Montaniens

Montaniens I,

pour moi, il y a de la magie dans ce texte.

merci.

Montanien XXIX

A l'Ouest rien de nouveau (et pourtant tout).

C'est par une fin d'après-midi plombée du début de janvier que vous atterrissez ici au cœur de l'Ouest idéalisé. Vous ne savez alors rien de ce qui vous attendra, une page de votre vie vierge de neige fraîchement tombée. A peine un pied au sol, la problématique est là : où vous ne bougez plus et vous mourez gelé, où vous avancez et chacun de vos pas bouleversera le paysage de son empreinte, son karma : vous ne pouvez pas connaître tout ceci sans vous.

Chaque coup d'œil en arrière ramenant au début, votre seule solution, regarder droit devant pour garder le cap de l’espace inviolé, cette chose du sacré qui s’approche sans se voir : la traversée du monde se palpe à l’aveugle ! Autour de vous le paysage commence de bouger, des formes jaillissent, d'êtres et de sons aussi, autant d'ectoplasmes que vous le vouliez, sont-ils bien là où vous vous les inventez : indispensable nécessité d'une narration rébus.

Votre instinct vers l'avant vous semblez progresser mais quelle est cette perversité qui fait de l'avant aussi bien le passé ? Que fera-t-il qu'un jour vous vous arrêterez, serez-vous ligne droite ou cercle parfait ? Toute la question est là, à travers les grandes plaines, leur manteau de froid : pourquoi cet endroit et pourquoi pas celui-là ?

°°°

Claire : Lire... putain lire... je veux le faire en public. J'y arriverais. Je cherche, je tourne, je vire. Celui-là n'était pas abouti du tout. Plutôt pour l'ambiance car le groupe derrière c'est bien elles qui jouent : Les trous taquins "Sassholes" en anglais.

Oups, désolé milo, merci beaucoup pour ce post.

Mano a écrit:[b]Montanien XXIX

vous ne pouvez pas connaître tout ceci sans vous.

la traversée du monde se palpe à l’aveugle !

indispensable nécessité d'une narration rébus.

quelle est cette perversité qui fait de l'avant aussi bien le passé ?

serez-vous ligne droite ou cercle parfait ? Toute la question est là,

°°°

Claire : Lire... putain lire... je veux le faire en public. J'y arriverais. Je cherche, je tourne, je vire. Celui-là n'était pas abouti du tout. Plutôt pour l'ambiance car le groupe derrière c'est bien elles qui jouent : Les trous taquins "Sassholes" en anglais.

Oui des questions essentielles; on avance, quoi qu'on fasse, à l'aveugle, même quand on fait ou croit faire du surplace, ça avance toujours.
Je trouve la dichotomie "ligne droite" ou "cercle parfait" top réductrice, ça rebelle en moi, ça, soit l'un, soit l'autre, trop tranché pour moi, qui suis tellement broussailles; bref p.ê. que ça ne concerne pas tes montaniens. mais la question de l'élastique et de l'élasticité (toi tu parles de perversité). la clarté est sans doute une exigence, seulement.

Lire, eh bien, lis à voix haute, fais-le, tu le fais déjà, tords-toi la voix des fois, même si c'est pas comme ça que tu le donneras ensuite à entendre; respire, coupe, rupture, souffle, accélère, freine, coupe ici ou là, élève la voix, casse ton rythme, reprends, laisse tomber, gueule et susurre, module tes cordes; est-ce que tu as qqn avec toi pour te faire des retours ? du style, ouais comme ça, est-ce que tu pourrais pas essayer comme ça, etc. Si c'est aussi ça qui te tient, vas-y, propose ailleurs.
Petite remarque au passage; il me semble parfois bien difficile à celui qui écrit de lire ses propres textes; les résultats sont parfois décevants; il s'agit de s'extraire et je pense que ça c'est franchement difficile. pour mon expérience auditive, rares sont ceux qui arrivent à porter (bien) à l'oral leurs propres textes, sauf des gens comme Ghérasim Luca ou Christophe Tarkos ou Ian Monk ou ....

Montanien XXX

En sortant du jeu de quilles

D'un seul coup après le choc, en automatique, le monde se ré-agence selon l'ordre après l'impact que votre boule impose. La ligne est cirée. Tout est fait pour que le but soit atteint. Destruction programmée, c'est vous qui visez.

Juste trois doigts et le même nombre de trous pour mettre en mouvement la lourde tâche du destin. Vous arrêtez le temps puisque tout se répète avec comme chance celle d’approcher de la perfection. Pour voir.

En sortant ivre le monde froid, bloc, vous délivre sa puissance. Vos doigts gourds et gercés grattent dans l’épaisseur givre le pare-brise de glace. Vous êtes du mauvais côté de la paroi. La mauvaiseté du vent vous chasse vers l'habitacle. Vous tremblez des mains. A l'intérieur la mécanique vous réchauffe peu à peu. L'animal est bien loin.

Une rage vous prend.

Qui est dans l'autre voiture ? Vous démarrez sans savoir. Le monde jaillit à vous par les griffes de la glace. Vous serez le premier à vous extraire de là ! Vous coupez la route à la Jeep blanche, des phares pleins vous le confirment, un défi est lancé. Vous faites parler les chevaux et vous vous dédoublez.

Riant à vos côtés vous vous regardez. Hurlant et flou.
Riant à vos côtés vous vous regardez. Hurlant et flou

Au premier virage la Jeep vous attaque, bord à bord sur le pont : plainte de la tôle contre la tôle, qui d'entre vous cédera ? C'est en freinant que vous prenez l'avantage. La Jeep flotte un instant hors de toute trajectoire puis la puissance des moteurs revient vous envelopper d’une matière dure faite de bruit. Vous vous en oubliez, en suspension sur la ville.

Et d’un coup la maison, la place de parking, la porte à ouvrir,
le lit près du mur et vos draps maculés, l’accueil frigide de vos renoncements. Et juste avant cela dans les zébrures sang d'un énorme fracas, l'aile arrière droite de votre véhicule à explosé d'un seul coup de ce bon vieux métal américain.

C'était la Jeep blanche qui se rappelait à votre souvenir.

°°°

Merci du passage Mentor. Content que tu t'habitues à cette voix "vous".

Claire : la ligne droite et le cercle parfait ? Dans le cas présent c'est plutôt du côté de l'opposition blancs/indiens que j'essayais de chercher. Et là il y a une vraie dualité. J'aime bien ce que tu dis de l'élasticité plutôt que de la perversité. Je vais tourner ça dans ma tête encore et un peu plus. Merci.

un passage pour dire que je suis ces montaniens, post après post.

à ta question sur "prose et poèmes"... cette alternance de forme ne me dérange pas, et ne me déplait pas.

Le "vous" me hérisse quelquefois. Ce qui ne veut pas dire que je le trouve déplacé ou inutile. Non... au contraire. Je crois que c'est parce qu'il me fait (contraint ?) "lecteur acteur" alors que je préfèrerais souvent n'être que "lecteur voyeur". Oui... voyeur... de ces instants de vie, d'émotion, de rage, de questionnement, qui défilent d'image en image. Pas facile à expliquer... comme ça... mais il y a une sorte "d'auto-défense" à n'être que voyeur... Acteur, on est en plein dedans et de défense, il n'y en a plus guère. Je ne sais pas si c'est très clair.

Mais j'aime beaucoup être "aspirée" comme ça...

Montanien XXXI

Poussière et eau

Au fond de la gorge un barrage, toute cette eau retenue qui ne peut s'échapper. Vous pensez aux larmes des indiens si longtemps ravalées.

En le parcourant le plateau n'est que ravines jusqu'à la crevasse centrale. Pourtant en levant la tête l'alentour est plat. Plat comme une terre aride et blanche. La perte de vue se cogne à l'horizon de la chaîne de la Mission.

Vous venez de quitter une ferme à bétail. Un mari occupé pendant les quinze dernières années de sa vie à nourrir, habiller et faire la toilette de sa femme alitée. Elle vient de se relever. Hier, ils sont allés marcher.

Aujourd'hui le fils cadet vous fait visiter la propriété. L'aîné s'est enfui. Vous avez dormi dans son lit. La râpée de pommes de terre, les œufs face ensoleillée vers le haut, le lard fumé et la sauce blanche, vous tiennent le ventre.

La rambarde métallique repeinte de frais entre vos mains - mais qui s’occupe donc de cela, là ? - vous ne décollez pas votre œil du bas.

C'est d'ici que vous auriez sauté. C'est sûr.

Le cadet vous montre un aigle. Il n'est pas de votre souci. Depuis qu'il n'y a plus de neige vous êtes perdu. La tête vous tourne en regardant le ciel. Même les nuages sont vides.

"C'est important ce barrage,
C'est par son eau que l'on peut irriguer."

°°°

Réginelle : merci. Petit à petit, je dégage de vos commentaires à tous une forme qu'il va falloir que je finalise. Il faudra à un moment que je change mon ordre d'apparition à la page qui est celui de l'écriture. Le montanien I étant le premier écrit et ainsi de suite. Je ne pourrais pas faire l'économie d'un ré-arrangement pour que l'alternance trouve sa place.

Petit détail sans importance :
...Pourtant en levant la tête l'alentour (s)est plat. s'il est adverbe alentour est juste, s'il est nom, comme dans ta phrase, il prend un Sje remarque cette curiosité, sans en connaître vraiment la bonne orthographe.

Votre écriture me semble toujours aller à l'essentiel, celui qui décrit ou celui qui interroge.
Réflexions posées, univers maîtrisé, vous gagnez d'aventure en aventure, à noircir du papier.
Lorsqu’aéré, vous suggérez les intentions, c'est du petit-lait à savourer.

Montanien XXXII

Le Wilma (Vision Lyncheéènne)

Ils sont tous là, ils vous attendent,
un amphithéâtre de têtes baissées,
tâches lumineuses dans le sombre :
vous ne distinguez que des inconnus.

Bottes et cigarettes, ce chant s'élève doucement.
Bottes et cigarettes, voix de basses sourdement.

Vos bottes de cuir noir à ailes déployées
et pointes d’argent ne sont plus à vos pieds :
dépassent dérisoires les orteils
de vos chaussettes mitées.

Bottes et cigarettes, vous avez envie de fumer
mais n'avez pas de feu. Pouvait-il en être autrement ?

Une tête d'homme grise chauve et pelée
vous apostrophe soudainement
d’une voix trachéotomiée salement englairée.
Il ne s'agit ici que d'une question de mort.

Bottes et cigarettes, un temps pour courir un temps pour fumer.

Vous remontez les portes d'un couloir éteint,
à tâtons pleins d'étonnements,
vous accrochant au souffle d'un instrument,
un cornet de cuivre éblouissement de noir.

Stridente dissonance, couac d'un instant.
Bottes et cigarettes, ce refrain lancinant.

Vos pompes récupérées
droit dedans vous vous en allez
en emportant, dernière vision,
celle de vos pieds.

Bottes et cigarettes, vous êtes nu finalement
Bottes et cigarettes, plein d'asticots grouillants.

°°°

Une prononciation :
BoT's zé cigareT'sss

°°°
Cliquer pour écouter "Le Wilma"
°°°

bertrand-môgendre : bien noté l'alentourS. Merci. En espérant que le reste du voyage vous accrochera aussi.

Bottes et cigarettes, vous êtes nu finalement
Bottes et cigarettes, plein d'asticots grouillants.

J'étais parti et bien parti jusqu'à la chute.
J'avais Lynch en tête et tu m'as servi du ver.
J'aurais souhaité une tête de lapin, une oreille d'ours.
Un pneu, une aile d'ange. Garde-moi dans l'hallucination
jusqu'au bout.

Montanien XXXIII

Danser avec les ours ou "Les vauriens ne sont pas morts !"

Ils s'appellent Skiny ou Fuzz ou Pop mais lui s'appelle John. Ses cheveux sont jaunes avec des pointes noires. Vous savourez vos bières, vous les buvez conscient. Cela ne durera pas.

John est content, vous venez de lui être présenté. Il est énorme, fait de couches superposées. Des os, de la peau, de l'encre, du T-shirt, de la toile, des chaînes et des morceaux d’acier sur cuir rapiécé. John est content, il veut vous le montrer. De sa langue percée il cherche à vous embrasser.

Vous déclinez l'invitation.

Ses mollets, que vous apercevez entre son short en sac et ses All Star® trouées, vous disent l'un "d'aller vous faire foutre" l'autre "qu'il est né pour mourir". Autour la foule se heurte, le sol se met à trembler. Vous, vous tenez les comptes au bar. John est en sueur il vous invite à danser, se dandinant, subtil, son sexe contre votre poignet.

Vous le repoussez, vous n'êtes pas intéressé.

Et puis les choses s'accélèrent. Est-ce votre dernier whisky, l'effet des amphets qui commencent à monter, l'envie de vivre ou de vous défouler ? Vous êtes sur la piste en train de tout lâcher. Sur un pied il vous rentre dedans refermant sur vous ses bras de géant.

Vous lui dites d'aller se faire foutre, lui, appuyant l'argument d'un sale coup de front contre ses dents. D'un tour de main éblouissant entre les deux ailes d'un couteau papillon surgit une lame.

Eclair entrevu.

Vous sortez la votre portée par une abeille, souvenir d'un grand père un jour imaginé, comme une mécanique bien huilée, d’une main machinale.

Et maintenant ?

John a ri. Le papillon s'est envolé. L'abeille a disparu. Il est en probation pour coups, blessures et récidive. Il vous aime bien.

En sortant dans la rue, il vous pisse dessus. Avant qu'il ne vous touche vous détournez le jet, deux de vos doigts glacés sur son sexe chaud le guident vers le caniveau. Les dernières goûtes humectent ses chaussures, le laissant sur l’asphalte chancelant, animal trop grand pour ce monde de méchants.

Vous, vous rentrez chez vous cuver votre biture.

Non ! Décidément, non ! Les vauriens ne sont pas morts !

°°°

PW : Bon, content que tu sois bien parti au moins jusqu'à la chûte. Que te dire sinon que les asticots grouillants me semblent assez lynchéens... un peu trop de sens dans tout ça tout de même, c'est ça ?

Mais je peux garder l'idée...

Bottes et cigarettes, vous êtes nu finalement
Bottes et cigarettes, une tête de mouton,

plein d'asticots grouillants.

Ben oui, j'y tiens à mes asticots grouillants. Le problème là c'est que je repars tout de suite à la pêche à l'écrevisse.

En sortant dans la rue, il vous pisse dessus. Avant qu'il ne vous touche vous détournez le jet, deux de vos doigts glacés sur son sexe chaud le guident vers le caniveau. Les dernières goûtes humectent ses chaussures, le laissant sur l’asphalte chancelant, animal trop grand pour ce monde de méchants.

Vous, vous rentrez chez vous cuver votre biture.

Non ! Décidément, non ! Les vauriens ne sont pas morts !

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J'aime beaucoup les deux premiers paragraphes, on ne sait jamais trop où ça va aller, et pourtant, tu fais des annonces "ça ne durera pas"; donc du suspense et une invite pour la suite. J'ai souri aussi, pas mal, de la tendresse, quelque chose aussi de mâle, toujours un narrateur extrêmement soucieux et conscient, même si la conscience le lâche par endroits, il revient sans cesse sur ces "lâchements", donc il se guide et le lecteur avec.
Petites virgules de simplicité entre deux tentatives du personnage, John; il y a de la douceur dans le propos.
Je laisse le paragraphe dans la rue et pisse, chapeau !, sauf le dernier mot "méchants", ce monde de méchants, un peu enfant(in); à toi de voir, si ça te convient jusqu'au bout et la chute, pour moi, moins aboutie, comme si le rythme n'était pas assez au rendez-vous, un rien ici, peut-être dans la ponctuation, une sorte d'appel à la coupure pour ce dernier élan, qui se saborde aussi dans la "cuve de la biture".

Très chouette en montreur d'ours, Mano, avec juste ce qu'il faut de frisson entre les deux ailes d'une abeille et une grande délicatesse dans le geste du pouce et de l'index pour détourner l'orage. Un Montanien que j'apprécie.

Montanien XXXIV

Paradis perdu

Dans la fumée bleue une apparition, Elle c'est Eden, vous accueille d'une voix épaisse, suave et salée : "Salut douceur",
ouverte aux quatre vents.

Lamé impeccable, froideur d'acier, seule sous la poursuite, lèvres en suède au micro, d'un doigt de velours gris c'est vous qu'elle désigne.

Vous manquez un ou deux battements, de toute façon vous n'avez jamais été dans le temps. Les portes du jardin paraissent s'entrouvrir, ne vous reste plus qu’à les franchir.

Mais tout est trop parfait si ce n'est vous. Cette belle histoire que vous vous racontiez devient d’un clin d'œil la réalité, cette chose là, même, que vous fuyez

depuis tant d'années.

°°°

Claire : oui pour le sabordage. C'est bien de sabordage qu'il s'agit. Un sabordage qui se répète sur plusieurs Montaniens et qui fait lien. Le "vous" rentre se coucher. Une baudruche qui se dégonfle ?
Pour ce qui est du monde de "méchants" je dois dire qu'il me semble naïf et énervant autant qu'à toi et que si je le lisais ailleurs j'aurais sûrement le même genre de réaction mais à cotoyer des John mon ressenti est devenu celui-là, ils trouvent le monde "méchant" (mean en anglais) et leur réaction à ce monde tient beaucoup de l'enfantin. C'est pour celà que malgrè tout j'y tient car celà est assez loin d'un cynisme auquel je suis culturellement plus habitué.
D'où aussi cette traduction à ma manière de "Punks not dead" qui tente de prendre en compte ces considérations.

Arielle : merci de te savoir touchée.

Montanien XXXV

A l'ombre des supermarchés

Il y a toutes sortes de lards, d'œufs, de gelées, autant de jus, de bières, que de variétés de pommes sautées. Une multitude de fruits en tous points plastifiés, plus toutes ces variations de beurres allégés.

Les médicaments, les ampoules et les Bretzels craquants. Les sous-vêtements par trois et les couches pour enfants

- c'est donc là que se changent les bébés ! –

Un attroupement autour d'une promo détergent et la vague nausée du tout est abondant.

Sept sur sept, vingt quatre sur vingt quatre, évanescence du partir à la chasse. Se poser sur le parking et trouver la bonne place. Pas de jour, pas de nuit. Pas besoin de se battre. Pousser et remplir, revenir à la grotte, se lover dans un coin, allumer la télé. Satiété d'un instant, le tout est oublié.

Un pack de six sur la banquette en tigre, une peau attrapée au vieux temps du disco, un sac en kraft plein de viande de boucan, un paquet de vingt tiges déjà un peu fumé, un plein d'essence à la gueule remplie, une clé à tourner et vous,

vous qui pensez encore que vous allez en ré-échapper

°°°

Montanien XXXVI

A la poursuite de Randy Peterson

Les éclats d'un gyrophare, bleus et rouges, percent d'éclats de silence le ronronnement de votre route. On vous intime de garder les mains sur le volant. Les questions sont nettes à réponses uniques. Vous pourriez basculer à n'importe quel moment de l'autre coté de la ligne. La ligne est là. Vous la voyez. Vous vous en tirez avec un avertissement. La loi s'éloigne, vous le sentez physiquement. Un nuage a caché votre soleil, il portait des montures d’acier à verres de glace. Vous, vous vous y êtes vu.

Perdu dans l'immensité ininterrompue à la poursuite de quelques syllabes inconnues, une ville, un nom qui résonne : Randy Peterson, Livingstone. Vous présumez, comme de bien attendu. L'annuaire parle, il balance tout mais la bonne vous informe que monsieur et madame sont dans leur cabane. Passé votre égarement elle vous ordonne de rappeler le lendemain. Il ne vous reste qu'à boire.

Vous avez bu. Assez pour avoir su que cette ville n'est qu'un train qui se poursuit lui-même. Vous cherchiez la locomotive et vous vous retrouvez dans le wagon de queue. Serge est apparu. Il parle de sa fille qu'il regarde grandir de l'extérieur de sa fenêtre, de l'autre côté de la rue. Un cercle tracé de vide de père autour de cette petite personne pour lui de plus en plus. Il tente et tente sa chance et se retrouve au trou. Entre deux séjours il nettoie les locos à grands jeux de grands jets, haute pression, se perforant le gosier dans des bars à motos dont l’un d’eux est tenu par deux frères à barbes de religion.

A force de tourner vous finissez par dormir.

En fin de matinée monsieur et madame sont à la chasse au loup. Serge vous demande d'aller chercher sa fille, votre estomac vous dit ce que vous ne voulez pas savoir : il est temps de partir, de ne pas dire au revoir. Les éclats d'un gyrophare bleu, et rouge, percent d'éclats de silence le ronronnement de votre route. Vous gardez les mains sur le volant les questions sont précises, vos réponses vaseuses. Vous avez basculé à un quelconque moment.

La ligne était là, vous le saviez pourtant.

°°°

Revoilà le lâcheur...

Toujours aussi bon, Mano.
Ton texte emporte et porte bien le lecteur. Et pas que cela.

Montanien XXXVII

Source Chaude IV

"Aucune boisson alcoolisée autorisée", cet écriteau vous le dit, vous n'êtes pas là pour boire mais pour cuire. Et il vous en cuira.

Tout s'est décidé au tout dernier moment, une virée aux sources remède à la gueule de bois, cinq nanas et vous, vous ne le croyez toujours pas. Tassés à quatre sur la banquette arrière, puis à trois dans des lits pour deux, une seule viendra partager votre émoi.

L'hôtel est un vieux paquebot arrivé dans un rêve à coursives aveugles, à appliques de cuivre,
en décors acajou et baignoires à pattes. Le lion sommeille en vous, les gazelles se reposent, la chambres est claire mais à la place de la mer l'horizon bute à celui des montagnes.

Des hommes sont venus ici pour bâtir sur des lots dessinés sur le chant des indiens, s'imaginant fortunes aux suées de la terre. Rien n'est terminé, règne l'abandon et l'esprit tenace de quelques excentriques à l'espèce de croyance que le miracle est là.

Dans ce chaudron magique aux pouvoirs étranges, censé vous nettoyer de vos années de fange, transpirant vos excès et même ceux de demain les cinq filles et vous même macérez dans le bain. Les jambes emmêlées dans le bassin étroit, une paire vous cherche vous ignorez laquelle.

Le réveil est brutal à huit pattes dans la boue, copulant comme un fou, terminant la vodka, ne pouvant en finir avec cette odeur de soufre.

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Clquer pour écouter"Sourcechaude4"

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Merci Reginelle. On fait ce qu'on peut...

Montanien XXXVIII

Au fond de la vallée

Cela aurait pu être n'importe quel matin d'automne mais ça n'en était qu'un, celui où cette femme vous a emmené à l'endroit de son enfance, au fond de la vallée. Un corridor large et plat comme une paume ouverte, le poing prêt à se refermer, avec en unique ligne de destin cette rivière étroite.

Lieu-dit dont vous ne direz plus le nom où un groupe de pionniers - un autre jour d'automne peut-être et la crainte de l'hiver - a décidé de construire quelques cabanes en rondins et quatre murs de pierres.

Il ne reste de ce rêve qu'une poignée de tombes, une école encaustique et son beau gravier blanc ; cette balançoire à chaînes rouillées sauf à l'endroit des mains qui donne sur le couchant à l'ombre du seul chêne.

Tout autour existent un centre commercial, deux stations service, un restaurant, quatre églises et deux marchands de biens. Le bar est plus loin – « là bas ».

Vous êtes arrivés, avez fait le tour, vous êtes balancés en vous lâchant des mains.

A l'ouest ça ressemblait à la pluie, au nord à la neige et là, à l'ennui et à la peur aussi. Avec vous cette sensation que vous ne possédez pas la terre que c'est elle qui vous tient mieux que toute la communauté des humains.

La radio clamait que si elle avait l'argent vous, vous aviez le temps.

Au fond elle avalait. Sur sa joue, ça ressemblait à des larmes.

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Montanien XXXIX

La fessée au vieux singe

Finalement êtes-vous venu ici pour boire
ou pour parler ?

Vous ne parlez plus depuis longtemps.

Un cul va et vient derrière le comptoir.
Il ne cesse de vous obnubiler.

Votre décision est prise

A la fermeture du bar
vous le suivez jusqu'à la rivière.

Le cul ne crie pas.

Seul un convoi ferroviaire se plaint longuement
à vous glacer le sang.

Plus que toute neige et tout vent.

Dans le noir votre halètement
et dans votre main le résultat de votre déraison.

Le vrai cul est dans un lit.

Le votre paraît tellement loin
vous vacillez un instant

et puis l’idée des draps

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Cliquez ici pour voir et écouter"Montanien40-un-sourire-au-poignet"

°°°

Montanien XL

Un sourire au poignet

Qu'avez-vous fait de votre nuit ?
Qu'avez-vous fait de la boule blanche ?
Celle sans celle où jouer n'est plus possible.
Une lame a séparé votre nuit.

Vous l'avez croisée, elle devait être à vous, toute à vous !
Vous l'avez croisée, elle ne voulait pas.
Le bar était à vous, tout à vous !
Le bar, vous n'en vouliez pas.

« Embrasse-moi, embrasse-moi », susurrait Jim Beam
Mais vous n'aimiez pas la couleur de sa barbe.
Il y eut du sang sur la boule N°8.
Personne ne l'a su, personne ne voulait le voir.

Votre voiture fut un tigre -

« Attaque ! Mord-les !
Mange-les ! »

- qui vous sauva de vous même
et de tous les autres.

Au petit matin des croûtes autour des lèvres
vous ne pouvez rire sans saigner
un sourire au poignet.

°°°

Désolé une fausse manipulation, voici le texte du précédent en vidéo.

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Et le lien pour "La fessée au vieux singe".

Cliquez pour écouter"Montanien39 - la fessée au vieux singe"

Bon, j'y serais arrivé. Dur ce matin.

Sur le c... !
Commentaire justifié.

Oulah !

31 montaniens ??!!

Je n'ai lu que les deux premiers (désolé ^^)...

De façon concise, j'ai A-DO-RE le premier. Malgré quelques fautes déjà relevées par d'autres (les "s", bouche-bouchée...), l'ambiance, le rythme dans cette lenteur hivernale, le détachement du narrateur, du lecteur, des personnages, l'utilisation du "vous"...

Excellent ! Un vrai coup de frais.

Et pour faire original, le deuxième est, à mon avis, une balle à blanc. Il n'y a rien, d'approchant le premier.
Là où le I est poétique (tour de force quand, en à peine 30 lignes les mots "fellation" et "avaler" sont suggérés ...), le II est vide, sans vie. Ce n'est qu'une succession de faits, neutres, crus, du cul et pas de sentiments.

De plus j'ai trouvé que les rimes y étaient épuisées. Je n'avais pas remarqué (et donc tu avais réussi !!!!) le poème dans le texte I, alors que le II halète sous les rimes suffisantes (ou pauvres). Il est maîtrisé par la contrainte des sons, et perd donc son âme.

Dommage !

Je lirai les autres.

« Embrasse-moi, embrasse-moi », susurrait Jim Beam

Oui je me souviens, il y avait aussi Jacques et Danielle.

pandaworks a écrit:

« Embrasse-moi, embrasse-moi », susurrait Jim Beam

Oui je me souviens, il y avait aussi Jacques et Danielle.

Martin et Evenou ? Non !!!!!!!!!!!!!

Mentor m'a conseillé de lire " Montaniens " alors je lis.
Pas mal du tout, je continuerai un peu plus tard.

Mano je te conseille l'écoute d'un groupe Danois qui s'appelle Karthage.
Et de lire les textes. Cela devrait te botter.

http://www.lyricsandsongs.com/lyrics/KARTHAGE.html

Montanien XLI

La femme du néant vestale

Dans l'air frais d'un matin, au début du dégel, à la fin d'une nuit en cuillère contre elle, vous êtes seul sur le seuil une tasse brûlante de café à la main contemplant votre amante.

Accroupie torse nu en sueur sous l'effort, son bras en va et vient, organique ressort, les doigts crispés à l'arc, le poignet sur la vis, elle grogne doucement, s'encourage sans malice.

Courbée sur la planche d'où s'élève un filet d’une acre fumée grise qu'elle s'échine à souffler capturant le tison pour le mettre en plein cœur d'un nid fait d’herbes sèches qui prend flamme et chaleur.

Contente de son feu elle relève en riant ses yeux de carnassière et s'en va doucement vous laissant contemplant à l’entrée de la grotte le destin de ce tas de braises déjà mortes.

Dispersées par le vent sous les roues des voitures, disparues sur l'asphalte vers d'autres aventures, les circonvolutions absentes du désir passent parfois par le rien pour toucher le plaisir.

°°°

Merci à tous des passages même si de mon côté je suis plutôt erratique dans les commentaires et mes apparitions.

Island : j'espère que tu n'as pas eu trop mal en tombant...

Kazar : le numéro 2 ne te plait pas ? Tu n'aimes pas les répétitions et les mauvaises rimes, tu n'aimes peut-être pas les robes à meringues et un certain mauvais goût... c'est ton droit. Pourtant, là, c'est mon sujet... et une certaine musique, un certain dégout. Mais tu n'es pas le seul à parler dans ce sens donc j'ai sûrement dû rater ma cible. Mais j'y tiens à celui-là, aussi imparfait qu'il puisse avoir été. J'espère que d'autres trouveront plus de grâce à tes yeux et tes oreilles. Les montaniens sont un tout. Une narration en soi, elle n'est pas encore complètement finie ici...

PW : j'écris ces lignes en écoutant Karthage. Bien vu. Merci, je ne connaissais pas. Il y a un clip aussi sur You tube, en noir et blanc... il me touche. Le Danemark et ses grands froids ne doit pas être aussi éloigné que ça du Montana... les Montagnes en moins tout de même et l'espace... l'espace... J'espère qu'un jour j'arriverai avec Paul (mon copain guitariste) à faire un morceau bien ficelé. Juste pour le plaisir d'avoir enfin quelque chose de fini. Pour revenir aux danois, eux aussi travaillent en traduction, dans l'autre sens par contre... comment importer l'anglais et l'amérique dans notre langue... toujours le même problème du rock français...

Lucy : merci d'être passée me voir. reviens quand tu veux. Et si en plus on me conseille... merci Mentor donc.

Montanien XLII

Motel 7 Chambre 8

Cela pourrait être n'importe où, cela : le lit double, la télé, les rideaux en tulle droits, les phares au plafond qui s'en vont se cassant dans le temps où s'estompe les chuintements de bouillie faits par les pneus sur la neige qui fuit.

Une cannette est ouverte, elle pétille doucement. Allongé sur le lit, les bras le long du corps, les paumes biens à plat, vous fixez l'écran dont le son est coupé regardant défiler des images animées sans autre sentiment que celui de passer.

Puis entre cette pute sur le bitume aperçue :

"Pas de panique chéri, ça prendra cinq minutes, mieux vaut sucer un coup que pas sucer du tout !"

Avant que vous ne le sachiez elle vous ouvre le pantalon vous donne, vous prend, vous vide, d'une certaine tension, se sert dans votre poche de l’unique billet et repart se planter dans le blizzard glacé.

Les bras le long du corps les doigts biens crispés vous fixez sans savoir des images arrêtées : celle de votre sexe en train de sécher, celle d'un cheveux contre lui collé, celle un peu plus floue, en arrière, de la poignée, va-t-elle encore bouger ?

Soudain les vitres vibrent de ce que s’arrête un camion. Le vent vif vous apporte les intonations aiguës de la voix de la pute. Se coupe le bruit du moteur.

Claque une détonation.

Etait-ce de la chambre à côté ? Le rythme s'accélère votre pouls aussi. Vous êtes immobile dans la pénombre attentif aux éclats des gyrophares qui tournent par dessus vous, animant votre sueur de multiples couleurs.

Cela pourrait être n'importe où, cela ne l'est pas, au milieu d'un continent, à pas d'heure dans le soir, autour, partout, la plaine s'étend dans le plat et vous, seul, faites votre histoire.

°°°

Montanien XLIII

Brûlez !

Arrêté à la lumière rouge - dans votre langue il s'agit bien d'un feu – un homme, le Livre à la main, crie "Brûlez !" Derrière le volant vous vous interrogez. En contre jour - il est debout, vous êtes assis - contre vous le poing en l'air, la barbe en pointe messianique, il répète son incantation :

"Brûlez !"

Une fois encore vous prenez les choses personnellement et vous riez. Vous riez en accélérant du rire du dément. Le train arrière fond au goudron, les injecteurs pulsent de quoi parcourir 500 kilomètres dans 50 ans, du capot s’élèvent 120 décibels rugissants.

Un mur de force vous enfonce dans la banquette en tigre tandis que vous allumez une "coup de chance" dont vous vous emplissez les poumons.

Ici et maintenant, vous connaissez la chanson.

Le prédicateur, lui, dans les rétroviseurs continue son serment celui d'un homme qui a perdu sa femme et ses enfants à la sortie d'un bar et de trop d'alcool dedans.

"Brûlez !"

°°°

Bon, je les ai pas tous lu. Mais j'aime beaucoup. En fait, j'aime les gens qui savent faire naitre des images.

Et là, je suis au cinoche.

Montanien XLIV

La virée

Ce soir vous montez à la ville, ce soir vous sortez du bois. Ce soir c'est le premier du mois, celui de votre idylle avec les filles des bords de route, Elle du restaurant, avec celles des bars.

C'est le jour du chèque. Sortir votre liasse et toutes les engouffrer comme ça passera devant, à la pelle, sans mâcher. Ce soir c'est votre soir, celui de vos désirs.

Ce soir vous montez à la ville, ce soir sera votre loi. Le moment unique, celui de votre évangile : parole contre parole. Vous ne saurez plus vous taire mais crier !

Vous croyez que vous chantez mais pas un son ne sort, tout reste à l'intérieur prêt à éclater. C’est ce que vous ferez à la première lumière, en accords de guitares sur des lames aiguisées, en ampli distordu aux échos de la soif.

Ce soir vous montez à la ville, ce soir ce sera vous le roi. Ce soir c’est celui de votre émoi, celui de votre nombril, de tous vos mots tus, de votre peur au ventre, de cet ennui qui étouffe à attendre sans faire.

Le parking est là et vous descendez, les deux bottes dans la boue prêt à dégainer, à mordre, à frapper. Et quand la chair arrive à genoux vous lapez et suppliez, accroché, qu'elle vous pisse dessus. Vous riez. Vous riez de toutes vos dents blanches. Dans l'air soir du chaud et humide que vous agrippez, que vous rentrez dedans, frayant avec elle, vous moquant de tout, du bon sens, de l’égarement.

°°°

Salut Mano,

J'ai lu jusqu'au X.

Et ce que j'en retire, ce sont les images. Elles sont brutes, sans concession, et portent une ambiance bien particulière à la série des Montaniens.

Tes récits sont baignés d'une pointe de mollesse, comme s'ils suaient au soleil du Montana, comme s'ils courbaient le dos sous la chaleur. On y vit blasé, voire désenchanté. On est dans le réel, dans le sale, le moche, le non-éclairé, non-retouché, le qui-pue, le cul...Le vrai, quoi.

On s'imagine, le visage neutre, entrer dans ce bar, chiquer, rencontrer ces joueurs de poker malaimables, sentir la poussière sur le comptoir ou l'essence de notre vieille bagnole...

Et ça, c'est cool.

Cependant, je trouve que l'utilisation du vous (et c'est là un avis bien personnel) perd de son charme (et donc de son efficacité) à mesure de son utilisation.

J'ai l'impression que tu cherches à te défaire de cette histoire (qui, si j'ai bien compris, est en partie au moins vécue) en partageant la "responsabilité" de tes actes. Comme si tout ça était trop lourd pour toi, que tu voulais arracher de vieux vêtements tout collants. J'ai la sensation d'être, quand je te lis, une part du processus "d'absolution".

Et c'est en grande partie à cause du vous.

C'est aussi parce que j'ai très peu d'expérience dans la narration à ce pronom.

Je continue, parce que ton univers est fort !

Montanien XLV

Les pilules de la foi

Après le premier baiser rien ne vous disait. Mais c'était sans savoir quelle avait des pilules, et que vous alliez, toutes, les avaler.

Défoncé sur le canapé. Défoncé dans la caravane abîmée. Défoncées les chairs molles de vos pensées et celles, beaucoup plus drôles, du bas de son dos.

Vous haletez sur le lit en puissance maximum, concentré ébloui d'énergies dépensées. Gisent par terre votre corps et le sien. Spasmes de poussière. Salivent vos dents sous les acidités canyon dont les parois résistent quand vous chutez dedans.

Et vous chutez dedans

Jusqu'à vous disparaître par sa vulve aspiré, dans des éblouissements de roses, de grosses perles de sueur, et tout le tremblement. Défoncée sur le lino, à même le sol, clouée, éventrée au milieu : croix maculée de l’inconception.

Stérilité de vos choix si ce n'était que d'un : laissez faire le chimique, faites vous couler !

Après le premier baiser rien ne vous disait, à la dernière semence plus rien ne comptait.

°°°

Kazar : Merci du commentaire. Bien vu. J'ai déjà répondu sur le vous. J'essaye de garder le maximum du premier jet, de la tension du souvenir. J'essaye d'éviter la chronologie et de me concentrer sur les associations, d'idées, d'images, de mots. Faire un tout des bribes attrapées du coin de l'oeil et de l'oreille. Tout ne m'appartient pas là dedans, par contre tout appartient à l'endroit. Faire un portrait de l'endroit. Est-ce un vous unique ? Ce narrateur ? Oui et non...

Superbe.
Je suis heureux que tu as aussi un doute sur le trait d'union qui pourrait exister entre:
Salivent vos dents sous les acidités-canyon.
Je suis pour en tant que lecteur et contre en tant qu'ecrivaillon de carnaval. desole pour le qwerty.

Montanien XLVI

Les mystères de l’ouest

Tout avait commencé un jour de passage. Un de ces moments de possibles qui finissent en retour où l’on se couche vidé d’être resté assis à la poursuite d’un rêve qui tournait cauchemar.

Sur le continent que vous connaissiez. Une terre noble, ô combien balisée, dont le sol était borné du plus petit des champs au moindre chemin, chaque caillou retourné, chaque are mesuré. Un pays de comptables qui vous demandait des comptes, des additions bien droites sans une ligne brisée. Celui de votre enfance, de vos longues plaintes, qu’un vent nouveau venait de chatouiller : celui d’un Etat où les cieux sont dits grands.

Sa devise « Or et Argent » vous ne la connaissiez pas et n’étant pas mineur vous vous en moquiez bien mais quand cette voix s’est levée indiquant un là-bas, vous avez plongé sans détour ni question : le monde vous appartenait que ne le preniez vous pas ! Vous vous êtes réveillé un matin enneigé dans une cuvette sombre à plafond de nuages, dans une autre langue, entouré d’un autre âge, à mettre bout à bout vos premiers dollars pour avaler du lard et goûter à la bière.

C’est dans cet état là et pas dans un autre que les cartes se battent, que les as changent de mains, que l’on se réinvente à grands mouvements de mots, oubliant les appris, délaissant les leçons, se retrouvant debout à scruter le drapeau. Nu dans la neige, les yeux écarquillés vous sentant renaissant au sceau de cette fibre, une bannière étoilée, de blanc, de rouge, bandée qui claque dans le vent d’horizons renouveaux symbole d’une voix où monte l’espérance.

Celle des pionniers, des garçons vachers, de ces petites mains qui chantaient pour demain, prenant chez les indiens ce qu’ils ne possédaient pas, faisant naître quelque chose là où ils ne voyaient rien. Emoustillé par tant d’efforts vous vouliez votre part, prêt à tout nommer pour que rien ne s’échappe, remplissant la prairie de barrières et de bornes, celles-là même que vous fuyiez, à grandes enjambées.

Ce qui était là n’est plus et ne le sera jamais. Elle est partie, celle de vos rêves, de votre naïveté, qui n’apparaît qu’une fois à ceux qui viennent d’arriver. Seul l’indien connaissait la façon de consommer sans toucher. Le fruit de ses désirs à jamais préservé dans le cercle sans fin du recommencement.

Le blanc est trajectoire, but, temporalité. Il s’approprie le monde, ne le prend qu’une fois, tout en croisant les doigts pour que le bon dieu fasse que cela soit la bonne ! Le pétrole coule à flot, le plus gros des moteurs, une ligne droite sans partage, vous pouvez tout brûler, le monde vous appartient et vous disparaissez.

°°°

PW : Ben comme tu peux le voir comme écrivaillon je suis contre, moi aussi. Faut bien que le lecteur il fasse un peu du boulot ... Merci pour le superbe que je n'ai pas pris comme ironique. Dès fois il faut se faire du bien.

Montanien XLVII

Les huîtres du Montana

Vous pénétrez cette foule comme l'étroit d'un bas de reins, écartant les chairs grasses, vous frayant un passage toujours un peu plus loin en direction de l'abjecte.

Vous vous surprenez à aimer.

"Montre nous tes seins !" Leitmotiv incessant à chaque paire croisée transparences aperçues sous les gorgées de la bière à flots de maillots.

L'encre des peaux luisantes suit des chemins empruntés aux pages photocopiées de catalogues cornés : "Je veux ce soleil !", comme tant d'autres milliers.

Au bord de la route, au centre de la vallée : un bar, des centaines de motos, autant de voitures, de caravanes, fragmentation à l’azur de l’éclat des chromés.

Vous réajustez vos verres fumés

L’odeur vous prend comme ce soir vous prendrez à la gorge écœuré, de l’huile, du rance, des testicules frits.

Les jeunes veaux, un fois l’an, il faut bien les châtrer pour qu’ils deviennent tendres à aimer. Un truc à la chaîne : au milieu des meuglements, la prégnance du sang.

Un cornet tiède à la main dans du papier imbibé vous passez d’activité en activité, le lancer de bouses, le concours de billard nu, l’exhibition de biceps.

Vous vous surprenez à hésiter

Et puis la nuit vous prend. Elle ne vous rendra pas. Vous si ! Jusqu’au matin, cornet après cornet, bière après bière.

Collé contre des corps, inconnus des culs. Tout se passe en dessous, entre les bottes et les rires qui remontent du sol maculés de la boue.

Les huîtres du Montana puent l’urine et la semence, s’avalent en mâchant. Faites-en des bulles si vous le pouvez mais ne perdez pas de vue que l’envie n’a pas de prix et que là, à ce moment là, vous êtes prêt à payer.

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Lou : c'est ce que je fais ! Merci.