Grévost (Cinquième partie)

Trois coups secs et je tombe du divan.
Trois coups secs et je me réveille pour la deuxième fois. Pour vrai.
Brusque retour à la réalité. Il fait jour et il pleut encore. Plus de Susie Berthelet. Mais je me souviens de tout. Des images, de son parfum sucré, de la sensation malsaine de ne pas exister.
Trois coups secs à la porte. Encore. Persistants. Comme mon rêve qui s’accroche à moi. Je ne veux pas ouvrir. Je veux qu’on me laisse tranquille. Je n’existe pas, pourquoi frappez-vous ? Personne ne vit ici. Je suis un spectre comme Susie Berthelet la lumineuse dans son tailleur marine. Partez. Oubliez-moi.
Trois coups secs. On n’abandonne pas. L’ennemi résiste. Pas le choix de me lever et de répondre. Mais pas question que ça dure longtemps. Je vais faire vite comprendre à mon visiteur impromptu que je suis occupé. Occupé à quoi ? À dormir. Quelle importance ? Pas besoin de lui dire ça.
Je me lève donc avec encore une certaine fatigue. Je traîne volontairement des pieds pour que la personne m’entende et ne frappe plus. J’arrive. Je regarde par l’oeil magique. Personne en vue.
- Qui est là ?
Bref silence. J’insiste.
- Allô ?
- Oui! Je m’excuse de vous déranger, dit simplement la voix de femme.
J’entrouvre la porte. Je crois tout d’abord voir Susie, mais je m’aperçois vite de mon erreur. Cette inconnue n’a rien de la secrétaire de Pompignac, sinon la même couleur de cheveux. Un blond vénitien grisonnant. Elle a la main appuyée sur sa hanche bien droite, inexistante je dirais. Elle a une toute petite poitrine, un visage un peu rondelet, probablement un petit cul aussi, ou un gros trop enflé, mais pas un beau, c’est certain. Elle n’a rien de la femme de magazines, de celles qui font baver les mecs. Elle est vêtue d’un jogging noir délavé et d’un t-shirt blanc sans imprimé. Rien de très joli. Mais elle dégage quelque chose de très fort. Elle a du charisme, dirait-on. Beaucoup.
- Je peux vous aider ?
- Oui, je m’excuse de vous réveiller.
- Ça va.
- Je cherche un beagle ?
A-t-elle dit « bagel » ou « beagle » ?
- Pardon ?
- Avez-vous vu mon beagle ?
- Votre beagle ?
- Il s’appelle Gentleman.
Charmant. J’ouvre complètement la porte et expose mon look super froissé.
- Non. Je n’ai pas vu de chien. Je me suis couché en arrivant hier soir et je viens de me réveiller. On m’a congédié et...
Pourquoi est-ce que je raconte ça ?
Je m’interrompt au milieu de la phrase comme un idiot.
- Je suis désolée pour vous, Paul...
Paul ? Elle connaît mon prénom ? Ça m’aurait déjà étonné qu’elle sache qu’elle m’appelle Grévost, mais mon prénom ça c’est surprenant!
- Comment savez-vous que je m’appelle...
- Je l’ai vu dans le hall d’entrée. Vous savez où se trouvent les boutons qui permettent de communiquer avec nous ?
- Vous habitez ici ?
- Oui. Au 509.
- Sur le même étage ?
- Au bout du couloir.
- Je ne vous ai jamais vue.
- Je travaille la nuit et je dors le jour. C’est normal qu’on ne se soit jamais croisé.
Elle tend la main et me la serre.
- Je suis Isabelle Mercier.
- Paul Grévost. Mais vous savez déjà.
Elle éclate de rire. D’un rire si joyeux et sincère que je ne peux m’empêcher de rire un peu moi-même.
- Je suis vraiment enchantée d’avoir fait votre connaissance Paul. Si vous voyez mon chien, faites-moi signe.
- Promis.
Elle me salue et part. Moi je reste sur place, complètement gaga. Quelle femme! J’en oublie presque la Berthelet. Presque.

Ha! Y a Jonjon qui met un peu de piment dans son roman! :))
Sans rire, me semble que tu entres dans quelque chose de plus intéressant... les relations humaines, les vraies. Peut-être un peu trop descriptif cette rencontre entre les deux, je pense que c'est superflu de narrer de la sorte comment elle est fringuée ou à quoi elle ressemble. Ou alors, il faudrait le faire avec plus de naturel ou de verve. Mais mais... dans l'ensemble, ce 5e texte me plaît bien plus que les quatre premiers, c'est sûr.

Ca c'est déjà nettement plus vivant, frais et dynamique! On sort un peu de la grisaille, pas vite, mais on en sort. Quelque chose s'éclaire dans la vie du pauvre Paul.
Je trouve que tu es bon dans les dialogues. Ca sonne naturel
J'ai pas compris "Ça m’aurait déjà étonné qu’elle sache qu’elle m’appelle Grévost"
Oui, ok, maintenant je suis intéressé de savoir où tu nous emmènes.
C'est bien.

Ah! Ça c'est une faute que j'ai faite! Vous auriez du lire : "Ça m'aurait métonné qu'elle sache que je m'appelle Grévost." Désolé!

jonjon21 a écrit:Ah! Ça c'est une faute que j'ai faite! Vous auriez du lire : "Ça m'aurait métonné qu'elle sache que je m'appelle Grévost." Désolé!

moi aussi, ça m'aurait métonné que ce ne fût pas une ch'tite erreur... ;-)

Il me semble que ton roman gagne en intensité et en humanité avec l’arrivée de ce nouveau personnage qui m’a l’air un peu moins stéréotypé que les autres.
Pour le reste, c’est difficile de commenter, on ne sait pas encore où ça va, tu poses les morceaux du puzzle et il est possible que le tout forme une intrigue intéressante mais pour le moment je reste un peu sur la réserve.

Du point de vue formel, il reste quelques maladresses. Rien de vraiment incorrect au sens grammatical du terme, juste quelques tournures qui me gènent un peu (mais c'est très subjectif, je le reconnais) :
Je me lève donc avec encore une certaine fatigue (bof)
Pas le choix de me lever et de répondre (pas d'autre choix que de?)
Elle n’a rien de la femme de magazines, de celles qui font baver les mecs ("femme" est au singulier et tu reprends "de celles" au pluriel)
Rien de très joli. Mais elle dégage quelque chose de très fort (répétition de "très")
Vous savez où se trouvent les boutons qui permettent de communiquer avec nous ? (qui est « nous » ?)