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Le prince Vologdine

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Message  High_Voltage Mar 11 Aoû 2009 - 22:48

Les meilleurs romans sont ceux qui décrivent un univers foisonnant en mouvement, et non ceux qui exposent une série de situations statiques en expliquant qui fait quoi et pourquoi ; en tout cas c'est là mon avis depuis que j'ai lu Tolstoï. Bien sûr il faut du temps pour entrer, mais l'intérieur est plus consistant. Pour ce qui est de l'ambiance de l'époque, des différents courants politiques et de l'état de la société, j'ai essayé de la retranscrire clairement, pour que ça ne gêne pas la lecture de ceux qui se sont plutôt intéressés à d'autres périodes historiques. Quoiqu'il en soit, merci beaucoup du compliment et de ta lecture, que j'espère que tu poursuivras.
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Message  silene82 Mer 12 Aoû 2009 - 7:02

Toujours bon au goût, remarquablement écrit et étonnamment documenté. Je suis d'ailleurs curieux de savoir où vous puisez votre historicité, qui montre une connaissance transversale du 19ème tout à fait surprenante. Je comprends bien qu'un jeune homme intelligent peut utiliser des tableaux synoptiques qui mettent en perspective la politique, y compris géo, l'art, la littérature...est-ce ainsi que vous avez procédé?
En tout cas bravo. Je trouve même votre travail à la limite du frustrant, puisque je ne vois -en tous cas moi- rien à y redire.
Juste une remarque: laissez-vous entendre qu'il y aurait un tricheur (à propos des 3 honneurs, que voulez-vous signifier)?
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Message  High_Voltage Mer 12 Aoû 2009 - 11:27

Je suis très féru d'histoire, ajoutez la majuscule si elle vous plaît, et il se trouve que je suis assez pointu sur l'Antiquité grecque et le XXe, sans être non plus inculte au sujet du reste. Je lis et je voyage beaucoup. Au sujet de la première moitié du XIXe en particulier, sans compter les manuels purement historiques, le courant réaliste permet d'avoir une assez bonne idée de l'ambiance de l'époque, que je tâche ici de retranscrire au mieux. Je préfère de beaucoup ma mémoire aux tableaux synoptiques, parce que l'atmosphère d'une époque ne se reconstitue pas avec quelques fiches de synthèse.

Vous savez peut-être qu'au whist le camp qui engrange trois ou quatre des honneurs (sous-entendu : à l'atout) marque des points supplémentaires. Puisque Vologdine et la comtesse font équipe, je laisse à penser au lecteur que le Russe est un tricheur potentiel, et je conforte cette impression par le fait que le gain se situe entre sa réaction à la remarque de la comtesse et son persiflage sur la ruine d'Andrésy. Je n'ai pas vraiment besoin de le dire explicitement, il me suffit qu'on le soupçonne constamment de duperie.

Une fois de plus je vous remercie du compliment ; je n'escomptais pas pondre de l'irréprochable.
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Message  High_Voltage Mer 12 Aoû 2009 - 16:13

Demeuré suffisamment pour qu’on sût sa dévotion, mais point trop pour qu’on ne le confondît point avec un importun, le prince s’exfiltra dans la nuit, non sans avoir fait dire qu’il paraîtrait le lendemain, lorsque la veillée s’achèverait, afin de proposer ses services à celle qui ne pouvait désormais plus s’en passer. Un fiacre le conduisit dans un meublé vacant qu’il utilisait parfois ; parvenu là, il procéda à quelques ablutions sommaires destinées à évacuer l’odeur de mort qui imprégnait sa personne, puis il se disposa à écrire une courte missive, usant de l’écriture anguleuse et penchée qu’il imitait déjà la veille.
- Mademoiselle, commença-t-il en simulant la profondeur de l’amour sincère, qu’il me soit permis de vous… non, cela ne va pas, se ravisa-t-il. Mon âme ? Non, cela ne convient pas non plus, il faut manœuvrer habilement…
Il repoussa le brouillon, s’empara d’un autre et reprit.
- Mon ange, j’ai déjà juré de ne plus connaître d’autre femme que vous ; le destin vous a placée dans ma vie pour fixer mon âme et vous constituez désormais et pour toujours l’unique objet d’un amour qui ne saurait prendre fin autrement qu’avec ma mort ; si vous m’ordonnez de cesser de vous aimer, vous m’enjoignez de cesser de vivre. J’obéirais en regrettant moins l’existence terrestre que le privilège de respirer le même air que vous.
Le génie se manifestait en lui par inspirations fulgurantes. Satisfait de son plagias, le prince cacheta et empocha son œuvre. Ce procédé réduirait l’Espagnol à moindre frais. L’hidalgo dispensait partout de son charme ibérique, jusqu’à l’endroit des vieilles femmes, celles qui ne jouaient plus d’autre rôle que de construire et détruire des réputations en colportant rumeurs et calomnies. Le défaut de la demoiselle avait été d’y croire ; un peu d’opportunisme et son talent naturel suffirent au prince pour utiliser la situation à son avantage. La lettre posait la dernière pierre de tout un édifice de combines, savamment déployées pour ferrer un poisson transpyrénéen qui menaçait trop d’intérêts pour qu’on le laissât se faufiler entre les mailles du filet. Un pas disharmonieux martela soudain le corridor.
- Entre, Vassili, entre.
Le jeune fou qui insultait la Création claudiqua jusqu’à son maître. Son regard brûlait toujours d’un éclat magmatique, étonnamment bestial, lueur dérangeante au fond d’un être au physique asexué. Il extirpa de ses guêtres une bourse qu’il déversa joyeusement devant le prince.
- Deux mille en pièces de vingt. Les as-tu comptées ?
L’autre opina du chef, penchant mécaniquement son beau visage, muet par la grâce de Dieu. La faible lumière que répandaient les bougies bouleversait les apparences. Le prince lui tendit l’enveloppe contenant sa dernière falsification.
- A l’appartement, maintenant, et fais diligence. Dépose ceci sur le chemin. Et préviens ta sœur au sujet du laudanum : une dose trop forte tuerait l’animal avant que j’en aie l’emploi.
Un sourire affreux de l’androgyne signifia qu’il comprenait fort bien ; il prit congé en boitant, sur une esquisse de révérence moqueuse à laquelle le prince ne prêta guère attention. Demeuré seul, il jugea bon de recompter l’argent du dandy. Trouvant la somme exacte, le prince s’autorisa quelques courtes heures de repos.
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Message  Invité Mer 12 Aoû 2009 - 18:16

j'ai croisé ceci :
Le reste sur le rouge, déglutit le professionnel.
qui ne me semble pas correct. Mais c'est probablement un choix que vous assumez.

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Message  Invité Mer 12 Aoû 2009 - 18:19

puis il se disposa à écrire rédiger une courte missive, usant de l’écriture anguleuse et penchée qu’il imitait déjà la veille.

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Message  Invité Mer 12 Aoû 2009 - 18:23

le destin vous a placée

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Message  Invité Mer 12 Aoû 2009 - 18:36

Très bon texte, certainement perfectible dans certaines minuties, comme celles que je vous ai timidement livrées. Bon courage pour votre projet.

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Message  High_Voltage Jeu 13 Aoû 2009 - 9:55

La réplique est correcte à mon sens, je n'y voyais aucun choix audacieux. Pouvez-vous m'éclairer ?

"Rédiger" ne convient pas, je l'avais essayé d'abord, mais il donne un ton trop formel alors que le contenu de la missive ne l'est pas. Mais ne remplaçant par "écrire" je n'avais pas vu la répétition. Il faut donc changer "écriture" pour "calligraphie" ; je vous remercie.

"Le destin vous a placée [...]" : le complément d'objet singulier féminin (le vous de politesse étant un singulier) justifie l'accord à mes yeux, puisque le participe s'accorde avec le complément d'objet en genre et en nombre s'il se trouve avant. Aussi je ne comprends pas ce que vous relevez d'incorrect dans la terminaison.

Je vous remercie encore de m'indiquer les disharmonies, et j'espère que vous continuerez à le faire.
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Message  High_Voltage Jeu 13 Aoû 2009 - 11:18

Mademoiselle de Visoncourt était un esprit libre et voltairien, chrétien mais anticlérical, monarchiste sans excès, libéral à ses heures ; très appréciée dans les salons, versée dans l’art, d’une grande éloquence, elle cumulait les paradoxes de son temps, en femme raisonnée qui percevait assez les qualités et les vices d’une époque pour ne point désirer qu’on la remplaçât aveuglément par une autre en érigeant des barricades. Sa mise inspirait la mode parisienne, laquelle donnait le ton au reste du monde civilisé, de sorte que ses indécisions constituaient l’essence même de la modernité. Chacune de ses interventions dans le monde se suivait avec la plus grande attention, de peur qu’elle ne lâchât un mot dans une autre oreille ; car on se délectait de ses aphorismes comme d’un mets raffiné, particulièrement lorsqu’elle les prononçait avec la charmante impertinence qui la caractérisait et qui, à elle seule, réfutait en bloc les sagesses philosophiques et les adages populaires, les reléguant au rang de vieilleries consommées, obsolètes jusqu’à la désuétude. Les scolastiques oubliés par la révolution galiléenne s’inclinaient de bonne grâce devant la sienne, rejetant sans regret leurs aristotélismes poussiéreux. Elle feignait souvent de s’ennuyer dans le monde, lequel économisait l’intelligence pour ne l’induire qu’en quelques êtres épars à sa surface, les condamnant ainsi à ne point rencontrer d’adversaire à leur mesure ; pourtant elle s’épanouissait indiciblement au cœur des débats, traitant de sciences, de politique, de théâtre, de religion avec le même détachement surplombant, filant la métaphore avec la jouissance mentale de l’artiste en exercice. Le bouche à oreille rééditait ses joutes verbales les plus audacieuses, qui s’immortalisaient ainsi, légendes pour les uns, références pour les autres. Elle consternait les auditoires du Faubourg, à tel point qu’on désirait en haut lieu s’enquérir de l’objet de ses allégeances : le roi bourgeois, dénigré à toutes les cours du continent parce qu’un soulèvement plébéien le plaçait au pouvoir, poignardé dans le dos par la presse assassine qu’il libérait lui-même de la censure absolutiste, dépassé par la grand capital qui s‘érigeait en contre-pouvoir, ne souffrirait point que les esprits les plus brillants du pays s’acharnassent à le discréditer dans leurs confidences de salon. Abdiquant après Juillet dans une lettre contresignée par le dauphin, Charles X confiait le royaume aux soins du lieutenant-général duc d’Orléans, lequel devait procéder devant la Chambre à la lecture dudit courrier, qui signifiait expressément, dans les quelques phrases soigneusement retirées du récital, que le trône reviendrait au petit-fils du souverain déposé, le duc de Bordeaux. Les légitimistes accablaient Louis-Philippe de critiques acerbes pour l’omission qu’il avait faite devant les Pairs ; tout autour de la France comme au cœur de Paris sévissait une vieille garde réactionnaire désireuse d’aplatir l’usurpateur, avec sa cocarde tricolore, ses penchants populistes et ses acquis révolutionnaires. L’ancienne maison des Visoncourt ne pouvait se permettre d’atteindre à l’orgueil national ; le duc Octavien de Saint Sulpice fut chargé de s’assurer qu’elle ne marquât point d’hostilité ouverte aux doctrinaires. Le combat continuait jusqu’au Conseil, alors que le ministère Laffitte, trop libéral, peinait à passer l’hiver ; on soupçonnait le général de Ségur, récemment reçu à l’Académie française, d’ourdir sur les instances du roi lui-même un revirement gouvernemental de première importance. La presse s’extasiait devant les saillies de la coqueluche du grand monde, dont elle faisait chorus à chaque éditorial : vengeant l’affront des ordonnances de Saint-Cloud étouffées dans l’œuf, le journalisme s’acharnait à mépriser tout ce qui pouvait l’être, et les mots de mademoiselle de Visoncourt remplissaient les vides de leurs imaginations. Très encline à la gaieté, celle-ci tenait l’attention que lui portait le pouvoir pour une confirmation de ses talents d’oratrice. Alors que son agaçante insouciance allait sur la trentaine, elle avait reçu la visite de son jeune parent, trop lointain pour qu’elle l’eût rencontré dans cette existence-ci ; elle se surprit même de porter le même nom que le trésor de candeur qui, gêné, n’osait la regarder en lui demandant l’hospitalité. Avec son regard espiègle et son nez mutin, comme une ébauche de défi, avec sa façon de faire souffler l’air du temps, elle impressionnait le nobliau provincial, trop peu accoutumé à rencontrer pareilles figures de proue. Prise d’affection pour l’ingénu qui débarquait à Paris comme on accoste un rivage hostile peuplé d’anthropophages, mademoiselle de Visoncourt, en hôtesse prévenante, s’appliquait à formater son parent au grand monde ; elle l’avait fait vêtir de telle manière, disait-elle, qu’elle n’aurait point de honte à se promener à son bras, encore qu’elle évitât la chose ; il la suivait au théâtre, à l’Opéra, où l’on donnait des pièces qu’il s’agissait de connaître par cœur afin de n’y plus prêter attention aux représentations suivantes, lors desquelles toute l’attention se fixait sur les loges privées pour dresser mentalement la liste des absences et remarquer les nouveaux assortiments. Aux entractes se succédaient les visites ; mademoiselle de Visoncourt le présentait parfois, et l’on semblait attendre de son jeune parent qu’il possédât un esprit égal ; on masquait à peine sa déception avant de l’ignorer. Mais Armand se prenait de passion pour l’éducation que lui dispensait l’élégante avec sa nonchalance coutumière, et il poursuivait ses études sans songer à les rattraper, décidant inconsciemment que sa vocation se trouvait ailleurs. Cependant le sublime exemple qui guidait ses démarches ne se prêtait pas facilement à l’imitation. Briller dans les cercles aux dépens de ses contemporains requérait de la fortune et du talent, deux composantes hors de sa portée dans l’immédiat. Désespéré de parvenir à force de travail ou d’éloquence, Armand se passionna pour le jeu, auquel il contracta bientôt des dettes inavouables. Il répondit donc au messager du prince qu’il recevrait son maître dès le matin, se présentant d’avance comme son obligé.
S’étirant lascivement dans la moiteur de ses draps, mademoiselle de Visoncourt soupira profondément. Bientôt définitivement éveillée, elle se redressa dans le lit, retrouvant ses inquiétudes de la nuit. Elle se leva, plongea la main au fond d’un vase oriental et retira une clef minuscule, qu’elle inséra sans tarder dans une serrure d’un charmant secrétaire à multiples tiroirs. Rassurée par le contenu, sans rien y changer, elle dissimula de nouveau la clef et sonna sa femme de chambre pour procéder à son premier négligé. Elle déjeuna sommairement, trempant à peine les lèvres dans son Madère favori, avant de paraître au salon.
- Ah, cousin, rendez-vous utile voulez-vous.
- Comment vous plaire ?
- Faites avancer ma voiture et accompagnez-moi chez la baronne, celle qui remue difficilement les épaisseurs de son gras et qui m’ennuie à périr. Peut-être trouverai-je le temps moins long si je peux me moquer de cette boursouflure avec vous.
- Impossible, je…
- Quoi, mon projet n’est-il pas charmant ?
- C’est que j’attends un homme d’un instant à l’autre, que me doit venir rembourser certaine somme qui m’est due, et je craindrais de le manquer.
- Il la remettra aux domestiques, tous ne sont point des voleurs. Tenez, Georges, êtes-vous un voleur ?
- Assurément non, madame ! s’indigna le valet.
- Pardonnez-moi ; il s’agit d’accorder une entrevue à un homme qui m’oblige.
- Puis-je sans indiscrétion apprendre le nom de celui que vous invitez chez moi ?
Son sourire aimable préludait une pique.
- A moins qu’il ne s’agisse d’un prétexte pour vous défiler ? La compagnie de la baronne n’est certes pas des plus plaisantes, pourtant il faut savoir agréer ces dinosaures, du moins jusqu’à l’hospice.
- Je vous assure que…
- Un nom seulement.
- Vologdine, lâcha-t-il.
Mademoiselle de Visoncourt resta pensive quelques instants.
- Décommandez ma voiture.
- Bien, madame, s’empressa Georges, qui se serait pendu plutôt que de voler sa maîtresse.
- Mais… la baronne ?
- L’adipeuse s’accroche indécemment à la vie depuis quelques années ; elle vivra bien jusqu’à ce soir.
- Vous connaissez le prince ?
- De réputation, fit-elle avec un gracieux geste de la main.
- Elle est fausse.
Une impression s’immisça dans le brillant esprit.
- Vous semblez bien péremptoire.
- Vous en jugerez par vous-même.
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Message  Invité Jeu 13 Aoû 2009 - 11:40

pandaworks a écrit:j'ai croisé ceci :
Le reste sur le rouge, déglutit le professionnel.
qui ne me semble pas correct. Mais c'est probablement un choix que vous assumez.
C'est que j'ai parcouru un certain nombre de dictionnaires pour trouver une utilisation du verbe "déglutir" dans le sens ou vous l'employez (je suppose, une phrase dite avec la gorge nouée, en avalant).
Je n'ai pas trouvé.

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Message  High_Voltage Jeu 13 Aoû 2009 - 13:49

J'avoue ne pas m'être posé de questions en l'écrivant tant ça me paraissait naturel ; je pense même l'avoir vu de nombreuses fois usité dans ce sens. Mais le dictionnaire de l'Académie ne retient en effet que le sens physiologique et je ne sais plus trop quoi faire...
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Message  Invité Jeu 13 Aoû 2009 - 16:47

Chacune de ses interventions dans le monde se suivait avec la plus grande attention, de peur qu’elle ne lâchât un mot dans une autre oreille ; car on se délectait de ses aphorismes comme d’un mets raffiné, particulièrement lorsqu’elle les prononçait avec la charmante impertinence qui la caractérisait (la caractérisant ?)et qui, à elle seule, réfutait en bloc les sagesses philosophiques et les adages populaires, les reléguant au rang de vieilleries consommées, obsolètes jusqu’à la désuétude.
le qui et qui est du plus mauvais effet dans la phrase qui se tenait bien.

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Message  Invité Jeu 13 Aoû 2009 - 16:51

Les scolastiques oubliés par la révolution galiléenne s’inclinaient de bonne grâce devant la sienne, rejetant sans regret leurs aristotélismes poussiéreux
.
Le niveau de lecture doit s'élever à un niveau étrangement haut pour trouver si "la sienne" est reliée à l'impertinence ou à la révolution. Ce n'est pas normal. J'ai moi-même un doute, alors que je ne suis pas particulièrement gauche.

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Message  Invité Jeu 13 Aoû 2009 - 16:55

- C’est que j’attends un homme d’un instant à l’autre, que me doit venir rembourser certaine somme qui m’est due, et je craindrais de le manquer.
non.

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Message  silene82 Ven 14 Aoû 2009 - 9:09

Ah ah; voilà qui prend corps. Ce passage me semble particulièrement bien mené, tant dans l'éclairage historique croqué rapidement, sans s'appesantir, que dans la description de la piquante demoiselle. J'attends la suite avec intérêt.
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Message  High_Voltage Lun 17 Aoû 2009 - 11:44

Le climat insurrectionnel dans lequel baignait Paris se caractérisait par des tensions permanentes, des échauffourées ici ou là entre légitimistes et républicains, des rassemblements suspects, une ambiance de complot. La capitale survivait en attendant d’imploser, sous l’effet des forces contraires qui se compensaient à grand-peine ; la précarité de la situation laissait voir qu’une minuscule étincelle embraserait la réserve, avec toute la poudre envenimée qu’apportaient les débats de la Chambre et la presse clandestine. Des révolutionnaires italiens, nostalgiques de l’ère napoléonienne, éditaient sur le sol français leurs pamphlets hargneux contre les monarchies. Les massacres qui se poursuivaient en Algérie et sur les bords de la Baltique montraient à quel point les puissances impérialistes d’Europe peinaient à conserver sous leur joug des populations éprises de liberté. Et Paris, capitale du monde, centre incontesté de la culture et de la beauté, Paris qui s’offrait le luxe d’envoyer sa flotte bombarder Lisbonne parce qu’un souverain portugais refusait de reconnaître le statut juilletiste, Paris sombrait, elle aussi, dans la décadence et la frustration. Sous ces penchants mal contenus, le prince sentait couver des émeutes, des volontés oppressées, des désirs hégéliens qui creusaient des clivages entre générations en dénonçant les conservatismes, parfois violemment, comme le prouvait la mise à sac de l’archevêché. A travers les déploiements policiers, contournant les quartiers sensibles, le fiacre ralliait l’hôtel de Visoncourt. Le suisse introduisit le visiteur.
- Ah ! Madame, pardonnez ce dérangement…
- Vous m’évitez la baronne, dit-elle en aparté ; monsieur, vous êtes pardonné.
Il frôla de ses lèvres la main qu’elle lui tendit, avant de serrer celle d’Armand.
- Je suis heureux d’avoir de l’argent à vous rendre, sans quoi j’eusse été privé du plaisir de connaître madame, fit-il en s’inclinant vers elle.
- Il se dit partout que vous avez également fait la connaissance du très estimé monsieur de Saurie, lequel a fait connaissance avec l’une de vos balles. Vous vous assoirez bien quelques instants pour m’éclaircir l’enchaînement ?
- Volontiers.
Il prit ses aises dans un fauteuil en acajou, velours vert, sabots de bronze, comme s’il recherchait la position la plus confortable pour livrer bataille. Armand s’assit légèrement en retrait, tandis que sa parente et le prince se disposaient ouvertement face à face, le plus naturellement du monde ; chacun possédait ses raisons d’engager le combat, et la prudence commandait qu’on acceptât les préliminaires, pourvu qu’ils cédassent incessamment la place à la virulence des échanges. De crainte de se fourvoyer, on entrait précautionneusement en matière.
- Il s’agissait d’un vol, ainsi qu’on vous l’a certainement rapporté.
Il désigna Armand comme un avocat eût désigné son témoin le plus concluant pour entamer un plaidoyer.
- Un drôle escroquait deux mille francs sous mes yeux ; réparer la chose n’était qu’un devoir.
- Et vous, cousin, pourquoi n’avez-vous pas combattu vous-même ? s’informa-t-elle narquoisement.
- Permettez, madame, s’immisça l’étranger, monsieur de Saurie est un excellent tireur, il y avait là plus à perdre que deux mille francs.
- Si vous désirez vous exposer pour réparer chacune des injustices qui se jouent dans ces lieux de perdition, monsieur, vous ne trouverez plus le temps de respirer, et la première infortune vous en couperait l’envie.
- Ne croyez pas qu’il s’agisse là d’une habitude…
- Si l’on en croit les racontars, vous seriez effectivement peu enclin à contracter ce genre d’habitudes.
- Les temps que nous traversons sont porteurs de changement, sourit le prince.
Les moqueries et les médisances qui résonnaient entre les femmes à la mode au sujet des personnalités extérieures à leur cercle croquaient à Mademoiselle de Visoncourt une caricature révélatrice des singularités de son invité matinal, aussi s’appliquait-elle à faire apparaître les incohérences comportementales du Russe, lesquelles dissimulaient à n’en pas douter quelque machination nouvelle. Les certitudes de son cousin, bien catégoriques pour un homme qui n’en acquérait jamais, lui donnaient à penser que le remboursement des deux mille francs en appellerait un autre, bien plus considérable. Cependant elle abordait l’interrogatoire en dilettante, soucieuse d’abord d’assouvir sa curiosité à l’endroit du prince ; elle songea qu’il éludait les questions épineuses aussi soigneusement qu’il entretenait sa barbiche, et ses lèvres dessinèrent un sourire approbateur. Son intellect se fixait pour objectif et pour divertissement de percer à jour les manigances tramées par le cerveau qui lui faisait face.
- Remplacer un banquier par un autre, est-ce là ce que vous nommez le changement ? prononça-t-elle en feignant l’innocence.
- La chose n’est pas faite, le bougre a ses conditions, paraît-il.
Vologdine se moquait comme d’une guigne de Casimir Perier et de son rigorisme, pourvu qu’il ne contrecarrât point ses desseins. Il s’évertuait à désamorcer les insinuations, afin de pouvoir mener sa propre attaque. S’il avait arrangé l’entretien pour y rencontrer l’amuseuse du Faubourg, il escomptait bien ne point quitter les lieux sans y avoir appris ce qu’il désirait y apprendre.
- Le roi en est consterné mais il pliera. Le rétablissement de l’ordre l’exige.
- Il est vrai qu’en Russie vous vous y entendez pour rétablir l’ordre.
Les troupes du czar massacraient sans pitié l’indépendantisme lituanien ; à Moscou même, de mystérieux cénacles se réunissaient dans des taudis insalubres ou dans des entrepôts désaffectés, et les discussions qu’ils y tenaient annonçaient Bakounine, comme si les aigreurs accumulées devaient atteindre leur apogée dans l’anarchisme le plus sanglant. L’Okhrana, la police politique impériale, infiltrait inlassablement ces réseaux terroristes et orchestrait la répression avec une cruauté extrême.
- Le gouvernement d’un pays aussi vaste et disparate que le mien réclame sans doute davantage de fermeté. Mais les services secrets français savent faire diligence lorsque l’Etat s’estime menacé. Il me semble que vous connaissez le duc de Saint Sulpice ?
- Il en est ?
- Mieux : il les dirige.
Le prince ne rechignait pas à abattre les cartes inutiles de son jeu pour amener l’adversaire à se découvrir.
- Il aura d’ailleurs fort à faire ; si Perier s’empare du ministère, les disparitions et les attentats vont se multiplier.
Mademoiselle de Visoncourt ne put dissimuler un léger trouble ; le prince remportait la première manche.
- Je disparais à mon tour ; je ne vous importunerai pas plus longtemps, fit-il en se levant.
Il s’inclina.
- Madame.
Elle le salua par le demi-sourire de ceux qui viennent de reprendre leurs esprits.
- Je vous raccompagne, dit aussitôt Armand.
Ils restèrent silencieux jusqu’au perron, où deux mille francs changèrent de mains.
- Prince, je vous suis redevable.
- Je vous en prie.
- En quoi puis-je vous obliger ?
- Vous ne me devez rien.
- Permettez-moi d’insister.
- Peut-être… non, je craindrais de vous importuner.
- Dites.
- Connaissiez-vous le chevalier de Ménonceaux ?
- J’ai eu l’honneur de le croiser, mais je ne me souviens pas lui avoir parlé. La marquise de Merger nous a expédié un billet annonçant son décès.
- J’ai eu le privilège de compter parmi ses amis ; nous étions ensemble à Borodino. Et la comtesse, la connaissiez-vous ?
- Ma foi, non. Je ne sais d’elle que ce qu’on en dit.
- Apprenez donc ce que j’en dis, moi : une femme fort jeune et fort jolie qui vient de perdre son époux se morfond dans son hôtel, avec pour seule distraction la maladresse de quelques imbéciles qui ne chantent les louanges de son mari que parce qu’il est mort, en espérant prendre la place que son départ a laissée vacante.
- Voilà qui est regrettable, monsieur, mais qu’y puis-je ?
- C’est qu’il lui manque la compagnie de gens de votre espèce, qui ayant le même âge partage les mêmes élans ; ceux qui gravitent autour de son hôtel n’y sont que par intérêt et l’embarrassent avec leurs discours de courtisans.
- Ce que vous me demandez me semble bien difficile…
Le prince salua sans attendre.
- J’imaginais bien que la chose vous importunerait. Veuillez m’excuser ; d’ailleurs, je vous le répète, vous ne me devez rien. Au plaisir !
Il planta l’étudiant et descendit vers son fiacre. Armand dévala les marches à son tour au moment où l’autre escaladait le marchepied.
- Quand pouvez-vous me présenter ?
Vologdine exulta intérieurement : il gagnait encore.
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Message  silene82 Lun 17 Aoû 2009 - 12:17

Excellent! Très dense et serré, cela valait la peine d'attendre; encore que si vous avez de la matière d'avance, nous sommes, je crois, tous preneurs.
Vous avez réussi à nous tenir en haleine jusque-là, il va falloir relancer l'intérêt pour la suite. Mais à en juger par votre virtuosité jusqu'à présent, cela ne devrait pas poser trop de problèmes.
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Message  High_Voltage Lun 17 Aoû 2009 - 18:50

Quelqu'un sait-il estimer le nombre de pages style pages de roman de poche à partir du nombre de mots ou du nombre de pages Works ? Un ordre d'idées, même vague, m'intéresserait. Merci.
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Message  mentor Lun 17 Aoû 2009 - 18:59

High_Voltage a écrit:Quelqu'un sait-il estimer le nombre de pages style pages de roman de poche à partir du nombre de mots ou du nombre de pages Works ? Un ordre d'idées, même vague, m'intéresserait. Merci.
voir Yali
ou peut-être Boc21.fr
ou Bertrand Môgendre
ou Romane
ou...

le mieux serait de poser la question dans la partie CAUSETTE
;-)

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Message  silene82 Lun 17 Aoû 2009 - 21:21

En Garamond de 12, et format 12,7 x 18 (poche), vous êtes actuellement à 57 pages.
Si vous passez à Open Office comme cela vous a été conseillé, vous pourrez vous-même faire cette mise en page et obtenir après corrections un fichier PDF tout à fait présentable et exploitable.
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Message  High_Voltage Mar 18 Aoû 2009 - 20:52

L’appartement suintait l’humidité. Le plancher bosselé à la couleur d’origine insoupçonnable recelait une faune microscopique et variée, propre à exciter la curiosité d’un naturaliste. La vermine grouillait là, dans l’épaisseur du bois pourri, creusé, évidé, déchiqueté à coups de mandibules, agressé par des myriades d’homoptères, taillé en pièces avec l’acharnement méthodique et myrmécéen des sociétés de nuisibles infraterrestres. La poussière omniprésente comblait difficilement les interstices de ce sol crevassé. Les murs décrépis, à l’intérieur desquels on entendait remuer la même infamie, ne comprenaient que deux ouvertures : la première, condamnée à la va-vite par quelques planches mal ajustées, laissait filtrer un filet d’air glacial chargé de relents de caniveau bouché, propre à abréger l’existence par une pneumonie sans retour ; la seconde, opaque faute d’entretien, n’offrait aucun panorama. La rue qui étalait sa misère en contrebas ne valait sans doute pas qu’on nettoyât les carreaux fissurés ; cependant, le battant gauche fermant mal, il arrivait qu’une rafale de vent plus agressive qu’une autre le repoussât brutalement contre le mur, abîmant encore davantage le mauvais plâtre. L’unique pièce empestait le tabac, la maladie, la transpiration ; il ne s’y trouvait pour tout mobilier qu’une table branlante, de facture grossière, qui peinait à trouver ses appuis sur les ruines du plancher ; une chaise, de même allure que la table, aussi délabrée, aussi affligeante, de sorte qu’on hésitait entre contraindre au suicide le propriétaire ou le menuisier ; ainsi qu’un lit indescriptible, estropié, ravagé par les parasites, infesté suite à des invasions microbiennes d’envergure, au matelas défoncé, démantelé, quasi inexistant. Les draps jaunes, élimés, rapiécés sans qu’on se donnât la peine de les raccommoder, livrés à l’abandon, dispensaient des effluves effrayants, un parfum qui prenait aux narines, à la gorge, aux poumons, une odeur de charnier, infernale, âcre, asphyxiante, inhumaine ; coucher là équivalait peut-être à se réveiller sous terre. Toutefois cette ébauche d’habitat, ou plutôt ce succédané du tombeau, présentait quelques détails troublants, anormaux, anachroniques au centre de toute cette décomposition. Sur la chaise, jetée là comme pour s’en débarrasser rapidement, une chemise blanche, fort convenable quoique tachée de sang de la base du col jusqu’à l’épaule droite, semblait paradoxalement rappeler la vie dans cet univers figé ; tout s’y désossait comme si l’on y menait une étude sur les effets du temps et de son inséparable alliée la négligence, pourtant cette souillure écarlate s’étalait là, bien visible, comme un défi lancé à la nature et à ses lois imprescriptibles. Elle captivait le regard, comme une évidence implacable ; le sang bleu était rouge, lui aussi, et rien d’immuable ne persisterait dans cet univers-ci. Sur cette impression, l’œil en quête d’explications découvrait le flacon, minuscule réceptacle de verre qui concentrait la léthargie ; c’était du laudanum, soporifique bientôt létal, pourvu qu’on ne possédât point le sens de la mesure. Ce contenu résumait l’apathie générale, la langueur contagieuse qui enveloppait la pièce en l’étouffant, insidieuse, exécrable. Une lumière inexplicable baignait la scène, une espèce de jour lunaire, enténébré par la saleté qui interceptait les rayons de l’astre ; c’était une lumière froide, pâle, sans relief, sans teneur, insensible, indescriptible, une lumière noire, et qui n’éclairait pas. Les rongeurs de tous acabits s’activaient dans cet environnement malsain, fétide et mystérieux : les innombrables colonies d’insectes qui œuvraient laborieusement, couinant et grinçant, ces mêmes détritivores nécrophages s’associaient aux rats musqués, velus et incisifs, énormes à force de prédation immodérée, pour constituer une infanterie bruyante mais secrète, qui générait une peur identique à celle que l’on ressent lorsque l’on entend un ennemi sans cependant le distinguer. Car l’ennemie se tapissait dans l’ombre, tant en adéquation avec le décor que l’œil ne la découpait pas ; son visage ivoire, fantomatique, reprenait les traits délicats des Ashkénazes d’Odessa, quand la noirceur de son âme paraissait justifier les pogroms à venir. Il y avait dans ses lèvres légèrement entrouvertes un charme satanique à envoûter des exorcistes, à donner des envies de chair fraîche à l’abstinence des hommes d’Eglise ; on lisait dans le palimpseste de ses yeux des souffrances camouflées, la cruauté du sort, puis finalement le désir de revanche. Celui-ci, exacerbé au dernier degré, défiait toute description, tant il tenait de l’enragement : elle demeurait parfaitement immobile, cependant le brasier qui consumait son être suffisait à l’animer, allant jusqu’à piquer ses prunelles de férocité rougeoyante. La simple vue de ce corps vampirique dans sa toilette noire dégradait l’esprit ; tout homme portant le regard sur elle bradait son innocence et sa raison pour la seule idée du plaisir. Un chrétien eût reconnu l’incarnation contemporaine de la première pécheresse. Toutefois, l’exactitude ordonnait qu’on précisât ceci : elle ne commettait pas le péché, elle était le péché ; elle ne se nommait pas Eve, mais Anastasie.
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Message  silene82 Mer 19 Aoû 2009 - 6:51

Tout à fait remarquable, coup d'œil descriptif évoquant plusieurs auteurs essentiels tant pour l'acuité du propos que pour l'humour distancié qui transparaît. Je trouve qu'à chaque envoi la qualité monte: la devise de Fouché, quo non ascendet? s'appliquerait parfaitement à votre cas, avec, que Dieu garde, des péripéties futures plus aimables.
Anastasie, prénom ashkhénaze? Mes ancêtres, quoique séphardim, vont être tout émoustillés de cette révélation.
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Message  silene82 Mer 19 Aoû 2009 - 7:09

Par ailleurs, vous êtes à 61 pages à l'heure actuelle, en Garamond de 12.
Si cela vous est agréable, je peux vous envoyer le document existant en PDF, puisque vous n'utilisez pas Open Office, qui vous aurait cependant permis de corriger directement votre texte. Au cas où cela vous intéresserait, vous pouvez me contacter par l'adresse suivante

silene82@hotmail.fr
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Message  High_Voltage Mer 19 Aoû 2009 - 12:13

Prénom orthodoxe, en tout cas, et potentiellement donné à une Ukrainienne de l'époque. Je retenais surtout l'épisode byzantin, à vrai dire ; bref, pas de quoi déranger vos ancêtres. Pour être complet le prénom m'évoque en vrac l'apoptose cellulaire, Satan, Justinien, une police politique d'Allemagne de l'Est calquée sur le modèle du KGB et de la poésie baudelairienne. Comment s'en passer ici ?

Je vous remercie de votre offre, que je saisirai sans doute quand j'aurai écrit un peu plus ; je poursuis ce soir, si l'après-midi sportive qui m'attend ne me tue pas.
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Message  High_Voltage Jeu 20 Aoû 2009 - 17:01

En abordant les hauteurs de Paris, campé sur une éminence, l’unificateur de l’Allemagne répondrait à ceux qui lui demanderaient alors s’il fallait écraser la capitale sous les obus de n’en rien faire : la presse, qu’on avait la folie de ne plus censurer correctement sur ce territoire, s’acquitterait de cette tâche aussi sûrement que l’artillerie prussienne. Dans le cabinet enfumé par leurs mauvais cigares, une poignée de plumitifs s’échinait déjà à donner raison à Bismarck. Il s’agissait pour la plupart d’entre eux de provinciaux montés à Paris pour y faire fortune, avec la bénédiction d’une famille qui se saignait aux quatre veines afin d’accumuler le pécule nécessaire, et qui vivrait des mois, des années durant dans l’attente du retour du fils prodigue, logiquement reconnu dans le monde en vertu des extraordinaires qualités que l’aveuglement des mères accordait dispendieusement à la progéniture masculine. L’angélique enfant, dépositaire de tant d’espoirs et légataire de tant de ressources, entreprenait le voyage en songeant moins à ce qu’il quittait qu’à ce qu’il allait découvrir ; et lorsqu’il fallait se loger, se vêtir suivant la mode, aller au théâtre, à l’Opéra, au jeu, au cabaret, au tripot, n’importe où, lorsqu’il fallait lâcher dans les mains d’un cocher l’exorbitant pourboire qui disculpait de penchants avaricieux, alors l’ignoble rejeton se résolvait à quémander quelques centaines de francs supplémentaires à ses parents, pour subvenir à ses besoins, disait-il, jusqu’au succès tout proche, immanquable et définitif, lequel permettrait de rembourser au centuple toutes les dépenses généreusement consenties pour autoriser sa victoire. La distance et la jeunesse se conjuguaient pour parler de nécessité au lieu d’ingratitude, si bien qu’en quelques semaines s’évaporait le plus infime soupçon de loyauté familiale. Certes, à force d’étudier, certains songeaient bien qu’ils occuperaient dans dix, quinze ou vingt ans le poste envisagé, médiocrement salarié, infâme et laborieux, poste qui n’était assurément pas à la hauteur de leur mérite ; et tous ces littérateurs écervelés rechignaient au travail lorsqu’autour d’eux paradaient les nantis, engraissés à force de spéculation, enrichis par d’inavouables manigances qu’on finissait par juger licites, tant l’opportunisme semblait assurer le succès. Quelques déceptions éditoriales, quelques mauvaises fréquentations, quelques revers de la fortune, et la jeunesse ambitieuse certaine de son talent sombrait dans la corruption la plus fatale ; la presse enrôlait les plus hargneux et les plus habiles à décrier, race courante lorsque l’on s’aperçoit que la haine décuple les facultés.
Mergeac tira une longue bouffée d’un petit cigare noir et malodorant. Il s’était éveillé sur le coup de trois heures, dans le minable réduit qu’il occupait, exténué par l’interminable nuit qu’il avait passée à satisfaire une actrice, une jolie fille, une fille de joie, une fille de rien, peut-être, mais jolie tout de même ; il n’ignorait pas qu’à ses côtés, plongés dans leurs réquisitoires assassins, maintenus en éveil par l’alcool et la véhémence, bon nombre des collaborateurs du journal visitaient régulièrement le lit qu’il avait inondé de sa transpiration. Seule l’utilité liait ces hommes, de sorte qu’au premier mot déplacé, au premier service refusé, à la moindre incartade naissait une hostilité sans bornes, qui ne cessait qu’au prochain raccommodement, où l’on se jurait une amitié éternelle. Habitués à coucher n’importe où, avec n’importe qui, ils se relataient mutuellement leurs aventures, avec toujours la distance qu’établissait la désinvolture conventionnelle, celle-là même qui laissait à penser qu’ils ne s’inquiétaient de rien, qu’ils vivotaient de plaisir en plaisir, sans s’attarder, sans s’attacher, libres, libres de parcourir à leur aise le large chemin de la décadence. Pour s’accorder de l’audace, ils s’illusionnaient, plus ou moins volontairement, en s’assurant qu’ils choisissaient de plein gré l’existence qu’ils menaient ; néanmoins tous renonçaient à quelque roman, à quelque recueil, à quelque idée qui leur était propre et qu’ils tenaient pour géniale, en un mot à leurs ambitions respectives, cela pour se consacrer à l’atroce et lucrative industrie du journalisme. L’un d’eux se lançait parfois dans d’insipides tergiversations, éditées par une relation ; ses collègues, s’il demeurait en bons termes avec eux, acceptaient quelquefois, au nom de l’indéfectible amitié qui les unissait dans ce monde-ci et les unirait toujours probablement dans l’autre, de se répandre dans la critique en dithyrambes invraisemblables, réincarnant habilement les grands auteurs anglais dans le pâle infirme dont il s’agissait de faire l’apologie. Cette splendide générosité se récompensait en remboursant une dette imaginaire, en cédant quelque bien de valeur ou quelque conquête féminine, enfin de quoi sceller religieusement le noble pacte établi entre des hommes d’honneur. Ces marchés honteux se soldaient presque invariablement par des rancunes amères, l’un s’estimant lésé, l’autre mal servi ; le microcosme mutait au gré de ces disputes, lesquelles permettaient d’agrémenter de moqueries, d’embuscades et autres coups bas la petitesse de leurs échecs.
- L’accumulation de tournures emphatiques oblige à relire chaque phrase un nombre incalculable de fois pour en déterminer le sens ; en pure perte, d’ailleurs, puisque l’auteur l’ignore aussi bien que le lecteur. Il est d’un genre néfaste fort répandu, de cette basse catégorie qui songe que pondre impertinemment quelques ésotérismes oiseux équivaut à faire de la littérature. En n’achetant pas cette œuvre, vous économiserez honnêtement, sauf si vous vous trouvez en manque de vieilles paperasses un soir d’hiver, au moment d’allumer un feu.
- Très bon ! Et toi, Marchand ?
Il fit tomber la cendre à terre. La chronique politique, son terrain de prédilection, l’accaparait davantage qu’à l’ordinaire.
- Ce n’est pas encore prêt.
- N’élabore pas trop, mon vieux, ces gens-là ne méritent pas l’énergie que l’on met à les mépriser.
- Rejoignez-nous au théâtre, toi et Mergeac.
- Je reste aussi, lança Nicolas de la Taille à la cantonade.
- Bon, bon.
Dans un raclement de chaises, presque tous sortirent, avec l’ambition de profiter des spectacles d‘abord, puis des actrices par la suite.
- Savais-tu que le vieux Ménonceaux est mort ?
- Oui, mais j’en parlerai demain ; j’ai bien assez de Perier pour remplir mes colonnes.
- Ce rigoriste nous musèlera, soupira le nobliau.
- La voix du peuple s’entendra malgré tout, ricana Mergeac.
La porte s’ouvrit soudain, alors qu’on n’attendait personne ; l’heure était plutôt aux départs qu’aux visites.
- Jacques ? Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je cherche mon Castillan.
- Ce n’est pas ici que tu le trouveras ; comme tu vois, nous sommes tous de bons Français.
Mergeac faisait toujours de l’esprit de bas étage, du genre qui plaisait au vulgaire, parce qu’il le comprenait sans fournir trop d’effort intellectuel.
- Il a disparu depuis quelques jours…
- Ennuyeux pour toi, l’ami : si tu ne remets pas la main sur ton Ibère, ce ne sont pas tes vers qui vont financer tes écarts. Tu composes mal, salement, et tu soutiens que tout te vient d’un seul tenant ; à dire la vérité ton écriture est un flot diarrhéique. Contracte, mon vieux, contracte ! Il s’agit de retenir toute cette chienlit avant qu’elle ne s’écoule.
Le poète choisit d’ignorer l’insultante inculture du roturier et chercha le secours du grand homme.
- Voyons, raisonne calmement, mon vieux : quand l’as-tu vu pour la dernière fois, ton Espagnol ?
- Chez d’Estaing, il y a quelques jours, je ne sais plus, il s’est retiré complètement imbibé, délirant à moitié ; il ne marchait plus seul.
- Pourquoi ne l’as-tu pas accompagné, bougre d’idiot ? Ces gens-là deviennent généreux lorsque la divine amphore leur a rendu la raison.
- Il partait avec une fille, j’aurais été importun.
- Ah, c’est tout différent ; donne-nous donc le nom de la fille. A nous trois, Mergeac, Marchand et moi-même, nous connaissons intimement tout ce que Paris compte de corps féminins dans la fleur de l’âge, n’est-ce pas messieurs ?
- Assez pour un inventaire, mon cher.
- Je ne connais pas son nom, coupa l’autre, désemparé.
- Il se moque de nous…
- Allez, va, laisse-nous travailler, le congédia sèchement Marchand.
- Il n’est pas retourné à son hôtel depuis bientôt une semaine, il n’assiste plus à aucune représentation, je ne l’ai croisé nulle part où il à l’habitude d’aller, et personne ne sait me renseigner sur…
- Laisse, ton bonhomme est en province, il réapparaîtra bientôt, lorsqu’il se sera lassé de la fille ; ceux qui ont l’argent font durer les escapades, mais ces choses-là ne les fixent jamais bien longtemps.
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Message  silene82 Jeu 20 Aoû 2009 - 17:24

Toujours goûteux; un semblant maniéré peut-être.
En réduisant les marges droite-gauche à 1 cm, vous avez 57 pages.
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Message  High_Voltage Ven 28 Aoû 2009 - 13:55

Ah, avec cette magnifique rentrée dans un établissement que tout apparente au goulag, j'entends sonner le glas de mes habitudes d'Italien syndiqué ; finies les journées de feignasse, à se prélasser confortablement chez soi... On me dira que le goulag ça n'est pas si terrible, l'homme est un bipède ingrat qui s'habitue à tout, dixit un Russe qui a vécu ; le malheur, c'est que ce bon prince Vologdine en pâtit. J'espère avoir l'occasion de poursuivre sans que ça traîne trop ; mes excuses aux deux ou trois personnes qui ont paru apprécier ce début.
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Message  Invité Sam 29 Aoû 2009 - 11:25

J'en suis au troisième "chapitre" (je crois) pour l'instant. Je me régale, mais tenais à signaler ces deux incongruités :
"au point qu’un mot plus haut qu’un autre comportât (le subjonctif n'a, à mon avis, rien à faire ici ; je pense qu'il faudrait un conditionnel passé) de bonnes chances de l’achever."
"des lèvres qu’on séchait régulièrement avec un mouchoir en batiste (et non "baptiste")"

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Message  Invité Sam 29 Aoû 2009 - 11:36

J'ai trouvé assez confuses les considérations historiques sur les règnes de Charles X et Louis-Philippe ; par ailleurs, ceci me paraît anachronique :
"pourtant il faut savoir agréer ces dinosaures". Le mot existait-il à l'époque ? L'avait-on attribué aux ossements fossiles auxquels, je crois, une jeune femme cultivée pouvait déjà, éventuellement, s'intéresser ?

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Message  Invité Sam 29 Aoû 2009 - 11:42

Là aussi, je vois comme un défaut : "infesté suite à des invasions microbiennes d’envergure." On est avant Pasteur, non ? Même sous la plume du narrateur omniscient, l'évocation des microbes me gêne...

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Message  Invité Sam 29 Aoû 2009 - 11:47

Bon, ben c'est excellent, hein, je crois. On y est en plein ! Bravo pour la vigueur et la richesse de votre écriture.

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Message  Sahkti Sam 19 Sep 2009 - 10:12

Et bien... beau travail d'écriture !
J'apprécie le soin apporté au texte, cette recherche d'un vocabulaire approprié, cette qualité dansles tournures et dans l'équilibre du rythme... ha oui, il y a là quelque chose de très bien !
Bravo High Voltage, bon boulot dis donc.

Tu garnis ton texte de personnages hauts en couleurs, de faits historiques importants, d'une ampleur dans les descriptions et les dialogues qui donne à l'ensemble une allure théâtrale et romanesque à souhait.
Classicisme et élégance teintent judicieusement ton écriture, qui n'en est que plus agréable à lire.

Pour ce qui est du thème abordé, il n'est certes ni neuf ni original mais rien n'interdit cela. Heureusement d'ailleurs, sinon les auteurs n'auraient plus grand-chose à se mettre sous la dent à part eux-mêmes.
Tu l'abordes avec clarté, ce n'est pas si simple que ça.
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Message  Sahkti Sam 19 Sep 2009 - 10:13

Maintenant, chipotons un peu sur la technique et quelques détails.
Je trouve que tu as tendance à user à l'excès de descriptions, de précisions et d'adjectifs.
Par exemple baignée par des lueurs de repaire, de bouge, de décadence: trois mots pour une même lueur, ça fait beaucoup, d'autant plus que le procédé se retrouve tout au long du texte, au point de le charger par moments. Je ne dis pas que ces mots sont synonymes mais leur accumulation se ressent, même si chacun exprime son idée propre. il y aurait sans doute à revoir cela, pour alléger un peu. La gravité du propos mérite certes un tel traitement mais il faut penser que sur la longueur, la lassitude et l'essoufflement peuvent guetter.

Une pesanteur qui, si ajoutée aux nombreux faits et personnages présents dans le texte, risque de créer la confusion, de perdre le lecteur, qui va devoir slalomer entre toutes ces précisions, toutes ces informations.
Cette denstité mériterait d'être revue, à défaut d'être corrigée, car c'est le genre de texte qui ne peut vivre que sur un long format, pour pouvoir réellement déployer ses talents et richesses. Il convient dès lors de trouver une aération, un rythme qui permette au lecteur de respirer sans devoir trop souvent revenir en arrière vérifier si il n'a pas confondu tel ou tel élément, tel ou tel personnage.
Ce récit ne pourra vivre, et tu sembles l'avoir compris et maîtrisé, qu'en développant un contexte, un monde riche en infos, en actions et en moments de vie. Des caractéristiques qui s'articulent autour d'une structure bien calibrée, devant rester limpide. C'est le cas ici, mais il n'en faudrait pas beaucoup, je pense, de ci de là, pour que l'incompréhension ou a confusions s'installent à travers tous les détails fournis.
garde à cela donc.

Sinon, que dire d'autre... que j'aime cet amour porté à l'Histoire et aux événements qui la font. On sent une réelle passion dans ces lignes, c'est plaisant.
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Message  High_Voltage Sam 19 Sep 2009 - 10:49

Merci de vos commentaires approbateurs, ça me fait très plaisir. J'avoue ne pas trop m'occuper de la pesanteur et de son possible effet négatif sur le lecteur ; la description est pour moi très importante dans ce sens qu'elle amplifie grandement les effets de la narration : à accomplir tel acte dans tel cadre ou dans tel autre, la portée est singulièrement différente. Par ailleurs mon style ne peut pas se passer des adjectifs : "la jeunesse ardente, fougueuse, décérébrée", vous imaginez combien je jubile en écrivant ça. C'est de l'escalade, un accès au délire. Liront ceux qui auront le temps et qui supporteront, je n'ai pas la prétention d'écrire une oeuvre qui plaise universellement sans concept, comme définirait Kant.

Ceci dit, j'entends rendre assez clairement l'atmosphère du XIXe, j'ai lu Charle, Ambrosi, Winock et quelques autres, et j'essaie de rapporter le contexte avec suffisamment de précision pour que le lecteur qui jusque-là s'est intéressé prioritairement à d'autres périodes de l'Histoire puisse suivre les différends entre libéraux, orléanistes, légitimistes, socialistes, républicains radicaux et bonapartistes. La suite, suivant le plan, va m'amener jusqu'aux révolutions de 1848, avec l'apparition de la question sociale, Louis Blanc et l'ouvrier Albert ; quelques personnages historiques vont apparaître aussi. Vologdine représente la fougue romantique de l'ordre ancien, et il devrait chuter peu après le ministère Guizot. Pour les détails de la "petite" histoire, celle qui s'insère dans la grande, je n'en dévoile pas, mais je me retiens ; j'ai extrêmement envie de poursuivre cette écriture que j'ai dû dédaigner deux ou trois semaines. J'ai déjà opéré sur le texte original les modifications nécessaires suite aux remarques sur l'orthographe et les anachronismes.

Encore merci de votre attention soutenue.
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Message  silene82 Sam 19 Sep 2009 - 11:58

High_Voltage a écrit:Merci de vos commentaires approbateurs, ça me fait très plaisir. J'avoue ne pas trop m'occuper de la pesanteur et de son possible effet négatif sur le lecteur ; la description est pour moi très importante dans ce sens qu'elle amplifie grandement les effets de la narration : à accomplir tel acte dans tel cadre ou dans tel autre, la portée est singulièrement différente. Par ailleurs mon style ne peut pas se passer des adjectifs : "la jeunesse ardente, fougueuse, décérébrée", vous imaginez combien je jubile en écrivant ça. C'est de l'escalade, un accès au délire. Liront ceux qui auront le temps et qui supporteront, je n'ai pas la prétention d'écrire une oeuvre qui plaise universellement sans concept, comme définirait Kant.

Ceci dit, j'entends rendre assez clairement l'atmosphère du XIXe, j'ai lu Charle, Ambrosi, Winock et quelques autres, et j'essaie de rapporter le contexte avec suffisamment de précision pour que le lecteur qui jusque-là s'est intéressé prioritairement à d'autres périodes de l'Histoire puisse suivre les différends entre libéraux, orléanistes, légitimistes, socialistes, républicains radicaux et bonapartistes. La suite, suivant le plan, va m'amener jusqu'aux révolutions de 1848, avec l'apparition de la question sociale, Louis Blanc et l'ouvrier Albert ; quelques personnages historiques vont apparaître aussi. Vologdine représente la fougue romantique de l'ordre ancien, et il devrait chuter peu après le ministère Guizot. Pour les détails de la "petite" histoire, celle qui s'insère dans la grande, je n'en dévoile pas, mais je me retiens ; j'ai extrêmement envie de poursuivre cette écriture que j'ai dû dédaigner deux ou trois semaines. J'ai déjà opéré sur le texte original les modifications nécessaires suite aux remarques sur l'orthographe et les anachronismes.

Encore merci de votre attention soutenue.

La qualité étonnante de votre texte la justifie pleinement. J'ai hâte de lire la suite!
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Message  High_Voltage Sam 19 Sep 2009 - 18:48

Au château de Saint-Cloud, d’où Charles X et les Ultras pensèrent les ordonnances éponymes qui soulevèrent une capitale entière, dans l’ancien salon de Vénus remanié en salle du trône par l’empereur déchu, Louis-Philippe, duc d’Orléans, de Chartres et de Valois, roi des Français par la grâce de Dieu et par le plus honteux des contrats sociaux, recevait dans l’intimité le chef de sa police secrète, le très distingué duc de Saint Sulpice, rencontré en exil à Philadelphie. Grand, longitudinal, sobre et sérieux, implacable de l’aveu même de ses ennemis, homme de deux révolutions, homme de l’ombre aussi, impliqué dix ans plus tôt dans la manipulation de l’ouvrier Louvel à son retour de l’île d’Elbe et dans l’assassinat consécutif du duc de Berry, enrichi par les affaires, devenu Pair de France, il servait le régime de Juillet avec toute l’habileté et la diligence de l’allié fidèle. Il parlait peu, écoutait beaucoup, comprenait tout, ne ressentait rien, mais feignait les émotions en parfait acteur.
- Les tractations avancent, dit-il. Nous aurons bientôt Perier.
Le futur gouverneur de la France était un homme sec, cassant, froid d’apparence, mais le regard ardent, étranger à l’hésitation, né pour le commandement et aimant l’exercer. Les colossales concessions du roi pour qu’il rétablît l’ordre le reléguaient au rang de spectateur ; il règnerait, certes, mais il ne gouvernerait plus son royaume. Anticlérical, antiparlementaire, trop libéral du goût des monarchistes, trop conservateur de l’avis des libéraux, isolé, sans soutien, sans substance, le souverain sentait déjà le sol se dérober sous lui. Son jeu ne comportait déjà plus qu’un seul atout.
- Que dit la presse ?
- Elle se gargarise d’insolences, sire. La Caricature se complait à vous ridiculiser.
Le roi parcourait la pièce de long en large, autour du duc immobile.
- Et le Faubourg ? Que dit le Faubourg ?
- Il grince, sire. Le contreseing du dauphin ne leur convient toujours pas. Et le comte de Chambord, sire…
- Ah, qu’il se prélasse en Autriche dans les jupes de ses tantes !
- Ils ne l’entendent pas tous de cette oreille, majesté. Logondy présume que vous souhaitez Perier, et que Perier fera tirer sur le peuple.
Le monarque vacillait entre colère et désarroi.
- Et mademoiselle de Visoncourt ? se contint-il.
- Elle se tait, sire, mais quelque chose se prépare. On a veillé à dresser la liste de toutes ses visites données ou reçues, et l’on peut y lire deux faits troublants.
- Parlez !
- Le 27 février, elle rencontre à son domicile un certain prince Vologdine, agitateur notoire qui nous vient de Pétersbourg. Et le 4 mars, hier donc, dans la soirée, elle se rend dans un quartier populaire où une élégante n’a rien à faire ; elle monte discrètement dans une pension répugnante en compagnie d’un jeune homme dont on sait qu’il lui est apparenté. Elle en redescend en toute précipitation, suivie du même jeune homme. Deux personnages ont quitté l’hôtel peu après ; mes agents ont suivi l’un et l’autre.
- Hier vous m’étiez nécessaire, aujourd’hui vous m’êtes indispensable. De qui s’agissait-il ?
- Le premier s’est embarqué dans un fiacre pour l’hôtel de Veracruz. Des malles ont été apprêtées sans tarder : le comte retourne en Espagne. L’autre est une catin, entretenue par le baron von Warmër, l’industriel Frévent, le financier d’Estaing et quelques autres. Je l’ai faite arrêter. S’il y a là quelque complot des Bourbons, je le découvrirai et je le ruinerai.
- Bien. Faites diligence ; la couronne ne survivra pas aux sanglantes impertinences de Perier s’il faut y ajouter des cabbales.
- Oui, sire.
Octavien de Saint Sulpice s’inclina profondément et sortit à grands pas. Il croisa dans le couloir le duc de Chalandes.
- Comment est-il ?
- Au plus mal. Perier s’avance, la contestation grogne sur sa gauche, la réaction manigance sur sa droite, Paris s’embrase et l’étranger s’en mêle.
- L’Autriche, une fois de plus ?
- La Russie, monsieur. Peut-être avez-vous ouï parler de quelque sulfureux prince Vologdine fraîchement débarqué ?
- Ah, par Dieu, oui ! Il a abattu Saurie d’une balle dans l’épaule, il y a de cela une semaine. J’y étais.
- Vous ?
- Moi.
- Qu’y faisiez-vous ?
- Les Saurie comptent parmi les fidèles au trône ; cette race s’éteint avant même d’avoir existé. Lui et le prince se haïssent depuis quelque épisode fâcheux lors d’une réception chez un banquier… son nom m’échappe.
- Un Allemand ?
- Non, attendez voir…
- D’Estaing ?
- Cela même !
Le chef de la police secrète du royaume se ménagea quelques secondes de réflexion. Puis :
- Oserais-je vous demander un service ?
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Message  silene82 Sam 19 Sep 2009 - 18:54

Vous repartez en fanfare! C'est excellent, dense, et palpitant! Et je suis ébahi de la qualité de votre documentation. Seriez vous chartiste? En tous cas bravo, et merci de nous continuer votre histoire, dont il me tardait que vous la reprissiez.
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Message  High_Voltage Sam 19 Sep 2009 - 20:02

Les auteurs que j'ai cités sont solides, la collection Quadriges Manuels est particulièrement bien faite, elle me dispense d'être chartiste à dix-huit ans. J'exulte à l'idée de mon final, une apothéose romantique, tant pis si je ne fais que du sous-produit balzacien. L'encouragement que vous me prodiguez me conduit à vous exprimer toute ma reconnaissance et à regretter d'écrire infiniment plus lentement que vous ne savez me lire.
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Message  silene82 Sam 19 Sep 2009 - 20:14

High_Voltage a écrit:Les auteurs que j'ai cités sont solides, la collection Quadriges Manuels est particulièrement bien faite, elle me dispense d'être chartiste à dix-huit ans. J'exulte à l'idée de mon final, une apothéose romantique, tant pis si je ne fais que du sous-produit balzacien. L'encouragement que vous me prodiguez me conduit à vous exprimer toute ma reconnaissance et à regretter d'écrire infiniment plus lentement que vous ne savez me lire.

Je ne me serais jamais permis d'écrire que vous faites du sous-produit balzacien, parce que ce n'est aucunement le cas. Vous avez amalgamé avec beaucoup de bonheur un style d'écriture qui sonne 19ème, ce qui est déjà remarquable en soi, puisque, sauf erreur, vous n'écrivez pas d'outre-tombe.
Je trouve tout à fait remarquable ce que vous écrivez, car vous ne vous bornez pas à réagencer des éléments pillés de façon disparate, mais vous vous les êtes appropriés en les faisant vivre.
Il y a quelques jeunes auteurs talentueux sur VE -fort heureusement pour l'avenir littéraire de notre langue-. Mais d'une telle érudition et virtuosité, vous êtes unique. Il est vrai que je suis particulièrement sensible à ce que vous évoquez.
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