Le coffre de Sarah

Yannick m'avait pris comme second sur sa barcasse. Il était pêcheur de clopinettes sur Sauzon. Une nuit on avait ancré le canote au milieu des écueils sous le phare des Poulains. Il était fin saoul comme d'habitude. Je m'activai seul a tendre les lignes. Sans rien y voir avec mon coutelas je dégorgeai l'hameçon du hareng, le fil crado. Il finit en sautant des sages babouches du patron au vivier. Puis la brume de mer s'est dégagée.
C'est là que j'aperçus la dame blanche sur la falaise. Elle semblait comme prise d'un malaise et haranguait la mer depuis un fauteuil de schiste taillé à même le rocher. Je n'avais pourtant pas abusé de la bouteille, le patron n'était pas partageur.
N'écoutant que mon courage je plongeais dans le noir dans la grande bleue à la rescousse de la malheureuse.
C'est donc pantelant et humide, un bouquet de goémon dans une main et de pousse-pieds dans l’autre que je fis la rencontre de Sarah. Touchée par mon dévouement à son égard elle m'invita à la suivre. Après un intermède chaleureux dans son fort intérieur et qui n'a pas lieu d'être raconté dans ce site tout public elle me proposa une chambre dans sa villa des cinq parties du monde.
En m'allongeant sur le plume je remarquai la porte d'un placard entrouvert. La planche du fond était déplacée et il y avait un creux derrière. Je plongeai la main et je ressorti une fiasque de rhum. Et du bon, velouté et goutu à la fois, une vrai merveille...

Combien de temps ai-je dormi ?
Je me réveillai pour farfouiller dans la cachette dans l'espoir de mettre la main sur un autre flacon du divin nectar. Mais je sentis sous mes doigts un coffre bardé de fer. Il consentit rapidement sous mes sollicitations.
Ah fils ! Plein de trucs magnifiques il était : des colliers de bigorneaux, des gourmettes en plaqué, des chevalières initialisées, des mitres papales ornées de gros cabochards, des trucs en plumes, des machins intimes en caoutchouc rose, des dames nues en macramé tressé en nœuds de marin, des pochettes surprises, de tout te dis-je, une fortune.

Et tout d'un coup, un fracas terrible de fin du monde, plus de coffre, moi tout seul au milieu d'une bande de touristes qui mitraillaient au canon.
Quand j'ai réalisé que c'étaient ces fils de p... qui m'avaient fait perdre mon coffre, ils ont bien vu que j'étais pas content.
Je ne leur ai pas gardé rancune c'étaient rien que des pauvres types.
Mais mon coffre quand j'y repense la nuit et que je me réveille j'en ai les larmes aux yeux.

J'aime bien l'histoire et certains mots comme "barcasse","clopinette"ect me paraissent originaux du fait de ne les que très peu côtoyer. Ils donnent de l'exotisme et du caractère au texte. Cependant, je trouve dommage les formules du genre "fis de p***", "truc" ect qui m'apparaissent comme des ratures... et bon, l'orthographe... ; )

La transition du dernier paragraphe avec le retour à la réalité ne me semble pas évidente. Sinon, il y a un ton, c'est certain, une ambiance, quelque chose de vif, d'espiègle qui fait tout le charme de cette anecdote. Des fautes aussi, la plus intéressante étant à mes yeux celle du "fort intérieur" de la dame. Il ne s'agit sûrement pas d'un lapsus comme je me plairais à le penser, Sarah apparaissant au contraire plutôt légère... Jolie comme tout en tout cas cette coquille.

J'aime beaucoup ce mélange, de rêve, de désirs, de réalités fugaces, de vocabulaire de mon âge et d'un autre plus moderne.
Très séduite par le "fort intérieur" ! et les pousse-pieds, humm ! c'est divin ! Belle histoire, ou joli rêve alcoolisé.

Pas certaine d’avoir bien saisi la chute, j’ai l’impression qu’il me manque un morceau pour que tout coule aussi bien qu’une gorgée de rhum.
Ce petit bémol excepté, c’est un joli texte qui m’a fait voyager, sourire, et dont j’ai apprécié le verbe et la verve.

Sur la pointe des poulains à Belle-Ile, Sarah Bernhardt avait construit un fort et la villa des cinq continents pour accueillir ses amis, elle avait fait creuser un siège dans la roche face à l'océan où elle devait travailler sa diction.
Entre les lignes une référence subliminale à Rahan le fils de crado au temps des âges farouches.
Merci pour vos commentaires.

Oups ! Rahan le fils de Crâo en ces temps des âges farouches.

Jean Lê a écrit:Oups ! Rahan le fils de Crâo en ces temps des âges farouches.

Décidément c'est un don ! L'art du lapsus de toute beauté !

Tu as vraiment un style bien à toi et une façon d'amener le sourire que j'apprécie !
Du coup, les fautes d'orthographes je m'en fous !

le fils de Crado...alors là, je rigole!c'est trop bon!

Je m'y suis assise sur ce siège, quelle émotion ! Avait-elle déjà sa jambe de bois ?
Bravo pour "le fils de crado" c'est inespéré... et formidable.

pas bien tout compris
un rêve ? d'un bout à l'autre ?
un rêve dû à l'alcool ?
un peu de vrai dans tout ça ?
oui, me manque la clé

"N'écoutant que mon courage je plongeais dans le noir dans la grande bleue à la rescousse de la malheureuse" : de la grande bleue peut-être ?

C'est un style particulier en effet, très personnel. J'avoue que je n'ai pas vraiment aimé, je trouve que ça accroche, or j'aime les choses plus fluides. Mais je reconnais que c'est du bon travail.
Pour ce qui est du fond j'aime bien l'idée de va et viens entre son rêve / hallucinations ? et la réalité. Mais comme d'autres l'ont dit peut-être que tu as été un peu avare en mots pour l'expliquer, de peur que ça perde son effet; le problème étant qu'on reste un peu interdits.