Exo Subjectif : Ma petite mort
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bertrand-môgendre
Rebecca
polgara
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Exo Subjectif : Ma petite mort
Je la sens monter, la glaçante chaleur. Entre une douce brise décoiffante et un ouragan paisible. Elle va et vient, mue par ma seule pensée.
C’est étrange comme l’envie crée un besoin qui lui-même engendre les conditions ad hoc à un délicieux envol. Enfin, tout ceci de manière très théorique, bien que certains signes me fassent penser que je ne sois pas si loin de passer au stade explosif comme disent les jeunes. On pourrait se demander ce que vaut une première fois, à mon âge. Comme la première gorgée de bière, peut être : si l’on s’en souvient toujours, cela n’est que la première et l’envie s’installe de déguster la seconde pinte. Alors oui, d’un point de vue parfaitement intellectuelle, la seconde n’aura jamais la même saveur que la première, mais la suivante n’est elle pas plus désaltérante que le souvenir de la précédente, aussi symbolique soit elle ?
Mais je réfléchis trop à un futur improbable alors que je n’ai toujours pas atteint ma première fois, et mes pensées lentement effacent cette sensation qui veut retourner à l’état de souvenir. Chut. Ne plus penser à rien d’autre que soi. Non ne surtout pas penser à soi. Penser à toi. Non plus, trop douloureux. Replonger dans la douceur exquise d’un rêve que l’on maitrise avec d’autant plus de délectation que l’on sait être en plein songe. Ne pas bouger. Se laisser porter pour plus tard être transportée. Concentre-toi, c’est la clé. Mais oublie toi, c’est la serrure, tu me disais souvent en espérant que je m’abandonne! Tu serais fier de moi aujourd’hui, je suis certaine de tes mots : ma blanche corneille, tu veux enfin t’envoler : tu te moquerais sans doute également de mes efforts maladroits. Mais tu m’encouragerais. Tu m’encourages d’ailleurs, je le sais. Que de complexités à intégrer en si peu de temps pour ce fugace instant… Ne t’autorise qu’une respiration concentrée mais anarchique.
Je reste immobile pour goûter chaque instant de cette éruption à venir, ne sentant que quelques volutes s’échapper de mon volcan intérieur. Je ne m’autorise aucun mouvement, aussi minime soit-il, de peur de gâcher ce moment sublime, entrouvrant légèrement mes lèvres asséchées, craquelées de cette attente douloureuse. Quelques muscles se tendent imperceptiblement. 38 ans de veuvage mon Lucien et je n’ai laissé aucun homme poser la main sur ton sanctuaire. Ni moi d’ailleurs. Mais alors que semble frémir la douce chaleur de ta réminiscence, je me refuse à l’abandon, ne voulant pas t’oublier au moment où j’ai plus besoin (envie ?) de toi. Et je ferme les yeux. Un léger ressac de plaisir me caresse.
Voilà, c’est fini. Comme tu as vécu, tout en retenue et délicatesse. Je t’ai offert ces quelques secondes de pure volupté, elles n’étaient que pour toi et égoïstement je suis la seule à avoir pu y gouter. A la mémoire de tes efforts vains mais courageux, mon Amour ! Je n’ai jamais oublié ces moments de tendresse que nous échangions. Je me suis donnée à toi entièrement, sans toutefois n’avoir jamais réussi à m’abandonner de ton vivant. Troublante jouissance que celle arrivant grâce aux souvenirs et au manque… De tes bras, de tes mots, de tes soupirs, de ton sourire.38 ans sans toi et mon désir est toujours aussi fort, mon Amour. Je suis encore capable de m’offrir à toi. Puissant pouvoir que la pensée amoureuse !
Que cette petite mort me rassure ! Elle me permet de m’offrir à la Grande sans crainte. Mon cœur s’use de l’impatience de te revoir et se meurt de l’instant de nos retrouvailles. Je n’ai plus peur. Je ferme les yeux. Et aspire à ne plus les rouvrir. J’arrive.
C’est étrange comme l’envie crée un besoin qui lui-même engendre les conditions ad hoc à un délicieux envol. Enfin, tout ceci de manière très théorique, bien que certains signes me fassent penser que je ne sois pas si loin de passer au stade explosif comme disent les jeunes. On pourrait se demander ce que vaut une première fois, à mon âge. Comme la première gorgée de bière, peut être : si l’on s’en souvient toujours, cela n’est que la première et l’envie s’installe de déguster la seconde pinte. Alors oui, d’un point de vue parfaitement intellectuelle, la seconde n’aura jamais la même saveur que la première, mais la suivante n’est elle pas plus désaltérante que le souvenir de la précédente, aussi symbolique soit elle ?
Mais je réfléchis trop à un futur improbable alors que je n’ai toujours pas atteint ma première fois, et mes pensées lentement effacent cette sensation qui veut retourner à l’état de souvenir. Chut. Ne plus penser à rien d’autre que soi. Non ne surtout pas penser à soi. Penser à toi. Non plus, trop douloureux. Replonger dans la douceur exquise d’un rêve que l’on maitrise avec d’autant plus de délectation que l’on sait être en plein songe. Ne pas bouger. Se laisser porter pour plus tard être transportée. Concentre-toi, c’est la clé. Mais oublie toi, c’est la serrure, tu me disais souvent en espérant que je m’abandonne! Tu serais fier de moi aujourd’hui, je suis certaine de tes mots : ma blanche corneille, tu veux enfin t’envoler : tu te moquerais sans doute également de mes efforts maladroits. Mais tu m’encouragerais. Tu m’encourages d’ailleurs, je le sais. Que de complexités à intégrer en si peu de temps pour ce fugace instant… Ne t’autorise qu’une respiration concentrée mais anarchique.
Je reste immobile pour goûter chaque instant de cette éruption à venir, ne sentant que quelques volutes s’échapper de mon volcan intérieur. Je ne m’autorise aucun mouvement, aussi minime soit-il, de peur de gâcher ce moment sublime, entrouvrant légèrement mes lèvres asséchées, craquelées de cette attente douloureuse. Quelques muscles se tendent imperceptiblement. 38 ans de veuvage mon Lucien et je n’ai laissé aucun homme poser la main sur ton sanctuaire. Ni moi d’ailleurs. Mais alors que semble frémir la douce chaleur de ta réminiscence, je me refuse à l’abandon, ne voulant pas t’oublier au moment où j’ai plus besoin (envie ?) de toi. Et je ferme les yeux. Un léger ressac de plaisir me caresse.
Voilà, c’est fini. Comme tu as vécu, tout en retenue et délicatesse. Je t’ai offert ces quelques secondes de pure volupté, elles n’étaient que pour toi et égoïstement je suis la seule à avoir pu y gouter. A la mémoire de tes efforts vains mais courageux, mon Amour ! Je n’ai jamais oublié ces moments de tendresse que nous échangions. Je me suis donnée à toi entièrement, sans toutefois n’avoir jamais réussi à m’abandonner de ton vivant. Troublante jouissance que celle arrivant grâce aux souvenirs et au manque… De tes bras, de tes mots, de tes soupirs, de ton sourire.38 ans sans toi et mon désir est toujours aussi fort, mon Amour. Je suis encore capable de m’offrir à toi. Puissant pouvoir que la pensée amoureuse !
Que cette petite mort me rassure ! Elle me permet de m’offrir à la Grande sans crainte. Mon cœur s’use de l’impatience de te revoir et se meurt de l’instant de nos retrouvailles. Je n’ai plus peur. Je ferme les yeux. Et aspire à ne plus les rouvrir. J’arrive.
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 48
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
Beaucoup aimé ce texte qui dit l'amour de l'absent comme une réalité tangible sensible puisqu'incarnée , la possibilité de retrouvailles, de nouvelles épousailles dans un repli secret de l'espace temps, où le présent subjectif est un présent objectif, le cadeau de quelques dernières voluptés charnelles, dans l'objectif d'un futur anticipé, quand tout s'emmêlera, le temps de l'amour, de l'amor, de la mort.
Beau texte Polgara.
Bémol : la fin est trop redondante car trop explicative et ça casse un peu la magie, l'impression de temps suspendu.
Perso, je retirerai tout ceci pour rendre à ce texte la densité que j'en attends :
"Je t’ai offert ces quelques secondes de pure volupté, elles n’étaient que pour toi et égoïstement je suis la seule à avoir pu y gouter. A la mémoire de tes efforts vains mais courageux, mon Amour ! Je n’ai jamais oublié ces moments de tendresse que nous échangions. Je me suis donnée à toi entièrement, sans toutefois n’avoir jamais réussi à m’abandonner de ton vivant. Troublante jouissance que celle arrivant grâce aux souvenirs et au manque… De tes bras, de tes mots, de tes soupirs, de ton sourire.38 ans sans toi et mon désir est toujours aussi fort, mon Amour. Je suis encore capable de m’offrir à toi. Puissant pouvoir que la pensée amoureuse !
Que cette petite mort me rassure ! Elle me permet de m’offrir à la Grande sans crainte. "
Beau texte Polgara.
Bémol : la fin est trop redondante car trop explicative et ça casse un peu la magie, l'impression de temps suspendu.
Perso, je retirerai tout ceci pour rendre à ce texte la densité que j'en attends :
"Je t’ai offert ces quelques secondes de pure volupté, elles n’étaient que pour toi et égoïstement je suis la seule à avoir pu y gouter. A la mémoire de tes efforts vains mais courageux, mon Amour ! Je n’ai jamais oublié ces moments de tendresse que nous échangions. Je me suis donnée à toi entièrement, sans toutefois n’avoir jamais réussi à m’abandonner de ton vivant. Troublante jouissance que celle arrivant grâce aux souvenirs et au manque… De tes bras, de tes mots, de tes soupirs, de ton sourire.38 ans sans toi et mon désir est toujours aussi fort, mon Amour. Je suis encore capable de m’offrir à toi. Puissant pouvoir que la pensée amoureuse !
Que cette petite mort me rassure ! Elle me permet de m’offrir à la Grande sans crainte. "
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
Je reste immobile... peut être le début d'un texte fort beau.
Il contient l'essentiel : le corps, l'âme, le mouvement, le goût, le toucher et le bon air qu'il diffuse.
La première partie ne m'a pas accroché.
Il contient l'essentiel : le corps, l'âme, le mouvement, le goût, le toucher et le bon air qu'il diffuse.
La première partie ne m'a pas accroché.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
absolument d'accord avec bertrand, le début est trop explicatif, il faudrait virer (si je puis me permettre) les "je réfléchis", "c'est étrange", tous ces commentaires qui empêchent de rentrer dans la matière du texte.
Après, à partir de je reste immobile, ça marche tout seul et on y est avec elle
Après, à partir de je reste immobile, ça marche tout seul et on y est avec elle
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
L'absence qui tourne en boucle, exprimée avec des mots forts et chosis avec soin. Assez d'accord pour dire que le texte décolle vraiment à partir de "Je reste immobile". Jusque là, chrysalide, et puis soudain papillon aux ailes déployées. Mais il y a quand même trop de verbes qui évoquent le mouvement pour qu'on puisse dire que les consignes ont été respectées. Par contre, j'ai souri à la réflexion sur la première gorgée de bière...surtout bonne car elle appelle la suivante. Je ne peux résister au plaisir de citer ceci :
"A qui se flatte de boire sans scrupule, au flacon de la pollution planétaire, la gorgée de bière à laquelle il prétend borner le charme de son existence, je ne reproche ni son étroitesse de vue ni sa complaisance à l'endroit d'un ordre des choses peu généreux. Je comprends mal qu'il se satisfasse de si peu et n'exige pas davantage d'un monde qui ne lui accorde que l'ombre des bonnes et belles choses.
Se nourrir et boire, c'est ensemencer et irriguer inséparablement le corps et la terre."
(Raoul Vaneigem, Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort)
"A qui se flatte de boire sans scrupule, au flacon de la pollution planétaire, la gorgée de bière à laquelle il prétend borner le charme de son existence, je ne reproche ni son étroitesse de vue ni sa complaisance à l'endroit d'un ordre des choses peu généreux. Je comprends mal qu'il se satisfasse de si peu et n'exige pas davantage d'un monde qui ne lui accorde que l'ombre des bonnes et belles choses.
Se nourrir et boire, c'est ensemencer et irriguer inséparablement le corps et la terre."
(Raoul Vaneigem, Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort)
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 69
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
Beaucoup aimé la fin du texte. Avant, j’ai peiné à entrer dedans et ne comprenais pas de quoi ça parlait. Ensuite, tout s’éclaire et c’est un texte émouvant et tendre à la fois.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
Je crains de répéter les commentaires précédents pour le début.
Très intéressant ensuite cette absence qui prend chair.
Très intéressant ensuite cette absence qui prend chair.
Invité- Invité
Re: Exo Subjectif : Ma petite mort
pour ce texte aussi, j'ai hésité.
Pas sûr d'avoir compris, ou plutôt, peur d'avoir mal interprété.
ou même, trop d'idée en un texte
ou pas assez de neurones en ma tête
alors je reste de côté, j'ai gouté la façon et voudrais te lire ailleurs
Pas sûr d'avoir compris, ou plutôt, peur d'avoir mal interprété.
ou même, trop d'idée en un texte
ou pas assez de neurones en ma tête
alors je reste de côté, j'ai gouté la façon et voudrais te lire ailleurs
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
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