Cher journal (exercice)

CHER JOURNAL

13/08/04

Cher Journal

Aujourd’hui j’ai peur, très peur. Comme tu le sais voilà maintenant 5 mois que mamie est partie rejoindre les siens au Paradis. Je sais qu’elle est heureuse, bien et sereine. Je sais qu’elle nous aime et qu’elle veille sur nous de là-haut, à l’aise sur un petit nuage (petit car elle n’était pas bien grande). Quand je regarde le ciel, j’ai l’impression qu’Aldébaran et toutes les autres étoiles quittent leurs constellations pour se réunir afin de former le doux visage de ma grand-mère souriante !
Lors de mes visites au cimetière, la douleur est encore si vive, qu’inlassablement les larmes coulent en flots continus sur mes joues. Est-ce qu’un jour cela cessera, je l’ignore. Si je rentre tard chez moi, je m’attends toujours à voir la lumière extérieure s’allumer sur mes pas. A voir ma mamie me faire un petit coucou à travers sa baie vitrée. Seulement elle n’est pas là ! Elle n’est PLUS là ! Elle n’y sera JAMAIS plus ! Elle me manque beaucoup. Je donnerais tout ce qui est en mon pouvoir pour la voir revenir vers moi. Une chose me rassure, elle sait combien elle me manque.

Comment puis-je le savoir, n’est-ce pas ? Eh bien simplement parce qu’elle me l’a dit, où plutôt…écrit !! Il y a quelques temps, tu t’en souviens, je t’en ai assez parlé. J’ai fait l’acquisition d’une planche de Oui-Ja. Je n’ai jamais osé m’en servir. J’avais trop peur de tomber sur n’importe qui ! Au décès de mamie, j’étais si malheureuse que j’ai voulu l’utiliser. Les premiers essais furent loin d’être concluants.Bref, j’ai donc persisté. Un jour la flèche a bougé. J’ai cru que j’étais folle !
J’ai demandé qui était là. La réponse fût « mamie ». Je lui ai demandé si elle voulait me dire quelque chose, elle m’a dit « oui ». « Que veux-tu me dire ? », « je t’aime » m’a-t’elle répondu.
J’étais totalement paniquée. J’ai toujours du mal à y croire. Nous avons parlé de tout et de rien. Ensuite j’ai eu d’autres personnes de la famille, jamais rien de méchant ni de violent.

Mon erreur fût de relâcher ma surveillance et ma concentration. Je n’aurais pas dû commencer à faire cela sans connaître parfaitement les règles établies du Oui-Ja. Je m’en suis servie impunément. Il fallait bien qu’il y ait un dérapage. Seulement ce dérapage risque de me coûter cher si je ne redresse pas la barre rapidement. Je savais une chose : NE JAMAIS SE SERVIR DE LA PLANCHE AVEC DES ZONES D’OMBRES DANS LA PIECE. J’utilisais donc la planche en plein jour. Mais tu me connais, il a fallu que je teste.
Il y a une semaine je m’en suis servie en début de soirée. Malheureusement, j’avais omis le foyer de la cheminée. Parfaite zone d’ombre, discrète et à laquelle on ne pense pas. Ose me dire que TOI, tu y aurais pensé. Hummmm alors !! En tout cas, moi je n’y ai pas du tout songé. Je suis, bien évidemment, tombée sur un esprit inconnu. Je crains beaucoup que cet esprit se soit caché dans ma « zone d’ombre ». Ce que je crains encore plus, c’est qu’il s’agisse d’un esprit malin ou, peut-être même, dangereux. Je me demande si ce n’est pas un esprit sexiste, un homme qui a été refoulé par les femmes durant sa vie terrestre. En fait, rien ne va plus dans ma vie sentimentale. J’ai grossi plus que de raison. Mes cheveux tombent par poignées. Je m’inquiète considérablement !

J’ai tenté de connaître le nom cet esprit, mais il ne m’a rien dit. Je n’ose plus me servir de ma planche. Je fais des cauchemars affreux où il est question de démon, de Satan, de sorciers maléfiques. Je me réveille au bord de la folie. J’angoisse, me sens surveillée sans cesse. J’ai peur de me déshabiller et donnerais ma vie pour quitter cette maison qui me paraît, à présent, maléfique. Oh merde, une minute, je reviens !

J’en suis sûre, la maison est envoûtée. Papa tronçonnait du bois, la machine s’est mise à dérailler et s’est éteinte. Pour voir d’où venait le problème, papa a voulu s’installer dans la maison. Elle s’est remise en marche alors qu’il la déposait sur la table. Mon Dieu, je ne te dis pas le résultat ! Les pompiers viennent de partir avec papa et son bras posé dans un container rempli de glace. Papa a fait un geste brusque quand elle s’est attaquée à son bras, elle a atterri... dans le foyer de la cheminée où elle s’est arrêtée de fonctionner.
Je suis seule ici. Maman n’a pas voulu m’emmener avec elle à l’hôpital. Je suis effrayée à l’idée d’être à la portée d’un esprit malveillant. En ce moment je suis enfermée dans ma chambre avec toi mais je sais pertinemment que, s’il se passe quelque chose, tu ne pourras pas me défendre.

Tiens maman vient de rentrer. Je reviens, attends un instant.

Ce n’était pas elle. J’étais persuadée d’avoir entendu la porte s’ouvrir. J’ai dû rêver. Quand je panique, je suis toujours en proie à des sensations bizarres. Ah le téléphone sonne !
Rien de grave, juste Sophie qui me rappelait l’invitation d’Antoine. Tu te souviens, je t’ai parlé de lui. Il est beau comme un Dieu et toutes les filles tournent autour. Je crois que j’ai une toute petite chance avec lui. Il fête son anniversaire et m’a invitée. J’ignore totalement ce que je vais bien pouvoir me mettre sur le dos !!!!

Ah ça y est ! Cette fois maman m’appelle.

Je n’y comprends plus rien. J’étais persuadée d’avoir entendu maman et la porte. TIENS TU VIENS DE L’ENTENDRE, NON ?? Je vais vite voir, une minute.

Tu vas vraiment me prendre pour une folle, la maison est vide. COM-PLE-TE-MENT VIDE ! Je viens d’essayer d’appeler maman sur son portable, c’est le répondeur. J’ai contacté l’hôpital, papa est en salle d’opération. La personne qui m’a répondu ignore si ma mère est avec lui ou non. C’est étrange, je suis de plus en plus oppressée. Je vais me prendre une bouffée de Ventoline avant de faire une crise d’asthme. Je me sens bien mieux, tiens les escaliers grincent. Je pense que maman est ENFIN arrivée et, CETTE FOIS, je n’ai pas entendu ni la porte, ni la voiture.

Je te disais donc, je redoute d’avoir introduit un mauvais esprit dans la maison. Je ne sais pas comment le dire aux parents. Pourtant ils pourraient peut-être bien m’aider. Elle a dû mal refermer une porte, ça n’arrête pas de taper !

Je suis vraiment très, très, très angoissée. Maman n’est PAS DU TOUT là ! Toutes les portes sont closes. Je garantis avoir entendu les escaliers grincer et une porte claquer à plusieurs reprises. Je ne me sens pas bien du tout, ni bien, ni seule. Je suis terrifiée. Mon Dieu, on vient de toquer à ma porte, j’ose à peine bouger. Je ne sais pas si je dois répondre. A ton avis que dois-je faire ? Si seulement tu pouvais me conseiller ! Attends.

Je me suis glissée tout doucement sous mon lit, sans bruit. Ma porte vient de s’ouvrir, je ne vois pas d’ombre et n’entends pas de bruit de pas. Il doit y avoir des courants d’air, j’ai froid ! J’ai même très froid. Un air glacé me pénètre le corps tel des milliers de poignards. Que dois-je faire ? Dis-moi Journal, DIS-MOI.

Bon sang que se passe-t-il ? J’entends des murmures. Ça pue soudainement, une odeur âcre me prend à la gorge…au ventre… Aide-moi, j’ai peur. J’ai…






FIN