Etreintes et contraintes

Etreintes et contraintes
(Le vît, mode d'emploi.)



C’est en fixant le crochet au plafond que j’ai pensé que les fantasmes érotiques qui passent par les boutiques de matériel de bricolage ne présagent jamais rien de bon. Je m’étais pris du plâtre sur le nez, j’avais les doigts plein d’enduit, mais il fallait bien que ça tienne d’ici le soir.

Tout ça avait commencé ce jour où ma tendre petite femme était revenue d’un atelier de l’oulipo avec la conviction axiomatique qu’il n’y a pas de plaisir sans contrainte.

- Mais choupette, on va pas tourner au SM quand même ?

Elle avait mis son doigt sur mes lèvres, et était partie dans de longues explications compliquées, ésotériques, que je n’arrivais pas à suivre, comme souvent quand elle me parle assise nue sur mes genoux avec ma main sur son sein. Mais quand elle avait évoqué le bi-carré latin*, là, je m’étais préparé à lui avouer mon peu d’enthousiasme pour une expérience d’échangisme avec un couple transalpin. Puis j’avais fini par comprendre : chaque matin, nous allions calculer par des méthodes savantes le fantasme que nous réaliserions le soir même.

Ce matin-là, je les avais refait trois fois ces calculs, mais invariablement, c’était tombé sur Tarzan. C’est dans ces moments là que les grands mystères de l’humanité vous arrivent dessus : Pourquoi, bon dieu, Tarzan porte t-il un slip en peau de léopard ! Est-ce qu’ils en portent les chimpanzés ? Non, le chimpanzé n’a pas de culotte, le chimpanzé a le cul rouge, et ça, à Hollywood, ça passait pas; un relent de maccarthysme mal placé en somme...

Déjà la dernière fois, pour le fantasme bavarois, autant je n’étais pas resté insensible à ses tresses blondes, son corset à lacets, et même j’avais trouvé d’intéressants usages à la plume de mon chapeau, autant pour le bain nu dans la choucroute, j’avais refusé catégoriquement. Sans doute un rapport avec la saucisse m’avait suggéré mon psychanalyste, me donnant l’impression qu’il trouvait mon cas de plus en plus intéressant.

La liane enfin fixée au crochet du plafond, j’avais sorti Basile, le gros ours en peluche, rebaptisé à la hâte « Cheeta » après lui avoir disposé entre les mains deux ou trois bananes. Et pour le boa – parce qu’il faut bien mettre l’amour en danger -, j’avais pris une chaussette de ski, remplie de ses petites culottes, formant ainsi un serpent turgescent rouge à rayures bleues; on fait ce qu’on peut.

Mais il restait le fondamental : car Tarzan, c’est un cri. Un cri en slip léopard. Et ça pour le coup, j’ai crié, surtout quand le crochet – fallait s’y attendre – a cédé sous le poids. Par chance, on s’est retrouvés tous les deux étendus sur le lit, moi le nez dans la jungle de ses cheveux. On a fait ça comme des bêtes ! Je crois que c’est ce jour-là où j’ai définitivement renoncé à être un superman.