MST2: J.Loup et sa basse cour

Contraintes:
1- genre: polar
2- thème général: le milieu des trafiquants de volaille
3- nombre de personnages principaux: 2
4- Ton privilégié: loufoque
5- Emploi du il/elle
6- 2 352 signes

Texte de Killgrieg

« Ça ne peut pas tomber mieux » se dit Jonathan tandis qu’il essaye de se relever.
Il appuie sa main sur le sol et pousse un hurlement. Il a pourtant pris tous ses Lexomil. Il n’ose même pas imaginer la douleur qu’il aurait ressentie sans ses petites pilules. Il ne bouge plus, observe le téléphone, éclaté sur le sol, lève la tête, doucement. Deux étages. Belle chute. Dommage qu’il n’ait pas eu le temps de la voir. Il se rallonge. Tout tourne.
Les cachets.

Sa mère est morte l’année dernière. Pourtant, il la voit, là, penchée sur lui, ça lui fait chaud au cœur. Il voudrait lui dire un mot, mais il ne croit pas aux fantômes et encore moins aux mots.
Alors il se tait. Il attend. Il ne sait pas bien quoi, mais il attend.

Deux minutes plus tôt, il était assis sur le rebord de la fenêtre et passait un coup de fil à son bureau pour dire qu’il ne pourrait pas venir aujourd’hui, vu qu’il avait eu un accident. Il répondait à la question de son patron: « pas trop grave ? », quand la balustrade lâcha. La communication fût interrompue brusquement, faute de fil assez long.

Dix minutes plus tôt, il tapotait le dos de sa main avec une petite cuillère - il avait fait ça deux trois fois à l’armée pour éviter les corvées – et admirait la bosse bleue, impressionnante qui transformait doucement sa main en moignon à doigts ; suffisamment impressionnant pour convaincre un médecin de lui donner un arrêt de travail.

Vingt minutes plus tôt, il promettait à Stéphanie de l’aider à déplacer ses poulets avant que les flics ne se pointent. Un de ses potes du commissariat l’avait prévenue de leur arrivée imminente.

Deux mois plus tôt, Stéphanie avait décidé d’enlever les poussins élevés en batterie. Parce que « c’est quand même dégueulasse », « c’est pas une vie pour eux ». Elle avait réussi, avec ses arguments, à convaincre tout le monde d’héberger les volailles dans la cour intérieure de l’immeuble. Stéphanie savait convaincre.
Jonathan avait d’ailleurs été convaincu dès leur première rencontre.

Là, un des satanés poulets picore ses cheveux en corolle sur le sol. Jonathan sait que le vacarme constant est venu à bout des nerfs d’un insomniaque, qu’au bout du compte, le mec n’a pas trouvé d’autres solution que de prévenir la flicaille. Il le sait parce que c’est lui qui a passé le coup de fil.

Faut pas gonfler Jonathan Loup quand il discute avec Morphée.


Ce que Jonathan Loup ignore, c'est que quinze minutes plus tôt, deux petits malfrats de la rue de Verneuil ont braqué un distributeur de billets avec un camion-poubelle. Une tonne de détritus sur la voie publique. Les flics ont autre chose à faire que s'occuper de Jonathan et sa volaille.

Quelqu'un crie par la fenêtre. C'est la mégère du troisième qui demande à Jonathan d'arrêter d'exciter les poulets (ceux à plumes), parce que ça fait trop de bruit et qu'elle n'arrive pas à regarder Foucault à la télé. Jonathan, vexé, lui demande si elle a envie de waterzooïe pour dîner. Et pense très fort qu'il y aura aussi de la pintade au menu.

C'est ce moment que choisit Stéphanie pour débarquer avec un type aux cheveux verts. Elle le présente à Jonathan comme le président de l'association "Des conditions de vie décentes pour les poulets du Limousin", avant de le réprimander pour tout le tapage qu'il fait dans la cour et que si il continue comme ça, les poulets (les vrais) vont finir par se pointer.
Dire que quelques minutes plus tôt, il a failli se rompre le cou à cause d'elle.

Jonathan regarde le type d'un air mauvais. A forcer de fumer trop d'herbe, ses cheveux en ont pris la couleur. C'est pas ça qui va donner belle gueule aux poulets. Du Limousin ou du Ventoux. Pendant ce temps, Stéphanie rassure la volaille en chantant "Une poule sur un mur qui picore du pain dur...".

Jonathan Loup se lève. La mascarade a assez duré. Stéphanie, il a bien voulu l'aider avec ses poulets parce qu'il s'est dit qu'après coup, en bon coq, il pouvait lever la poule. Là, c'en est trop. Le menton fier et la main pleine de fiente, il se redresse et regagne la porte de l'immeuble. Une idée lui est venue à l'esprit. Téléphoner à Bardot pui lui signaler qu'il a été pris en otage par des éleveurs clandestins de poulets aux hormones. Sauf que le numéro de Bardot, il ne l'a pas. Les renseignements nationaux peut-être...

Jonathan est rentré chez lui. Il regarde par la fenêtre. C'est alors qu'il voit ce qu'il pensait impensable. L'incroyable Hulk et Stéphanie, oui, sa Stéphanie, en train d'étrangler trois poulets et les glisser vite fait dans un sac en toile.
Un kidnapping de gallinacées? N'importe quoi! Sans doute un convoi vers le Limousin pour la réinsertion de l'espèce en milieu naturel. Oui mais pourquoi les avoir étranglés si c'est pour les réinsérer?

Stéphanie lève les yeux vers sa fenêtre. Jonathan se cache. Il la contemple à travers les rideaux. Défenseur des poulets du Limousin? Mon cul, c'est du poulet!

Je trouve cet épisode particulièrement réussi dans la continuité de Kill. C'était pas facile et le ton me semble très juste. et puis j'adore cette histoire de poulets zigouillés en douce par la non moins douce Sabine ;-)

J'aime bien le début, le braquage, le personnage supplémentaire (sauf que ce n'est pas Hulk, mais bel et bien le géant vert, spécialiste du maïs pour poules), la tentative d'intégrer la dimension policière (l'énigme) avec la tuerie.
De bonnes idées à exploiter.
le ton est le même, le style aussi, mais la structure (même si tu continues en paragraphes courts) et le rythme sont complètement différents de la première partie.
Est-ce un bien? je ne me prononce pas.
La métavanne filée sur les poulets est, un peu trop, à mon goût… comment dire ? appuyée.
Certains détails me gênent aussi, par exemple:
- l’accident, a du se passer le matin, puisqu’il téléphonait au bureau pour se faire porter pâle… et tout à coup : foucault (qui, comme chacun sait, n’officie que le soir) et le dîner;
- le fait que Stéphanie qui lui avait demandé de l'aide pour se débarrasser des poulets, ne soit pas plus pressée, inquiète que ça...

ces détails mériteraient d'être modifiés (que ce soit en changeant le premier texte ou la suite) pour que l'ensemble soit plus cohérent.

J'aime: la transition "Ce que Jonathan Loup ignore, c'est que quinze minutes plus tôt", bien trouvée car difficile d'enchainer sur la construction du premier épisode. Là, ça fonctionne bien. La manière dont tu joues sur la polysémie des mots (poulet, poule) m'a fait sourire même si c'était un peu couru d'avance.
Je trouve également que sur la continuité du ton, tu t'en sors plutôt bien mais là où ça pêche un peu, c'est sur la construction et la fluidité du texte. Cette phrase par exemple "Jonathan est rentré chez lui" crée vraiment une rupture qui me gène. D'un coup, changement de lieu, de décor, retour sans transition dans l'appartement après une chute de deux étages... Il manque quelque chose, du lien.
Et puis tout est très rapide, l'épisode avance, introduit de nouveaux personnages (ce type aux cheveux verts notamment), fait apparaitre les "anciens" (Stéphanie) sous un jour nouveau et l'intrigue se pose très vite. On perd l'atmosphère qui flottait dans la première partie du texte; le personnage principal perd du "charisme" au passage.

J'aurais envie de dire "le suivant se débrouillera". Parce que de tels remarques et détails, il risque d'y en avoir plein, à chaque tour. De quoi me faire un peu moins aimer l'idée de cet exo où on corrige des détails pratiques plutôt qu'enfin s'atteler à la rédaction d'une vraie longue histoire. Par à coups, comme ça, ça va pas vraiment marcher....

Sahkti a écrit:J'aurais envie de dire "le suivant se débrouillera". Parce que de tels remarques et détails, il risque d'y en avoir plein, à chaque tour. De quoi me faire un peu moins aimer l'idée de cet exo où on corrige des détails pratiques plutôt qu'enfin s'atteler à la rédaction d'une vraie longue histoire. Par à coups, comme ça, ça va pas vraiment marcher....

Bonjour Sahkti.
Je maintiens que cela peut fonctionner dans la mesure où l'auteur du premier épisode remanie l'ensemble au fur et à mesure de l'avancement et soit ainsi garant de la bonne cohérence et du style du récit.
Cela demande évidemment que chaque "poseur d'épisode" aie la modestie d'accepter que l'on chamboule totalité ou partie de son texte.
Mais comme chacun est amené à être tour à tour,"maître-gérant"" d'un MST et "poursuiveur d'épisodes" pour les autres, cela ne devrait pas poser de problèmes majeurs de susceptibilité.

Je pense que remanier l'ensemble à partir de 3 ou 4 épisode serait une bonne idée.

Je trouve que la suite est plutôt réussie.
Même remarque que Kill pour la métavanne du poulet un peu trop appuyée, en fait la situation est déjà amusante...
Je pense que bien sûr on peut continuer et peut-être corriger les incohérences éventuelles après coup (enfin comme propose Kilis).