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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli) Empty Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

Message  Damy Ven 28 Oct 2011 - 11:18

Caché loin de la civilisation de l'homme blanc, vivait un petit village appelé Sagawigan (vieux campement). Derrière la porte de cet univers mystérieux, la simplicité, l'amour, le respect de la vie s'inscrivait en grosses lettres à l'intérieur de chaque wigwam. Un vieil homme priait le Grand Esprit (Wakan Tanka), le créateur du ciel et de la terre, avec grande tristesse car il restait à peine l'espace pour étendre les couvertures de son peuple. Il y avait beaucoup moins de papooses couchés dans les berceaux ornés de perles et de jouets et les femmes se lamentaient en pressant leurs seins vides. Les guerriers revenaient de la chasse avec des récits alarmants comme de la forêt qui s'éclaircissaient de plus en plus à quelques lunes seulement...Le vieux sage ne savait que penser de toutes ces histoires et tous attendaient de lui des réponses pour calmer leurs angoisses.

- « Chéri, peux-tu venir ici un moment ?
- Je suis dans la construction de mon train électrique, ça ne peut pas attendre ?...
- J'ai un scénario à construire et j'aimerais ton avis de chef de gare...
- Tchou! Tchou! Je glisse sur les rails, mon amour...
- Sois sérieux pour une fois...lis le début et dis ce que tu en penses à ta merveilleuse squaw... »

Lui aimait bien tous ces noms exotiques, cela lui rappelait les héros mythiques de son enfance. Il avait gardé la panoplie de Davy Crockett, le cadeau de Noël de ses dix ans. « Wigwam » ? Ses héros disaient « tepee » et il se souvenait que dans « Wapiti la petite indienne » un papoose désignait un bébé que la mère portait sur son dos ou dans un genre de berceaux fixé sur une planche ou encore attaché au flanc d'un cheval. Le « vieux sage », c’était le Grand Sachem, non ? Ah non, peut-être pas, le Grand Manitou ? Et l’homme-médecine, le chaman.
Damy avait lu dans l’épisode « La ruée vers l’or » que les Apaches attaquaient les trains parce qu’ils traversaient leurs territoires sans qu’on leur ait demandé la permission.
Davy Crockett troquait des fusils et de la gnôle contre des fourrures. Ainsi il pouvait chasser chez les indiens, alors il revendait ses peaux et les leurs au magasin général du village. Il achetait des balles, des fusils et de la gnôle et le tour était joué.
Damy aimait beaucoup son bonnet avec une queue de renard. Il était très fier de se balader dans la nature avec son casque à poil et sa belle veste à frange. L’instituteur avait été d’accord pour qu’il puisse les porter à l’école.
C’était un type bien Davy Crockett. Il respectait les autochtones. Marcel, le père de Damy, lui avait dit que Crockett avait été un homme important sur le plan politique. Paraît-il qu’il avait été élu député dans les années 1800 pour défendre les intérêts des Sioux, des Apaches et de quelques autres. Mais Damy avait horreur de la politique. Ce qui l’intéressait chez Davy, c’était qu’il avait été trappeur et qu’il connaissait parfaitement la nature. Ce sont les chasseurs qui connaissent le mieux la nature. Ainsi Davy lui avait appris à reconnaître les traces des lapins, des renards, des orignaux, etc. Damy vénérait la nature. Quand il voyait le soleil à travers les gouttes de pluie et que cela donnait un arc-en-ciel, il admirait le Créateur.
- « Je peux t’en apprendre sur les indiens mais je ne vois pas très bien l’intérêt vu qu’ils ont disparu. Finalement ce sont les cow-boys qui ont gagné. Je retourne à mon train électrique. »
Louna lui lança un « Chou! Chou! » dépité.
Il peut m'en apprendre sur les indiens! Wow! La belle affaire, murmura-t-elle pour elle-même.
Elle se réinstalla confortablement devant l'écran. La régularité apaisait toujours chez elle une sorte d'impatience primitive. Elle était habituée à fonctionner selon un emploi du temps qui lui donnait la sensation inhérente que les choses étaient dans l'ordre, à l'heure, correctes. Un petit sourire s’accentua au coin de sa bouche. Pour Damy, ses voyages imaginaires commençaient tous après minuit et il parvenait à la gare d’arrivée sous l'éclat silencieux des étoiles, à trois heures du matin. Pour lui, finalement, il était toujours trois heures du matin et il était évident que le train devait siffler seulement trois fois. Elle se sentait l'antidote à son déphasage continuel, sa normalité. Louna haussa instinctivement les épaules et se remit à écrire une autre partie de son texte:

Mon grand-père, d'origine amérindienne me raconta un jour que lorsque le premier homme blanc mit le pied sur le continent nord américain, un écureuil pouvait grimper à un arbre tout au bord de la mer et filer vers l'ouest sans avoir à toucher le sol -coast to coast- . Pour dire l'épaisseur des forêts dans ce temps-là.
-Mais les marécages, lui demandai-je, comment pouvaient-ils traverser les marécages, les écureuils?
Dans un éclat de rire, il m'avait répondu:
- « Il ne faut jamais prendre ce qu'on entend pour argent comptant. »

Ceci pour dire que les mythes, les légendes et les traditions ont parcouru des siècles pour arriver jusqu'à aujourd'hui et laisser des traces dans l'histoire de ceux et celles où coule encore un peu de sang de peaux rouges dans les veines. Étant Mi’Kmaq de souche, c'est un peu mon cas...
Un jour, Makhpiya-Luta (Nuage Rouge) convoqua le grand chef et les meilleurs guerriers pour analyser la situation plus en profondeur. Ils portaient tous la coiffe avec un certain nombre de plumes selon leur courage et leur bravoure. Elle comportait de 28 à 32 plumes d'aigle royal. La forme du bonnet avec ses plumes, autour de la tête d'un guerrier, était un symbole de la grâce de Wakan Tanka, le grand esprit ,qui rayonnait autour comme le soleil. Cette coiffe était investie de pouvoirs surnaturels qui protégeaient son auteur lors des combats. Tout un chacun pouvait lire le langage des plumes qui racontait les exploits de son propriétaire et le nombre 28 était sacré car la lune a 28 jours et le bison 28 côtes. Tous s'assirent en cercle et le vieux sage bourra avec de la bouse de bison le calumet, l'alluma et il l'offrit au ciel, à la terre puis aux quatre vents avant d'en tirer une bouffée et de la tendre au grand chef du village. Cette pipe devait servir à offrir sacrifices et prières à Wakan Tanka pour le remercier des bienfaits de cette vie. Puis commença un long conciliabule.

Damy emboîtait les rails autour des chaises de la salle à manger.
La ruée vers l’or, ah ! La Ca-li-for-nie comme chante le séduisant Julien Clerc. Il se mit à siffloter maladroitement « So far away from L.A., so far ago from Frisco ». Les diables ! De quelques cailloux jaunes à l’eldorado !
Cochise était un Grand Sachem courageux, civilisé etbrave. Il ne voulait pas que les bêtes féroces à vapeur tuent les bisons, alors ils les attaquaient noblement, sans fusil mais seulement avec des arcs et des flèches. Ce n’est pas comme les sauvages Pawnees qui se sont mis du côté des pionniers et qui égorgeaient leurs frères, les traîtres ! pensa-t-il.
Il avait regardé assidument les aventures de Cochise, le jeudi après-midi à la télé. En tête de ses guerriers, il combattait torse nu, avec son magnifique couvre-chef de plumes et son pagne en peau d'hermine. Il était plus fort que les cow-boys parce qu’il montait à cru. Quelles images ! Damy avait gardé en mémoire, presque mot pour mot, la dernière phrase que le chef avait prononcée avant de mourir, tué lâchement par derrière : « Ceci est un bien long voyage. Là-bas, les mouches dévorent les yeux des chevaux. De mauvais esprits hantent ces lieux. Je veux rester dans nos montagnes, là où leurs eaux m'ont si souvent désaltéré. Je ne veux pas quitter mon pays.»
Il se souvenait aussi des villages de tentes installés près des fleuves, des belles squaws, des petits papooses qui jouaient sur les poneys, de la chasse à l’ours, des danses autour du totem et des braseros. Qu’est-ce qu’on est allé les embêter ? pensa-t-il. Aujourd’hui, on pourrait aller faire du tourisme chez eux, acheter leurs objets artisanaux, fumer le calumet et leur apporter notre culture.
Enfin…
Damy installa la gare et le saloon et mit le chérif sur le quai.
- « Chérie, sais-tu s’il existe un musée d’indiens près de Montréal ? Je crois que oui, il me semble avoir vu ça à la télé. On pourrait y aller en train, dimanche, non ? »

Les doigts de Louna se crispèrent sur le clavier en entendant la question. Elle venait de se souvenir de la honte (elle l'avait encore en travers de la gorge présentement) d'un certain samedi de l'été dernier où le frère français de Damy avait débarqué à l'aéroport de Montréal en criant de sa voix précieuse: « Où sont les indiens? »
Et son cher mari de répondre de sa voix torve:
- « Tu en as une authentique devant toi, je te présente ma squaw personnelle: Louna. »
Dieu est témoin (et une bonne partie des arrivants de ce jour-là aussi) de l'immense force de caractère qu'elle déploya pour faire un sourire de circonstance au lieu d'arracher deux scalps et de les accrocher à sa ceinture comme trophées.

- « Oui, en tchou-tchou ! de métro peut-être, mon chou! répondit-elle distraitement, occupée à chasser les sombres pensées du séjour mouvementé du jumeau de Damy. »

Se faisant violence, elle revint à son texte.

Lorsque l'éclairage ne fut plus que des lueurs de braise, le grand chef Tsoka-ne-nde (Taureau Assis) prit la parole pour conclure.

- « À la prochaine pleine lune, nous implorerons Wakan Tanka par la célébration de la danse du Soleil. Plume de faucon, notre sorcier, fera en sorte d'exprimer notre bonne volonté au maître du ciel et de la terre. »

Quinze lunes plus tard, très tôt le matin, le sorcier apparut dans sa tenue d'apparats, tendit les bras vers le soleil dans un geste solennel, avant de commencer à tourner sur lui-même en pirouettes gracieuses. Puis il se laissa tomber sur les genoux en chantant d'une voix aigre des paroles impossibles à identifier. Il se releva, leva les bras en l'air et se mit à trépigner violemment. Tous le regardaient sans bouger ni faire de bruit. Plume de Faucon partit dans une suite de cabrioles ravies en criant, croassant des sons avec excitation. C'était discordant, inhumain, étrange. Son visage était illuminé, extatique. Plus l'excitation montait, plus sa voix devenait aigüe, moins claire. Toute la tribu, du plus grand au plus petit se sentait dans une harmonie surnaturelle, mystérieuse. Soudain, il lança un grand cri avant d'agiter le bras et de se laisser choir, inerte, épuisé. À ce moment seulement tout le village prit la relève, chacun à tour de rôle revivant la même transe jusqu'au coucher du soleil.

Incapable de donner une explication à cette scène qu'elle venait de décrire, Louna s'adressa à son mari, haussant la voix pour bien se faire entendre, malgré tous les bruits du Far-West:

- « La danse du Soleil mon chou, ça représente quoi pour toi? Est-ce une forme rare de dialogue et de communication? »

- « La danse du soleil, chérie ? Celle qu’on a dansée à Djerba il y a cinq ans ? Oui, c’est une forme de communication non verbale, comme quand je te tire la langue. Je ne t’ai jamais dit, mais je profite de l’occasion: Davy Crockett est de la même région que moi, un de ses aïeuls huguenot appartenait à la garde de Louis XIV, il avait de qui tenir ! Tu pourras m’attraper une bière quand tu auras fini ? »
La danse du soleil, la danse du soleil…Il adorait les expressions québécoises de Louna. Quel charme ! Lui, il disait : « la danse au soleil ».
Damy fût gêné par le guéridon qui supportait la télé. Par où faire passer les rails ? Cela aurait été chouette de les faire passer par en-dessous comme un tunnel creusé dans les Appalaches. Un endroit idéal pour une attaque des Apaches.
- « Chérie, tu viens m’aider à bouger le guéridon ?...Chérie ?...Non ? Bon. Quand auras-tu fini pour aller me chercher la bière ?...Hein ?...Ma chérie ?…Bon. ».
Damy tira la langue dans le dos de Louna et descendit à la cave. Les packs étaient à côté du vin de Californie.
Mike Blueberry, songea-t-il... Ça c’était un mec ! Avec son old chap Mac Lure…Rhoooo…Qu’est-ce qu’ils se mettaient dans les bouibouis louches ! Mais un héros, lui aussi. Il aurait très bien pu être un bon copain de Davy Crockett s’ils avaient habité au même endroit en même temps. Lui, il avait osé. Il avait épousé Chihuahua Pearl. Quelle beauté ! Les cheveux de jais en belles tresses jusqu’aux fesses, les yeux verts, une robe courte à franges, on lui voyait les cuisses. Sur un cartoon, se rappelait-il, on les voyait faire l’amour dans un tepee sous une peau de bête. Mike Blueberry c’était son pseudo, son vrai nom était Steve Donovan, un sudiste, un véritable animal. Il faudra que je me rachète le livre d’histoire qui en parle.
- « Chérie ?...Chérie ?...Tu connais Chihuahua Pearl ? »

- « Mon chou, mais arrêteueueueu... (en imitant l'accent savourEUx de la Gascogne) tu me déranges sans cesseueueu... Jamais je ne pourrai terminer mon scénario à temps. Bien sûr que je connais Chihuahua Pearl. Un très mauvais souvenir d'ailleurs. Tu ne l'avais jamais aimée...Je te soupçonne encore de l'avoir assassinée froidement. Je t'avais dis: mets-lui deux capsules dans le fond de la gorge; le flacon avec l'étiquette verte, ce sont ses vitamines et celui avec l'étiquette rouge, les satanés viagras que ton frère jumeau a oublié. Pauvre petite chienne, à peine 4 kilos... son cœur a flanché d’un priapisme traumatique. Je ne te le pardonnerai jamais, non jamais ! Maintenant tu me laisses travailler S'IL-TE-PLAÎT. (EUEUEU...) »

Wakan Tanka se fit silencieux pendant plusieurs tepgunset). Le village dépérissait de plus en plus. Chaque fois que le hibou faisait entendre son: Whou...Whou...Whou..., un guerrier, une squaw ou un papoose tombait malade et aucune herbe médicinale connue ne pouvait les guérir. C'était un mal étrange qui faisait se déchausser et tomber les dents et ceux qui en étaient atteints mouraient d'épuisement ou d'une complication respiratoire. Un jour le sorcier reçut en rêve un message de Wakan Tanka et concocta une infusion d'aiguilles et d'écorce de pin qui réussit à enrayer la maladie que les hommes blancs plus tard appelleront: scorbut. Et l'aigle royal, ce bel oiseau, recommença à survoler le grand totem du village apportant un peu d'espoir dans le cœur de tous. Le Grand Esprit envoya la pluie pour laver leurs souffrances et aussi l'arc-en-ciel pour leur rappeler de s'apprécier les uns les autres et de le louer de tous ses bienfaits.
Un matin de l'été des Indiens ou de l'été des Sauvages, alors que tous profitaient du temps doux pour préparer leurs habitations en vue de la saison froide, l'excitation fut à son comble de voir mouiller dans la baie un immense bateau complètement différent (les leurs pouvaient transporter plusieurs familles avec leurs effets personnels. Ils cousaient ensemble 25 peaux d'orignal pour le faire.) Puis un canot avec des hommes étranges à son bord se dirigea vers la grève.


En réalité, il ne s’appelait pas Damy mais Jules. C'est ainsi qu’il avait été baptisé par le curé de sa paroisse de Montréal-du-Gers. C’est en se mariant avec Louna qu’il avait adopté son nouveau prénom.
Hasard ? Destinée ? Chakra ? Fatalité ? Il avait connu Louna par une agence matrimoniale internationale. Sur le portrait reçu par courrier, elle avait les cheveux de jais, les yeux verts et les dents très blanches. Il avait aussitôt pris l’avion pour Montréal d’où il n’était jamais revenu.
Kit Carson (de son vrai nom Christopher Houston), une autre figure parmi ses références de vie, avait, lui, épousé deux squaws du Wyoming, une Apharoe du nom de Waa (Le Vent qui Chante) et une Cheyenne. Lui aussi avait fait du trafic de peaux de castors.
Ils vivaient heureux dans la nature ces gens là, songea Damy. Il avait encore en mémoire l’image d’Aigle Noir qui piquait des transes près du brasero, certains soirs de pleine lune, après avoir poussé des you-yous et hurlé comme les loups en dansant autour du totem tout en brandissant son tomahawk d’un air sauvage. Ces cartoons lui donnaient le frisson. Aigle Noir invoquait les esprits pour gagner des batailles ou pour qu’il y ait beaucoup de bisons dans la prairie. Mais parfois il perdait des batailles et les bisons n’arrivaient pas. Il invoquait alors l’esprit maléfique des blancs et c’était pour cela qu’il déterrait sa hache de guerre. Quand il finissait par s’étendre fin ivre dans la poussière, alors tous les braves de la tribu se mettaient à danser et à aboyer jusqu’au petit jour. Et c’est vrai que le Grand Manitou leur donnait en échange beaucoup de soif de vengeance.
« La Danse du soleil »…pffffffffff ! C’est triste, prit conscience Damy, mais Louna, malgré ses origines, n’y connaissait rien ! Aller se documenter sur internet, de toute façon, c’est comme quand on ne s’informe qu’à la télé, c’est nul.
Il murmura :
- « Moi j’ai dansé autour du feu de la Saint Jean, les nuits du solstice, j’ai sauté sur le brasier pour m’enlever les sortilèges et j’ai jeté des pièces dans les flammes pour prier Dieu qu’il nous donne une bonne récolte. Toute les familles et les voisins faisaient pareil, comme les indiens. Les Sioux, les Iroquois et tous leurs frères je les ai dans la peau parce que je suis de la terre et de la nature. Ce n’est pas sorcier.
Il faudrait que j’emmène Louna à la campagne, dans la forêt. Elle a perdu son âme en ville. Je lui apprendrai à tendre des collets et des lignons, je lui ferai observer les feu-follets et les lucioles la nuit, je lui apprendrai à mettre une pièce au fond de la poche quand elle entendra le coucou pour la première fois, et je lui expliquerai tous les mauvais présages quand on entend la chouette hululer après minuit.
Ainsi, son film sera excellent. « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine. »

- « Chérie, dit-il en remontant les escaliers, tu veux que je te fasse Wakan Tanka dimanche au parc Jean Drapeau ? » et il éclata de rire.

Louna ne put s'empêcher de rire elle aussi. Son Damy était un comédien, un acteur et en se déguisant, il entrait avec son imaginaire dans la peau d'un personnage qui devenait presque réalité. Il étonnait par sa naïveté naturelle et sa bonhommie faisait rire tout le monde. Une grande bouffée de tendresse parcourut son corps tout entier. Mais là, il venait d'accéder à un plan supérieur: démontrer les pouvoirs de Wakan Tanka, le Grand Esprit, le Grand Manitou...un concept un peu trop surréaliste pour ce siècle où il faut voir, toucher, sentir et goûter pour vraiment croire au surnaturel... Pourtant, et elle ne le lui dira jamais, il lui fait Wakan Tanka très souvent quand il l'amène au ciel de l'oreiller et qu'il lui fait voir des étoiles...Wow! Quel Grand Manitou!

Pour chasser les pensées érotiques qui fourmillaient dans sa tête, Louna s'ébroua comme un jeune chien (ah…Chipearl…) et se remit péniblement au travail:

En 1535, l'homme blanc qui s'avançait à la tête de quelques hommes à la rencontre des peaux rouges s'appelait Jacques Cartier. Il espérait trouver de l'or pour son roi dans le ``Royaume du Saguenay``. Il n'y trouva malheureusement que de la pyrite de fer et du quartz à son grand désespoir. Il planta une croix pas très loin du grand Totem (les Grands Esprits se rencontrent) et décréta que toutes les terres appartenaient maintenant au roi de France.

Les sauvages (nom que Cartier attribua aux autochtones) prenant cet être à l'accoutrement étrange pour la représentation visible de Wakan Tanka se prosternèrent avec frayeur et humilité. Par la suite, ils offrirent en toute simplicité ce qu'ils avaient de plus précieux. Ce fut le prélude d’une longue ère de commerce de fourrures, notamment, entre les peaux rouges et les visages pâles. Et Jacques Cartier dira à la cour du roi à son retour en France:
"A ce que nous avons connu, il me semble que ce peuple sera aisé à dompter.
L'indien n'a pas de valeurs du tout, il est sans culture, à peine plus évolué que l'animal; certes parfois il se couvre de peaux, il cuit son poisson, il est donc perméable à une certaine éducation; le jour viendra où il sera mûr pour la civilisation que le Français, dans son immense bonté, lui apportera; mais pour l'instant il est pauvre, misérable, rampe sur la terre comme un animal, voué à recevoir le Blanc comme un libérateur de son avilissante condition.``


La canette de bière à la main, Damy entoura les épaules de Louna.
- « Où en es-tu ma chérie ? Bientôt fini ?
- J’en suis au débarquement de Jacques Cartier chez nous !
- Môdits Frrrançoués ! dit Damy amusé, avec l’accent. Tu m’as l’air en plein micmac, ma puce…
- Ne te moque pas des Mi’Kmaqs, c’est mon origine et c’étaient de vrais Elnous (Hommes), eux !
Damy enleva ses lunettes, se pencha sur l’écran et lut :
L’île de Capbreton était la capitale des Mi’Kmaqs
- « Eh bé ! dit Damy stupéfait, tu sais qu’il y a un port sur la côte Atlantique qui s’appelle Capbreton ? J’ai entendu dire qu’autrefois les pêcheurs allaient chasser la baleine jusque sur les côtes de la Nouvelle Ecosse. ça alors !...Fais voir… »
Il manipula la molette de la souris et lut :
Les Mi’Kmaqs se nourrissaient d’anguilles au mois de septembre.
- ça alors, des anguilles ! C’est la spécialité chez nous. On mange leurs alevins, les pibales, en court-bouillon avec du laurier et du thym, miam…un met de roi, comme la poule-au-pot d’Henri IV. On dit qu’elles viennent de la mer des Sargasses. C’est ici la mer des Sargasses ?
- pfffffff…
Ils étaient polygames.
- Oui, bon, bref, passons. Patati patata…l’enfance, la première chasse à l’orignal pour devenir adulte, les cérémonies de mariages et d’enterrements…Oui, bon, pas si différent que ça de nous autres au fond.
Ils croyaient que les orignaux pouvaient se changer en baleines.
- Hé bé voilà ! C’est pour cela que parfois les pêcheurs de Capbreton débarquaient des orignaux de leurs filets comme dit la légende, s’esclaffa-t-il.

Louna se décida à aller préparer le repas. Damy s’assit confortablement.
Le sorcier Pouwowin faisait des miracles, il marchait sur les eaux.
- Jésus !
Et Sketekemouk : notre loup-garou.
Ils adoraient le soleil alors que d’autres ethnies adoraient la lune.
- Hum, hum…Alors elle a raison Louna ?
- « Louna, qu’est-ce que tu nous fais à manger, des pibales ou de l’aileron d’orignal ? »

La jeune femme pouffa de rire.
- « Pour toi, mon chou une langue de porc que j'ai tournée sept fois avant de te faire saliver... »

Le repas fut excellent. Les réparties de Damy s'intensifièrent proportionnellement à sa consommation de vin dont la bouteille gisait maintenant sur un coin de la table.
- « Mon chou, j'aimerais terminer mon travail, je peux te demander de t'occuper de la vaisselle ?... »
Damy rejeta la nuque en arrière, allongea ses jambes le plus loin qu'il pût, étira délibérément, vertèbre après vertèbre, son interminable échine contre le dossier de sa chaise. Puis, enfin satisfait de lui-même, repliant les mains sur sa ceinture à la manière d'une femme enceinte, il ferma les yeux et entama une sieste ou...fit semblant.
Rien à en tirer. Louna sourit tendrement et se dirigea vers son ordinateur.

Des années passèrent et un soir, le sorcier raconta à tout le village réuni autour du feu le songe prophétique qu'il avait fait:
Wakan Tanka est le créateur de toutes choses. Tout vient de lui. C'est lui qui a placé des pierres et des minéraux dans le sol ainsi que les plantes et les arbres. Avant la création, il se sentait seul dans le grand vide du han (obscurité). Il s'est donc créé des compagnons en concentrant son immense énergie et sa force. Apparut alors Inyan (la pierre) puis Maka (la terre) puis vint ensuite skan (le ciel) et Wi (le soleil). Tous faisaient partie intégrante de Wakan Tanka mais chacun pouvait agir par lui-même et était très puissant. Nous sommes tous ses enfants. Ils veillent sur nous comme un papu (papa) avec bienveillance mais peut aussi punir sévèrement lorsque nous dérogeons à ses lois d'équilibre et d'harmonie. Depuis l'arrivée des hommes blancs et de leurs robes noires, Wakan Tanka s'interroge de plus en plus sur l'attitude de tous. Il voit un avenir bien sombre pour nous. Il y aura beaucoup de pleurs et de sang versés. Même notre propre sang ne sera pas un gage de paix et de solidarité. Nous disparaîtrons de ces terres et nous serons oubliés dans des espaces si petits que nous en mourrons presque tous. Et ce pendant plus de lunes et plus encore que nous sommes capables d'en compter. Ainsi sera-t-il car le pouvoir, la domination et l'avidité mangent le cœur des enfants de la Terre. Ainsi sera-t-il!


- « Ma choupine ? J’ai lu que les Micmacs s’étaient mis du côté des Français quand ils se sont battus contre les Anglais en débarquant chez vous. Ils avaient bon goût ! Mais aussi ils se sont battus aussi contre leurs frères Pentagouets pour faire à qui mieux-mieux dans le commerce des fourrures…Vraiment on n’en sort pas, c’est comme aujourd’hui entre toi et moi : on n’arrête pas de se chicaner sur la quantité de bières que je peux acheter… »

Damy réussit à faire rouler le guéridon qui supportait la télé et à installer les rails. Il disposa tout autour une colonie d’indiens dont certains à chevaux. Quand la locomotive à vapeur passerait, il organiserait une bataille gigantesque contre les cow-boys qu’il appellerait « La Bataille du Petit Ecran ». Mais qui gagnerait ?
L’Histoire voulut que ce furent les cow-boys, mais Damy, de par son profond respect pour la nature, aurait voulu que ce fussent les indiens. Comment faire ? Invoquer Wakan-Tanka pour qu’il envoie les sept péchés capitaux sur les blancs dont : « Tu ne tueras point ! » ? Prier Sketekemouk pour qu’il envoie les dix châtiments, comme sur le pharaon, afin que les Sioux gardent leur terre promise ? Faire faire les douze travaux d’Hercule, pas un de plus, au Grand Sachem pour l’entraîner à la bagarre ? En appeler à Jupiter pour diriger ce combat de Titans ?

- « Lounichette, je t’invite à une danse du soleil autour de la télé, avant que je branche la prise du chemin de fer.
- Tu vas louper ton western, mon chou. Viens que je te fasse un gros bisou pour m’avoir aidée. La cosmogonie indienne est relativement simple, finalement. Pour les Grecs, les Dieux se battent entre eux et font des carnages. Pour s’attaquer à l’étude de leurs filiations, cela demanderait des années. Tu serais vite perdu dans le choix de ton camp ! Toi, à force de railler et de dérailler, tu me fais penser à un Sisyphe heureux.
On devrait revenir à une philosophie de la Terre, à considérer le Elnous comme une simple composante, pensante certes, justement, pensante ! À une philosophie basée sur le respect de Gaïa et non sur son exploitation…
- Je te nomme Grand Manitou, ma belle ! You-you ! C’est sur quelle chaîne le western ?
- La trois, c’est « Danse avec les loups ». Attends, je viens, pousses-toi, il y a Kevin Costner ! »
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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli) Empty Re: Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

Message  elea Mar 1 Nov 2011 - 19:27

C’est un petit peu long, à la fois pour une lecture sur écran et dans l’intérêt qui parfois a baissé me concernant.
Notamment dans les passages en italique sur les indiens : c’est très descriptif et froid, des données instructives, un peu comme un cours et du coup assez morne. Le fait qu’ils soient entrecoupés de scènes entre Damy et Louna apporte une respiration bienvenue.

Il y a de l’humour dans leurs dialogues et leur relation est assez étrange, suffisamment pour intriguer.
Le personnage de Damy est bizarre je trouve, dans la majeure partie du texte on pense plus à un gamin qu’à un homme. C’est sans doute sa personnalité qui fait ça, le fait qu’il soit resté un enfant, mais cela crée un décalage avec sa femme qui parfois donne des échanges surréalistes, comme à propos du personnage/chien Chihuahua Pearl.
Et les passages sur les héros de son enfance et sur la nature sont assez déconcertants, il vit dans un monde imaginaire tout en ayant des attitudes de goujat et sa femme ne bronche pas.
Je ne sais pas trop comment l’expliquer mais la relation des deux personnages ne colle pas pour moi.

J’ai donc trouvé le texte en demi-teinte, bien écrit, avec des passages amusants et intéressants (l’échange à partir de Capbreton par exemple) et d’autres un peu loufoques et déstabilisants.

Une histoire de cowboys et d'indiens revisitée à l'époque actuelle ? Un choc des cultures ou une confrontation ? Au fond je ne suis pas certaine d'avoir bien compris où ça voulait aller.






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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli) Empty Re: Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

Message  Janis Mar 1 Nov 2011 - 20:06

ouh c'est long !
je le garde pour demain
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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli) Empty Re: Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

Message  Damy Mer 2 Nov 2011 - 22:34

elea
Tu es vraiment dans le vif du sujet. Nous avons voulu mettre en scène Damy,qui n'a pas bien grandi et qui se prend pour Davy Crockett: un névrotique, et Louna qui sait qu'elle est indienne, soumise aux cow-boys quand ils sont gentils, et qui éprouve le besoin d'en rechercher les fondements historiques; une psychotique (mdr, gaeli va se mettre en colère...)
Tout ça sur fond de mythologie pour avoir la bénédiction des dieux.

Content que tu aies trouvé que c'était bien écrit.
Bravo d'être allé jusqu'à la fin !

Janis
À bientôt j'espère. Ne nous laisse pas tomber dans le délire...
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Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli) Empty Re: Wakan Tanka, l'amer indien (duo avec Gaeli)

Message  Janis Jeu 3 Nov 2011 - 7:28

Voilà voilà, on arrive !
En effet il y a des longueurs, et moi les longueurs je les saute, même quand je lis tolstoï ou claude Simon ou faulkner. C'est ma réserve, il faut reserrer je pense.

Par ailleurs, le texte écrit par Louna ne ressemble pas à un scénario dans sa forme !

En revanche, contrairement à Elea, j'aime bien le contraste entre le texte posé, documenté de Louna la squaw sauvage et le côté complètement loufoque, enfantin de Damy le blanc civilisé, parce que ça crèe un effet comique, et ça inverse les images d'Epinal. Et j'apprécie la tentative d'imbrication de trois niveaux : le jeu, le texte dans le texte et la réalité. Je dis tentative parce que à mon avis vous pouvez mieux travailler les glissements de l'un à l'autre, et peut-être aussi aller plus loin dans le délire, par exemple en mettant le gros bordel dans la pièce qui deviendrait impraticable, ou que sais-je.

Voilli voilà, donc je dis : tailler un peu, travailler les passages et ne pas lésiner sur l'exagération, sur les effets visuels, les images - cf par exemple Le manuscrit refusé (je crois) posté dans ce forum.
Et ça pourra faire une petite fantaisie fort plaisante !
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Message  Janis Jeu 3 Nov 2011 - 7:29

Je rectifie pour la fin : Le script refusé, juste ci dessous à l'heure où je vous écris
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Message  Invité Jeu 3 Nov 2011 - 10:40

Passionnée par la civilisation indienne, j'aurais aimé lire ce long texte.
Mais je dois attendre que mon imprimante accepte de me servir, car lire un texte aussi sur écran, ça dépasse les possibilités de ma vue défaillante...

Oui, je suis souvent obligée de passer par une copie papier en plus gros caractères. C'est ainsi ! *sourire*

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