Tous visages est un risque

TOUS VISAGES EST UN RISQUE

rien de plus étrange
que l’expression
du visage familier

il sourit
mais il gronde
au cœur de son cratère

s’il pleure
il se peut qu’il pleuve
aussi à l’intérieur
de ce qui m’échappe


comment lire
dans l’étang d’un regard

ce soleil de minuit
qui vacille
dans des reflets changeants

les visages
sont à la mesure
de ce que nous sommes

de la tempérance
au débordement

avec parfois le désarroi
ce désert glacial
des questions sans réponse

il creuse ses sillons
dans les fronts solitaires

si le rire fuse
c’est peut-être que le chat est passé
on un moineau une coccinelle

c’est à ton rire
que je peux me fier
lui qui comble l’écart
de du visage à la pensée

les rires sont si brefs
comme le passage d’un dieu par la fenêtre

mais quand les larmes
ravinent l’équilibre des traits
détresse et déférence
me déchirent

j’accepterai les visages
de ta vie

cette région de toi-même
que tu laisses voir

dedans nous sommes visiteurs
suspendus au regard
et captifs de ses limites

curieux
de ce qui ne nous regarde pas

cette frontière sans raison
entre le vrai et le faux
elle ride
le visage maquillé des hommes

je ne suis que visage
regardant ton visage
dont l’air là est si bon

avec le mien qui nous partage
dont je n’ai que maigre
avantage

Raoul

J'ai aimé certains passages, d'autres moins.

Disons que la première partie, qui observe, m'a davantage intéressée, j'y ai trouvé de belles images, de belles idées, la douceur d'un regard qui explore.

Quant à la deuxième (à partir de "il creuse des sillons...) qui explique, je l'ai trouvée moins abordable, certaines choses m'ont échappée parce que je ne les ai pas comprises, et j'ai trouvé quelques raccourcis dommageables (en tout cas des justifications peu crédibles ) comme :

"si le rire fuse
c’est peut-être que le chat est passé
on un moineau une coccinelle" (je suppose que c'est "ou" et pas "on")

"les rires sont si brefs
comme le passage d’un dieu par la fenêtre" (cette phrase m'a fait rire, je me suis imaginé un Dieu passant par la fenêtre ! Tu as voulu dire "à la fenêtre", non ?)

Par ailleurs à quoi correspond ce "il" dans cette strophe :

il creuse ses sillons
dans les fronts solitaires

Je n'ai pas bien saisi le sens des trois derniers vers, et n'ai pas su à quoi relier "avec le mien" : le visage, l'air ?

avec le mien qui nous partage
dont je n’ai que maigre
avantage

Ici il y a un mot en trop : de du visage à la pensée.

Le titre ne devrait pas être plutôt: Tout visage est un risque?

J'aime le jeu des sonorités de cette strophe:

mais quand les larmes
ravinent l’équilibre des traits
détresse et déférence
me déchirent

J'ai trouvé par contre que le reste aurait pu être moins explicatif/explicite, plus dans la concision et l'ellipse, la suggestion. Une expression plus travaillée, donnée en images.

Quand au fond, le sujet du visage est très interessant, ici il aurait pu être abordé/développé d'une manière plus originale.

Je me rappelle ce vers d'un poète grec, Manolis Anagnostakis qui me laisse toujours songeur:

la poésie n’est pas le moyen de parler / mais le meilleur mur pour se cacher le visage.

tous les visages sont des mystères
certains sont inoubliables,
alors même qu'on n'a pu les connaître
(peut-être un peu plus de matière dans le vers ?)
comment connaître ce qui n'a d'origine que l'Autre ?
et soi-même, son propre visage, est déjà un mystère

J'aime beaucoup ce poème. Il s'en dégage, dans l'économie de mots, beaucoup de finesse et d'observation. Le titre, tel qu'il est, m'a tout de suite accroché. Il contient déjà énormément d'informations.
Seul bémol, pour ma lecture : le dernier vers, que je trouve moins bien formulé, et peu abouti en regard au reste.
En tous les cas : merci !