Prière sans mysticisme

[Raoulraoul]

PRIERE SANS MYSTICISME

A quoi servent nos morts nous disent les rêves,
le souvenir que nous avons de nos morts,
on se souvient de nos morts,
les morts entendent le clapotis de nos souvenirs,
le choc mou de nos souvenirs entre eux,
je me souviens de toi exulte mon rêve,
la religion commémore les morts de son église,
l’état célèbre les morts de son état,
les familles pleurent les leurs disparus, nos disparus,
il est utile de ne jamais oublier les morts,
pour le bénéfice des morts,
pour le bonheur des morts,
pour la mémoire des morts,
pour le plaisir des vivants qui aiment bien penser à ses morts disent les rêves,
si je pense à vous ce n’est pas pour vous,
je pense à vous pour penser à moi ose raconter le rêve,
on se rappelle,
on se souvient des moments de vie passés avec eux expose le rêve,
on se souvient de l’instant passé qui devient souvenir,
souvenir de nous aujourd’hui passé avec le mort,
je me souviens de vous racontent les rêves,
du moment précis qui révèle un ersatz de moi explique le rêve,
on se souvient de vous les morts parce que vous nous parlez,
ces moments de vie jadis qui deviennent leçon avec le temps,
éclaircissement sur nous-mêmes comme le dépliement d’un rêve,
qu’est-ce que vous croyez les morts on pense à vous parce qu’on brûle de vivre, remerciez-nous les morts,
je me souviens très bien de lui à cet instant parce que son intelligence à cet instant humiliait fort ma bêtise démontre le rêve,
ou aussi je me souviens d’elle parce que son ardeur dénonçait mon immobilisme, comme les convictions démasquent l’indifférence,
comme l’homme d’éloquence tétanise le taiseux,
comme la tendresse questionne la sauvagerie,
comme le féminin convoque son masculin,
comme la fleur nargue le caillou,
comme le cercle capture le carré,
comme la clarté signale la noirceur,
comme la maladie sublime la santé,
comme les morts ressemblent aux vivants ou autrement comme les vivants ont besoin des morts,
comme l’unité de l’être afflige le morcellement de l’être,
comme la mort du père détruit la vie d’un enfant,
comme alors le maître fait défaut à l’élève,
comme la tige est indispensable à la feuille,
comme le rêve illumine nos vies,
comme les morts savent instruire les vivants quand les vivants dans leurs rêves écoutent la plainte des morts,
comme dans les rêves des liens se nouent entre d’étranges choses qu’on essaie de démêler le matin venu,
comme les souvenirs de nos disparus,
comme la signification qu’on leurs prête,
comme une raison qui doit apparaître,
comme des habits raisonnables qu’on devrait endosser pour faire meilleure figure au bord des gouffres,
pour que les morts reviennent eux jamais partis,
pour que les morts allongent le temps des vivants,
que leurs souvenirs dressent des ouvrages de pierre au coeur des villages,
que leurs souvenirs jalonnent le territoire,
que leurs souvenirs mourant n’en finisse pas de mourir,
que la nation s’enrichisse de ses morts patrimoniaux,
que les disparus apparaissent dans leurs reliques aseptisées,
que les livres s’écrivent pour analyser nos morts,
que les rêves remuent onctueusement leur dépouille,
que pères, mères, enfants, soldats, bandits, despotes, savants, artistes, ouvriers exploités, exploiteurs, philosophes, personnages inintéressants que leur mort rend intéressants, que leur cruauté soit oubliée,
que leur bonté soit amplifiée par la mort,
que leur imbécillité soit ignorée,
que leur ignorance devienne connaissance pour une mort plus vivante,
que l’on ne cesse de penser lascivement à nos morts nous disent les rêves,
nous penserons éternellement à vous les morts,
même au-delà de votre mort,
m’entendez-vous les morts, ma parole vivante et friable de mortel,
il n’y a que les morts pour entendre mieux les vivants comme dans un rêve,
ils comprennent ce qui nous reste à vivre,
parce que les vivants qui se souviennent des autres vivants, ça ne sert à rien,
les vivants de leur vivant n’écoutent pas les vivants,
ils vivent trop occupés à entendre la cacophonie de leur vie,
comme aucun rêve cette fois ne pourra la restituer.

[Albert-Robert]

De bonnes choses, sans doute, mais que c'est "tarabiscoté" ! Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?