encore, on aime à les tailler ainsi, jardiniers de son jeune corps d'abord, et surtout s'il s'agit de le rendre plus habile à blesser lors d'un contact", "Il faudrait se suicider pour se punir de penser à son suicide et ensuite se suicider de se l'être"
wald- Nombre de messages : 84
Age : 46
Date d'inscription : 06/03/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
Whaaaaaaaaaaaaaaaaa !
T'as bien fait de revenir, ça réveille !
T'as bien fait de revenir, ça réveille !
Invité- Invité
Re: Parades pour des morceaux de rien
Un texte étrange et qui chavire...
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
Ah non, je passe complètement à côté, malgré deux lectures appliquées. Ça abonde d'idées pour former - en ce qui me concerne- un magma dense et indéchiffrable. Et crois bien que je regrette cette lecture aride.
Invité- Invité
Re: Parades pour des morceaux de rien
Hmf, ça passe mal je trouve. J'ai dû lire certaines phrases trois fois juste pour les comprendre ( au sens grammatical ), donc du coup j'avais plus l'impression de me forcer à lire, pour atteindre la fin du texte "par principe" que par intérêt ou plaisir.
Cela dit j'ai bien aimé la métaphore de la viande, et ça doit être agréable à lire quand on a l'habitude des tournures de phrases compliquées.
Cela dit j'ai bien aimé la métaphore de la viande, et ça doit être agréable à lire quand on a l'habitude des tournures de phrases compliquées.
JeanJean- Nombre de messages : 39
Age : 34
Date d'inscription : 01/02/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
Je ne suis pas entrée dedans, j'ai essayé d'insister mais j'ai décroché plusieurs fois et pourtant il y a des passages forts et des belles phrases, je ne sais pas trop ce qui m'a manqué, un cheminement de la pensée trop abstrait pour moi peut-être.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Parades pour des morceaux de rien
Cohen ? On a trouvé du Cohen, ou du moins sa trace littéraire, là ? Ma foi, j'aurais bien besoin que le bon rabbi charpentier dessille mes yeux...
J'ai une impression de truc déjà lu, un peu alambiqué, pour ressasser des truismes. Mais bon, je vais relire, hein.
J'ai une impression de truc déjà lu, un peu alambiqué, pour ressasser des truismes. Mais bon, je vais relire, hein.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
Le titre m'a fait penser à Satie, comme quoi les "correspondances", il m'a manqué l'ironie légère d'un piano.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
ok, rapidement pendant que le texte est en haut :
merci d'avoir pris le temps de me lire et merci de vos remarques.
Cohen, oui, je l'ai beaucoup lu. Je ne sais pas si ca se voit dans ce texte. A part le "Laure Kwizera" inspire du "Aude Solal. Ah non. D'autre part, elle se mouche certainement." de Solal.
merci d'avoir pris le temps de me lire et merci de vos remarques.
Cohen, oui, je l'ai beaucoup lu. Je ne sais pas si ca se voit dans ce texte. A part le "Laure Kwizera" inspire du "Aude Solal. Ah non. D'autre part, elle se mouche certainement." de Solal.
Ichimaru Gin- Nombre de messages : 23
Age : 39
Localisation : Lyon
Date d'inscription : 17/04/2009
Re: Parades pour des morceaux de rien
Je ne sais pas si tu repasseras dans le coin... Juste pour te dire que je suis moins convaincue que d'habitude. Manque à mon avis à ces réflexions l'acrage d'une histoire, d'une narration. Tel quel, ce texte me relatant dans le vide les malheurs de Gaston me laisse plutôt indifférente.
Mes remarques :
« Que son prénom, une fois révélés son nom de famille et les deux associés »
« au détour du refrain ou d'un cœur mal placé »
« demande-t-on avec l'impertinence qu'on croit avoir gardée (l’impertinence) »
Mes remarques :
« Que son prénom, une fois révélés son nom de famille et les deux associés »
« au détour du refrain ou d'un cœur mal placé »
« demande-t-on avec l'impertinence qu'on croit avoir gardée (l’impertinence) »
Procuste- Nombre de messages : 482
Age : 62
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – —
Date d'inscription : 16/10/2010
Re: Parades pour des morceaux de rien
oui, et desole pour cela, je concois bien que ca doit etre frustrant a lire sans contexte. Je doute que je penserai a venir poster la nouvelle complete de laquelle c'est extrait, mais j'essaierai. Merci.
Ichimaru Gin- Nombre de messages : 23
Age : 39
Localisation : Lyon
Date d'inscription : 17/04/2009
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